Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2009
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16322
Décision déférée à la Cour : Sur renvoi après cassation d'un arrêt prononcé le 25 juin 2008 par la Cour de cassation, d'un arrêt prononcé le 26 octobre 2006 par la Cour d'appel de Paris, d'un jugement rendu le 5 octobre 2004 par le Tribunal de grande instance de Créteil,
APPELANT
Monsieur [I] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assisté de Me Loïc RAJALU, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE
Madame [T] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assistée de Me Florence de FREMINVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 42
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 2 juin 2009, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-France MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LACABARATS, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, et par Madame Marie-France MEGNIEN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par arrêt du 2 juin 1997, cette cour, prononçant le divorce de Monsieur [I] [O] et Madame [T] [K], mariés sans contrat préalable le 21 septembre 1968, a notamment confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 21 février 1995 en ce qu'il avait donné acte aux parties de leur accord pour la jouissance gratuite de l'immeuble commun par l'épouse jusqu'à la liquidation de la communauté.
Maître [L], notaire, ayant dressé procès-verbal de difficultés, le tribunal de grande instance de Créteil, statuant par jugement du 5 octobre 2004, a, entre autres dispositions, déclaré tant irrecevable que mal fondée la demande d'indemnité d'occupation formée par Monsieur [O].
Par arrêt du 26 octobre 2006, cette cour a confirmé sur ce point le jugement du 5 octobre 2004, aux motifs que dans ses conclusions du 15 juin 1994, prises pendant l'instance en divorce, Monsieur [O] avait demandé au tribunal de constater qu'il ne s'opposait pas au droit au maintien dans les lieux de Madame [K] à titre gratuit jusqu'à la liquidation effective de la communauté, que la précision figurant dans les motifs de ces conclusions ' sous réserve de la liquidation de la communauté dans les plus brefs délais ' n'ayant pas été reprise dans le dispositif, celui-ci devait prévaloir dès lors qu'il n'appartient pas au juge d'ajouter aux demandes des parties à l'aide des motifs des écritures lorsque le dispositif est, comme en l'espèce, clairement exprimé ; que la cour en déduit que par jugement du 21 juin 1995, confirmé de ce chef par l'arrêt du 2 juin 1997, le tribunal a donné acte de l'accord conclu sur l'attribution à l'épouse de la jouissance gratuite de l'immeuble commun jusqu'à la liquidation de la communauté et, par motifs adoptés, énonce encore que la disposition de donné acte confirmée par l'arrêt du 2 juin 1997 scelle un accord entre les parties et lui donne la force d'un contrat judiciaire.
Par arrêt du 25 juin 2008 rendu au visa de l'article 1134 du code civil, la cour de cassation, 1ère chambre civile, a cassé et annulé l'arrêt du 26 octobre 2006 mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable et mal fondée la demande de Monsieur [O] tendant à la mise à la charge de Madame [K] d'une indemnité d'occupation et renvoyé les parties devant cette cour, autrement composée.
La cour suprême considère qu'en statuant comme elle l'a fait alors que la disposition du jugement se bornant à donner acte aux époux de leur accord était dépourvu de toute valeur juridique indépendamment de cet accord préalable et qu'un contrat judiciaire ne se forme qu'autant que les parties s'obligent dans les mêmes termes, la cour d'appel, à qui incombait de prendre en considération la réserve formulée sans équivoque dans les motifs des conclusions même si elle n'avait pas été reprise dans le dispositif de ces écritures, a violé le texte susvisé.
Cette cour, autrement composée, désignée comme cour de renvoi, a été régulièrement saisie le 15 juillet 2008 par Monsieur [O].
Par dernières conclusions du 18 mai 2009, Monsieur [O], appelant, demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- constater que sa demande d'indemnité d'occupation est recevable et bien fondée,
- dire Madame [K] redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation pour la période du 1er janvier 1988 au 3 août 2006,
- la dire redevable à ce titre envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 219 013,67 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque période d'exigibilité,
- la condamner en conséquence à lui payer la somme de 109 506,84 avec intérêts au taux légal à compter de chaque période d'exigibilité,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter Madame [K] de ses demandes,
subsidiairement,
- renvoyer les parties devant le notaire liquidateur à l'effet d'établir les comptes définitifs ainsi que l'acte de partage,
dans tous les cas,
- condamner Madame [K] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 7 mai 2009, Madame [K] entend voir :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable et mal fondée la demande d'indemnité d'occupation formée par Monsieur [O],
subsidiairement,
- dire que Madame [K] ne saurait être condamnée à verser une indemnité d'occupation que pour la période postérieure au 30 mai 1997,
- dire que cette indemnité ne pourra être assise que sur 50% de la valeur locative déterminée par l'expert judiciaire,
- dire qu'elle devra être minorée conformément aux conclusions du rapport d'expertise judiciaire,
- condamner Monsieur [O] à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que si, dans le cadre de l'instance en divorce, Monsieur [O] a, par conclusions du 15 juin 1994, déclaré ne pas s'opposer au maintien dans les lieux à titre gratuit de son épouse et de ses enfants, ce dont le jugement de divorce du tribunal de grande instance de Créteil du 21 février 1995 a donné acte aux parties, il a subordonné cet accord à la liquidation de la communauté dans les plus brefs délais ;
Que le fait que le tribunal ait omis de prendre acte dans son dispositif de cette réserve et que Monsieur [O] n'ait pas remis en cause la décision sur ce point devant la cour d'appel qui a confirmé de ce chef le jugement par arrêt du 2 juin 1997 est inopérant dès lors qu'une disposition de donner acte est sans portée juridique ;
Que dès lors, c'est à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande d'indemnité d'occupation expressément formée par Monsieur [O] par assignation délivrée à Madame [K] le 29 mars 2001, date à laquelle il pouvait légitimement considérer que le bref délai auquel il avait subordonné son accord était expiré, sans qu'il y ait lieu de suivre les parties dans leur discussion sur le point de savoir auquel des ex-époux l'allongement de ce délai serait imputable ;
Que faute d'acceptation expresse par Madame [K] de la condition d'une liquidation de la communauté dans les plus brefs délais, qui revêtait au demeurant un caractère potestatif affectant son efficacité, cette dernière ne peut se prévaloir d'un véritable contrat judiciaire rendant irrecevable la demande d'indemnité d'occupation de Monsieur [O] ;
Que pour autant ce dernier ne peut être admis à revenir sur le maintien de son épouse à titre gratuit dans l'ancien domicile conjugal pour la période antérieure à son assignation pendant laquelle il n'a pas remis en cause son accord, acceptant tacitement le délai de liquidation de la communauté qui s'écoulait ; que son dire au notaire du 9 février 2000, au demeurant non repris dans le procès-verbal de difficultés auquel il est simplement annexé, ne constitue pas en revanche une demande suffisamment précise pour être retenue ;
Considérant que l'indivisaire qui jouit privativement de la chose indivise étant, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité, Madame [K] sera en conséquence redevable envers l'indivision post-communautaire d'une indemnité d'occupation à compter de l'assignation du 29 mars 2001 et jusqu'au 3 août 2006, date du partage provisionnel intervenu entre les parties aux termes duquel l'immeuble indivis a été attribué à Madame [K] ;
Qu'eu égard à l'estimation de la valeur locative du bien proposée par Monsieur [Z], expert désigné par le tribunal de grande instance de Créteil, dont les conclusions ne sont pas critiquées, de l'abattement qu'il convient d'appliquer pour tenir compte de la précarité de l'occupation dont bénéficiait Madame [K], le montant de l'indemnité d'occupation dont celle-ci est redevable envers l'indivision devra être calculé par le notaire sur la base d'un montant mensuel moyen de 850 euros pour la période du 29 mars 2001 au 3 août 2006, étant observé que l'indemnité étant due à l'indivision post-communautaire, il n'y a pas lieu de la réduire à la moitié de ce montant ;
Considérant que de caractère indemnitaire, l'indemnité d'occupation ne porte intérêts qu'à compter du jour de la décision qui en détermine le montant ; que Monsieur [O] sera en conséquence débouté de sa demande au titre des intérêts moratoires ;
Considérant que la capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que Monsieur [O] obtenant partiellement gain de cause et Madame [K] ne démontrant pas que la longueur de la procédure lui soit imputable, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT SUR RENVOI DE CASSATION ET DANS LES LIMITES DE LA CASSATION,
INFIRMANT PARTIELLEMENT le jugement du 5 octobre 2004,
DIT Madame [T] [K] redevable envers l'indivision post-communautaire d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 850 euros pour la période du 29 mars 2001 au 3 août 2006,
DIT que cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dûs pour une année entière,
DEBOUTE les parties de toutes demandes autres, plus amples ou contraires,
DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens et frais non compris dans les dépens par elle exposés devant la cour .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,