La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2008 | FRANCE | N°07/00935

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0130, 18 décembre 2008, 07/00935


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 00935- JJG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juillet 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY RG no 20400820EV

APPELANT
Monsieur Romuald X...
......
91000 EVRY
comparant en personne, assisté de Me Franck Y..., avocat au barreau D'ESSONNE

INTIMEES
Société VEDIOR BIS
Service Gestion AT r>62-64 Cours A. Z...
69008 LYON 08
représentée par Mme CHEVALIER (Juriste) en vertu d'un pouvoir spécial

Société EAST BALT
Rue ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 00935- JJG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Juillet 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY RG no 20400820EV

APPELANT
Monsieur Romuald X...
......
91000 EVRY
comparant en personne, assisté de Me Franck Y..., avocat au barreau D'ESSONNE

INTIMEES
Société VEDIOR BIS
Service Gestion AT
62-64 Cours A. Z...
69008 LYON 08
représentée par Mme CHEVALIER (Juriste) en vertu d'un pouvoir spécial

Société EAST BALT
Rue de Condorcet
ZA des Radars
91700 FLEURY A...
représentée par Me Pascal BATHMANABANE, avocat au barreau de PARIS, toque : P. 261 substitué par Me Danièle B..., avocat au barreau de PARIS, toque : P261

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE (CPAM 91)
Boulevard François Mitterrand
91039 EVRY
représenté par M. PY LEBRUN en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur C...Régional des Affaires Sanitaires et Sociales-Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
...
75935 PARIS CEDEX 19
régulièrement avisé-non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller
Monsieur Jean-Jacques D..., Vice-Président placé, faisant fonction de Conseiller, désigné par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris par ordonnance du 9 Septembre 2008 qui en ont délibéré

Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que le 9 février 1999, Monsieur Romuald X..., embauché dans le cadre d'un contrat de travail temporaire par la S. A. S. Vedior Bis, en qualité de manutentionnaire industrie, mis à disposition de la société East Balt depuis le mois de décembre 1998, a été victime d'un accident gravissime ayant eu, à l'occasion du déblocage d'une panière, son bras droit happé par une machine de lavage et quasiment sectionné ; il en est résulté une fracture ouverte-stade 3- des deux os de l'avant-bras, avec délabrement musculaire des épicondyles et traumatismes des nerfs radial et cubital.

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation professionnelle, avec reconnaissance d'une incapacité permanente partielle de 12 % et l'allocation d'une rente de 74, 22 euros mensuels.

Le 14 février 2001, le tribunal correctionnel d'Evry a condamné le directeur de l'établissement de la société East Balt dans lequel l'accident s'est produit et par jugement du 17 janvier 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a notamment dit que l'accident du travail, dont a été victime Monsieur Romuald X..., était imputable à une faute inexcusable de l'employeur, la S. A. S. Vedior Bis, majoré au taux maximum la rente allouée au salarié, organisé avant-dire droit une expertise aux fins de détermination de l'étendue du dommage supportée par la victime, alloué une provision de 10 000 euros et condamné la société East Balt à garantir la S. A. S. Vedior Bis.

Par jugement du 10 juillet 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, après dépôt du rapport du docteur Yves E..., a statué comme suit

-fixe à la somme de : * 6500 euros le pretium doloris
* 4500 euros le préjudice esthétique
* 4000 euros le préjudice d'agrément

, dont à déduire la provision versée de 10 000 euros, avec exécution provisoire ;

- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis récupérera le montant de ces indemnisations auprès de la S. A. S. Vedior Bis en application des dispositions de l'article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale ;

- condamne in solidum la S. A. S. Vedior Bis et la société East Balt à verser à Monsieur Romuald X...la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute les parties du surplus de leurs demandes

Par déclaration au greffe du 12 septembre 2007, Monsieur Romuald X...a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 10 juillet 2007.

Monsieur Romuald X...développe oralement et dépose des conclusions, dans lesquelles il est demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu ;

- de fixer les préjudices comme il suit

* pretium doloris 4 / 7 à la somme de 50 000 euros, le docteur E...relevant qu'il a subi trois opérations chirurgicales, des soins locaux, l'ablation des broches, une rééducation, des troubles psychologiques se caractérisant, à la suite de la peur de mourir au moment de l'accident, par une dépression majeure ayant requis un suivi psychiatrique ;

* préjudice esthétique 3 / 7 à la somme de 15 000 euros, en raison des éléments cicatriciels au niveau du coude droit, sur trois faces, au bras et au niveau du troisième doigt droit, sur les faces antérieures et latérales interne et externe de la cuisse droite résultant de la prise de greffon ;

* préjudice d'agrément à la somme de 20 000 euros, se répartissant en deux postes de 10 000 euros pour les périodes précédant et suivant la consolidation, ne pouvant pratiquer aucun sport alors qu'il faisait du vélo et de la boxe anglaise et qu'il a pris vingt-cinq kilogrammes à la suite de l'accident ; il ajoute que sa force musculaire est diminuée, qu'il a perdu la sensibilité des doigts de la main droite et qu'il ne peut exposer son bras droit au soleil, pour éviter tout problème cutané

* préjudice professionnel à la somme de 66 112 euros, en raison de la perte de revenu subie à la suite de l'accident, n'ayant pu, en raison de la dépression qu'il a traversé, travailler qu'épisodiquement et ne pouvant accepter des emplois dans lesquels son bras droit est sollicité, avant d'être enfin employé par la régie autonome des transports parisiens, et à celle de 178 474, 80 euros au titre de la perte de chance d'exercer une profession dans la vente, conformément à sa formation, et contrairement à ce qu'il envisageait à la fin de sa période d'intérim, pouvant espérer atteindre un poste lui procurant un revenu mensuel de 2 000 à 2 500 euros mensuels, soit 700 euros de plus que ce qu'il perçoit actuellement ;

La S. A. S. Vedior Bis développe oralement et dépose des conclusions, dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur Romuald X...de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Elle précise que le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a parfaitement analysé et indemnisé l'entier préjudice de la victime, en tenant compte dans son évaluation du pretium doloris des souffrances qualifiées de moyenne par l'expert, que le préjudice esthétique a une intensité moindre et a été justement indemnisé, qu'il n'est pas justifié par l'appelant d'un quelconque préjudice d'agrément résultant de l'interdiction de la pratique d'un sport et que les éléments objectifs le caractérisant ont permis une juste évaluation en première instance. Elle ajoute qu'il en est de même pour le préjudice professionnel allégué qui n'est pas justifié, l'appelant ne produisant aucun élément venant au soutien d'une perte de chance de promotion professionnelle. Elle demande que la requête portant sur la perte de revenu soit déclarée irrecevable, ce préjudice ne pouvant être indemnisé.

La société East Balt développe oralement et dépose des conclusions dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur Romuald X...de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis s'en rapporte à Justice.

Il est fait référence aux écritures déposées par les parties pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par elles au soutien de leurs prétentions.

SUR CE

Considérant que le docteur Yves E...a chiffré le pretium doloris à 4 / 7 sur une échelle de sept degrés, le qualifiant de moyen ; que cette évaluation prend en compte l'importance du traumatisme initial, la quasi amputation du bras droit, le choc émotionnel, les douleurs contusionnelles, les troubles du sommeil, la réaction anxieuse et dépressive, le suivi psychologique et psychiatrique, les médications spécialisées, le fait qu'il n'y avait aucun antécédent notable avant l'accident du travail ; qu'ainsi la cour estime disposer d'éléments d'appréciation suffisant pour fixer ce chef de préjudice à 50 000 euros ;

Considérant que l'expert a évalué le préjudice esthétique à 3 sur l'échelle de sept degrés le qualifiant de modéré ; qu'il rapporte ce préjudice à la présence de diverses cicatrices au niveau du coude droit sur les faces antérieure, externe et interne, sur le bras, l'avant-bras et le troisième doigt droit et sur celles résultant de la prise de greffons dermo-épidermiques sur les faces antérieure et latérales interne et externe de la cuisse droite ; que ces indications, s'agissant d'un homme de vingt-quatre ans au moment de l'accident, ajouté à l'obligation de vivre avec un avant-bras droit présentant de larges et nombreuses cicatrices, justifient pleinement une évaluation à hauteur de 8 000 euros ;

Considérant que la juridiction de première instance a limité l'indemnisation du préjudice d'agrément à une somme de 4 000 euros tout en reconnaissant les difficultés de l'appelant à se livrer normalement à certaines activités ; qu'il est, en effet, parfaitement clair que les séquelles présentées par Monsieur Romuald X...handicapent les activités ludiques, sportives ou occupationnelles auxquelles peut prétendre normalement tout homme de son âge ; qu'en outre, la réparation du préjudice d'agrément ne se limite pas à la réparation des préjudices subis par des victimes justifiant de telle ou telle pratique ; qu'en d'autres termes, il est patent que les séquelles retenues par l'expert constituent un handicap, voire un obstacle, aux actes les plus courants de la vie quotidienne, définissant une atteinte constante à la qualité de la vie ; qu'ainsi, sans qu'il ne soit nécessaire de diviser ce poste de préjudice entre préjudices antérieur et postérieur à la consolidation, ce chef de préjudice est équitablement indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros ;

Considérant que, pour être accueilli et indemnisé, le préjudice professionnel résultant de l'accident doit répondre à plusieurs paramètres ; qu'il faut ainsi savoir si la victime avait amorcé un cursus de qualification professionnelle laissant supposer que sans l'accident, ce cursus aurait continué et qu'en raison de l'accident et de ses conséquences, elle ne peut plus exercer son métier ; qu'en l'espèce, Monsieur Romuald X..., rapporte avoir commencé en 1996 un contrat en apprentissage dans la distribution auprès d'Intermarché avec l'obtention dans le cadre d'un contrat de qualification, en 1999, d'un baccalauréat professionnel et qu'à terme, après la fin de sa période d'intérim, compte tenu de la qualification obtenue, il pouvait à aspirer à un poste dans la distribution ; que, même s'il ne rapporte pas la preuve d'une promesse d'embauche pour un poste de sa branche de qualification, il est incontestable que, depuis 1996, Monsieur Romuald X...a suivi un cursus professionnel l'amenant du CAP au baccalauréat professionnel, que cette progression laisse supposer que sans l'accident il aurait continué à gravir les échelons de sa profession et que les conséquences de l'accident l'empêchent d'exercer le métier bien spécifique pour lequel il a été formé ; qu'il convient de recevoir cette demande et de faire droit à l'indemnisation sollicité en allouant à Monsieur Romuald X...la somme de 100 000 euros à ce titre ;

Considérant que la perte de revenu résultant de l'accident du travail est déjà compensée par le versement d'une allocation au titre de l'incapacité permanente partielle et ne peut être indemnisée doublement ; que cette demande doit être rejetée ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, l'équité commande de faire à nouveau bénéficier Monsieur Romuald X...des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en lui allouant une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare Monsieur Romuald X...recevable et bien fondé en son appel

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau :

fixe comme suit le montant des préjudices résultant pour Monsieur Romuald X...de la faute inexcusable de son employeur la S. A. S. Vedior Bis

*pretium doloris 50 000 euros (cinquante mille euros)

* préjudice esthétique 8 000 euros (huit mille euros)

* préjudice d'agrément 10 000 euros (dix mille euros),

* préjudice professionnel 100 000 euros (cent mille euros)

dont à déduire les sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire de la première décision de première instance ;

Dit qu'en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale les sommes allouées en réparation de ces différents chefs de préjudice personnel, soit un total de 168 000 euros (cent soixante-huit mille euros), seront versées directement par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, qui en récupérera le montant auprès de la S. A. S. Vedior Bis ;

Dit que la société East Balt doit garantir la S. A. S. Vedior Bis de l'ensemble des condamnations prononcées

Condamne in solidum la S. A. S. Vedior Bis et la société East Balt à payer à Monsieur Romuald X...une somme de 3 000 euros (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute, en tant que de besoin, les parties de toutes autres demandes, fins ou conclusions déclarées contraires, inutiles ou mal fondées.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0130
Numéro d'arrêt : 07/00935
Date de la décision : 18/12/2008

Références :

ARRET du 08 avril 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 8 avril 2010, 09-11.634, Publié au bulletin

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-18;07.00935 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award