La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2009 | FRANCE | N°07/20128

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 13 novembre 2009, 07/20128


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRET DU 13 NOVEMBRE 2009



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20128



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/09811



APPELANTS



-Monsieur [S] [M]

[Adresse 12]

[Adresse 6]

[Localité 7]



-Sociét

é MEDICAL INSURANCE COMPANY LTD agissant poursuites et diligences de son représentant légal en France la SAS Francois BRANCHET [Adresse 5]

IFSC House

CUSTOM HOUSE QUAY

DUBLIN - IRLANDE



représentés par ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRET DU 13 NOVEMBRE 2009

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/20128

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/09811

APPELANTS

-Monsieur [S] [M]

[Adresse 12]

[Adresse 6]

[Localité 7]

-Société MEDICAL INSURANCE COMPANY LTD agissant poursuites et diligences de son représentant légal en France la SAS Francois BRANCHET [Adresse 5]

IFSC House

CUSTOM HOUSE QUAY

DUBLIN - IRLANDE

représentés par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistés de Me Anaelle VOITELLIER, avocat au barreau de PARIS, substituant Me PUYLAGARDE, toque P 117

INTIMEES

Société AIG EUROPE

[Adresse 15]

[Localité 9]

représentée par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour

assistée de Me Carole SPORTES, du cabinet BOPS, avocat au barreau de PARIS, toque P555

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ST DENIS

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour

assistée de Me Maher NEMER, du cabinet BOSSU et associés, avocat au barreau de PARIS, toque R295

Madame [F] [K]

APPELANTE INCIDENTE ET COMME TELLE INTIMEE

[Adresse 8]

[Localité 11]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me Gwendoline ZUCCHI, plaidant pour lae cabinet Nicolay FAKIROFF, toque C1234

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Domitille DUVAL-ARNOULD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Gilles DUPONT

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jacques BICHARD, président et par Gilles DUPONT, greffier.

*****

Vu l'action en responsabilité intentée par Madame [K], à la suite d'une liposuccion et d'une plastie abdominale, à l'encontre du docteur [M], chirurgien plastique qui a sollicité la garantie de la société AIG Europe ayant elle-même appelé en garantie la société Medical Insurance Company Ltd (MIC) ;

Vu l'ordonnance rendue le 6 février 2004 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui a désigné le docteur [B] en qualité d'expert et rejeté la demande de provision formée par Madame [K] ;

Vu l'expertise médicale du 7 juillet 2005 réalisée par le docteur [B] et par le docteur [L], désigné comme co-expert à la demande du docteur [B] ;

Vu l'ordonnance rendue le 31 mars 2006 par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui a condamné solidairement le docteur [M] et la société AIG Europe à payer à Madame [K] une somme de 10.000 € à titre de provision ;

Vu le jugement rendu le 12 novembre 2007 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- déclaré le docteur [M] responsable des conséquences dommageables du défaut de suivi post-opératoire et du retard apporté au traitement de la perforation intestinale subie par Madame [K] lors de l'intervention chirurgicale du 30 juillet 2001

- dit que ce défaut de suivi est à l'origine de l'évolution défavorable de l'état de santé de Madame [K]

- condamné en conséquence le docteur [M] à réparer l'intégralité du préjudice subi

- dit que la société MIC est tenue de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile du docteur [M]

- rejeté en conséquence les demandes formées contre la société AIG Europe

- condamné la société MIC à rembourser à la société AIG la somme de 3.812 € au titre des frais avancés pour la défense du docteur [M], outre la somme de 13.000 € au paiement de laquelle elle a été condamnée pour le compte de qui il appartiendra

- condamné in solidum le docteur [M] et la société MIC au paiement des sommes suivantes :

Madame [K]

- 98.460 € en réparation de ses divers préjudices avec intérêts au taux légal à compter du jugement, après déduction de la provision de 10.000 € allouées par ordonnance de référé du 31 mars 2006

- 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile comprenant les honoraires de son médecin conseil

La CPAM de la Seine Saint Denis

- 94.575,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2006 sous réserve des prestations non connues à ce jour ou de celles qu'elle pourrait être amenée à verser ultérieurement à la victime

- débouté la société AIG Europe, le docteur [M] et la société MIC de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné in solidum le docteur [M] et la société MIC aux dépens incluant notamment les frais d'expertise judiciaire ;

Vu l'appel relevé le 29 novembre 2007 par le docteur [M] et la société MIC ;

Vu leurs dernières conclusions du 4 novembre 2008 par lesquelles ils demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement quant à la responsabilité du docteur [M] et à la garantie de la société MIC

- débouter Madame [K] de ses demandes à l'encontre de ce praticien et la condamner aux entiers dépens

subsidiairement

- dire que l'indemnisation des préjudices ne pourra qu'être partielle au titre d'une perte de chance

- ramener ses demandes à de plus justes proportions

- condamner la société AIG Europe à garantir les conséquences financières du litige

- mettre hors de cause la société MIC

- condamner la société AIG Europe à leur payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel incident et les dernières conclusions de Madame [K] du 25 novembre 2008 par lesquelles elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement sur la responsabilité du docteur [M] et la garantie de la société MIC

- l'indemniser à hauteur des sommes suivantes :

perte de gains professionnels actuelle 9.811,29 €

dépenses de santé actuelles 60 €

frais de logement adapté 384,17 € +1.200 € +2.500 €

honoraires médecin conseil 4.406 €

tierce personne 20.160 € /an

incidence professionnelle (non chiffrée)

déficit fonctionnel temporaire 26.880 €

déficit fonctionnel permanent 28.800 €

souffrances endurées 35.000 €

préjudice esthétique permanent 23.000 €

préjudice sexuel 25.000 €

préjudice d'agrément 15.000 €

préjudice moral 25.000 €

- condamner conjointement et solidairement le docteur [M] et la société MIC au paiement de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens de Ière instance et d'appel y compris les frais d'expertise d'un montant de 1.500 € ;

Vu les dernières conclusions de la société AIG du 22 juin 2009 par lesquelles elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause, n'étant pas l'assureur appelé à couvrir la réclamation le 22 juillet 2003

- dire que la police souscrite par le docteur [M] à compter du Ier janvier 2002 a été tacitement renouvelée chaque année depuis l'entrée en vigueur de la loi About et notamment en 2003

- dire que la réclamation de Madame [K] date du 22 juillet 2003

- dire qu'en conséquence elle entre dans le champ d'application de la police MIC de 2003 soumise aux dispositions de la loi About

- dire qu'en application de l'alinéa 7 de l'article L251-2 du Code des assurances le sinistre est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation soit la police MIC

- dire qu'elle n'a pas exercé de direction de procès au profit du docteur [M]

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MIC au remboursement des sommes avancées à hauteur de 3.812 € et les sommes versées pour le compte de qui il appartiendra suite à l'ordonnance du Tribunal de grande instance de Paris du 31 mars 2006

- débouter la société MIC, le docteur [M], Madame [K] et la CPAM de la Seine Saint Denis de leurs demandes à son encontre

- condamner la société MIC in solidum avec le docteur [M] au paiement de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner tout succombant aux dépens ;

Vu les dernières conclusions de la CPAM de Seine Saint Denis du 5 août 2009 par lesquelles elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement

- condamner tout succombant au paiement de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens de Ière instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 septembre 2009 ;

SUR CE LA COUR

Considérant que le 26 juillet 2001, Madame [K], âgée de 48 ans et ayant déjà subi quatre interventions de chirurgie esthétique réalisées par le docteur [M], chirurgien plastique, a consulté ce praticien en vue d'une nouvelle plastie abdominale et d'une lipoaspiration des hanches ;

Que le 30 juillet 2001, le docteur [M] a réalisé cette intervention à la clinique du Trocadero ;

Que les 31 juillet et Ier août 2001, le docteur [M] a revu sa patiente ;

Que le 2 août 2001, Madame [K] a présenté des difficultés respiratoires et d'importantes douleurs abdominales ;

Que le 3 août 2001, l'évolution de son état a conduit à la réalisation d'une scintigraphie s'étant avérée négative, à l'initiative du docteur [C], médecin anesthésiste réanimateur, puis de radiographies d'abdomen sans préparation à la demande du docteur [G], médecin anesthésiste réanimateur ;

Que le 5 août 2001, Madame [K] a été transférée en urgence en état de coma dans le service de réanimation de l'hôpital du [13] où elle a été opérée d'une péritonite stercorale et d'une perforation au niveau de l'intestin grêle et du colon et a notamment subi une colostomie et une iléostomie ;

Que le 10 août 2001, elle a subi une nouvelle intervention afin de rétablir la continuité digestive par anastomose iléo-iléale ainsi qu'une toilette péritonéale et un drainage ;

Que le 18 août 2001, une autre intervention a été pratiquée liée à une reprise de la péritonite consistant en une résection de stomie, un drainage et une toilette péritonéale ;

Que le 3 septembre 2001, elle a quitté le service de réanimation et a été transférée dans le service de chirurgie générale où elle a séjourné jusqu'au 10 octobre 2001 ;

Que le 17 mars 2002, une fermeture de la colostomie a été réalisée ;

Que Madame [K], présentant des séquelles, a sollicité une expertise en référé ; que le docteur [M] a sollicité la garantie de la société AIG Europe l'ayant assuré jusqu'au Ier janvier 2002 ;

Que les experts ont essentiellement retenu :

- que l'indication opératoire apparaissait parfaitement justifiée au vu des photographies pré-opératoires

- que s'il était difficile de croire que l'information n'avait pas été satisfaisante dès lors que Madame [K] avait été opérée à de nombreuses reprises par le docteur [M], le délai de réflexion avait été raccourci au strict minimum, soit à 3 jours

- que les radiographies de l'abdomen révélaient la présence d'un pneumo-péritoine, conséquence directe de la perforation d'organes creux, que ni le radiologue ni les anesthésistes réanimateurs ne semblaient avoir examiné ces radiographies avec suffisamment d'attention et que de ce fait, le diagnostic exact n'avait pas été posé et la patiente était restée en observation 48h de plus

- que son état s'était aggravé très rapidement et qu'elle avait été transportée comateuse dans le service de réanimation chirurgicale de l'hôpital du [Adresse 14]

- que l'hypothèse d'une perforation du grêle et du colon à plusieurs mètres de distance consécutive à une constipation, d'ailleurs niée par Madame [K], ne pouvait être admise et qu'il était certain que les plaies constatées lors de la réintervention à l'hôpital du [13] étaient directement liées à la liposuccion

- qu'il ne s'agissait pas forcément d'une plaie directe par la canule d'infiltration ou le trocart de liposuccion mais qu'il pouvait s'agir d'une plaie par aspiration au niveau de l'intestin ou d'une simple petite moucheture sur la paroi du grêle avec secondairement une perforation

- qu'il était certain que si le diagnostic avait été fait au 3ème jour, à l'examen des radiographies d'abdomen sans préparation, les suites auraient manifestement été beaucoup plus simples et auraient consisté en une banale laparotomie avec suture des plaies et que le recours à un anus artificiel et à une iléostomie étaient directement liés à l'importance de la souillure de la cavité péritonéale

- que la patiente avait été suivie seulement par divers anesthésistes qui ne s'étaient pas préoccupés des problèmes abdominaux en palpant la paroi et qu'il avait fallu attendre qu'elle soit dans le coma pour prendre une décision

- que l'absence de diagnostic de la complication en temps et en heure engageait la responsabilité des différents intervenants et plus particulièrement du radiologue, des deux anesthésistes intervenus et du docteur [M], parfaitement tenu au courant plusieurs fois par jour de l'évolution de la situation et qui n'était pas venu examiner personnellement la patiente et prendre connaissance des examens radiographiques ;

Qu'ils ont conclu que le docteur [M] avait engagé sa responsabilité en créant un plaie du grêle et du colon à l'occasion d'une lipoaspiration et en ne participant pas activement à la surveillance de la patiente lorsque des complications étaient apparues ;

Qu'après avoir obtenu en référé la condamnation du docteur [M] et de la société AIG Europe, pour le compte de qui il appartiendra, au paiement d'une indemnité provisionnelle, Madame [K] les a assignés en responsabilité ;

Que la société AIG Europe a appelé en garantie la société MIC couvrant le praticien à compter du Ier janvier 2002 ;

Que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'élément sur l'origine exacte de la perforation intestinale, il ne pouvait être caractérisé de faute chirurgicale imputable au docteur [M], que l'absence de prise de décision avant le 5 août 2001 quant à une réintervention ou un transfert de la patiente dans un service plus adapté constituait une faute évidente à l'origine de l'évolution ultérieure, qu'au vu des constatations expertales, rien ne permettait de considérer que l'évolution de l'état de Madame [K] aurait été la même si elle avait bénéficié d'une reprise chirurgicale dès le 3 août 2001, qu'en conséquence le docteur [M] serait déclaré responsable des conséquences dommageables du défaut de suivi-post-opératoire et que l'indemnisation intégrale des préjudices subis étant acquise, il devenait sans utilité d'examiner le défaut d'information en outre reproché par Madame [K] ; qu'ils ont en outre considéré que la société AIG n'avait pas pris la direction du procès et qu'en application de la loi du 30 décembre 2002, la date de la réclamation déterminait la police applicable et que seule la société MIC était tenue avec le docteur [M] à la réparation des préjudices subis par Madame [K] ;

***

Considérant qu'au soutien de leur appel, le docteur [M] et la société MIC concluent que la prise en charge du praticien a été parfaite quant à l'indication opératoire et à l'information pré-opératoire, compte-tenu des antécédents de Madame [K], de l'information orale donnée, du délai de réflexion dont elle a disposé à la suite d'une première consultation en date du 23 février 1999 où l'intervention avait déjà été envisagée, d'appels téléphoniques réguliers de celle-ci et qu'un formulaire de consentement éclairé avait été remis et signé par l'intéressée le 26 juillet 2001 ; qu'ils ajoutent que la réalisation technique du geste chirurgical était également parfaite, qu'aucune faute technique n'a été identifiée, que les douleurs de Madame [K] en post-opératoire avait été attribuée à sa constipation et que les gestes utiles avaient été réalisés au gré de son évolution, qu'aucun argument technique ne permettait d'écarter l'hypothèse que la perforation était secondaire à une fragilisation progressive de la paroi abdominale par traitement laxatif et non à la liposuccion et que même dans l'hypothèse d'un lien de causalité, la qualification d'aléa thérapeutique doit être retenue ; qu'ils estiment encore que le prétendu retard de prise en charge ne peut être qu'à l'origine d'une perte de chance d'avoir pu éviter les complications qui ont suivi qui ne saurait être supérieure à 50% ;

Qu'ils font encore valoir que la garantie est due par la société AIG Europe aux motifs qu'elle a pris la direction du procès, que les réserves d'usage formulées sont inopposables et, à titre subsidiaire, en application de la loi du 30 décembre 2002 ; qu'ils précisent que cette loi répondait à une situation d'urgence et en se fondant sur ses travaux préparatoires, son article 5 alinéa 2 relatif à ses modalités d'entrée en vigueur, divers arguments d'ordre exégétique, logique, matériel et d'équité au regard de la loi de sécurité financière du Ier août 2003 ainsi qu'une absence de cause de l'obligation dans le cas d'une interprétation contraire et différentes décisions de jurisprudence, que le législateur a consacré une période transitoire de 5 ans pendant laquelle le fait générateur continue de déterminer l'assureur responsable et non une période de garantie subséquente ; qu'ils en déduisent que du fait que la Ière réclamation de Madame [K] a été formée dans le délai légal de 5 ans et que le fait générateur est survenu pendant la période de validité du contrat conclu avec la société AIG Europe, celle-ci doit sa garantie au praticien ;

Que Madame [K] soutient que l'existence d'une faute technique du docteur [M] à l'origine de la perforation est établie, que celui-ci a manqué à son devoir d'information, que le délai de réflexion n'a couru qu'à compter du 26 juillet 2001 et qu'un défaut de surveillance est aussi imputable au praticien qui n'a pas suivi personnellement son état de santé et a ainsi preuve de légèreté ; qu'elle ajoute qu'un lien de causalité est établi entre les fautes commises par le docteur [M] et son préjudice de sorte qu'elle devra être intégralement indemnisée et qu'une réparation au titre de la perte de chance doit être écartée ;

Que la société AIG Europe fait valoir que la loi du 30 décembre 2002, ayant posé le principe de prise en charge d'une réclamation et d'une reprise du 'passé inconnu ' par la police en vigueur au jour de la réclamation, s'applique immédiatement aux contrats conclus ou renouvelés au 31 décembre 2002 et que l'article L251-2 alinéa 3 du Code des assurances est applicable au contrat conclu entre le docteur [M] et la société MIC, soit après l'entrée en vigueur de la loi ; qu'elle précise que l'existence d'une période transitoire relève d'une interprétation artificielle de l'article 5 alinéa 2 de la loi qu'aucune exégèse des travaux préparatoires ne saurait valablement justifier et constituerait une aberration économique, que cette disposition a seulement pour objectif de permettre la mise en jeu palliative des contrats antérieurs au 31 décembre 2002 en l'absence de contrats conclus ou renouvelés à cette date, que la police souscrite au 31 décembre 2002 doit prévaloir sur la police antérieure et que la loi du Ier août 2003 est inapplicable à l'assurance de responsabilité médicale déterminée par un texte spécifique ; qu'elle ajoute que la direction du procès opposée par la société MIC n'est pas caractérisée, qu'elle s'est bornée à prendre en charge les premiers frais de procédure pour le compte de qui il appartiendrait, qu'elle n'avait pas connaissance du contrat souscrit par le docteur [M] auprès de la société MIC Ltd et qu'en tout état de cause la direction du procès ne peut être invoquée par cette dernière, tiers à la police d'assurance ;

Que la CPAM de la Seine Saint Denis conclut à la confirmation du jugement ;

' Sur la responsabilité du docteur [M]

Considérant qu'il résulte des constatations expertales qui ne sont remises en cause par aucune pièce médicale probante que :

- les plaies à l'origine des perforations sont, quelles que soient leurs causes, directement liées à la liposuccion réalisée par le docteur [M]

- qu'au vu des radiographies de l'abdomen, elles auraient dû être diagnostiquées dès le troisième jour par les praticiens ayant pris en charge Madame [K]

- que l'intéressée aurait alors seulement subi une laparotomie avec suture des plaies ;

- que malgré l'apparition de complications, le docteur [M] n'a pas assuré personnellement la surveillance de sa patiente ;

Qu'au vu de ces constatations, les premiers juges ont justement retenu à l'encontre du docteur [M] un défaut de suivi de Madame [K] en post-opératoire ; que cependant une telle faute ne peut ouvrir droit qu'à la réparation des préjudices consécutifs au retard de diagnostic de la complication ;

Qu'en l'état les constatations expertales ne permettent pas de distinguer les préjudices inhérents à la perforation survenue et ceux résultant d'une prise en charge tardive de cette complication par le docteur [M] ;

Qu'elles ne permettent pas non plus de déterminer si les plaies sont consécutives à une maladresse du praticien et pouvaient être évitées par une meilleure attention ou encore si la survenance d'une perforation au niveau de l'intestin grêle et du colon constitue un risque inhérent à la liposuccion dont la patiente devait être dès lors informée et si le praticien a commis un défaut d'information en relation avec le préjudice subi ;

Qu'il est donc nécessaire de recourir à un complément d'expertise quant à la responsabilité du docteur [M] et aux préjudices subis par Madame [K] qui sera confiée au docteur [L], le docteur [B] n'étant plus inscrit en qualité d'expert ;

' Sur la garantie du docteur [M]

Considérant, d'abord, selon l'article L113-17 alinéa Ier du Code des assurances que 'l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès'; que cependant l'application de cette disposition suppose que l'assureur a effectivement dirigé le procès fait à l' assuré, et qu'il l'a fait en connaissance des exceptions invoquées par la suite pour dénier sa garantie et sans émettre la moindre réserve ;

Considérant qu'avant de contester sa garantie par lettres des 7 octobre 2004 et 29 novembre 2004, soit avant l'assignation au fond de Madame [K] , la société AIG Europe s'est bornée à indiquer au courtier, par lettre du 7 août 2003, que la déclaration de sinistre effectuée par celui-ci le 5 août 2003 avait fait l'objet d'une ouverture de dossier sous les réserves d'usage, à lui demander, à la suite de l'assignation en référé de l'intéressée, de mandater un avocat pour représenter les intérêts du docteur [M] et donner son avis sur les responsabilités et l'évaluation du préjudice puis à procéder au règlement des honoraires d'avocat et du médecin conseil ;

Que comme l'ont justement retenu les premiers juges, ces éléments ne suffisent pas à établir une volonté de la société AIG Europe de prendre la direction du procès fait au docteur [M] et celle-ci est fondée à soutenir qu'il s'agissait d'une gestion conservatoire effectuée dans le respect des règles professionnelles de gestion des sinistres en matière d'assurance de responsabilité civile médicale ;

Que de plus, la société AIG Europe soutient sans être démentie que lors de l'ouverture du dossier, elle n'avait pas encore connaissance que le docteur [M] était assuré depuis le Ier janvier 2002 par la société MIC ;

Considérant, ensuite, que l'article L251-2 alinéa 3 et 4 du Code des assurances issu de la loi n°2002-1577 du 30 décembre 2002 dispose :

'Tout contrat d'assurance conclu en application de l'article L. 1142-2 du Code de la Santé publique garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre, dès lors que le fait générateur est survenu dans le cadre des activités de l'assuré garanties au moment de la première réclamation.

Le contrat d'assurance garantit également les sinistres dont la première réclamation est formulée pendant un délai fixé par le contrat, à partir de la date d'expiration ou de résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à cette date, et s'ils résultent d'un fait générateur survenu pendant la période de validité du contrat. Ce délai ne peut être inférieur à cinq ans.' ;

Qu'il précise en outre en son alinéa 7 modifié par la loi n°2003-706 du Ier août 2003 :

'Lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4.' ;

Qu'en application de cette disposition, c'est désormais non plus la date du fait générateur qui détermine la police applicable mais celle de la réclamation avec une garantie subséquente minimale de cinq ans et une priorité au contrat en vigueur au jour de la réclamation en cas de contrats successifs ;

Que l'article 5 de la loi du 30 décembre 2002, modifié par la loi du Ier août 2003, et déterminant les modalités d'entrée en vigueur de l'article L251-2, dispose :

' L'article L. 251-2 du code des assurances s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la date de publication de la présente loi.

Sans préjudice de l'application des clauses contractuelles stipulant une période de garantie plus longue, tout contrat d'assurance de responsabilité civile garantissant les risques mentionnés à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique, conclu antérieurement à cette date, garantit les sinistres dont la première réclamation est formulée postérieurement à cette date et moins de cinq ans après l'expiration ou la résiliation de tout ou partie des garanties, si ces sinistres sont imputables aux activités garanties à la date d'expiration ou de résiliation et s'ils résultent d'un fait dommageable survenu pendant la période de validité du contrat.' ;

Que les travaux préparatoires précisent notamment :

Quant à l'article 5 alinéa Ier :

'Le nouvel article L. 251-2 du Code des assurances s'applique de plein droit à l'ensemble des contrats conclus ou renouvelés à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, soit en principe avant le Ier janvier 2003. Le changement de régime juridique des contrats sera donc rapide et uniforme'...

- Quant à l'article 5 alinéa 2 :

'Cette disposition n'a vocation à s'appliquer qu'aux anciens contrats non renouvelés, ce qui doit en concerner un nombre assez restreint car la plupart des contrats d'assurances en responsabilité civile médicale sont à tacite reconduction.'

(Rapport de M. [E] devant l'Assemblée nationale n°464 du 11 décembre 2002) ;

Qu'il résulte de l'article 5 alinéa Ier et des travaux préparatoires que l'article 251-2 alinéa 7 est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 31 décembre 2002 et que lorsqu'un même sinistre est susceptible de mettre en jeu la garantie apportée par plusieurs contrats successifs, il est couvert en priorité par le contrat en vigueur au moment de la première réclamation, sans qu'il soit fait application des dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 121-4 ;

Considérant que la société MIC, assurant le docteur [M] à la date de la première réclamation du 22 juillet 2003, doit donc et par priorité sa garantie à celui-ci ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par la société MIC des sommes avancées par la société AIG Europe au titre de la défense du docteur [M] et en ce qu'il a rejeté les demandes formées à l'encontre de cet assureur ;

'Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes formées par Madame [K], la CPAM de Seine Saint Denis, le docteur [M] et la société MIC ;

Que l'équité ne commande pas l'application de cette disposition à l'égard de la société AIG Europe ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ses dispositions relatives à la société AIG Europe et à la garantie du docteur [M] par la société MIC ;

Avant-dire droit sur la responsabilité du docteur [M], ordonne un complément d'expertise ;

Commet à nouveau en qualité d'expert le docteur [T] [L] ([Adresse 3] tél : [XXXXXXXX01]) qui aura pour mission de :

- Convoquer toutes les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec avis de réception et leurs avocats respectifs par lettre simple et procéder à leur audition contradictoire ;

- Se faire communiquer, le cas échéant, même par des tiers mais avec l'accord de la patiente tous les documents utiles à la réalisation de sa mission, en particulier les dossiers médicaux  ;

- S'adjoindre en cas de nécessité le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine distinct du sien après en avoir avisé les parties et leurs conseils ;

- Procéder si nécessaire à un nouvel examen de la patiente et recevoir ses explications ainsi que les observations des défendeurs et consigner les constatations effectuées ;

- Décrire les soins prodigués et les constatations médicales faites après ces soins ;

- Dire si les soins durant l'intervention ont été attentifs, diligents et conformes aux connaissances médicales avérées et donner toutes précisions permettant de déterminer si les plaies survenues sont consécutives à une maladresse du praticien et pouvaient être évitées par une meilleure attention ;

- Dire si la survenance d'une perforation au niveau de l'intestin grêle et du colon constitue un risque inhérent à la liposuccion dont la patiente devait dès lors être informée ;

- Décrire et évaluer médicalement les préjudice subis par Mme [K] en distinguant les préjudices inhérents à la perforation survenue et ceux résultant d'une prise en charge tardive de cette complication, comme suit :

a/ les préjudices avant consolidation :

' Déficit fonctionnel temporaire en préciseant les périodes d'arrêt d'activités

' Douleurs physiques et psychologiques ressenties (selon échelle de 1 à 7)

b/ les préjudices permanents (après consolidation) :

' Déficit fonctionnel permanent, incluant la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel (en dehors de toute incidence professionnelle), la douleur physique et psychologique permanente qui subsiste ainsi que la perte de la qualité de vie ou les troubles dans les conditions d'existence rencontrées au quotidien .Si un barème a été utilisé, préciser lequel

' Assistance par tierce personne : Dans l'affirmative, préciser si cette tierce-personne doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé. Donner à cet égard toutes précisions utiles.

' Préjudice d'agrément permanent : préciser en quoi les activités sportives ou de loisirs spécifiques que l'intéressée pratiquait avant la complication sont perturbées ou désormais interdites.

' Préjudice esthétique permanent (sur une échelle de 1 à 7)

' Préjudice sexuel

' Frais devant être exposés (literie, adaptation de l'appartement...);

Préciser, le cas échéant, si Mme [K] a subi une perte de chance et donner dans ce cas tous éléments permettant de l'apprécier ;

Dire si l'état de Mme [K] est susceptible de modification (aggravation ou amélioration) et dans l'affirmative fournir toutes précisions utiles sur cette évolution ;

Fournir de manière générale tous autres renseignements d'ordre médical qui paraîtraient utiles à la solution du litige ;

Dit que l'expert communiquera aux parties et leurs conseils, par lettre recommandée avec avis de réception, les résultats de ses recherches ;

Dit que dans les six semaines, les parties devront adresser leurs dires à l'expert par lettre recommandée avec avis de réception qui y répondra et les annexera au rapport ;

Dit que le rapport devra mentionner, outre les noms personnes convoquées et présentes aux réunions d'expertise et les dates de celles-ci, la liste des pièces consultées, les déclarations des tiers éventuellement entendues en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leur lien éventuel avec les parties, le cas échéant les constatations et avis du sapiteur devant figurer en outre dans le pré-rapport ainsi que les dates d'envoi à chacun des avocats du pré-rapport et du rapport définitif ;

Dit qu'à l'issue de ce délai, l'expert adressera son rapport définitif aux parties avant le 16 mai 2010 ;

Dit que l'expert accomplira sa mission sous le contrôle de Monsieur le Président de la Chambre II du pôle II ou de tout magistrat de la formation, conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Dit que le docteur [M] et la société MIC devront consigner au Régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'Appel de Paris - [Adresse 4] avant le 16 décembre 2009 la somme de 1.000 € à valoir sur les honoraires ;

Dit qu'à défaut de consignation à la date ci-dessus, la désignation de l'expert sera caduque ;

Dit que l'affaire sera appelée à l'audience de procédure du jeudi 7 janvier 2010 pour vérification des diligences ;

Dit que l'affaire sera appelée à nouveau à l'audience de procédure du jeudi 20 mai 2010 ;

Surseoit à statuer sur les demandes de Mme [K], de la CPAM de Seine Saint Denis, du docteur [M] et de la société MIC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens les concernant ;

Rejette la demande de la société AIG au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laisse à la société AIG la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 07/20128
Date de la décision : 13/11/2009

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°07/20128 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-13;07.20128 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award