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27/11/2008 | FRANCE | N°07/00809

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 27 novembre 2008, 07/00809


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 27 Novembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00809 - IL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG no 06/02280

APPELANT

1o - Monsieur Jean Paul X...

...

77690 LA GENEVRAYE

comparant en personne, assisté de Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : A256,

INTIMEE

2o - RATP

54, quai de la Rapée

75599 PARIS CEDEX 12

représentée par Me Thierry BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K016, substitué par ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 27 Novembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00809 - IL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG no 06/02280

APPELANT

1o - Monsieur Jean Paul X...

...

77690 LA GENEVRAYE

comparant en personne, assisté de Me Cécile Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : A256,

INTIMEE

2o - RATP

54, quai de la Rapée

75599 PARIS CEDEX 12

représentée par Me Thierry BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K016, substitué par ME Natacha OLLICHON,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Hélène IMERGLIK, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. J.P. X... du jugement rendu le 1er décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de Paris, section Commerce, chambre 8, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, dirigées contre la RATP.

Pour un bref exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que M. J.P. X... a été embauché le 3 février 1969 par la RATP et qu'il était affecté au département "Métro Espaces et Services" et plus particulièrement au secteur de la Communication de ce service, dit "MES Communication".

Dans ce secteur, il était, en dernier lieu, chargé de la conception et de l'élaboration de la maquette de la revue interne de la RATP, dénommée "Correspondances "et percevait un salaire mensuel brut s'élevant à 3.076,50 Euros.

Il a été mis à la retraite par le courrier litigieux que lui a adressé le 12 octobre 2005 la RATP, à compter du 1er février 2006, au motif qu'il remplissait les conditions d'âge et de temps de service, exigés par le règlement des retraites de l'entreprise.

Contestant la légitimité de cette décision qu'il estimait irrégulière et donc nulle, M. J.P. X... a saisi le 17 février 2006 le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré de demandes tendant à la condamnation de la RATP à lui verser des indemnités pour mise à la retraite abusive, ainsi que pour préjudice moral, outre au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande à la Cour, au visa du statut du personnel de la RATP et du règlement des retraites de l'entreprise :

- d'infirmer le jugement déféré,

de constater que sa mise à la retraite n'a pas respecté les conditions posées par le statut de la RATP,

- de dire que sa mise à la retraite est nulle et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la RATP à lui verser les sommes suivantes, outre à lui régler les entiers dépens :

* 73.836 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La RATP demande à la Cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

* À titre principal :

- de dire et juger que la mise à la retraite de M. J.P. X... est régulière,

- de le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

*à titre subsidiaire, si M. J.P. X... devait contester la légalité des dispositions réglementaires en cause, d'ordonner le renvoi devant la juridiction administrative, seule compétente pour trancher la question,

* en tout état de cause, de condamner M. J.P. X... aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Vu le jugement déféré et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements.

Sur la régularité de la mise à la retraite de M. J.P. X... :

Il ressort des éléments de la cause que M. J.P. X..., salarié de la RATP depuis son embauche le 3 février 1969, a été mis à la retraite par la RATP, par un courrier en date du 12 octobre 2005, signé du responsable du secteur "Pensions ", et ce, dans les termes suivants :

"Après une longue carrière au service de la RATP, vous atteignez le maximum d'annuités auquel vous pouvez prétendre et ayant au moins 60 ans d'âge, vous allez bénéficier des dispositions de l'article 7 du règlement des retraites et serez admis à la retraite le 1er février 2006.

Toutefois, si vous remplissez l'une des conditions prévues par l'article 8 du règlement des retraites, vous avez la possibilité de demander à en bénéficier. Votre date de mise à la retraite sera alors reculée en conséquence. ..".

M. J.P. X... conteste la régularité de sa mise à la retraite à 60 ans en soutenant que la décision susvisée est nulle au moyen principal qu'elle a été prononcée par une autorité incompétente, à savoir la responsable du service des pensions alors que le règlement des retraites, auquel renvoie sur ce point le statut de la RATP, prévoit que l'admission à la retraite est prononcée par le directeur général de la régie, ou son délégataire, soit d'office soit sur demande de l'agent, dans les conditions fixées par ledit règlement.

Il soutient également que sa mise à la retraite à 60 ans est nulle dans la mesure où les conditions fixées par le règlement précité n'étaient pas remplies, son emploi relevant de la catégorie des agents sédentaires, pour lesquels la mise à la retraite ne pouvait être prononcée qu'à partir de 65 ans, contrairement aux agents actifs, pouvant y être mis à partir de 60 ans.

Faisant valoir qu'en réalité, le vrai motif de son licenciement était économique, la RATP ayant décidé d'externaliser la revue dont s‘agit, il soutient que, dans ces conditions, sa mise à la retraite produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui lui a causé un grave préjudice dont il demande réparation.

La RATP s'oppose à ses demandes en soutenant que la mise à la retraite de M. J.P. X... était régulière car prononcée par un responsable de la Régie, ayant délégation du directeur général et dans les conditions prévues par le règlement des retraites de l'entreprise, texte à valeur réglementaire en tant qu'entreprise publique, et ce en application des dispositions du statut de celle-ci.

L'employeur expose que M. J.P. X... relevait de la catégorie des agents actifs, concernés donc par la mise à la retraite d'office à partir de 60 ans, et qu'il en remplissait les conditions édictées par le règlement des retraites de la RATP, auquel renvoie le statut de l'entreprise, pris en application de textes réglementaires, dont la légalité relève de la compétence des juridictions administratives.

Par note en délibéré en date du 14 octobre 2008, la RATP soutient que l'article L.122-14-12 ancien du code du travail, devenu l'article L.1237-4 nouveau du même code, qui dispose que "sont nulles toutes stipulations contractuelles ou conventionnelles, prévoyant une rupture de plein droit du code du travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse", n'est pas applicable à l'entreprise, dans la mesure où les conditions de la mise à la retraite au sein de l'entreprise y sont régies par des dispositions réglementaires, prévues par le règlement des retraites de l'entreprise, qui fait référence lui-même au statut de la RATP.

L'employeur soutient, à titre subsidiaire, que la Cour ne saurait écarter les dispositions statutaires susvisées au profit des dispositions légales, au demeurant non applicables, dans la mesure où cela reviendrait à contester la légalité du statut de la RATP et de son règlement des retraites, alors que cette appréciation relève des seules juridictions administratives.

À titre encore plus subsidiaire, la RATP souligne qu'aux termes de l'article L.1237-4 précité du code du travail, seules sont nulles les dispositions prévoyant une rupture en raison de l'âge ou des droits acquis à pension alors que la mise à la retraite d'office au sein de la RATP n'est applicable que lors que les agents remplissent les conditions cumulatives d'âge et de cotisations.

Cette note, transmise en cours de délibéré par la RATP au conseil de M. J.P. X..., dont la teneur avait au demeurant été déjà abordée lors des débats, ce dont il résulte que le principe du contradictoire a été respecté, n'a pas appelé de réponse particulière de la part du salarié.

Sur la compétence de l'autorité ayant prononcé la mise à la retraite de M. J.P. X....

C'est en vain que M. J.P. X... prétend que le responsable du service des pensions, ayant signé le courrier précité du 12 octobre 2005, prononçant la mise à la retraite de l'intéressé à compter du 1er février 2006, qu'il reconnaît avoir été M. I. B..., n'était pas compétent pour le faire.

En effet, l'employeur communique la délégation de pouvoirs donnée par la présidente directrice générale de la RATP, le 20 septembre 2004, soit antérieurement à la mesure de mise à la retraite litigieuse, au directeur du département MES dont relevait l'intéressé.

L'employeur communique également la " note de département no 2005-17 "en date du 31 mai 2005, soit également antérieurement à la mise à la retraite de M. J.P. X..., par laquelle le directeur du département MES prononçait la "nomination", à compter du 1er juin 2005, du responsable du "pôle social" de l'entreprise, M. Y. B....

Ce dernier avait en conséquence compétence pour prononcer la mise à la retraite du salarié.

Sur la régularité de la mise à la retraite de M. J.P. X... :

Il est constant que la rupture du contrat de travail de M. J.P. X..., agent titulaire de la RATP, par sa mise à la retraite, est réglementée par le statut de la RATP et le règlement des retraites, élaborés conformément de aux dispositions de la loi du 21 mars 1948 et des décrets no 59-157 du 7 janvier 1959, no 59- 1091 du 23 septembre 1959 et no 60- 1362 du 19 décembre 1960, pris pour l'application de l'ordonnance no 59-151 du 7 janvier 1959.

L'article 30 III du règlement des retraites de la RATP stipule que "le maximum d'années liquidables dans la pension d'ancienneté... est fixé à 37 annuités et demie".

L'article 7-I dudit règlement dispose que "l'admission à la retraite peut être prononcée d'office lorsque l'agent remplit la double condition d'âge et de temps de service exigée par les articles 10 §1o, 11 et 12 pour avoir droit à pension d'ancienneté".

Sous réserve des dispositions de l'article 8, relatif aux reports d'âge d'admission à la retraite par enfant à charge, le même article 7, dans son paragraphe II, dispose que " l'admission à la retraite est prononcée obligatoirement d'office :

- à l'âge de 60 ans pour les agents qui occupent un emploi classé dans les services actifs du tableau annexe B du Règlement,

- à l'âge de 65 ans, pour les agents qui occupent un emploi classé dans les services actifs du tableau annexe A ou dans les services sédentaires.

Il ressort des textes précités que la mise à la retraite d'office à partir de 60 ans, au sein de la RATP, ne concerne que les agents relevant des services actifs, et que pour les autres agents, cette mesure "Peut être prononcée d'office ", ce dont il résulte qu'il ne s'agissait que d'une faculté pour le directeur général de la prononcer si les agents remplissaient les conditions édictées par le règlement des retraites précité, faculté sur laquelle il avait en conséquence le pouvoir d'appréciation.

Cette analyse est corroborée par la note adressée par le directeur général aux directions de l'entreprise le 4 juillet 1950, à la date de l'introduction du nouveau règlement des retraites, par laquelle, pour les "agents pouvant être mis à la retraite d'office à tout moment à partir de la date à laquelle ils rempliront la double condition d'âge et de durée du service exigée,", il demandait à chaque chef de service, de faire connaître... quels sont parmi les agents... ceux qu'il convient, à son avis, de maintenir en service et ceux qu'il convient de mettre à la retraite immédiatement".

Or, d'une part, force est de constater que la RATP ne communique aucun élément probant de nature à corroborer ses affirmations selon lesquelles M. J.P. X... relevait de la catégorie des agents actifs, pour lesquels l'âge de la retraite était fixée à partir de 60 ans, en application de l'article 7 II précité du règlement des retraites de l'entreprise. En effet, ni les bulletins de paie du salarié, ni les document relatifs à sa carrière au sein de l'entreprise et à ses droits à pension, ne mentionnent sa catégorie professionnelle. Il n'est en conséquence pas utilement contredit lorsqu'il affirme qu'il relevait de la catégorie des agents sédentaires pour lesquels l'âge de mise à la retraite est de 65 ans, non atteint à la date de la rupture de son contrat de travail.

Dès lors cette rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au surplus et quand bien même M. X... aurait été personnel "actif" il convient de relever que par note, non datée, adressée au Directeur du département" Protection, Prestations, et Prévention sociales", le directeur général de la RATP a informé ce responsable "des décisions qu'il a annoncées au cours du Comité Central d'Entreprise du 22 septembre 1993", ce qui permet de situer cette note comme établie à la même date.

Le directeur général précisait ainsi que "les mesures d'application de l'article 7 précité du règlement des retraites seront complétées, à compter du 1er janvier 1994, par la mise à la retraite d'office des agents ayant au moins 60 ans et totalisant le maximum d'annuités, sans préjudice des prorogations d'activité prévues par l'article 8 à la demande de l'agent".

Mais cette note n'ayant pas valeur réglementaire, son interprétation ne relève dès lors pas de la compétence des juridictions administratives.

Cette note du directeur général de la RATP donnait un sens impératif à une mesure de mise à la retraite des agents ayant au moins 60 ans alors que les textes susvisés n'en faisaient qu'une possibilité donnée au directeur général, devant être en conséquence appréciée au cas par cas.

Dès lors, quand bien même M. J.P. X... remplissait les conditions d'âge et de temps de service posées par le statut de la RATP et le règlement des retraites de cette entreprise pour être mis à la retraite, dans la mesure où il avait atteint l'âge de 60 ans et qu'il disposait des trimestres suffisants pour percevoir la retraite du régime général de la Sécurité Sociale, le directeur général de la RATP, ne pouvait pas, sans abus de droit, donner une interprétation qui faisait de la mise à la retraite d'office prévue par l'article 7 susvisé du dudit règlement de retraite, une mesure impérative et automatique, dès lors non conforme au statut de l'entreprise.

La rupture du contrat de travail ne pouvant dès lors intervenir par la voie de la mise à la retraite d'office, cette rupture intervenue dans des conditions dès lors irrégulières au regard du statut de l'entreprise, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En considération du préjudice subi du fait de sa mise à la retraite à l'âge de 60 ans, compte tenu de la perte de chance de conserver son emploi jusqu'à 65 ans, la RATP sera condamnée à lui verser la somme de 50.000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L.122-14-4 ancien du code du travail, devenu l'article L.1235-2 nouveau du même code.

Les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de M. J.P. X.... La RATP est en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2.000 Euros à ce titre pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement déféré,

Dit que la mise à la retraite d'office de M. J.P. X... est intervenue dans des conditions irrégulières au regard du règlement des retraites et du statut de la RATP, et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la RATP à verser à M. J.P. X... les sommes suivantes :

- 50.000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la RATP aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 07/00809
Date de la décision : 27/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 01 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-11-27;07.00809 ?
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