RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 1
ARRÊT DU 23 septembre 2009
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/05967
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 05/11810
APPELANT
Monsieur [F] [M]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne,
assisté de Me Amaury SONET, avocat au barreau de PARIS, toque : P 106
INTIMEE
EPIC AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Corinne PECAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : D 280
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bernadette LE GARS, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Yves GARCIN, président
Mme. Marie-Bernadette LE GARS, conseillère
M. Gilles CROISSANT, conseiller
Greffier : Madame Sandie FARGIER, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Yves GARCIN, président et par Madame Sandie FARGIER, greffier présent lors du prononcé.
La cour est saisie de l'appel interjeté par [F] [M] du jugement du Conseil des Prudhommes de PARIS ( section encadrement- chambre 1) du 16 mai 2007 qui l'a débouté de toutes les demandes qu'il formait contre son employeur, l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT, et l'a condamné aux dépens de la procédure.
Faits et demandes des parties :
Le 1er janvier 1983 (avec reprise d'ancienneté au 1er janvier 1980) [F] [M] a été recruté par l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT (établissement public à caractère industriel et commercial) en qualité d'analyste programmeur. Il a ensuité occupé les fonctions de chargé de mission et a été affecté, à compter de février 2003, à la Division Gestion Immobilière et Fiduciaire de l'IEIDOM établissement public national exerçant Outre Mer les missions de la Banque de France.
Le 26 mai 2003 [F] [M] était élu délégué syndical de la section CGT.
Le 11 juin 2003 [F] [M] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris pour entendre juger qu'il était victime d'une discrimination syndicale dans l'attribution d'une prime de performance, laquelle lui était octroyée par le Conseil des Prud'hommes par décision du 18 juin 2004 qui ne retenait cependant pas la discrimination syndicale. La décision dont s'agit était confirmée le 19 avril 2005 par la cour d'appel.
Postérieurement à cette procédure, [F] [M] a une nouvelle fois, le 11 octobre 2005, saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris aux fins de voir reconnaître qu'il avait été victime de harcèlement moral dans son travail et d'entrave dans l'exercice de ses fonctions syndicales et aux fins d'obtenir à ce titre la condamnation de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT à lui payer à titre de dommages intérêts respectivement 100.000 € et 10.000 €, demandant pour le surplus la publication de la décision, contexte dans lequel est intervenu le jugement dont appel du 16 mai 2007.
En cours de procédure d'appel, et plus précisément le 11 juillet 2008, l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT a notifié à [F] [M] son licenciement pour inaptitude médicalement constatée en faisant état de l'impossibilité de tout reclassement au sein du groupe toujours pour raisons médicales, étant précisé que l'intéressé avait été en arrêt de maladie successivement du 15 juin 2004 au 19 septembre 2004, du 1er février 2005 au 20 octobre 2005, plusieurs fois en 2006 et définitivement du 20 octobre 2006 au 31 décembre 2007.
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[F] [M] poursuit l'infirmation totale du jugement en demandant à la cour de :
- constater la violation du principe du procès équitable par le Conseil des Prud'hommes de Paris, lequel a rendu le jugement quasiment sur le siège en dépit de la complexité du contentieux qui lui était soumis,
- constater les faits de harcèlement moral et de 'placardisation' dont il a été victime de la part de son employeur et condamner l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT à lui payer 100.000 € à ce titre,
- constater l'entrave à l'exercice du mandat syndical et condamner l'employeur sur ce fondement à lui payer 10.000 €,
- dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT à lui payer 90.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- ordonner la publication de l'arrêt aux frais de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT dans 2 journaux nationaux au choix du demandeur et procéder à son affichage dans les locaux de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT,
- condamner l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT à lui payer 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes [F] [M] expose, notamment, qu'alors qu'il était analyste programmeur il a été affecté de manière arbitraire et vexatoire, à compter du 1er février 2003, à la Division Gestion Immobilière et Fiduciaire de l'IEIDOM pour y être détaché en tant que chargé de mission auprès du directeur adjoint de l'établissement.Il fait valoir que dans ce contexte il a subi un harcèlement constant étant chargé d'effectuer des travaux dénués d'intérêt et non conformes à ses aspirations et que, bien qu'ayant refusé d'assister à son entretien d'évaluation, son employeur a rédigé une note en ce sens de façon non contradictoire.
Il expose, par ailleurs, qu'il a subi des entraves dans l'exercice de ses fonctions syndicales, qu'il s'est vu 'placardisé' (au sens basique du terme) avec un collègue (M. [C], appartenant au même syndicat que lui) avec lequel il a dû partager un bureau et ce, alors que ce dernier n'avait pas du tout la même formation que lui, tous éléments qui ont, selon lui, contribué à détériorer sa santé.
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L'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT conclut à la confirmation du jugement dont appel, demandant à la cour de juger qu'elle n'a commis aucun fait de harcèlement non plus que d'entrave. Elle requiert donc le débouté de [F] [M] de toutes ses ses demandes à ce titre.
Au regard des demandes nouvelles de [F] [M] en cause d'appel, l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT demande de dire que le licenciement de ce dernier repose sur une cause réelle et sérieuse et sollicite, en conséquence, le rejet de ses réclamations sur ce fondement.
L'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT réclame 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant qu'il convient de se référer expressément aux explications des parties et à leurs conclusions visées à l'audience ;
Sur la violation de l'article 6 de la CEDH :
Considérant qu'il est exact que le jugement dont appel a été rendu, comme ses mentions en font foi, à la date des débats ;
Considérant, cependant, que, outre le fait qu'un jugement rendu dans la foulée de l'écoute des débats par la formation de jugement n'emporte pas présomption de procès inéquitable si les débats ont été, clairs, contradictoires, ouverts et productifs, force est de constater que [F] [M] ne tire aucune conséquence de son allégation quant à la violation alléguée de l'article 6 de la CEDH ;
Sur les faits de harcèlement allégués par [F] [M] :
Considérant que l'article L.1152- du code du travail énonce que 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.' ;
Considérant que, s'il est constant qu'à compter du 1er février 2003, [F] [M] a été affecté à la Division Gestion Immobilière et Fiduciaire de l'IEIDOM pour y être détaché en tant que chargé de mission auprès du directeur adjoint de l'établissement, force est de constatre qu'il ne communique à la cour aucun élément précis, objectif, circonstancié, qui permettrait de retenir que cette nouvelle affectation présentait un caractère vexatoire ; qu'il ne démontre par ailleurs pas que les travaux qui lui étaient confiés, même s'ils ne correspondaient pas à ses aspirations profondes, lui étaient dévolus dans l'unique but de le harceler, la situation qu'il décrit trouvant en réalité son origine dans une réorganisation de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT et de l'IEDOM avec des changements stratégiques générant de nouvelles tâches en raison, notamment, de la nécessité de mise en place de nouveaux statuts pour certains départements et territoires d'Outre Mer ;
Considérant, par ailleurs, que si ces changements de tâches, nécessités par l'évolution de l'environnement juridique, économique et social et la nécessaire adaptation à cet environnement, ont pu occasionner du stress chez l'intéressé, conduit à modifier ses habitudes, tout comme chez les autres salariés, cette situation ayant été mise en évidence par un rapport du cabinet 'EMERGENCES', mandaté par le CHSCT, qui relatait que dans le cadre de restructuration on avait demandé aux agents de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT des efforts importants pour faire des gains de productivité, maîtriser de nouveaux outils, changer de méthodes de travail, ces changements de tâches, au demeurant cantonnés dans le temps, ne peuvent s'analyser en faits répétés de harcèlement au sens du texte définissant le harcèlement ci-dessus rappelé ;
Considérant que, pour le surplus, la cour estime que partager un bureau avec un collègue n'ayant pas les mêmes qualifications ne présente aucun caractère dégradant ou attentatoire à la dignité et rappellera également que [F] [M] ne pouvait à la fois refuser de se présenter à ses entretiens d'évaluation et se prévaloir d'une note en ce sens le concernant établie de manière non contradictoire hors sa présence ;
Considérant que [F] [M] doit donc être débouté de sa demande de dommages intérêts pour faits de harcèlement moral ;
Sur les faits d'entrave à l'exercice des fonctions syndicales :
Considérant que [F] [M], qui indique que son supérieur hiérarchique aurait refusé de l'autoriser à s'absenter pour exercer ses fonctions syndicales, ne justifie pas de cette allégation dès lors que, il est établi qu'au sein de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT, il n'existe pas de système de 'bon de délégation', la seule démarche à laquelle le représentant du personnel est tenu étant d'informer préalablement l'employeur, dans un souci de bonne organisation du service, de son absence pour raisons syndicales ; que s'il exact que pour les journées des 17 mai et 7 juin 2004 son supérieur hiérarchique lui a demandé de préciser les 'missions' pour lesquelles il sollicitait une autorisation d'absence ces 'missions' ne pouvaient, pour les raisons indiquées ci-dessus, concerner des activités syndicales mais des déplacements extérieurs professionnels au sujet desquels son employeur était fondé à solliciter toute précision ; que [F] [M] doit, en conséquence, être débouté de sa demande de dommages intérêts sur ce fondement ;
Considérant que le jugement dont appel sera confirmé en toutes ses dispositions;
Sur la demande nouvelle en cause d'appel relative au licenciement :
Considérant qu'il a été rappelé ci-dessus que le 11 juillet 2008 [F] [M] a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude médicalement constatée avec impossibilité de tout reclassement au sein du groupe dès lors qu' aux termes de deux avis médicaux des 22 janvier 2008 et 14 février 2008, [F] [M] était reconnu inapte au poste qu'il occupait, étant déclaré apte 'à un poste sans déplacement à l'extérieur de l'entreprise, sans travail sur informatique excédant 4 heures par jour, sans station debout prolongée, sans stress professionnel d'aucune sorte et inapte à un poste comportant une ou plusieurs de ces restrictions.' ; que le 21 février 2008 le médecin du travail déclarait impossible au sein de l'AGENCE FRANCAISE DE DEVELOPPEMENT le reclassement de [F] [M] , lequel, en ALD depuis le 8 mai 2007 et en invalidité 2ème catégorie depuis le 1er janvier 2008 a été licencié, après entretien préalable, le 11 juillet 2008 ;
Considérant que les faits de harcèlement moral dont fait état [F] [M] n'étant pas établis l'intéressé est infondé à soutenir que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse car trouvant son origine dans des faits de harcèlement non prouvés par lui à l'exclusion de toute discussion sur les motifs d'inaptitude et l'absence de possibilité de reclassement ;
Qu'il sera donc débouté de sa demande indemnitaire à ce titre ;
Sur la demande au titre des frais irrépétibles :
Considérant qu'aucun élément lié à l'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie au litige ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Statuant sur la demande formée par [F] [M] en cause d'appel,
Déboute [F] [M] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne [F] [M] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT