Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2009
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14028
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/00911
APPELANTES
1°) Mademoiselle [T] [L] [LW] [NJ]
'[Adresse 19]'
[Adresse 1]
[Localité 21] (MONACO)
2°) Madame [DR] [S] [NJ]
[Adresse 12]
[Localité 4] (SUISSE)
représentées par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistées de Me Claude DUMONT-BEGHI, avocat au barreau de PARIS, toque : C 272
INTIMÉS
1°) Madame [J] [H] [NJ] épouse [R]
[Adresse 5]
[Localité 15]
représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assistée de Me François GIBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 785
2°) Madame [DR] [M] [NJ] épouse [KI]
[Adresse 6]
[Localité 18]
représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assistée de Me Delphine CUENOT de la SCP LEHMAN et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P 286
3°) Monsieur [O] [A] [NJ]
[Adresse 20]
[Localité 10]
4°) Monsieur [N] [X] [MP] [B] [NJ]
[Adresse 14]
[Localité 16]
5°) Monsieur [E] [F] [B] [NJ]
[Adresse 7]
[Localité 17]
6°) Monsieur [D] [Z] [B] [NJ]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentés par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
assistés de Me François GIBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 785
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 3 juin 2009, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président,
Madame Isabelle LACABARATS, conseiller
Madame Dominique REYGNER, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Marie-F. MEGNIEN
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LACABARATS, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, et par Madame Marie-F. MEGNIEN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
[G] [NJ], veuve d'[X] [NJ] décédé le [Date décès 9] 1938, est décédée le [Date décès 11] 1965, laissant à sa succession son fils [I] [NJ] et ses deux petites filles [DR] et [T] [NJ] par représentation de leur père, [E] [NJ], second fils de [G] [NJ], prédécédé le [Date décès 13] 1962.
La défunte avait constitué en 1953 un trust à la Chase Manhattan de New-York composé de valeurs mobilières et consenti à ses fils des donations, dont à [I] [NJ], par préciput et hors part, le 10 décembre 1962 des objets mobiliers, tableaux, bijoux et sculptures et le 13 avril 1964, diverses oeuvres d'art et par testament du 19 octobre 1963 elle avait légué les deux tiers de ses actifs à son fils [I] [NJ] et le tiers à ses petites filles venant par représentation de leur père.
Par jugement du 22 avril 1985 confirmé par arrêt du 17 septembre 1987, définitif par désistement du pourvoi déposé par Mesdames [NJ], le tribunal de grande instance de Paris a ordonné les opérations de comptes liquidation et partage de la succession de [G] [NJ], dit que certaines oeuvres ne dépendaient pas de la succession et commis des experts pour estimer les tableaux, les meubles et les bijoux.
Après dépôt des rapports, le notaire liquidateur a déposé un procès-verbal de difficultés en raison des contestations sur l'ordre de réduction des libéralités.
Aux termes de deux procédures ayant donné lieu à arrêts de cassation, un arrêt de la cour de Paris du 7 avril 1999 a dit que le trust, qui contenait des dispositions prenant effet au décès, devait être réduit en premier, puis un arrêt des chambres réunies de la cour de Versailles du 26 novembre 2003 a défini les modalités de calcul de l'indemnité de réduction.
Ces arrêts ont autorité de chose jugée.
[I] [NJ] est, à son tour, décédé le [Date décès 8] 2000 laissant pour lui succéder ses six enfants [N], [J] épouse [R], [O], [E], [D] et [DR] épouse [KI].
Me [V], notaire associé chargé d'établir l'état liquidatif, a dressé un acte le 8 juillet 2005 pour la signature duquel Mesdames [T] et [DR], dûment convoquées, ont refusé de se présenter.
La cour statue présentement sur l'appel relevé par Mesdames [DR] et [T] [NJ] du jugement du 14 avril 2008 du tribunal de grande instance de Paris qui a:
- donné acte à [O] [NJ] de ce qu'il n'agit qu'en qualité d'héritier de son père [I]
- dit que le notaire liquidateur s'adjoindra tout commissaire-priseur de son choix aux frais avancés des dames [NJ] en vue de réévaluer à la date de ses opérations au vu des rapports de Messieurs [P] et [W] ainsi que de Madame [Y] les biens de la succession et en ce compris la toile 'Prairie d'Eragny-Temps gris' de Pissaro
- rejeté les autres demandes des dames [NJ] relatives aux expertises et prétentions ayant pu s'en déduire
- dit que le tableau de Pissaro 'la maison de l'anglais à Eragny' ne fait pas partie de l'actif successoral mais qu'en revanche en fait partie le tableau de Pissaro ' Prairie d'Eragny-Temps gris'
- rejeté les demandes des dames [NJ] concernant l'acte complémentaire du 8 juillet 2005
- renvoyé sur ces bases les parties devant le notaire liquidateur
- dit n'y avoir lieu à levée des mesures de sûreté prises en exécution de l'ordonnance du 13 mars 1984
- dit n'y avoir lieu en l'état à homologation de l'état liquidatif des 7 juin et 8 juillet 2005 ni à donner aux consorts [NJ] l'acte sollicité en ce qui concerne les droits des dames [NJ]
- constaté son incompétence au profit du Président du tribunal de grande instance en ce qui concerne la demande de provision des dames [NJ]
- rejeté la demande de dommages-intérêts de Madame [KI]
- débouté les parties de toutes autres demandes.
Mesdames [T] [NJ] et [DR] [NJ], par dernières conclusions du 18 mai 2009, demandent, après visas, de :
- infirmer le décision en ce qu'elle a refusé une nouvelle expertise et leur accorder une provision
- dire qu'il y a absence de reconstitution des éléments d'actif, carence majeure dénaturant la consistance de la succession, qu'il y a des éléments de contestation au vu des deux projets de partage et des éléments nouveaux postérieurs aux 4 rapports de 1986 ainsi que postérieurement à l'arrêt du 28 novembre 1990 et qu'il est impossible d'homologuer l'état préparé par Me [V]
- en conséquence, désigner un collège d'experts pour reconstituer la masse active et notamment identifier, répertorier et décrire la totalité des meubles, objets d'art, tableaux et autres objets précieux transmis à [I] [NJ] par sa mère par voie successorale ou en vertu de libéralités en tenant compte des ventes intervenues depuis lors, identifier (suit une liste de tableaux à savoir 6 Ziem, 1 Daubigny, 1 Vauthrin, 1 Dupré, 9 Lebourg, 2 Vignon, 2 Sidaner, 2 Troyon, 2 Jacque, 2 Bail, 2 Guillaumin, 2 Dupré, 2 Jongking, 3 Lebourg, 4 Vignon, 3 Ziem, 2 Jongking, 2 Raffaelli,2 Lebasque, outre 2 pendules et une table à café), évaluer chacun de ces biens à la date des opérations d'expertise, fixer la valeur économique de cette succession, en fixer la perte de jouissance, en définir les conséquences, entendre les parties et tous sachants et s'adjoindre avec l'accord des parties tout spécialiste
- dire qu'il y a eu atteinte à l'équilibre du partage
- dire qu'il existe un recel de succession
- dire qu'il y a eu un préjudice moral
- dire qu'il convient de fixer le taux de réduction
en conséquence,
- faire réintégrer l'ensemble des biens recélés
- leur accorder une provision de 1.339.365 € dont moitié chacune
- confirmer le jugement en ce qu'il a refusé de donner la mainlevée des mesures de sûreté prises en exécution de l'ordonnance du 13 mars 1984
- condamner les intimés à leur payer solidairement pour préjudice moral une somme de 150.000 € dont moitié chacune
- dire que les intérêts légaux s'imputeront à compter de 1981 et qu'il sera ordonné l'anatocisme à compter du 30 janvier 2003
- condamner les 'défendeurs' à leur verser 53.000 € pour frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 15 mai 2009 Madame [DR] [NJ] épouse [KI] demande de confirmer le jugement et par voie d'infirmation d'homologuer l'état liquidatif établi par Me [V], ordonner la levée des sûretés et condamner les appelantes à lui payer 10.000 € pour frais irrépétibles.
Par dernières conclusions du 23 mars 2009 Messieurs [N] [NJ], [O] [NJ], [E] [NJ], [D] [NJ] et Mme [J] [NJ] épouse [R] demandent de :
- dire l'appel irrecevable et en tous cas mal fondé
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de lever les mesures de sûreté prises en exécution de l'ordonnance du 13 mars 1984 et en ce qu'il a dit que le notaire liquidateur s'adjoindrait un commissaire priseur pour procéder à la réévaluation au jour du partage du tableau 'Prairie d'Eragny-Temps gris'
- les recevoir en leur appel incident et ordonner la mainlevée des mesures prises en exécution de l'ordonnance du 13 mars 1984 et de celle du 5 avril 1984
- dire que le tableau de Pissaro 'prairie d'Eragny-Temps gris' sera évalué par le notaire à son prix de vente augmenté des intérêts
- condamner Mesdames [NJ] à leur verser 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que quatre expertises ont été effectuées en 1986 en exécution du jugement du 22 avril 1985 par Monsieur [C] sur les mouvements financiers, Monsieur [P] sur les tableaux et sculptures, Monsieur [W] sur les meubles et objets mobiliers et Madame [Y] sur les bijoux ;
Que le 7 juin 1989 la SCP [U] a établi les masses active et passive de la succession y compris les biens à rapporter comme objets des donations antérieures et du trust ;
Considérant que les appelantes soutiennent que la masse active totale de la succession n'a pas été reconstituée, qu'[X] [NJ], leur grand-père avait une fortune considérable établie par des inventaires et listes dressés en 1934, 1938, 1945 et 1946 ; que leur oncle a dispersé des biens dont les experts n'ont pu avoir aucune description permettant leur estimation ; que 29 tableaux ont disparu ainsi que l'ensemble des bronzes ; que chaque partie doit fournir les preuves venant à l'appui de ses prétentions et apporter son concours à la justice ; qu' une vente a été réalisée le 5 décembre 2001 chez Christie's et qu'il existe des discordances entre l'inventaire de 1934 et la vente de 1942 ; qu'elles poursuivent en outre la réévaluation des biens et l'indemnisation de la perte de jouissance qu'elles ont subie ;
Considérant que les intimés font valoir que la demande de nouvelles expertises a déjà été rejetée et qu'en sorte il y a autorité de chose jugée à cet égard; que l'expertise n'a pas pour finalité de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ; que des états établis en 1934 et 1942 sont impropres à déterminer la consistance des avoirs de [G] [NJ] au jour de son décès, celle-ci ayant pu jusqu'à son dernier jour disposer comme elle l'entendait de tout ou partie de ses biens à titre onéreux ou gratuit, sauf les règles du rapport des donations ;
Considérant que [I] [NJ] a bénéficié en 1962 et 1964 de donations mobilières par préciput et hors part par des actes notariés descriptifs ; que ces donations ne sont pas rapportables à la succession ; qu'il a indiqué aux experts que des biens avaient été vendus depuis le décès de sa mère mais n'a pu les reconstituer intégralement en photographies ; qu'il a admis avoir donné des bijoux à diverses personnes et s'était porté fort de leur représentation à l'expertise ; qu'ainsi si [I] [NJ] a pu pour partie disperser des biens successoraux ou des biens soumis à rapport, il n'apparaît pas que la mesure sollicitée, qui ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée, dès lors qu'il existerait des éléments nouveaux la justifiant, soit de nature, alors au surplus que [I] [NJ] est décédé et que ses héritiers ne peuvent concourir plus utilement à la manifestation de la vérité, à permettre de réunir davantage d'informations ;
Considérant que les états et inventaires invoqués par les appelantes aux fins de comparaison déterminante de la nécessité de recourir à de nouvelles expertises sont inopérants en raison de leur ancienneté, alors qu'[X] [NJ] tout comme sa veuve [G] [NJ] ont pu se séparer d'objets en leur possession tout au long de leur vie et que seul doit être pris en considération le patrimoine de celle-ci au jour de son décès ;
Considérant que les appelantes se prévalent encore de la vente Christie's de 2001 alors que celle-ci a été réalisée après le décès de [I] [NJ] et par ses héritiers et qu'elles n'usent que de vagues allégations pour tenter de contredire le fait que cette vente portait sur des biens personnels de leur oncle ;
Considérant en conséquence qu'en l'absence de tout commencement de preuve de l'existence d'éléments déterminés de l'actif successoral qui auraient été omis de l'acte de partage, le recours à une expertise pour reconstituer le patrimoine de la défunte a été à bon droit rejetée ;
Considérant sur la mission également demandée en vue d'actualiser les valeurs du partage au jour de celui-ci, que le premier juge a justement donné mission au notaire de s'adjoindre tout commissaire-priseur à cette fin et pour ce qui concerne les biens à partager, hormis les biens objets des donations du vivant de la défunte, lesquels, par suite des décisions précédemment rendues, ne sont pas visés par l'indemnité de réduction ;
Considérant que la demande de nouvelles expertises doit donc être rejetée, y compris quant à l'évaluation d'une prétendue indemnité de jouissance, présentée en termes vagues, sans mention des biens sur lesquels elle porterait et non chiffrée ;
Considérant qu'en l'absence de preuve que [I] [NJ] ait détourné des biens déterminés, aucun fait de recel ne peut lui être imputé ;
Considérant que Mesdames [NJ] demandent à la cour de fixer le taux de réduction à la quotité disponible mais ne formulent aucune critique sur le taux de 40, 32 % retenu par le notaire liquidateur ;
Considérant, sur l'acte liquidatif complémentaire, que celui-ci a incorporé le montant des droits payés par [G] [NJ] au titre des donations de 1962 et 1964, conformément à la demande de Mesdames [NJ] ; que celles-ci soutiennent que, s'agissant des droits afférents à une donation du 3 décembre 1963, ultérieurement annulée, ceux-ci n'ont pas été remboursés par le fisc américain ; que toutefois l'acte de Me [V] du 8 juillet 2005 mentionne que les droits ont été remboursés pour 17.685, 05 dollars selon les dires de Me [K], représentant Mesdames [NJ] et recréditée sur le compte de la succession, compte liquidé en 1972 ; que la prétention sera rejetée ;
Considérant, sur la provision, que Mesdames [NJ] demandent, à ce titre, pour elles deux, la somme de 1.339.365 €, qu'aux termes de l'article 815-11 du code civil, le président du tribunal de grande instance, qui n'exclut pas la compétence de la juridiction statuant au fond, peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices et peut en outre, à concurrence des fonds disponibles ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à venir ; qu'à défaut de revenus justifiés comme de fonds disponibles, la demande de provision doit être rejetée ;
Considérant qu'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 13 mars 1984 a enjoint sous astreinte à [I] [NJ] de représenter au président de la compagnie des commissaires-priseurs 18 tableaux décrits par Mesdames [NJ] et fait défense de les aliéner ou de les sortir du territoire jusqu'à décision définitive sur le fond; que les intimés demandent la levée de cette mesure ancienne et excessive eu égard aux droits des appelantes ; que toutefois le partage n'étant pas à ce jour réalisé et aucun motif légitime n'étant avancé la levée de la mesure n'est pas justifiée ;
Considérant que le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a inclu dans l'actif successoral le tableau de Pissaro 'prairie d'Eragny- temps gris' au lieu du tableau du même 'la maison de l'anglais à Eragny' ;
Considérant qu'eu égard à la nature du litige, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que Mesdames [NJ], qui succombent dans leurs prétentions, supporteront la charge des dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mesdames [DR] et [T] [NJ] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,