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18/12/2008 | FRANCE | N°06/00226

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0130, 18 décembre 2008, 06/00226


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00226-MCL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2006 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG no 20401834

APPELANTE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

Service 6012 - Recours Judiciairesr>
TSA 80028

93517 MONTREUIL CEDEX

représentée par M. François Pierre VOISIN en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE APPELANTE I...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRET DU 18 Décembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00226-MCL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2006 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY RG no 20401834

APPELANTE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)

Service 6012 - Recours Judiciaires

TSA 80028

93517 MONTREUIL CEDEX

représentée par M. François Pierre VOISIN en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE APPELANTE INCIDENTE

SNC LE PARISIEN LIBERE

25 avenue Michelet

93408 SAINT OUEN CEDEX

représentée par Me David JONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIMEES

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'OISE (URSSAF 60)

11 Ambroise Paré

60015 BEAUVAIS CEDEX

représentée par M. François Pierre VOISIN en vertu d'un pouvoir général

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE SEINE ET MARNE (URSSAF 77)

6, rue René Cassin

77023 MELUN CEDEX

représentée par M. François Pierre VOISIN en vertu d'un pouvoir général

Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)

58-62, rue de Mouzaia

75935 PARIS CEDEX 19

Régulièrement avisé - non représenté.

DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES

DE PICARDIE (DRASS 02 - 60 - 80)

52, rue Daire

80037 AMIENS CEDEX 01,

régulièrement avisée- non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bertrand FAURE, Président

Madame Marie-Christine LAGRANGE , Conseiller

Monsieur Jean-Jacques GILLAND, Vice-Président placé, faisant fonction de Conseiller, désigné par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris par ordonnance du 9 Septembre 2008 qui en ont délibéré

Greffier : Mme Pierrette BOISDEVOT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le contexte législatif et jurisprudentiel des taux de cotisations applicables aux journalistes professionnels a évolué et en particulier, la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 14 mai 1998, confirmé par un autre arrêt du 11 avril 2002, a dit que la loi no90-86 du 23 janvier supprimant le plafond de l'assiette des cotisations accidents du travail n'avait pas abrogé les articles 1er et 2 de l'arrêté du 26 mars 1987 et ne pouvait donc faire échec à l'application de l'abattement prévu par ce texte sur le taux des cotisations intéressant les journalistes professionnels.

Le 9 avril 2004, la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a sollicité de l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région parisienne le remboursement des cotisations trop versées sans abattement pour ses journalistes mais s'est vue opposer un refus implicite.

Dans sa séance du 20 décembre 2004, la Commission de recours amiable a confirmé la décision de rejet de la demande.

La S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins d'obtenir le remboursement de cotisations d'allocations familiales, d'assurances vieillesse et du versement transport au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2000 en faisant valoir que le délai de prescription visé par l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale était inapplicable en l'espèce et qu'elle avait subi un préjudice du fait des fautes commises par l'U.R.S.S.A.F. de Paris-Région parisienne entraînant sa responsabilité et sa condamnation à réparer le préjudice subi sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Par jugement avec exécution provisoire en date du 17 janvier 2006, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :

- ordonné la jonction des procédures enrôlées dans plusieurs tribunaux entre les U.R.S.S.A.F. et la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE,

- déclaré prescrite l'action en répétition des cotisations versées au cours de la période de 1990 à 2000,

- condamné l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région parisienne à payer à la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE à titre de dommages et intérêts la somme de 1 671 765 €,

- condamné l'U.R.S.A.F. de l'OISE à payer à la S.N.C LE PARISIEN LIBERE à titre de dommages et intérêts la somme de 134 900 €,

- condamné l'U.R.S.S.A.F. de SEINE ET MARNE à payer à la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE à titre de dommages et intérêts la somme de 103 472 €,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2004,

- condamné les défenderesses à payer à la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE la somme de 1 500 €, soit 500 € pour chacune d'entre elles, au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au Greffe de la Cour le 10 février 2006, l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région parisienne a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 25 septembre 2008 et soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'U.R.S.S.A.F. de Paris-Région Parisienne demande à la Cour de :

- constater que l'action en répétition de l'indu est prescrite et confirmer sur ce point le jugement entrepris,

- infirmer pour le surplus,

- dire qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'ouvrir droit à une quelconque réparation,

- en conséquence, ordonner le remboursement des dommages et intérêts ainsi que des intérêts légaux déjà versés par l'URSSAF à la SNC LE PARISIEN LIBERE au mois d'avril 2006 en exécution de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 10 mars 2006,

- condamner la SNC LE PARISIEN LIBERE au paiement des intérêts légaux sur ladite somme versée à compter du 1er mai 2006, celle-ci ne pouvant ignorer compte tenu de l'appel interjeté par l'URSSAF que la somme qu'elle percevait n'était pas payée avec réserve,

- condamner la SNC LE PARISIEN LIBERE à la capitalisation des intérêts sur toutes les sommes qu'elle sera amenée à restituer,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué 500 € à la SNC LE PARISIEN LIBERE sur le fondement de l'article sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- débouter la SNC LE PARISIEN LIBERE de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause, condamner la SNC LE PARISIEN LIBERE à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du "nouveau code de procédure civile".

L'URSSAF soutient que :

- la jurisprudence est très claire en retenant que la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la Cour de Cassation en faveur de celle défendue par les débiteurs des cotisations n'est pas constitutive d'une faute à la charge des organismes de recouvrement susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard des cotisants,

- les termes de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 6 mars 2008 qui énonce ce qui relève du devoir d'information des URSSAF et de ce qui doit être su par tout citoyen sont également très clairs et ne permettent pas de retenir à son encontre un défaut d'information,

- la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme a été rendue dans un contexte totalement différent de l'espèce.

- l'intervention d'une décision de justice, quelle qu'elle soit, n'a pas pour effet de modifier le régime de prescription applicable en raison de la nature de la créance

- la société avait la possibilité de contester l'ancienne interprétation dès l'adoption des premières lois de déplafonnement et le cours de la prescription n'a été ni interrompu, ni suspendu,

- les bordereaux sont déclaratifs et aucune faute ne peut être imputée aux URSSAF,

- si une faute était retenue à son encontre, le lien de causalité avec un préjudice , par ailleurs, non démontré n'est pas établi,

- accepter une faute reviendrait à reconnaître un effet rétroactif de la jurisprudence et installer l'insécurité juridique,

- en tout état de cause l'incertitude juridique n'est pas génératrice de dommages et intérêts.

Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 25 septembre 2008 et soutenues oralement à l'audience par son Conseil, la S.N.C LE PARISIEN LIBERE demande à la Cour de :

- ordonner la jonction des procédure enregistrées sous les numéros 06/00225, 06/00226 et 06/00296,

- constater les fautes commises par l'URSSAF de Paris-Région parisienne, l'URSSAF de l'Oise et l'URSSAF de Seine et Marne lui ayant causé un préjudice correspondant aux cotisations indûment versées au titre de la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 2000,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté ces fautes,

- condamner l'URSSSAF de Paris Région parisienne à lui verser la somme de 1 671 765 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de réclamation soit à compter du 9 avril 2004,

- condamner l'URSSAF de Seine et Marne à lui verser la somme de 103 472 € au même titre, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004,

- condamner l'URSSAF de l'Oise à lui verser la somme de 134 900 € au même titre, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004,

- subsidiairement, constater que l'action en répétition de l'indu qu'elle a introduite à l'encontre des trois URSSAF n'est pas prescrite,

- infirmer le jugement entrepris à ce titre,

- condamner l'URSSAF de Paris région parisienne à lui verser la somme de 1 671 765 € de cotisations indûment versées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004,

- condamner l'URSSAF de Seine et Marne à lui verser la somme de 103 472 € au même titre augmentée des intérêts au taux légal à compter de la même date,

- condamner l'URSSAF de l'Oise à lui rembourser la somme de 134 900 € de cotisations indûment versées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004,

- en tout état de cause, condamner les URSSAF à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société intimée soutient que :

- il pèse sur les U.R.S.S.A.F. un devoir d'information à l'égard des cotisants d'autant plus que la législation en matière de sécurité sociale est complexe,

- toute interprétation erronée d'un texte par ces organismes est nécessairement fautive même si cette interprétation n'a été désavouée qu'ensuite par la Cour de Cassation, une telle solution obéissant aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime rappelés par la Cour européenne des droits de l'homme,

- en l'espèce, l'interprétation erronée de l'arrêté du 26 mars 1987 a été répétée à plusieurs reprises par des lettres circulaires,

- le cotisant ne peut de lui-même procéder à une rectification de l'erreur d'interprétation sans encourir de sanction,

- l'ignorance légitime et raisonnable de ses droits caractérise l'impossibilité d'agir et le délai de prescription ne court alors pas,

- ce délai n'a commencé à courir qu'à compter du 15 avril 2003, date de la circulaire de l'A.C.O.S.S., selon l'adage contra non valentem agere non currit praescriptio : l'ignorance légitime du solvens doit être constatée en toute hypothèse lorsque le solvens est en présence d'un indu rétroactif.

- la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé que le fait de faire peser sur le sort d'un bien une incertitude sur son régime juridique revient à vider de son contenu le droit de propriété.

SUR CE

Considérant que la loi no90-86 du 23 janvier 1990 a supprimé le plafonnement des cotisations "Accidents du travail et Maladies professionnelles"; que la loi no91-73 du 18 janvier 1991 a ajouté à l'article L 241-3 du code de la sécurité sociale que la cotisation d'assurance vieillesse à la charge des employeurs est calculée sur la totalité des rémunérations ; que la loi de finances pour 1993 du 30 décembre 1992 a supprimé toute référence au plafond de la sécurité sociale pour le calcul de la contribution "versement transport" ; que la C.N.A.M.T.S. ainsi que l'ACOSS ont interprété ces textes législatifs comme ayant implicitement abrogé l'abattement de 20% tel qu'il était prévu par l'arrêté du 26 mars 1987 pour les journalistes professionnels et assimilés ;

Considérant que cette doctrine administrative a été déclarée mal fondée par la Cour de Cassation, dans trois arrêts, des 14 mai 1998, 11 avril 2002 et 17 octobre 2002, qui a dit que cet abattement de 20% prévu devait continuer à s'appliquer au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail ; que par lettre collective du 15 avril 2003, l'A.C.O.S.S. a déclaré que le raisonnement applicable aux seuls accidents du travail devait être étendu à toutes les cotisations déplafonnées et à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'arrêté du 26 mars 1987 ;

Considérant qu'il est acquis aux débats que les cotisations versées par la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE sur la totalité des rémunérations des journalistes qu'elle avait employés au cours de la période 1990-2000 ont été acquittées sans abattement ;

Considérant que, par lettre du 9 avril 2004, la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a alors formé une demande de remboursement auprès de l' U.R.S.S.A.F. de ces cotisations par elle versées ;

A/. Sur la faute de L'URSSAF.

Considérant que des divergences d'interprétation ne sont pas nécessairement fautives comme l'a retenu à tort le tribunal ; que même si l'URSSAF de Paris Région Parisienne a systématiquement maintenu son interprétation bien que la Cour de Cassation eût tranché dès le 14 mai 1998, pour autant il ne peut lui être reproché un manquement à son obligation d'information ;

Considérant, en conséquence, qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de L'URSSAF Région Parisienne ;

B/. Sur la recevabilité de l'action en répétition de l'indu.

Considérant que la société LE PARISIEN LIBERE développe différents moyens et arguments au soutien de la recevabilité de son action en répétition de l'indu ;

Considérant que l'article L 243-6 du code de la sécurité sociale, applicable dans les termes de la loi no2003-1199 du 18 décembre 2003 dispose que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées ; que, si l'obligation de remboursement desdites cotisations naît d'une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, la demande de remboursement ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième années précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ;

Considérant, en l'espèce, que les décisions juridictionnelles servant de fondement à la demande de remboursement des cotisations indues, rendues sur opposition à contraintes, ne statuent pas sur la conformité d'une règle de droit à une règle supérieure mais mettent fin à une contestation sur l'application d'une loi nationale par une circulaire n'ayant pas de valeur réglementaire ; que le deuxième alinéa de l'article L 243-6 du code susvisé ne trouve donc pas application en l'espèce comme l'a exactement retenu le tribunal ; que la règle de prescription applicable en l'espèce n'est autre que celle édictée par l'article L 243-6 alinéa 1er du code de la sécurité sociale ;

Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 2251 du code civil, "la prescription court contre toutes personnes, à moins qu'elle ne soit dans quelque exception établie par une loi";

Considérant que, sur le fondement de cet article, la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE soutient que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir et que le délai de prescription est reporté au moment où cesse cette impossibilité, l'obligation de remboursement n'étant née qu'à cette date ; qu'elle en déduit que l'article L 243-6 susvisé ayant limité à un cas précis le délai de trois années de cotisations indues, le remboursement pour tous les autres cas porte sur la totalité des années pendant lesquelles les sommes ont été versées ;

Considérant que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE soutient qu'elle n'a pu connaître l'étendue de ses droits qu'après avoir été informée de la lettre de l'ACOSS du 15 avril 2003 et qu'elle avait été dans l'impossibilité d'agir avant cette date en raison de l'ignorance légitime et raisonnable de ses droits ; que l'U.R.S.S.A.F., quant à elle, soutient qu'aucun obstacle n'interdisait à l'appelante de contester avant l'expiration du délai la doctrine administrative comme l'ont fait certaines entreprises de presse ;

Considérant que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE produit aux débats les documents d'information que lui a fait parvenir l'Union de recouvrement entre 1990 et 2000 ; que la circulaire de la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des travailleurs salariés du 8 janvier 1991 est explicite en précisant plus spécifiquement pour les journalistes "Dès lors, en matière d'accidents du travail, la suppression de la notion de plafond entraîne celle de l'abattement. Il convient de noter que, appliqués sur les salaires en totalité, les taux faisant antérieurement l'objet de l'abattement étaient "plafonnés" alors qu'à présent les taux applicables sont "déplafonnés". En conséquence, les journalistes visés par l'arrêté ne font plus l'objet d'une disposition particulière et à compter du 1er janvier 1991, le taux notifié au titre de l'activité principale de l'établissement intéressé, concerne aussi cette catégorie de personnel" ;

Que l'A.C.O.S.S., dans une lettre circulaire du 19 janvier 1993 relative au déplafonnement de l'assiette du Versement Transport, précise :" A noter que le déplafonnement de l'assiette entraîne le calcul du Versement Transport au taux plein pour les journalistes (...) bénéficiant de taux réduits pour le calcul des cotisations plafonnées" ;

Que l'U.R.S.S.A.F. (75-U) a fait parvenir à ses cotisants une note, datée de juillet 1993 et intitulée "JOURNALISTES PROFESSIONNELS - PIGISTES - EMPLOYES PAR LES AGENCES DE PRESSE ET LES ENTREPRISES DE PRESSE", pour préciser que, pour le calcul des cotisations, l'assiette était constituée par "l'ensemble des rémunérations, primes versées aux journalistes" et donnant le tableau de calcul des différents taux applicables ;

Considérant qu'il résulte des éléments ci-dessus analysés que l'U.R.S.S.A.F. a diffusé sans réserve et de façon péremptoire son interprétation aux employeurs cotisants qui ont consciencieusement respecté les règles qui leur étaient données à appliquer ;

Considérant que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a rempli les bordereaux qui lui étaient adressés en tenant compte de cette interprétation sur le déplafonnement ; que, contrairement à ce que soutient l'U.R.S.S.A.F., l'employeur a une obligation imposée par l'Union de recouvrement de renvoyer le bordereau enregistré par le CERFA en appliquant les taux qui lui ont été rappelés par les différentes informations données par les organismes de recouvrement dont l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région parisienne ; que si effectivement le système est déclaratif, pour autant la déclaration doit respecter des modèles de bordereau sur lesquels, pendant la période litigieuse, la mention de l'abattement de 20% avait été supprimée ; que l'U.R.S.S.A.F. ne peut utilement se retrancher derrière la possibilité de faire une déclaration sur papier libre dès lors que la complexité du système conduit les employeurs à utiliser les bordereaux qui leur sont adressés par l'organisme qui, lui-même de surcroît, incite fortement à leur utilisation ; qu'il ne peut être reproché à un cotisant d'avoir voulu éviter des mises en demeure suivies de contraintes en préférant ne pas modifier les bordereaux ;

Considérant que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE, compte tenu des termes de la circulaire C.N.A.M. du 8 janvier 1991 et de ceux de la circulaire ACOSS du 19 janvier 1993 ainsi que des autres éléments ci-dessus rappelés, se trouvait dans l'ignorance légitime de son droit de continuer à appliquer l'abattement de 20% sur le calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail pour ses journalistes ; que cette ignorance était renforcée par les bordereaux de paiement des cotisations préétablis par l'U.R.S.S.A.F. mentionnant l'application des taux de cotisations de droit commun pour les journalistes ;

Considérant que, par trois décisions juridictionnelles de 1998 et 2002, l'application des textes législatifs par l'U.R.S.S.A.F. s'est avérée être erronée ; que la Cour de Cassation a retenu que "la loi no 90-86 du 23 janvier 1990 supprimant le plafonnement de l'assiette des cotisations accidents du travail, n'avait pas abrogé l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1987, de sorte qu'elle ne pouvait faire échec à l'application de l'abattement prévu par ce texte sur le taux des cotisations intéressant les journalistes professionnels" ;

Que, dès lors, ce n'est qu'à compter des arrêts rendus par la Cour de Cassation les 11 avril 2002 et 17 octobre 2002 que la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a pu connaître ses droits et les faire valoir ;

Considérant que l'obligation de remboursement liée à la répétition de l'indu n'a pu naître qu'à compter du moment où l'existence de la créance née au profit de la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE a été connue d'elle et où elle est devenue exigible ; que ce n'est qu'à compter des arrêts rendus en 2002 et non de l'arrêt en date du 14 mai 1998 dès lors que, cet arrêt concernait les seuls taux accidents du travail comme le rappelle d'ailleurs l'URSSAF qui ajoute elle-même dans ses écritures avoir entendu "résister" à cette jurisprudence "contraire à la thèse qu'elle défendait alors ardemment", que les sociétés de presse ont pu avoir connaissance de leurs droits en toute sécurité juridique et qu'a pu commencer à courir le délai de prescription édicté par l'article L 243-6 sus rappelé ; que, contrairement à ce que soutient l'U.R.S.S.A.F., il ne peut être opposé à la S.N.C LE PARISIEN LIBERE l'expiration d'un délai de recours qui aurait commencé à courir depuis le paiement des cotisations indues puisque, au moment de ces paiements, la société n'était pas encore en mesure d'avoir connaissance de sa créance et de s'en prévaloir ;

Considérant, en conséquence, que l'exigibilité des cotisations indûment versées pour la période antérieure à 2000, n'est née qu'à compter des arrêts de 2002 ; que l'intégralité de cet indu est devenu exigible et sujette à répétition dès lors que la demande a été formalisées par lettre du 9 avril 2004, soit dans le délai de la prescription triennale édictée par l'article L 243-6 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 18 décembre 2003 applicable étant observé que le délai de la prescription en cours au moment de l'entrée en vigueur de cette loi n'était pas encore expiré ;

Considérant, en conséquence, que la demande en répétition de l'indu formée par la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE est recevable et fondée ; que l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE sera condamnée à lui rembourser la somme de 1 671 765 € ;

C/. Sur les intérêts.

Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1153 et 1378 du code civil que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande de restitution en cas de bonne foi et du jour du paiement desdites sommes en cas de mauvaise foi de sa part ;

Considérant que l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE sera condamnée à rembourser à la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE la somme de 1 671 765 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004, date de la demande de restitution de l'indu ;

D/. Sur l'article 700 du code de procédure civile.

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

DIT n'y avoir lieu à jonction des instances,

REFORME le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

DIT qu'est recevable l'action en répétition de l'indu des cotisations versées au titre des années 1990 à 2000 exercée le 9 avril 2004 par la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE à l'encontre de l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région Parisienne,

CONDAMNE l'U.R.S.S.A.F. de Paris Région parisienne à payer à la S.N.C. LE PARISIEN LIBERE la somme de un million six cent soixante et onze mille sept cent soixante cinq euros (1 671 765 €) avec intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2004,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0130
Numéro d'arrêt : 06/00226
Date de la décision : 18/12/2008

Références :

ARRET du 11 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 mars 2010, 09-12.241, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-18;06.00226 ?
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