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11/12/2008 | FRANCE | N°06/09024

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 11 décembre 2008, 06/09024


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 11 Décembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09024 - IL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mars 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 03/13969

APPELANTE

1o - Madame Martine X...

...

75018 PARIS

représentée par Me Jean-Michel TROUVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A354, substitué par Me Anne Y..., avocat au barr

eau de PARIS,

INTIMEES

2o - SARL RAMONA PRODUCTIONS

83 rue Michel Ange

75016 PARIS

représentée par Me Pascale GUYARD, avocat au bar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 11 Décembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/09024 - IL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mars 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG no 03/13969

APPELANTE

1o - Madame Martine X...

...

75018 PARIS

représentée par Me Jean-Michel TROUVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A354, substitué par Me Anne Y..., avocat au barreau de PARIS,

INTIMEES

2o - SARL RAMONA PRODUCTIONS

83 rue Michel Ange

75016 PARIS

représentée par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C 547,

3o - SARL REZO PRODUCTIONS

29 rue du Faubourg Poissonnière

75009 PARIS

représentée par Me Juliette SIMONI, avocat au barreau de PARIS, toque : C 966,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Z... DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Hélène IMERGLIK, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Z... DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme M. X... du jugement rendu le 10 mars 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris, section Encadrement, chambre 6, statuant en formation de départage, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, qui a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail envers la Sarl Rezo Productions, et que dès lors l'unique employeur de Mme M. X... était la Sarl Ramona Productions.

Le Conseil de prud'hommes a en outre dit que le licenciement pour faute grave de Mme M. X... était justifié et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les deux sociétés susvisées.

Pour un bref exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que Mme M. X... a été embauchée le 3 janvier 2002 par contrat de travail verbal par la Sarl Ramona Productions avec une qualification contestée, de directeur de la production selon la salariée et d'assistante de production selon la Sarl Ramona Productions. Il n'est en tout état de cause pas contesté qu'elle a participé à l'adaptation cinématographique du livre " Vipère au poing ".

Cependant, alors que, dans le cadre de cette adaptation, la Sarl Ramona Productions a conclu le 4 juillet 2003 un contrat de co-production de ce film avec la Sarl Rezo Productions, les parties sont en litige sur les conditions exactes et les conséquences de ce partenariat entre les deux sociétés susvisées sur la situation professionnelle de Mme M. X... au regard de son statut de salariée de la Sarl Ramona Productions .

C'est dans ces conditions que Mme M. X... a saisi, le 23 octobre 2003, le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré de demandes tendant à la condamnation de la Sarl Ramona Productions et de la Sarl Rezo Productions à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires du 6 octobre au 27 novembre 2003 et indemnité de congés payés incidents, indemnité légale de licenciement, dommages-intérêts pour rupture abusive et dommages-intérêts pour préjudice moral.

Postérieurement à cette saisine, elle a été licenciée pour faute grave le 10 mars 2004 par la Sarl Ramona Productions au motif d'absence injustifiée à son poste de travail en juillet 2003.

En cause d'appel, Mme M. X... qui sollicite l'infirmation du jugement déféré, demande à la Cour :

- à titre principal :

* de dire et juger que le contrat de coproduction de l'oeuvre cinématographique "Vipère au poing", conclu le 4 juillet 2003 entre la Sarl Ramona Productions et la Sarl Rezo Productions, a entraîné transfert d'une entité économique incluant l'activité et le poste de directrice de la production occupé par Mme M. X...,

* de dire et juger en conséquence que les dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L.1224-1 nouveau du même code, sont applicables et que la Sarl Rezo Productions était devenue le nouvel employeur de Mme M. X... à compter du mois de juillet 2003, date de prise d'effet dudit contrat de coproduction,

* de dire et juger qu'en conséquence, Mme M. X... était affectée exclusivement à la production du long métrage "Vipère au poing",

*de dire et juger que le contrat de coproduction entre la Sarl Ramona Productions et la Sarl Rezo Productions devait produire son plein effet, avec pour conséquence que le contrat de travail de Mme M. X... était transféré de plein droit à la Sarl Rezo Productions qui devait dès lors poursuivre avec l'intéressée la réalisation du film sur lequel elle travaillait depuis mars 2002,

* de dire et juger que les sociétés Ramona Productions et Rezo Productions ont agi en violation des dispositions d'ordre public de l'article L.1224-1 nouveau, ancien article L.122-12, du code du travail,

- à titre subsidiaire, en cas d'inapplicabilité des dispositions de l'article L.122-12 ancien susvisé du code du travail :

*de constater que la Sarl Ramona Productions était l'unique employeur de Mme M. X...,

* de dire et juger en conséquence que la Sarl Ramona Productions devait poursuivre l'exécution du contrat de travail postérieurement à la signature du contrat de coproduction du film "Vipère au poing" avec la Sarl Rezo Productions, le 4 juillet 2003,

* de constater que la Sarl Ramona Productions a licencié Mme M. X... pour une cause ni réelle ni sérieuse et qui ne pouvait dès lors constituer une faute grave,

- en tout état de cause :

* de constater que les agissements conjoints et successifs des sociétés Ramona Productions et Rezo Productions caractérisent un mépris du contrat de travail de Mme M. X... et de ses droits,

En conséquence :

* de dire et juger que Mme M. X... est recevable et bien fondée à solliciter la condamnation solidaire des deux sociétés susvisées sur l'ensemble de ses demandes,

* de la recevoir en ses demandes en paiement d'un rappel de salaires du 1er juillet 2003 au 10 juillet 2004 et congés payés incidents,

* de dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute grave, ni faute constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement,

* la recevoir dans ses demandes en paiement d'indemnités de rupture,

à savoir, indemnité de préavis et congés payés incidents et indemnité légale de licenciement,

-* à titre principal, de condamner solidairement les deux sociétés Sarl Ramona Productions et Sarl Rezo Productions à lui verser les sommes suivantes :

* 72.665,20 Euros et 7.265,52 Euros à titre de rappel de salaires et congés payés incidents du 1er juillet 2003 au 10 mars 2004,

* 19.331,28 Euros et 1.933,12 Euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés incidents,

* 1.031 Euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

-* à titre subsidiaire, si la Cour considérait que le temps de travail de Mme M. X... a varié, et sur la base de calcul de la moyenne de la rémunération brute mensuelle de l'intéressée, à fixer à la somme de 5.144,04 Euros (salaires d'avril, mai et juin 2003) :

* de condamner solidairement les Sarl Ramona Productions et Sarl Rezo Productions à lui verser la somme de 46.223,50 Euros et 4.622,35 Euros à titre de rappel de salaires et congés payés incidents du 1er juillet 2003 au 10 mars 2004,

* de condamner solidairement les deux sociétés à lui verser la somme de 15.465,12 Euros et 1.546,51 Euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés incidents,

* de condamner solidairement les deux sociétés à lui verser la somme de 1.031 Euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- en tout état de cause :

* de dire et juger que Mme M. X... procédera, en tant que de besoin, au remboursement des indemnités qui lui ont été versées par l'Assedic pour les périodes correspondant aux rappels de salaires sollicités, vu l'article L.122614-5 ancien du code du travail, devenu l'article L.1235-5 nouveau du même code :

* à titre principal : de condamner solidairement les deux sociétés Sarl Ramona Productions et Sarl Rezo Productions à lui verser la somme de 51.550 Euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

* à titre subsidiaire, sur la base d'un salaire mensuel brut de 5.144,04 Euros, en cas de variation de salaire, (mois d'avril, mai et juin 2003) de condamner solidairement les deux sociétés susvisées à lui verser la somme de 41.240,32 Euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- en tout état de cause :

* de condamner solidairement les deux sociétés susvisées à lui verser la somme de 50.000 Euros à titre de dommages- intérêts pour préjudice moral,

* de condamner solidairement la Sarl Ramona Productions et la Sarl Rezo Productions à lui verser la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sarl Ramona Productions demande à la Cour :

- à titre principal :

* de dire et juger que l'accord de coproduction conclu le 7 juillet 2003 entre la Sarl Ramona Productions et la Sarl Rezo Productions ne constitue pas un transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre,

* de dire et juger que Mme M. X... exerçait au sein de la Sarl Ramona Productions des fonctions administratives et d'assistante de production de divers projets et non celles de directrice de la production du film "Vipère au poing",

* de dire et juger en conséquence inapplicable l'article L.122-12 ancien, devenu l'article L.1224-1 nouveau du même code,

- à titre subsidiaire :

* de dire et juger que Sarl Ramona Productions ne saurait être tenue au paiement des salaires de Mme M. X... pendant la durée du tournage,

* en tout état de cause, de constater que Mme M. X... a cessé tout travail à compter de juillet 2003,

* de dire et juger cette absence de son poste de travail continue jusqu'à la date de son licenciement,

* de dire et juger que Mme M. X... a eu un comportement déloyal en s'abstenant de rédiger un contrat de travail, puis de démissionner tout en revendiquant le statut de travailleur en contrat de travail à durée déterminée auprès de l'assurance chômage, puis celui de travailleur à durée indéterminée envers son ancien employeur,

* de dire et juger que la Sarl Ramona Productions n'a été informée de son revirement et de ses conséquences que le 10 décembre 2003,

* en conséquence de dire et juger que les faits reprochés à Mme M. X... sont intervenus en temps non prescrit à la date à laquelle son licenciement a été engagé,

* de dire et juger en conséquence que le licenciement de Mme M. X... est fondé sur une faute grave,

* de la débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

* de la condamner à lui verser la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- à titre plus subsidiaire, de dire et juger que Mme M. X... ne justifie pas de son préjudice au titre du licenciement abusif qu'elle invoque, ni de son préjudice moral et la débouter en conséquence de ses demandes de dommages- intérêts à ces titres.

La Sarl Rezo Productions demande à la Cour :

- de débouter Mme M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail, devenues l'article L.1224-1 nouveau du même code, invoquées par l'intéressée et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance,

- de prononcer la mise hors de cause de la Sarl Rezo Productions,

- de condamner Mme M. X... à verser à la Sarl Rezo Productions la somme de 4.500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme M. X... aux entiers dépens d'appel.

SUR CE, LA COUR,

Vu le jugement déféré et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1224-1 nouveau du même code et la détermination de l'employeur de Mme M. X... à la date de la rupture :

Mme M. X... a été licenciée pour faute grave le 10 mars 2004 par la Sarl Ramona Productions pour le motif suivant :

"Vous avez cessé de vous présenter sur votre lieu de travail à compter du mois de juillet 2003, ce qui est constitutif d'une faute grave.

Vous aviez accès à toutes les informations concernant la situation financière de l'entreprise ce qui vous a permis de connaître les difficultés qu'elle traversait. Vous avez pris sur vous de ne plus vous présenter sur votre lieu de travail à compter du mois de juillet 2003.

Dans la mesure où vous n'aviez pas non plus estimé devoir concrétiser votre présence dans la société par la rédaction d'un contrat de travail, vous n'avez pas non plus accompagné votre décision de quitter la société d'une lettre de démission...

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave...".

Mais s'agissant d'un licenciement pour faute grave, il revient à la Sarl Ramona Productions de rapporter la preuve de la réalité et de la gravité de la faute grave alléguée.

Il convient en premier lieu de déterminer l'employeur de Mme M. X... à la date de la rupture dans la mesure où Mme M. X... conteste cette qualité à la Sarl Ramona Productions à cette date, en raison du contrat de coproduction passé le 4 juillet 2003 entre la Sarl Ramona Productions et la Sarl Rezo Productions.

Or, alors qu'il n'est produit aux débats aucun contrat de travail écrit, il n'est pas utilement contesté que Mme M. X... a été embauchée par la Sarl Ramona Productions à compter du 3 janvier 2002 par contrat de travail verbal.

Dès lors c'est en vain que la Sarl Ramona Productions prétend que Mme M. X... a été engagée par contrat de travail à durée déterminée en qualité d'intermittente du spectacle, pour bénéficier des avantages de ce statut, alors qu'en l'absence de contrat de travail écrit dès son embauche, et de demande de la salariée elle - même de se voir reconnaître un contrat de travail à durée déterminée, le contrat de travail litigieux doit être qualifié de contrat à durée indéterminée.

C'est en outre en vain que la Sarl Ramona Productions conteste la qualification de directeur de la production revendiquée par la salariée au moyen que l'intéressée se l'est attribuée elle-même dans le cadre de ses fonctions administratives.

En effet, force est de constater que la Sarl Ramona Productions a rémunéré Mme M. X... en cette qualité, à hauteur de 6.643,76 Euros, sur l'ensemble de ses bulletins de paie, depuis son embauche, jusqu'au mois de juillet 2003, en la faisant en outre bénéficier de l'abattement correspondant.

Il n'est en effet pas utilement contesté qu'elle a participé à l'adaptation cinématographique du livre "Vipère au poing"au sein de la Sarl Ramona Productions, participant au "casting" des acteurs, recherchant en particulier le financement adéquat et qu'elle était chargée d'établir un devis de production.

La réalité des tâches qu'elle a ainsi effectivement réalisées dans le cadre de la pré -préparation du film " Vipère au poing " ressort tant des échanges de courriels avec les responsables de la Sarl Ramona Productions, antérieurs au 4 juin 2003 qu'avec les agents des acteurs, que de la lettre d'accord, conclue entre les deux sociétés susvisées le 24 mai 2003, qui précisait que Mme M. X... avait "établi une première version du devis du film pour le compte de la Sarl Ramona Productions".

Enfin, l'annexe 2 de l'accord de Coproduction du film, qui mentionnait expressément la qualification de directeur de la production en face du nom de Mme M. X... dans l'énumération des personnes ayant participé à cette phase du film confirme la réalité de la qualification revendiquée par l'intéressée.

Cette activité en tant que salariée de la Sarl Ramona Productions est encore corroborée par l'attestation de l'expert comptable de cette société, qui, comme l'a relevé à juste titre, le conseil de prud'hommes, déclare que Mme M. X... "était son unique interlocutrice pour l'établissement des fiches de paie, la gestion du personnel, les montants des rémunérations et les qualifications, y compris pour elle-même...".

Toutefois, c'est en vain que Mme M. X... prétend que son contrat de travail a été transféré à la Sarl Rezo Productions à compter du 4 juillet 2003, date de la conclusion d'un contrat de co-production du film " Vipère au poing " avec la Sarl Rezo Productions, en application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L.1224 -1 nouveau du même code et que la Sarl Ramona Productions ne pouvait en conséquence pas la licencier, n'étant pas restée son employeur.

Il convient de relever que, dans le cadre de l'adaptation du livre "Vipère au poing", et après une lettre d'accord du 27 mai 2003, la Sarl Ramona Productions a conclu, le 4 juillet 2003, un contrat de Co-production de ce film avec la Sarl Rezo Productions, confiant à cette dernière société la production exécutive de ce film, et donc, selon les deux sociétés, la régie de fabrication dudit film, la Sarl Ramona Productions se réservant le développement artistique du film et les relations avec le réalisateur, M. A.... De Broca.

Mais il ressort des pièces de la procédure que le contrat de coproduction dont s'agit avait uniquement pour objet de faire exécuter la production de ce film par la Sarl Rezo Productions, sans pour autant s'accompagner d'un transfert d'un ensemble organisé de moyens et de personnel de la Sarl Ramona Productions à la Sarl Rezo Productions.

La lettre d'accord susvisée du 24 mai 2003 précisait au contraire que "la production exécutive du film "Vipère au poing" sera confiée par la Sarl Rezo Productions à M. P. B..., dont il n'est au demeurant ni allégué ni démontré qu'il était salarié de la Sarl Ramona Productions, indiquant seulement que ce dernier "consultera en premier lieu Mme M. X..., qui a établi une première version du devis du film pour le compte de la Sarl Ramona Productions avant de choisir le directeur de la production".

Il ressort des échanges de courriels entre Mme M. X... et M. P. C... que les renseignements donnés par la salariée à ce dernier concernaient la phase de pré- préparation du film, étant observé que les courriels versés en ce sens aux débats par l'intéressée sont antérieurs à l'entrée en vigueur de l'accord de coproduction conclu entre les deux sociétés.

L'accord lui-même de coproduction susvisé précisait en outre que "la production exécutive du film sera confiée par Sarl Rezo Productions à P. Wallon", sans reprendre les termes de la lettre d'accord précitée sur la nécessaire consultation de Mme M. X..., qui ne se voyait en conséquence confier aucun poste au sein de la Sarl Rezo Productions dans la préparation définitive du film, confiée dès lors, par cet accord, à la Sarl Rezo Productions , à l'exception du développement artistique du film.

Il s'agissait en conséquence d'un simple contrat de prestations de services entre les deux sociétés dans le cadre duquel il n'est pas démontré que Mme M. X... ait travaillé avec la Sarl Rezo Productions.

A cet égard, ni la SARL Ramona Production ni Mme M. X... ne contestent utilement que la Sarl Ramona Productions continuait, postérieurement à la conclusion du contrat de coproduction susvisée, à produire d'autres projets cinématographiques, comme des séries télévisées, intitulées " Ambre", "Bad Guys ", " Mère et Fille " ainsi que "Pacific Lagoon".

Dès lors, il n'y avait pas lieu à application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1224-1 nouveau du même code. Mme M. X... est donc restée salariée de la seule Sarl Ramona Productions.

Sur le bien fondé du licenciement de Mme M. X... par la Sarl Ramona Productions.

Cependant c'est en vain que la Sarl Ramona Productions prétend qu'en l'absence de transfert du contrat de travail de Mme M. X... à la Sarl Rezo Productions, étant restée l'employeur de l'intéressée, elle avait pu à bon droit la licencier pour faute grave en raison de son absence fautive à son poste de travail à compter du 11 juillet 2003.

En effet, dans la mesure où la Sarl Ramona Productions était restée son employeur postérieurement à la date du 4 juillet 2003, il lui revenait d'une part d'établir un contrat de travail à Mme M. X... en précisant sa qualification ainsi que les conditions exactes dans lesquelles celle-ci était amenée à participer à la production du film "Vipère au poing" dans le cadre du contrat de coproduction conclu avec la Sarl Rezo Productions, ainsi que l'intéressée le lui avait demandé par l'intermédiaire de son avocat, les 21 août, 1er et 18 septembre 2003 et d'autre part de continuer à lui donner du travail.

Il convient de relever à cet égard que dans son courrier du 1er septembre 2003, Mme M. X... demandait à la Sarl Ramona Productions de lui indiquer la date à laquelle elle devait prendre ses fonctions sur le film dont les préparatifs de tournage par la Sarl Rezo Productions avaient débuté, tournage prévu pour le 6 octobre suivant, selon elle.

En effet, aucun élément probant n'établit que la salariée ait refusé de conclure un tel contrat de travail alors qu'après avoir sollicité en vain, notamment le 21 août, un contrat de travail auprès de la Sarl Rezo Productions, elle a mis en demeure, le 1er septembre 2003, les deux sociétés susvisées de régulariser sa situation.

C'est en conséquence en vain que la Sarl Ramona Productions prétend reprocher à Mme M. X... l'absence de "rédaction" d'un contrat de travail alors qu'il lui appartenait, en tant qu'employeur, de le proposer à la salariée quand bien même celle -ci avait des fonctions administratives au sein de l'entreprise, et de tirer les conséquences d'un refus éventuel de sa part.

C'est également en vain que la Sarl Ramona Productions fait grief à Mme M. X... de son absence continue, et donc non prescrite, à compter du 4 juillet 2003 en soutenant que l'intéressée qui s'était inscrite alors aux Assedic, avait manifesté l'intention de ne pas retourner travailler avec elle au terme du tournage du film "Vipère au poing" .

En effet, d'une part, il convient de relever le caractère particulièrement tardif de ce reproche, fait à la salariée le 10 mars 2004 dans la lettre de licenciement, donc 8 mois après l'absence reprochée comme ayant débuté le 11 juillet 2003 et sans aucune mise en demeure préalable.

D'autre part, les termes du courrier, cité ci - après, que la Sarl Ramona Productions a adressé au conseil de Mme M. X..., daté du 8 octobre 2003 étaient particulièrement ambigus :

"Nous accusons réception de votre courrier recommandé du 18 septembre 2003 que vous avez dû nous adresser à titre d'information.

En effet, Mme M. X... a été notre collaboratrice sur le développement de notre projet de film "Vipère au poing", recherche de financement, étude de faisabilité du film, recherche de casting et des lieux de tournage.

Malgré nos efforts conjugués pendant près de six mois, nous n'avons pu aboutir à un accord quelconque avec un partenaire financier : ni chaîne de télévision, ni distributeur France ou étranger, ni coproducteur.

Devant l'évidence que nous n'étions pas en mesure de pouvoir trouver nous-mêmes le financement du film, nous nous sommes retrouvés dans l'obligation d'abandonner ce projet. Lors de notre passage à Cannes en mai dernier nous avons contacté divers producteurs pour reprendre ce film et nous avons passé un accord avec la Sarl Rezo Productions à qui nous avons cédé la production déléguée et exécutive de "Vipère au poing". La fabrication du film est donc maintenant sous l'entière responsabilité de cette société.

Nous sommes les premiers désolés de cette situation mais sommes dans l'impossibilité d'intervenir dans les choix de la Sarl Rezo Productions, qui, d'ailleurs, a dû se résoudre à tourner le film en Angleterre pour compléter le financement du film...".

Or ces termes ambigus étaient de nature à laisser croire à l'intéressée qu'elle ne relevait plus que de la Sarl Rezo Productions.

En effet, dans ce courrier, la Sarl Ramona Productions qualifiait de simple "information" le courrier que la salariée lui avait précédemment adressé le 18 septembre 2003 pour lui réclamer un contrat de travail, ce dont il ressort qu'elle considérait ne pas être directement concernée par la demande de contrat de travail de Mme M. X....

D'autre part, ce même courrier faisait état de la collaboration de Mme M. X... avec la Sarl Ramona Productions au passé, en précisant que la fabrication du film "Vipère au poing" auquel l'intéressée participait était "sous l'entière responsabilité de la Sarl Rezo Productions".

Dans ces conditions, alors que par les termes ambigus de ce dernier courrier adressé à Mme M. X..., la Sarl Ramona Productions paraissait contester être restée l'employeur de celle-ci et indiquer que l'intéressée relevait désormais de la seule Sarl Rezo Productions, c'est en vain qu'elle lui reprochait son absence à son poste de travail depuis le 4 juillet 2003.

Il se déduit également de ce même courrier que la Sarl Ramona Productions confirmait implicitement n'avoir plus donné de travail à Mme M. X... depuis le 4 juillet 2003, postérieurement à l'accord de coproduction susvisé.

Dès lors, le grief d'absence injustifiée de son poste de travail depuis le 4 juillet 2003, tel qu'adressé par la Sarl Ramona Productions dans la lettre de licenciement susvisée, n'est pas établi envers Mme M. X...

Le licenciement de Mme M. X... par la Sarl Ramona Productions est dès lors sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est en conséquence infirmé.

L'évaluation de son préjudice dépendant du montant de son salaire, qu'elle évalue différemment à titre principal et à titre subsidiaire, ainsi qu'il sera précisé ci dessous dans le cadre de sa demande de rappel de salaires, il convient d'examiner auparavant les demandes de Mme M. X... de ce dernier chef.

Sur le rappel de salaires :

Mme M. X... sollicite un rappel de salaires sur plusieurs périodes. Sur la base de sa dernière rémunération, qui était en juin 2003de 6.443,76 Euros, elle réclame un rappel de salaires du 1er juillet 2003 au 6 août 2003, daté du début du tournage du film " Vipère au poing " à hauteur de 7.731 Euros.

Elle soutient en outre que son salaire brut doit être réévalué à compter du mois d'août 2003 au mois de novembre 2003, à un montant total de 43.455 Euros pour cette dernière période, sur la base d'un salaire brut de 2199 Euros pour 4 jours de travail et de 2.757 Euros pour une semaine de 6 jours, en faisant valoir qu'il s'agissait d'une rémunération spécifique de préparation et de tournage en tant que directrice de la production.

Enfin, elle réclame un rappel de salaires sur la période du 1er décembre 2003 au 10 mars 2004, date de son licenciement, sur la base de son salaire mensuel brut de 6.643,76 Euros, à hauteur de 21.479,20 Euros.

À titre subsidiaire, déclarant que son temps de travail avait varié, Mme M. X... réclame un rappel de salaires sur la base unique de la moyenne de ses trois derniers mois de salaires qu'elle évalue à 5.155,04 Euros, et ce, pour un montant total de 46.223,50 Euros.

La Sarl Ramona Productions s'oppose à ses demandes, à titre subsidiaire , en faisant valoir que l'intéressée n'a pas déduit les revenus de remplacement qu'elle a perçus pendant les périodes concernées et qu'il lui appartient de justifier.

Mais si Mme M. X... est en droit de réclamer à la Sarl Ramona Productions un rappel de salaires du mois de juillet 2003 jusqu'à la date de son licenciement dans la mesure où les différents courriers susvisés qu'elle a adressés à son employeur démontrent qu'elle se tenait à sa disposition depuis le mois de juillet 2004 jusqu'à la rupture de son contrat de travail, nonobstant les indemnités de chômage qu'elle reconnaît avoir perçues, c'est cependant en vain qu'elle sollicite la prise en compte d'un salaire réévalué par la participation au tournage du film " Vipère au poing " alors qu'il ressort des éléments précités qu'elle ne démontre pas y avoir participé postérieurement au 4 juillet 2003, date de l'accord de coproduction conclu entre les deux sociétés, Sarl Ramona Productions et Sarl Rezo Productions.

Il sera en conséquence fait droit, dans les limites de sa demande, à sa demande formée de ce chef à titre subsidiaire, sur la base de son dernier salaire mensuel brut qu'elle déclare s'être élevé à la somme de 5.144,04. Mme M. X... sera en conséquence déboutée du surplus de sa demande à ce titre.

La Sarl Ramona Productions sera en conséquence condamnée à lui verser un rappel de salaires pour un montant total de 46.223,50 Euros du 1er juillet 2003 au 10 mars 2004, ainsi que les congés payés incidents.

Sur les indemnités de rupture :

Sur la rupture de son contrat de travail, en considération du préjudice subi par Mme M. X..., compte tenu, notamment de son ancienneté limitée, de son salaire, et dans les limites de sa demande formée à titre subsidiaire de ce chef, la Sarl Ramona Productions sera condamnée à lui verser la somme de 41.240,32 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.122-14-4 ancien du code du travail, devenu l'article L.1235-3 nouveau du même code dont les conditions sont réunies en l'espèce, sans qu'il y ait lieu d'en déduire les indemnités versées à l'intéressée par les Assedic du fait du chômage résultant des carences de la Sarl Ramona Productions à son endroit dans l'exécution et la rupture de son contrat de travail.

En l'absence de cause réelle et sérieuse, la Sarl Ramona Productions sera également condamnée à verser à Mme M. X... l'indemnité de préavis et de licenciement qu'elle réclame à titre subsidiaire, sur la base du même dernier salaire mensuel brut de l'intéressée, soit la somme de 15.465,12 Euros ainsi que les congés payés incidents, ainsi que la somme de 1.031 Euros à titre d'indemnité de licenciement, montants non utilement contestés par l'employeur.

Il n'y a pas lieu à condamnation solidaire des deux sociétés, Sarl Ramona Productions et Sarl Rezo Productions dans la mesure où Mme M. X... ne démontre pas que cette dernière a été son employeur, en l'absence en particulier d'application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail devenu l'article L.1224-1nouveau du même code, la Sarl Rezo Productions devant en conséquence être mise hors de cause.

Mme M. X... ne démontre pas avoir subi un préjudice moral distinct de la part de la Sarl Ramona Productions de celui déjà réparé par l'indemnité qui lui est allouée par la présente décision au titre de son licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

De même, elle ne démontre pas avoir subi un préjudice moral de la part de la Sarl Rezo Productions alors que cette dernière société n'a pas été son employeur et qu'aucun élément probant ne démontre que celle-ci ait eu un comportement fautif à son endroit, alors qu'il ne ressort pas des éléments de la cause précités qu'elle se soit engagée à lui donner un travail salarié en son sein en suite de l'accord de coproduction conclu avec la Sarl Ramona Productions.

Les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de Mme M. X.... La Sarl Ramona Productions sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 1.500 Euros à ce titre pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande d'indemnité de ce chef, de même que la Sarl Rezo Productions.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement déféré en ce qui concerne :

- la non application des dispositions de l'article L.122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L.1224-1 du même code,

- le fait que la Sarl Ramona Productions est restée l'employeur de Mme M. X... jusqu'au 10 mars 2004 date de son licenciement par cette société,

- la mise hors de cause de la Sarl Rezo Productions hors de cause,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme M. X... par la Sarl Ramona Productions est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Sarl Ramona Productions à verser à Mme M. X... les sommes suivantes :

- 41.240,32 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15.465,12 Euros à titre d'indemnité de préavis,

- 1.546,51 Euros au titre des congés payés incidents,

- 1.031 Euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 46.223,50 Euros à titre de rappel de salaires du 1er juillet 2003 au 10 mars 2004,

- 4.622,35 Euros au titre des congés payés incidents,

- 1.500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

Déboute Mme M. X... du surplus de ses demandes,

Déboute la Sarl Ramona Productions de ses autres demandes,

Condamne la Sarl Ramona Productions aux entiers dépens.LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 06/09024
Date de la décision : 11/12/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 10 mars 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-11;06.09024 ?
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