Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 18 DECEMBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09363
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2007 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2005051348
APPELANTES
S.A. NATIOCREDIBAIL
pris en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social Le Metropole
46/52 rue Arago
92853 PUTEAUX CEDEX
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Katia CHASSANG, avocat au barreau de PARIS, toque : L098
(SELARL SIGRIST DARMON et Associés)
Société FINAMUR venant aux droits de la S.A. SLIBAIL IMMOBILIER anciennement dénommée SLICOMI
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social 1/3 rue Pasteur de Boulogne
92861 ISSY LES MOULINEAUX CEDEX 9
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour
INTIMEE
La société CALLIOPE nouvellement dénommée ARYSTA LIFESCIENCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social BP 80
Route d'Artix
64150 NOGUERES
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
assistée de Me Emmanuel BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 221
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Angélique VINCENT-VIRY
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président, et par Mme Angélique VINCENT-VIRY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Selon un protocole du 26 décembre 1990 les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER (anciennement SLICOMI), agissant en indivision, ont financé, par le biais d'un crédit-bail immobilier, partie de la construction d'un immeuble à usage d'entrepôt et d'usine pour un montant de 8 689 593, 82 € HT, laquelle somme a été, par un avenant du 19 mars 1993 augmentée de celle de 914 694,10 €.
Il était stipulé que ces intérêts sur les loyers seraient calculés avec une marge de 0,5 % l'an.
Cependant la société CALLIOPE a constaté que ce calcul était en réalité effectué, dès l'origine, sur la base d'une marge de 2%, ce dont elle a avisé les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER le 27 octobre 2003.
Le 22 décembre suivant la société NATIOCREDIBAIL, en sa qualité de représentante du pool, a reconnu cette erreur et remboursé une somme de 568 600,01€ pour sa part, et celle de 341 160,97€ pour celle de la société SLIBAIL IMMOBILIER- soit un total de 909 760,98€ - mais s'est refusé à faire droit à la demande d'indemnisation de la société CALLIOPE chiffrée à la somme de 789 569,09 €.
Par actes du 1er juillet 2005 la société CALLIOPE a en conséquence assigné les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER devant le tribunal de commerce de PARIS en paiement d'une somme de 580 000 €, portée ensuite à 709 569,09 € HT, outre celles de 40 000 €, et 40 000 €.
Par jugement du 30 mars 2003 le tribunal a:
-pris acte de la nouvelle dénomination sociale de la société CALLIOPE, devenue ARYSTA LIFESCIENCE,
-dit recevables mais mal fondées les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER en leurs exceptions de nullité,
-condamné ces dernières pour leurs parts respectives soit 62,50% pour la société NATIOCREDIBAIL et 37,50% pour la société SLIBAIL IMMOBILIER anciennement dénommée SLICOMI à payer à la société CALLIOPE les intérêts, calculés au taux légal, des sommes annuelles perçues à tort, selon la formule suivante:
-base du trop perçu pour l'année X sur lequel est appliqué le taux de l' intérêt légal calculé du 15 juin de X au 27 décembre 2003, pour les bases suivantes:
1993 :102 420,37 €, 1994:103 995,35 €, 1995:100 438,72 €,
1996 :96 468,59 €, 1997: 92 082,19 €, 1998 : 87 179,33€, 1999:
81 695,86€, 2000: 75 548,75 €, 2001: 68 690,31 €, 2002: 61029,68€,
2003: 40 211,83 €,
-condamné selon la même répartition les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer sur les sommes précédemment déterminées les intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2003,
-condamné in solidum ces dernières à payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
-condamné les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER aux dépens.
Le 5 juin 2007 les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER ont procédé au règlement de la somme de 250 728,39€ au titre des intérêts dus en vertu de ce jugement.
Par déclaration du 30 mai 2007 elles ont interjeté appel de ladite décision. Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du Code de procédure civile, ont été déposées le:
-13 novembre 2008 pour les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER, devenue FINAMUR, et les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER,
-22 octobre 2008 pour la société CALLIOPE devenue ARYSTA LIFESCIENCE.
L'ordonnance de clôture du 23 octobre 2008, a fait l'objet, d'accord des parties, d'une révocation et une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2008 à l'ouverture des débats.
Les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER demandent à la Cour de :
-donner acte à la société FINAMUR de ce qu'elle vient aux droits de la société SLIBAIL IMMOBILIER,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société CALLIOPE de sa demande de dommages et intérêts,
-l'infirmer en ce que les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER ont été condamnées à payer des intérêts au taux légal, en application de l'article 1153 du Code Civil,
-débouter la société CALLIOPE de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-la condamner à restituer les somme versées en cause du jugement entrepris,
-et à payer la somme de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société CALLIOPE demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris en toutes ce qu'il a :
-condamné pour leurs parts respectives soit 62,50% pour la société NATIOCREDIBAIL et 37,50% pour la société SLIBAIL IMMOBILIER anciennement dénommée SLICOMI à payer à la société CALLIOPE les intérêts, calculés au taux légal, des sommes annuelles perçues à tort, selon la formule précisée au dispositif du jugement, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2003,
-condamné in solidum les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-l'infirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
-condamner in solidum les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer la somme de 705 569,09 € déduite de la somme de 205 728,39 € en réparation de son préjudice, calculé en application de l'article 18 du protocole du 26 décembre 1990,
-celle de 40 000 € en réparation du préjudice lié à l'augmentation de son niveau d' intérêts et charges du fait du taux erroné appliqué,
-celle de 40 000 € pour mauvaise foi et manquement caractérisé à leurs obligations de diligence, de surveillance et de d'exactitude,
Au titre de l'appel incident,
-condamner les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer, au titre de l'enrichissement sans cause, une indemnité résultant de l'application du taux EURIBOR moins 5% sur la somme de 909 760,98 € HT perçues en trop par ces mêmes sociétés,
En tout état de cause,
-condamner les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 .
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR
Considérant que les appelantes soutiennent, en premier lieu, que le tribunal, qui a statué extra petita, sur la seule initiative du juge rapporteur, les condamnées a tort à payer des intérêts moratoires en vertu de l'article 1153, bien que cet article n'ait pas vocation à s'appliquer ; qu'il n'est en effet pas justifié des conditions de sa mise en oeuvre, les courriers des 27 octobre 2003-simple demande d'explication-et 23 février 2004 dont se prévaut la société CALLIOPE ne contenant aucune interpellation suffisante valant sommation de payer au regard de ce texte ; qu'en outre ce dernier courrier est postérieur au règlement du 22 décembre 2003-de même qu'à l'assignation du 1ojuillet 2005 ;
Considérant que la société CALLIOPE réclame en réplique le bénéfice de l'article 1378 du Code Civil et la confirmation du jugement sur le fondement de la répétition de l'indu, au motif que la mauvaise foi des banques, à qui il incombe d'apporter la preuve contraire, découle de l'importance de la faute professionnelle commise, et du caractère excessif de la marge prélevée ;qu'en effet la banque a l'obligation de tenir avec exactitude le compte de son client, sauf à justifier d'un cas de force majeur, non invoqué en l'espèce et que, dans le cas présent, une seule vérification dès le premier décompte permettait de déceler l'application d'un taux de marge quatre fois supérieur à celui figurant au contrat; que les intimées ne démontrent pas qu'une telle erreur- que ne peut couvrir un quelconque défaut de protestation du client- soit le fruit d'une simple négligence ;
Considérant que la société CALLIOPE demande en conséquence réparation de la totalité de son préjudice, soutenant que si elle a du faire face à des frais de trésorerie résultant d'une charge financière d'environ 1 620 000€ par an entre 1992 et 2003, et qui l'a contrainte à recourir à un financement extérieur les banques ont, pour leur part, fait fructifier cet argent à ses dépens ; qu'elle réclame:
*l'application de l'article 18 du contrat sur les taux d' intérêts de retard, soit l'application du taux EURIBOR + 5 %, par un principe de réciprocité ;
*une indemnité de 40 000 € en raison des charges financières induites par la faute du crédit-bailleur, et qui ont pénalisé le développement de l'activité de la société ;
*une indemnité de 40 000 € en raison de la mauvaise foi des appelantes, et de leurs manquements à leurs obligations de diligence, de surveillance et de d'exactitude ;
*au titre de l'enrichissement sans cause, une indemnité résultant de l'application du taux EURIBOR moins 5% sur la somme de 909 760,98 € HT perçues en trop par ces mêmes sociétés, qui a faite fructifier au détriment de la société CALLIOPE, laquelle s'est corrélativement appauvrie ;
Mais, considérant, en premier lieu, que le débat sur la prise en compte des dispositions de l'article 1153 du Code Civil par le premier juge est sans portée, dès lors que ce moyen est discuté en cause d'appel ;
Considérant que, en réalité, le jugement entrepris a, de fait, appliqué les dispositions de l'article 1378 du même Code, bien qu'il ait crédité la société CALLIOPE d'avoir agi de bonne foi ;
Considérant que dans l'action en répétition de l'indu la mauvaise foi de l'accipiens n'est pas présumée ; que la seule circonstance résultant de l'importance de l'erreur commise par ce dernier ne saurait, à elle seule, établir la volonté de tromper son cocontractant ;
Considérant que le crédit bailleur n'est pas tenu, dans la gestion de ses comptes, d'une obligation de résultat et que, pour conséquente qu'elle fût, l'erreur commise par elle, avait également échappé à l'intimée, professionnel de l'immobilier, à qui il incombait également de vérifier le montant des prélèvements opérés ;
Considérant également que, dès lors qu'elle en a été connue par la société NATIOCREDIBAIL, cette négligence a aussitôt été réparée ;
Considérant que le versement opéré le 22 décembre 2003 caractérise l'exécution par la société NATIOCREDIBAIL de l'obligation de restitution à laquelle les crédits-bailleurs étaient tenus ;
Considérant que ce paiement ne peut, en l'absence de mauvaise foi des sociétés concernées être assorti d'intérêts au taux légal à compter de chaque paiement indu ; que le jugement est en conséquence infirmé sur ce point ; que la société CALLIOPE n'est pas plus fondée à solliciter ces mêmes intérêts dès lors qu'elle ne justifie pas de demandes antérieures valant mise en demeure au sens de l'article 1153 du Code Civil ; qu'en effet la lettre du 27 octobre 2003 ne constitue pas une interpellation suffisante dans la mesure où elle est ainsi libellée :"nous vous prions de bien vouloir reprendre une nouvelle lecture de vos engagements et de nous faire savoir quel moyen vous comptez mettre en place pour le trop perçu..." ;
Considérant, en second lieu, qu'il appartient à la société CALLIOPE d'établir l'existence d'un préjudice distinct de la réparation résultant de la restitution des indus ;
Considérant que l'article 18 du contrat est stipulé dans le seul intérêt des bailleurs, et uniquement en cas de retard dans le paiement des loyers ; que l'intimée n'est en conséquence pas fondée à s'en prévaloir, sous l'invocation d'un principe de réciprocité qui ne figure pas dans les conventions liant les parties ;
Considérant par ailleurs que la société CALLIOPE ne justifie pas d'un lien de cause à effet avec les difficultés financières qu'elle invoque et, notamment d'avoir du recourir à un financement extérieur ; qu'il n'est pas établi que le paiement des sommes concernées ait pénalisé le développement de l'activité de cette société ;
Considérant que dès lors que la mauvaise foi des bailleresses n'est pas démontrée, l'erreur commise de leur fait et qui est réparée par la restitution des indus, ne peut, sous couvert d'un manquement à des obligations de diligence, de surveillance et de d'exactitude, entraîner l'allocation de dommages et intérêts supplémentaires ;
Considérant enfin qu'une demande pour enrichissement sans cause, qui ne peut être exercée qu'à titre subsidiaire, ne peut s'ajouter à une action en responsabilité contractuelle ;
Considérant que le présent arrêt, infirmatif pour partie, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes payées par les appelantes du fait de la décision entreprise;
Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application en première instance et en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que si la société CALLIOPE succombe en ses prétentions, l'erreur originelle qui a été cause du litige incombe aux appelantes, ce qui justifie un partage des dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER à payer des intérêts sur les sommes versées à la société CALLIOPE, et à payer la somme de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré ;
Rejette toutes autres demandes,
Partage les dépens de première instance et d'appel entre les sociétés NATIOCREDIBAIL et SLIBAIL IMMOBILIER d'une part, la société CALLIOPE d'autre part, et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT