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18/12/2008 | FRANCE | N°07/001148

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0130, 18 décembre 2008, 07/001148


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01148- SN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN RG no 20600734MN

APPELANT
Monsieur Jorge Manuel X... Y...
...
...
PORTUGAL
représenté par Me Joël RABIER, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Thierry Z..., avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

S
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)
Rubelles
77951 MAINCY CEDEX
représentée par Melle LANGLOIS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01148- SN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN RG no 20600734MN

APPELANT
Monsieur Jorge Manuel X... Y...
...
...
PORTUGAL
représenté par Me Joël RABIER, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Thierry Z..., avocat au barreau de MEAUX

INTIMEES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)
Rubelles
77951 MAINCY CEDEX
représentée par Melle LANGLOIS en vertu d'un pouvoir général

SAS LA LIMOUSINE
11 rue Saint Blandin
77700 BAILLY ROMAINVILLIERS
représentée par Me Nicole-Marie POIRIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 228

Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales-Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
58-62, rue de Mouzaia
75935 PARIS CEDEX 19
régulièrement avisé-non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller
Madame Sylvie NEROT, Conseiller, désignée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris par ordonnance du 30 Octobre 2008 pour compléter la chambre du 30 Octobre au 31 Décembre 2008 qui en ont délibéré

Greffier : Madame Béatrice OGIER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur Marcelino Y... a été employé en qualité d'ouvrier canalisateur par la Société par actions simplifiée La LIMOUSINE dont l'activité consiste en la réalisation de réseaux pour fluides, et ceci à compter du 12 novembre 1973 jusqu'au 14 mars 2003, date à laquelle il a été placé en arrêt maladie.

Le 09 novembre 2005, Monsieur Marcelino Y... est décédé des suites d'un cancer de la vessie reconnu comme maladie professionnelle par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine et Marne (la CPAM) qui, par décision notifiée le 25 mai 2005, lui précisait : " votre maladie, inscrite au tableau 016bis- tumeurs malignes de la vessie, est prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels ".

S'étant prévalu devant la CPAM, le 1er février 2006, de la faute inexcusable de l'employeur lui permettant de prétendre au bénéfice de l'indemnisation complémentaire prévue à l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, le fils de la victime, Monsieur Jorge Manuel X... Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs, André et Jorge Miguel Y... Y... a, faute d'accord amiable entre la CPAM et lui-même, d'une part, et l'employeur, d'autre part, portant sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, saisi de sa réclamation le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun par courrier de son conseil reçu au greffe de cette juridiction le 06 octobre 2006.

Par jugement contradictoire rendu le 31 août 2007, le tribunal ainsi saisi a :
- déclaré l'action de Monsieur Jorge Manuel X... Y... recevable mais mal fondée,
- débouté Monsieur Jorge Manuel X... Y... de ses demandes et dit n'y avoir lieu à statuer sur ses demandes subsidiaires,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par lettre recommandée postée le 16 novembre 2007 et reçue au greffe social de la présente cour d'appel de Paris, Monsieur Jorge Manuel X... Y..., agissant par son conseil, a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions développées oralement par son conseil lors de l'audience du 13 novembre 2008 Monsieur Jorge Manuel X... Y... agissant tant en son nom personnel qu'au nom de ses deux enfants mineurs Jorge B... et André Y... Y..., se prévalant du fait qu'au cours de sa carrière Monsieur GOMES a été en contact de l'amiante et du goudron et entendant démontrer que les conditions légales permettant de retenir la faute inexcusable de l'employeur sont réunies, demande à la cour :
- de le déclarer recevable et fondé en son appel et d'infirmer, en conséquence, le jugement entrepris,
- de condamner la Société par actions simplifiée La LIMOUSINE à lui payer :
- la somme de 15. 000 euros au titre de son préjudice moral personnel,
- la somme de 10. 000 euros pour chacun de ses deux enfants mineurs au titre de leur préjudice moral personnel,
- la somme de 3. 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique et par conclusions oralement soutenues à l'audience par son conseil, la Société par actions simplifiée La LIMOUSINE, tirant argument du fait que Monsieur Y... n'a pas été victime d'une maladie professionnelle en lien avec l'amiante ou les poussières d'amiante (répertoriée aux tableaux no 30 et no 30bis des maladies professionnelles) et, par ailleurs, de l'absence de démonstration de l'exposition de Monsieur Y... au goudron de houille, demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris,
- de donner acte à la CPAM de Seine et Marne de ce qu'elle ne pourra lui imputer les conséquences d'une éventuelle faute inexcusable,
- de condamner solidairement les ayant droits de Monsieur Y... à lui verser la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine et Marne, par son représentant, a déclaré s'en remettre à la sagesse de la cour sur le mérite de la demande.

SUR CE,

Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ;
Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Considérant que c'est à Monsieur Y... Y..., ayant droit de la victime, qu'il appartient de démontrer que Monsieur Marcelino Y... a été victime d'une maladie professionnelle et que celle-ci a été provoquée par la faute inexcusable de l'employeur ;

Que, s'agissant de la reconnaissance de la maladie professionnelle de ce dernier, il est constant qu'une déclaration de maladie professionnelle a été établie le 07 février 2005 pour un cancer de la vessie avec métastases aux poumons et aux reins, au titre du tableau no16 bis des maladies professionnelles relatif aux affections cancéreuses provoquées par les goudrons de houille, les huiles de houille, les brais de houille et les suites de combustion du charbon, et que la reconnaissance, par la CPAM de Seine et Marne, le 25 mai 2005, du caractère professionnel de la maladie inscrite au tableau no16 bis est intervenue après un examen médical pratiqué par le docteur C... et une enquête administrative ;

Que la CPAM de Seine et Marne a, en outre, reconnu l'existence d'un lien de causalité entre cette maladie professionnelle et le décès par lettre du 06 juin 2004 adressée à Monsieur Y... Y... dans laquelle elle lui indiquait " qu'après instruction du dossier concernant la maladie professionnelle du 30 août 2004 dont était atteint Monsieur Y... Marcelino, le décès est reconnu comme une conséquence de ladite affection et peut, de ce fait, être rattaché aux dispositions prévues pour les maladies professionnelles "

Considérant qu'en dépit de ce contexte, Monsieur Y... Y... affirme qu'il est indiscutable que la SAS La LIMOUSINE a exposé Monsieur Marcelino Y... à un risque, celui de l'amiante ;
Que, pour étayer son moyen, il tire argument d'un questionnaire complété par Monsieur Marcelino Y... le 04 avril 2005, lequel, à la question relative à la description des travaux qu'il réalisait, a répondu : " être accroupi des heures au fond des regards / / scier les tuyaux en amiante (plus de 20 ans !) / / étaler goudrons sur les routes / / acides aminés plus ciments ", et qui, à la question relative aux produits à sa disposition, a répondu : " amiante, goudrons, ciments, acides aminés " ;
Qu'il se prévaut, par ailleurs, d'un certificat médical établi le 07 février 2005 faisant état de métastases pulmonaires ;
Qu'il s'appuie, de plus, sur les termes de l'enquête administrative réalisée le 17 mars 2005 pour le compte de la CPAM, selon laquelle " jusqu'en 1975, il a posé et coupé des tuyaux d'eternit, cela dans des regards d'une profondeur de 1 mètre à 5 mètres, il utilisait du ciment prompt à l'intérieur des tuyaux d'eternit pour les sceller, il utilisait également du ciment ordinaire et l'hiver, il ajoutait de la poudre anti-gel à ciment ; depuis 1996, les tuyaux sont en PVC, il utilise de la colle PVC ; de façon habituelle, en fin de chantier, il utilisait du goudron " ;
Qu'il invoque, ce faisant, les dispositions combinées des articles 53-3 de la loi du 23 décembre 2000 et 17 du décret du 23 octobre 2001 selon lesquels la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de la sécurité sociale établit une présomption de lien de causalité entre la maladie et l'exposition à l'amiante ;
Qu'il ajoute, enfin, que l'employeur avait conscience du danger auquel il exposait ses salariés, reconnaissant avoir acheté du matériel de protection, mais qu'il n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour les protéger ;

Qu'à juste titre, et ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, la Société La LIMOUSINE oppose à Monsieur Y... Y... le fait qu'il n'établit pas que son auteur, Monsieur Y..., souffrant d'un cancer de la vessie pris en charge au titre du tableau no 16 bis, ait été victime d'une maladie professionnelle en lien avec l'amiante ou la poussière d'amiante, maladies visées par les seuls tableaux no 30 et no 30 bis ;

Que le moyen ne saurait, dès lors, prospérer ;

Considérant qu'il est, en revanche, constant que Monsieur Marcelino Y... a été victime d'une des maladies visées tableau no 16 bis liées à l'exposition au goudron, produit qui se définit comme étant un dérivé houiller de couleur noire, sous-produit de la distillation de la houille lors de la fabrication du coke et qui, selon l'encyclopédie scientifique dont l'intimée produit un extrait, n'est plus, de nos jours, employé couramment en technique routière mais seulement utilisé lorsque l'on veut bénéficier de sa résistance aux hydrocarbures, par exemple dans les stations services car le bitume, d'origine pétrolière, est soluble dans les hydrocarbures ;

Que si Monsieur Y... Y... affirme que Monsieur Y... a été exposé au risque du goudron de houille au sein de la SAS La LIMOUSINE, il se borne à étayer ses affirmations en se prévalant des déclarations de Monsieur Y... et des termes de l'enquête administrative repris ci-avant in extenso ;

Qu'il s'abstient de débattre des éléments de preuve que lui oppose la SAS La LIMOUSINE pour démontrer que Monsieur Y... n'a pas été exposé au goudron de houille en son sein et, plus précisément, d'un courrier établi le 27 mars 2007 par l'unique fournisseur de cette Société, Société SPME, de nature à établir que pour réaliser les travaux de revêtement des voies de circulation, après intervention sur les installations de voirie, la Société La LIMOUSINE n'utilise que des enrobés à chaud, lesquels ne contiennent ni houille ni dérivés de houille et ne requièrent qu'un seul type de protection, à savoir le port d'un masque lors d'utilisation en espace confiné, étant relevé que dans son questionnaire, Monsieur Y... décrivait son lieu de travail comme étant " la nature (le long des routes) plus ou moins hospitalière " ;

Que, de la même façon, il ne débat pas du moyen que lui oppose la SAS La LIMOUSINE pris de la décision de la commission de recours amiable qu'elle a saisie, le 25 mai 2007, d'une action en contestation du caractère professionnel de la maladie de Monsieur Y... et qui, dans un courrier daté du 16 juillet 2007, lui indique : " en fonction des arguments que vous avancez dans votre recours, j'ai fait procéder à une nouvelle étude du dossier litigieux dont le résultat me conduit dès aujourd'hui, à considérer que les prestations versées à la victime du fait de sa maladie professionnelle ne doivent pas être prises en compte pour la tarification des risques accident du travail et maladie professionnelle de votre société " ;

Qu'ainsi, faute, par l'appelant, de démontrer que Monsieur Marcelino Y... a été exposé au goudron de houille au sein de la Société La LIMOUSINE et faute d'établir, au surplus, que la Société La LIMOUSINE avait ou aurait dû avoir conscience des risques de l'exposition au goudron et qu'elle n'a pas pris les mesures de protection qui s'imposaient, celui-ci doit être débouté de son action tendant à voir reconnaître que la SAS La LIMOUSINE, employeur de son auteur, a commis une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, le jugement déféré qui a débouté Monsieur Y... Y... de ses demandes sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 au profit de Monsieur Y... Y... ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Déboute Monsieur Jorge Manuel X... Y... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dispense l'appelant du paiement du droit d'appel prévu à l'article R 114-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0130
Numéro d'arrêt : 07/001148
Date de la décision : 18/12/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-18;07.001148 ?
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