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09/12/2008 | FRANCE | N°07/01434

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 09 décembre 2008, 07/01434


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 09 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01434- MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Janvier 2007 par le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges section activités diverses RG no 06 / 00302

APPELANT

1o- Monsieur Reginald X...
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
représenté par Me Estelle NATAF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1425

INTIMEE



2o- SAS TORANN-FRANCE
26, rue du Moulin Bailly
92250 LA GARENNE COLOMBES
représentée par Me Olivier CAPILLON, avocat au...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 09 Décembre 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01434- MPDL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Janvier 2007 par le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint Georges section activités diverses RG no 06 / 00302

APPELANT

1o- Monsieur Reginald X...
...
94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
représenté par Me Estelle NATAF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1425

INTIMEE

2o- SAS TORANN-FRANCE
26, rue du Moulin Bailly
92250 LA GARENNE COLOMBES
représentée par Me Olivier CAPILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1308

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, président
Mme Irène LEBE, conseiller
Mme Hélène IMERGLIK, conseiller

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS ET LA PROCÉDURE :
M. Reginald X...a été engagé le 1er décembre 2004 en qualité de contrôleur-formateur, classification agent de maîtrise, niveau 1, échelon 1, suivant contrat à durée indéterminée, par la SAS TORANN FRANCE.
Le 13 mars 2006 il était convoqué à un entretien préalable puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mars 2006.
Contestant son licenciement, M. Reginald X...a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 14 avril 2006.
Il demandait au conseil de prud'hommes de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de lui allouer diverses indemnités en conséquence, ainsi, notamment, que des rappels de salaires sur heures majorées de nuit et du dimanche, sur heures supplémentaires, sur les heures de pause, le paiement d'une indemnité correspondant à 33 jours de repos compensateurs, une indemnité pour travail dissimulé. Il demandait également que l'employeur soit condamné à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage qui lui avaient été versées dans la limite de six mois, et que lui soient remis les documents sociaux afférents à son licenciement ainsi que des bulletins de salaire conformes.
Le conseil de prud'hommes, estimant le refus d'obéissance établi, mais relevant que l'employeur n'avait pas subi de préjudice direct du fait que M. Reginald X...avait refusé de se rendre immédiatement sur le site de Tocqueville comme cela lui était demandé, a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, accordant 2037, 70 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents et 650 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile, mais déboutant le salarié de l'ensemble de ses autres demandes.
M. Reginald X...a régulièrement formé le présent appel contre cette décision.
Il expose qu'il intervenait sur les différents sites sur lesquels il était affecté, selon des plannings établis par son employeur et accomplissait régulièrement des heures de travail de nuit, les dimanches et jours fériés, sans que celles-ci n'apparaissent toutes aux bulletins de salaire, ni ne donnent lieu à paiement à un taux majoré. Il indique également avoir fait régulièrement des journées de 12 heures sans interruption et sans profiter de deux heures de pause auxquelles il avait droit, pauses qui devraient selon lui être inscrites sur le registre de main courante. Soutenant avoir, de décembre 2004 à novembre 2005 inclus, travaillé 1743, 87 heures (temps de pauses exclus) soit 136, 87 heures supplémentaires au-delà du plafond annuel légal de 1607 heures, mais n'avoir pas été payé pour ces heures supplémentaires des majorations prévues par la loi et n'avoir pas bénéficié des 33 jours de repos compensateurs qui lui étaient dus en conséquence, le salarié en demande indemnisation.
En outre, soutenant avoir à huit reprises réalisé des semaines de plus de 48 heures, en l'occurrence de 60 heures, et n'avoir pas toujours bénéficié de repos hebdomadaires conformes aux exigences légales, ayant travaillé plus de six jours consécutifs et même huit jours consécutifs en août 2005, M. Reginald X...en sollicite réparation sous forme de dommages et intérêts. De même il demande à bénéficier de l'indemnité prévue au code du travail pour travail dissimulé.
Au-delà, M. Reginald X...soutient qu'il n'avait « jamais indiqué qu'il ne souhaitait pas intervenir » mais avait adopté la réaction appropriée à l'appel du permanencier en lui demandant de vérifier auprès du client s'il n'avait pas lui-même déclenché l'alarme par erreur, ce qui s'était d'ailleurs avéré, l'incident étant réglé en moins de 15 minutes. Il proteste contre le fait que pour étayer son reproche, l'employeur, ait évoqué à titre subsidiaire, des faits datant du 1er février 2006 dans une présentation qu'il conteste, rappelant qu'en obtempérant aux ordres de son employeur, il avait ce jour là travaillé 14 heures d'affilée sans prendre de pause déjeuner. Il conteste enfin le refus d'obtempérer, soulignant que s'il était employé par la SAS TORANN FRANCE il ne l'était pas par la société Téléveille et n'était donc pas tenu de répondre à ses ordres ni d'intervenir chez ses clients sauf à ce que la SAS TORANN FRANCE lui notifie une mise à disposition et le rétribue en conséquence.
Le salarié conclut donc à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, formant devant la cour les demandes suivantes :
-356, 88 euros à titre de rappel de salaires sur les heures majorées de nuit, congés payés afférents en sus ;
-25 euros à titre de rappel de salaires sur les heures majorées du dimanche, congés payés en sus ;
-4. 563, 73 euros à titre de rappel de salaires sur les heures de pause, congés payés en sus ;
-2412, 53 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires, congés payés en sus
-4. 699, 72 euros à titre d'indemnité correspondant à 33 jours de repos compensateurs, congés payés afférents en sus ;
-15. 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
-15. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les nombreuses irrégularités et infractions aux dispositions légales et conventionnelles applicables ;
-2. 561, 33 euros c à titre d'indemnité de préavis, infirmant le quantum alloué par le conseil de prud'hommes, congés payés afférents en sus ;
-15. 368 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Il demande également à la cour d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées par les organismes concernés dans la limite de six mois, d'ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 30 euros par jour de retard et de condamner la SAS TORANN FRANCE à lui payer 1. 500 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS TORANN FRANCE a formé appel incident, demandant à la cour de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes et sollicitant reconventionnellement 2. 000 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle explique que M. Reginald X...disposait d'une certaine latitude dans l'organisation de ses tâches pendant la durée de ses vacations et était informé des nécessités du service par le salarié de permanence au siège de la société. Elle indique que la SAS TORANN FRANCE était le prestataire d'une autre société, appartenant à un même groupe, la société Téléveille qui assure un service de télésurveillance. Les deux sociétés offrent selon elle un service global à leurs clients, la SAS TORANN FRANCE assurant les interventions physiques sur les sites gardés par le service de télésurveillance de la société Téléveille
Elle soutient que le 25 février 2006, M. Reginald X...était arrivé sur le site d'Air France à Orly à 9h11 pour remplacer un collègue en retard, lui-même arrivé à 9h 42 mais avait refusé de se rendre sur le site de Tocqueville surveillé par la société Téléveille, et où l'alarme s'était déclenchée, comme le lui avait demandé le salarié de permanence à 9h53, demande relayée ensuite par un représentant de la société Téléveille. Ce comportement de refus de consigne d'intervention donnée par le permanencier qui centralise les demandes, faisant suite à de précédentes difficultés, avait amené l'employeur à engager une procédure de licenciement pour faute grave, du fait de l'insubordination.
Sur les différents rappels de salaire, prétendant notamment que les temps de pause ne sont pas rémunérés et que le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué du travail effectif pendant ses pauses, qui apparaissaient d'ailleurs en tant que telles sur les extraits de main courante, elle soutient avoir respecté les dispositions légales et ne rien devoir au salarié, qui était libre par ailleurs d'organiser son temps comme il l'entendait.
En ce qui concerne les heures supplémentaires, l'employeur soutient que le nombre annuel d'heures prévues par l'accord du 28 décembre 1999, validé par l'inspection du travail était de 1645 heures par année civile et n'a pas été modifié par l'intervention des lois Aubry I et Aubry II ; elle en conclut que pour l'exercice 2005 qu'il convient de prendre en compte, M. Reginald X...n'a effectué que 1637 heures, ce qui équivaut à une absence d'heures supplémentaires et le prive de droit à repos compensateurs, mais prive également de fondement la demande de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective et la demande d'indemnité pour travail dissimulé.
La SAS TORANN FRANCE demande donc à la cour d'infirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes qui a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes mais de le condamner à lui verser, en retour, 2. 000 euros pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité

Les motifs de la Cour :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Les documents de la cause et les explications fournies par les parties permettent de tenir pour constant que le salarié, dans le cadre de ses fonctions, devait contrôler les agents placés sur les sites des clients de la société mais aussi les former et le cas échéant les remplacer en cas d'absence ou de retard.

Sur la rupture du contrat de travail de M. Reginald X...:
La longue lettre de licenciement adressée à M. Reginald X...le 27 mars 2006 indique notamment :
" Le 25 février dernier alors que vous étiez sur le site d'Air France, notre permanencier, M. Dias, vous contacte à 9h 53 suite au déclenchement d'une alarme pour vous demander d'intervenir immédiatement sur le site de Tocqueville. Vous lui répondez que vous êtes sur Air France et « que vous ne souhaitez pas intervenir ». Informé de l'incident, M. Cart, responsable de la gestion des alarmes, avec l'accord de M. Legris, notre responsable d'exploitation, demande au permanencier de vous contacter à nouveau pour l'intervention impérative et urgente sur ledit site. Vous rétorquez alors à M. Dias permanencier, que comme « vous ne travaillez pas pour la société de télésurveillance Téléveille, vous ne voulez pas faire les interventions que notre société assure pourtant par convention avec Téléveille. Vous quittez le site d'Air France à 10 h 15 ».
L'employeur indiquait ensuite que le 27 février, entendu par le responsable d'exploitation, M. Reginald X...avait indiqué qu'il ne pouvait pas intervenir dans la mesure où il avait trouvé sur place M. D qui attendait l'arrivée de M. Y qui avait prévenu de son retard pour pouvoir partir, et l'avait provisoirement remplacé. Il indiquait ensuite, vérification faite, que M. Y était arrivé à 9h45 alors que l'appel litigieux était de 9h53. Après avoir rappelé un précédent incident du 1er février, l'employeur indiquait : « le manque de sérieux dont vous avez fait preuve à plusieurs reprises ces dernières semaines se révèle manifestement totalement incompatible avec les exigences minimales professionnelles liées à la spécificité de notre métier et à celles du poste que vous occupez. Pour notre part, nous ne pouvons que vous confirmer que nous considérons votre comportement non professionnel, constituant une négation complète de toute conscience professionnelle, totalement inadmissible. En enfreignant les instructions, vous avez de manière délibérée désobéi aux consignes de travail pourtant précises. La réitération de vos actes de désobéissance est constitutive de manquements graves portant un préjudice commercial et organisationnel certain dans notre société, nous exposant par ailleurs à un risque sérieux de dysfonctionnements de nos prestations sécuritaires.... Nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave... ».
Le 3 avril 2006 le salarié répondait s'indignant de ce que, selon lui, à l'issue de l'entretien préalable du 21 mars, la responsable des ressources humaines après avoir entendu ses explications avait conclu « on est loin du licenciement », avant toutefois de rédiger la lettre de licenciement.
Il indique « en refusant d'intervenir pour la société Téléveille je n'ai fait que respecter mon contrat de travail établi au nom de la société TORANN. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à plusieurs reprises qu'on établisse un avenant à mon contrat de travail pour intervenir pour le compte de la société Téléveille ce qui m'a toujours été refusé... En réalité vous m'avez licencié car je ne rentre plus dans votre moule, qui est de dire oui à tout sans broncher, aux simples mouvements de menton, surtout lorsqu'il s'agit de faire travailler les salariés 60 à 78 heures d'affilée, comme ce fut mon cas, au mépris des lois les plus élémentaires édictées par le code du travail... ».
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis. La preuve doit en être rapportée par l'employeur ; la lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.
En l'espèce, deux éléments contredisent la qualification de faute grave :
- la demande de sanction, datée du 13 mars 2006, rédigée sur imprimé de la SAS TORANN FRANCE, visée par le directeur des opérations et la responsable des ressources humaines, propose comme sanction un simple " avertissement ", étant par ailleurs relevé par la cour que le salarié n'avait pas fait l'objet de sanction antérieurement.

- les faits datant du 25 février, cette demande de sanction n'a été formulée que le 13 mars, soit 16 jours après les faits, pour aboutir à un licenciement en date du 25 mars, le salarié n'ayant pas été mis à pied et ayant travaillé entre-temps, ce qui démontre que le grief fait ne rendait pas impossible le maintien dans l'entreprise, à tout le moins à titre provisoire.
Les faits visés ne sont donc pas constitutifs de faute grave.
Au-delà, la question se pose de savoir si, comme l'a retenu le conseil de prud'hommes ces faits sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Pour qu'un licenciement soit fondé il doit reposer sur un ou plusieurs griefs, imputables au salarié, qui doivent être objectifs, c'est-à-dire matériellement vérifiables, établis et exacts c'est-à-dire constituant effectivement la cause réelle de ce licenciement.
La cause doit également être sérieuse, en ce sens que les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour fonder le licenciement.
En l'espèce, les faits reprochés à l'intéressé, c'est-à-dire le refus de M. Reginald X...de se rendre de Orly où il se trouvait, à la rue Tocqueville à Paris où une alarme s'était déclenchée chez un client de la société Téléveille, ne sont pas contestés dans leur matérialité, même si le salarié a tenté, à un moment, de justifier son refus par le fait qu'il attendait l'arrivée de M. Y qu'il remplaçait provisoirement, mais qui en réalité selon les éléments concordants produits par les parties était arrivé 8 à 10 minutes avant la demande d'intervention pour Téléveille.
Trois éléments amènent à relativiser l'importance des faits reprochés :
- Le fait que, selon le " compte-rendu suivi " rédigé par l'intéressé ce jour-là et produit par l'employeur, M. Reginald X...était arrivé à 9 h 11 sur le site d'Orly et en était reparti à 10h15 accomplissant pendant ce délai, en parallèle du remplacement de M. Y, une série de diligences relevant de ses fonctions personnelles de contrôleur-formateur et de liaison auprès des autres agents de l'entreprise intervenant sur le site. De manière évidente, si le salarié avait interrompu sa mission dès 9h53, il n'aurait pas pu accomplir l'ensemble des vérifications et contacts auxquels il a procédé, selon son rapport non contesté.
- Le fait que deux alertes avaient déjà été données quelques semaines auparavant par le site Tocqueville qui avaient conduit à une intervention de M. Reginald X..., qui n'avait constaté aucun incident, étant relevé que dans le premier cas, un employé de l'entreprise avait déclenché l'alarme par erreur. Ces circonstances éclairent le refus d'intervention du salarié qui dit avoir suggéré de, tout d'abord, appeler le site pour vérifier qu'il ne s'agissait pas à nouveau d'une erreur. Il ressort toutefois de la main courante du siège du 25 février que dès 10h06 Mlle A. de Tocqueville avait pris contact informant qu'elle était au quatrième étage jusqu'à 16 h, de même qu'il ressort du document versé par l'employeur intitulé « chronologie du contrôle du 25 / 02 / 2006 », qu'il n'a été procédé par le permanencier à un appel de contrôle qu'à 10 h 15. Il en est ressorti qu'il s'agissait effectivement, à nouveau, d'une fausse manoeuvre et non d'un incident relatif à la sécurité.
De manière évidente, si le permanencier ou le correspondant de la société Téléveille avaient procédé à ce contrôle immédiatement le litige avec M. Reginald X...n'aurait pas eu lieu, étant relevé que l'incertitude n'avait en tout état de cause duré que de 9h53 à 10h06.
- des tensions récentes existaient, et ne sont pas utilement contestées, entre le salarié et son employeur, concernant les interventions qui étaient demandées à M. Reginald X...pour le compte de Téléveille, société dont le responsable était le frère de celui de la SAS TORANN FRANCE, M. Reginald X...demandant que sa situation soit clarifiée vis-à-vis de cette seconde société. Les éléments produits par la SAS TORANN FRANCE dans le cadre de la présente procédure ne permettent pas de déterminer de manière certaine, si des liens juridiques existaient effectivement entre ces deux sociétés ni dans quel cadre juridique ces interventions sur les sites Téléveille étaient confiées à un salarié de la SAS TORANN FRANCE.
Enfin, s'agissant des faits du premier février précédent, le salarié, qui reconnaît avoir protesté contre la demande d'intervention en urgence sur le site Disney alors qu'il devait prendre sa pause, indique, sans être utilement contesté par son employeur, qu'il avait en réalité obtempéré.
La « réitération des actes de désobéissance » visée par la lettre de licenciement n'est donc pas établie.
Dans ces circonstances, et s'agissant d'un salarié n'ayant pas auparavant encouru de sanction, ni connu de problèmes particuliers avérés, les griefs formulés à l'encontre de M. Reginald X...n'apparaissent pas suffisamment sérieux pour constituer une cause de licenciement.
La cour infirmera donc la décision du conseil de prud'hommes disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les majorations pour travail de nuit, dimanches et jours fériés :
S'agissant des heures de travail accompli de nuit, celles-ci devaient à compter du 1er janvier 2002, en application de l'avenant du 25 septembre 2001 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, faire l'objet d'une majoration de 10 % du taux horaire minimum conventionnel du salarié concerné.
Or, si les plannings dressés par l'employeur rapportent la preuve de ce que de décembre 2004 jusqu'à novembre 2005, M. Reginald X...a, chaque mois, effectué un certain nombre d'heures de nuit, en revanche, les bulletins de salaire produits correspondant aux mêmes mois ne différencient pas les heures accomplies de jour de celles accomplies de nuit et ne mentionnent pour ces dernières aucune majoration par rapport au salaire de base contractuel de M. Reginald X....
En ce qui concerne les heures effectuées certains dimanches et jours fériés, également établies sans contestation possible par les plannings rédigés par l'employeur, ces heures ne sont pas davantage identifiées sur les bulletins de salaire et aucune majoration de salaire n'était indiquée pour celles-ci, par rapport à son salaire horaire contractuel.
La cour fera donc droit aux demandes formulées par le salarié à ces titres, justifiées dans leurs principes comme dans leurs montants.

Sur le paiement des pauses travaillées :
L'employeur affirme que les heures de pause n'ouvrent pas droit à un salaire.

Les mains courantes produites par la société font apparaître régulièrement des heures de pause. Le salarié soutient que très fréquemment il ne prenait pas ses heures de pause qui constituaient dès lors des heures de travail effectif. Il est toutefois dans l'impossibilité d'établir les jours et le nombre de pauses non prises. Par ailleurs le salarié ne rapporte pas la preuve de ce que pendant ses pauses, la plupart du temps longues de deux heures, il ne pouvait pas vaquer librement à ses occupations personnelles mais devait se conformer aux directives de l'employeur. Ces heures de pause ne sont donc pas dues et M. Reginald X...sera débouté de sa demande à ce titre

Sur les heures supplémentaires réclamées par le salarié :
Le contrat de travail signé le 8 décembre 2004 entre les parties prévoit un " volume horaire moyen de 151, 67 heures mensuelles " avec la possibilité de fixer des heures supplémentaires.
Cet horaire mensuel correspond à un horaire annuel de 1607 heures conformes aux dispositions de l'article L. 3122-9 du code du travail.
Aussi, c'est en vain que l'employeur soutient que l'accord du 28 décembre 1999 qui prévoyait une durée annuelle de travail fixée à 1645 heures a été sécurisé par les lois Aubry II et Fillon et fixerait donc pour ses salariés une durée annuelle de travail de 1645 heures.
En effet, le plafond fixé par cet accord, ne peut être supérieur au seuil fixé par la loi, ni, non plus, s'imposer face à un contrat de travail intervenu de toute manière ultérieurement.
En conséquence, l'horaire annuel de référence pour M. Reginald X...est fixé à 1607 heures. Celui-ci, revendiquant sans être utilement contesté par son employeur un horaire effectif annuel supérieur, cet horaire annuel doit être calculé, selon l'accord sus visé, par année civile. Il s'élève, au regard des plannings, du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005, et décompte fait des heures de pause, à un total de 1637 heures, admis par l'employeur, d'où il ressort 30 heures supplémentaires.
Le fait qu'il n'ait pas réclamé le paiement de ces heures supplémentaires plus tôt, n'implique pas renonciation de la part de M. Reginald X....
Il en ressort un rappel de salaires dû au titre de ces heures supplémentaires, qui auraient dû être identifiées séparément sur les bulletins de paie, de 510, 24 Euros calculé comme suit :
- 8h à 25 % (14, 83 euros) = 118, 64 euros
- 22h à 50 % (17, 80 euros) = 391, 60 euros
Il convient d'ajouter à cette somme 51, 02 euros à titre de congés payés.

Sur l'indemnité pour le repos compensateur :
Les heures supplémentaires retenues ci-dessus, devaient ouvrir droit pour le salarié à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires, soit un repos compensateur égal à 15 heures, d'où il découle une indemnité pour repos compensateur qui s'élève à 15 heures X 11, 87 euros = 178, 05 euros, congés payés de 17, 80 euros en sus

Sur la demande d'indemnité pour irrégularités de la durée légale du travail :

De l'examen des plannings produits par les parties, il ressort que contrairement aux dispositions de la convention collective applicable, à trois reprises, à l'occasion du week-end du 1er mai, du 14 août et du 18 décembre 2005, M. Reginald X...a travaillé du samedi au lundi inclus.
De même, il est également établi par ce planning, que du 10 au 17 août 2005 inclus, le salarié a travaillé huit jours d'affilée contrairement aux dispositions de l'article L. 221-2 du code du travail qui limite les possibilités à 6 jours de travail consécutifs.
En revanche, compte tenu du fait que les heures de pause, ne sont pas prises en compte dans le décompte des horaires de travail, le salarié ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué les semaines de 60 heures qu'il revendique.
En réparation du préjudice subi du fait de ces infractions à la législation et la convention collective applicable, la cour fixe à 2000 euros les dommages et intérêts alloués au salarié

Sur l'indemnité au titre du travail dissimulé :
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit à la demande d'indemnité pour travail dissimulé, l'intention frauduleuse de l'employeur n'étant pas établie, notamment du fait que l'inspection du travail avait fourni à ce sujet une information erronnée.

Sur l'indemnité de préavis et les dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :
Compte tenu des dispositions du présent arrêt, la cour retiendra, comme l'a fait le conseil de prud'hommes, un salaire moyen pour les trois derniers mois s'établissant à 2. 037, 70 euros.
En conséquence, la décision du conseil de prud'hommes sera confirmée en ce qui concerne l'indemnité de préavis allouée et les congés payés afférents.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, de l'ancienneté dans son emploi du salarié, de son âge lors de la rupture et du préjudice qu'il établit avoir subi à la suite de celui-ci, la cour fixe à 10. 000 euros la somme due en application de l'article L. 1232-5, nouvelle numérotation, du code du travail.

La SAS TORANN FRANCE devra délivrer au salarié un certificat de travail une attestation ASSEDIC et des bulletins de salaire conformes sans qu'il y ait lieu à astreinte.
Conformément à l'article L. 1235-4 du contrat de travail, le remboursement par la SAS TORANN FRANCE aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. Reginald X...ne peut être ordonné, le licenciement étant régi par l'article L. 1235-5 du Code du Travail.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter par M. Reginald X...la totalité des frais de procédure qu'il a été contraint d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 1500 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

PARIS CES MOTIFS,
En conséquence, la Cour,
Confirme la décision du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne, le salaire moyen des trois derniers mois fixé à 2. 037, 70 euros bruts, l'indemnité de préavis et congés payés afférents alloués ainsi que les dommages et intérêts pour frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement de M. Reginald X...dépourvu de cause réelle et sérieuse
Condamne la SAS TORANN FRANCE à payer à M. Reginald X...les sommes suivantes
-10. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
-356, 88 euros à titre de rappel de salaires sur les heures majorées de nuit et 35, 68 euros à titre de congés payés afférents ;
-25 euros à titre de rappel de salaires sur les heures majorées du dimanche et 2, 50 euros pour congés payés afférents ;
-510, 24 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires et 51, 02 euros pour congés payés s'y rapportant ;
-178, 05 euros à titre d'indemnité pour repos compensateur et 17, 80 euros pour congés payés afférents,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

-2. 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en réparation du préjudice subi du fait des irrégularités et infractions aux dispositions légales et conventionnelles sur la durée du travail, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Ordonne à la SAS TORANN FRANCE de remettre à M. Reginald X...un certificat de travail, une attestation ASSEDIC et des bulletins de salaire conformes à la présente décision,
Déboute M. Reginald X...du surplus de ses demandes,
Déboute la SAS TORANN FRANCE de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la SAS TORANN FRANCE à régler à M. Reginald X...la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel,
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 07/01434
Date de la décision : 09/12/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, 21 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-12-09;07.01434 ?
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