Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre-Section B
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2008
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 09439
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mai 2007- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07 / 52360
APPELANTE
Madame Reine X...
demeurant ... Y...
69002 LYON
représentée par la SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour,
assistée de Maître Olivier Z..., avocat au Barreau de Lyon, substituant Maître Gérard CHANU, avocat au Barreau de Lyon.
INTIMÉE
La S. A. LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES B...,
en la personne de son directeur général,
ayant son siège La Croix des Archers
56200 LA GACILLY
représentée par la SCP BASKAL-CHALUT-NATAL, avoués à la Cour,
assistée de Maître Christian C..., avocat au Barreau de Montpellier.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 octobre 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ, conseiller,
Madame SAINT SCHROEDER, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD
ARRÊT :
- contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. D... PAYARD, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Madame Reine X... qui déclare exercer depuis 1960 une activité de gestion d'instituts de beauté dénommés DERMO ESTHETIQUE REINE est titulaire :
- d'une marque " DERMO ESTHETIQUE REINE " enregistrée sous le no 1 173 185 et déposée le 10juin 1981 pour désigner les " produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer " ;
- d'une marque " DERMO ESTHETIQUE " enregistrée sous le no 1 270 243 et déposée le 2 août 1983 pour désigner les " produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer ".
Ces deux marques ont été régulièrement renouvelées.
S'étant aperçue que la société YVES B... avait mis sur le marché et commercialisait un coffret de soins de la peau sous l'appellation " Dermo esthétique ", Madame X... a fait procéder après autorisation judiciaire à une opération de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société YVES B..., à Paris, le 8 décembre 2006.
Sur la base de cette saisie, Mme X... a assigné la société YVES B... en contrefaçon de marque devant le Tribunal de grande instance de Paris par acte du 19 décembre 2006, puis devant le Président du Tribunal de grande instance, statuant en la forme de référé, par acte du 16 février 2007.
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Par ordonnance contradictoire du 16 mai 2007, le Président du Tribunal de grande instance statuant en la forme des référés a :
- débouté Madame X... de ses demandes,
- condamné Madame X... à payer à la société YVES B... la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.
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Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2008, Madame X..., appelante, demande pour l'essentiel à la Cour de :
- infirmer l'ordonnance déférée,
- condamner la société YVES B... à cesser tout acte de contrefaçon à l'encontre de Madame X... par la copie, l'imitation ou l'usage frauduleux des marques " DERMO ESTHETIQUE " ou " DHERMO ESTHETIQUE REINE ", sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée,
- condamner la société YVES B... à supprimer toute mention des termes " DERMO ESTHETIQUE " de son site internet www. yves-rocher. fr, sous astreinte de 1 500 euros par jour.
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Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2008, la société LABORATOIRES DE BIOLOGIE VEGETALE YVES B..., intimée, demande pour l'essentiel à la Cour de confirmer l'ordonnance déférée et de débouter l'appelante de toutes ses demandes.
Sur ce, la Cour
Considérant que l'appelante fait valoir en substance que les deux marques sur le fondement desquelles elle agit sont parfaitement distinctives au regard des exigences de la loi du 31 décembre 1964 et le sont demeurées ; que les deux termes qui leur sont communs, à savoir DERMO et ESTHETIQUE ne sont ni descriptifs des produits pour la désignation des quels ces marques ont été enregistrées, ni de la qualité essentielle de ceux-ci ; que leur combinaison est a fortiori arbitraire ; qu'elle en déduit que la reprise des termes " DERMO ESTHETIQUE " sur le coffret de produits de soins du visage commercialisé par la société Yves B... réalise la contrefaçon par reproduction, au sens de l'article L713-2 du CPI de ses deux marques, si non la contrefaçon par imitation au sens de l'article L713-3 du même code ; qu'elle déclare par ailleurs faire un usage continu et sérieux de ses marques de sorte que, contrairement au moyen que lui oppose l'intimée, elle n'est nullement exposée à une déchéance de ses droits ; qu'en outre les nombreuses actions qu'elle a engagées excluent que l'ont puisse lui opposer la dégénérescence de ses marques, d'autant plus que cette notion introduite par la loi nouvelle du 6 janvier 1991 et codifiée à l'article L714-6 du dit code, ne saurait être opposable à des marques enregistrées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ;
Considérant que la société Laboratoires de Biologie Végétale Yves B..., ci-après société Yves B..., lui oppose que ces deux marques sont nulles car elles sont composées exclusivement de deux termes qui indiquent la qualité essentielle des produits et services visés à l'enregistrement ; qu'elle précise que le tribunal de grande instance de Paris a d'ailleurs annulé la marque dermo esthétique no 1 270 243 par jugement du 4 juin 2008 frappé d'appel ; qu ‘ en effet la séquence " Dermo Estéthique " est un néologisme conforme à la syntaxe et au lexique français ; qu ‘ elle ajoute à titre subsidiaire que les marques en cause sont nulles pour déceptivité car elles ne mentionnent nullement leur composition, en violation des prescriptions de l'article R5131-4 du Code de la Santé Publique ; qu'enfin elle soulève la déchéance des droits de l'appelante tant en raison du défaut d'exploitation sérieuse de chacune d'elles qu'en raison de leur dégénérescence, la séquence " Dermo Esthétique " étant depuis longtemps tombée dans le langage courant ;
Considérant ceci exposé, qu'il convient de rappeler que la cour n'est saisie que de l'appel formé contre une décision provisoire rendue sur le fondement de l'ancien article L716-6 du CPI, applicable aux faits de l'espèce, qui disposait que :
Lorsque le tribunal est saisi d'une action en contrefaçon, son président, saisi et statuant en la forme de référés, (ne) peut interdire à titre provisoire, sous astreinte, la poursuite des actes argués de contrefaçon.... que si l'action au fond apparaît sérieuse et a été engagée dans un bref délai à compter du jour où le propriétaire de la marque..... a eu connaissance des faits sur lesquels elle est fondée.. ;
Considérant que l'exigence tenant au bref délai de l'engagement de la procédure au fond ne fait pas débat ;
Qu'en revanche le sérieux de l'action est contesté tant en raison de l'absence de validité des marques que du caractère non contrefaisant de la mention portée sur les coffrets de la société Yves B... ;
Considérant sur le premier moyen, que les deux marque invoquées, à savoir : " DERMO ESTHETIQUE REINE " no 1 173 185 et " DERMO ESTHETIQUE " no 1 270 243, ont été déposée pour la première le 10 juin 1981 et pour la seconde la 2 août 1983, pour désigner l'une et l'autre les produits de beauté, de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulière pour les administrer ;
Que la loi du 31 décembre 1964, applicable en raison de la date de dépôt des marques litigieuses, énonce en son article 3 que : " Ne peuvent être considérées comme marques, celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du produit ou du service.... et celle qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit " ;
Considérant que le caractère distinctif au regard des exigences précitées de la marque " Dermo Esthétique Reine " n'apparaît pas sérieusement contestable en raison de la présence du signe " REINE " dans cet ensemble ; qu'en revanche l'appréciation de la validité de la seule séquence Dermo Esthétique est de nature à affecter le sérieux de l'action pour les motifs suivants :
Qu'en effet, s'il ne semble pas douteux que cette association de termes n'est ni nécessaire ni générique pour les produits en cause, il convient cependant d'apprécier s'ils n'en désignent pas la qualité essentielle ; que force est de relever à ce stade que :
- la marque est une marque dénominative formée des deux seuls signes " Dermo " et " Esthétique " ;
- ces deux signes ne sont pas réunis mais séparés, présentation qui renvoie plus aisément à la signification qui peut être la leur dans le langage courant,
- le consommateur de destination perçoit très bien que le signe " Dermo " renvoie à ce qui concerne la peau, de même qu'il perçoit que " esthétique " renvoie à ce qui relève de la recherche du " beau ",
- l'association des deux termes pour désigner des produits cosmétiques induit alors nécessairement un rapprochement avec des soins assurant un traitement esthétique de la peau, comme peut le faire une " esthéticienne " ;
Que le juge statuant en la forme des référés ne peut qu'en conclure que la marque Dermo Esthétique est à tout le moins faible ;
Qu'il en déduira également que la reprise des signes " Dermo Ethétique " dans les locutions arguées de contrefaçon coffret dermo esthétique et ma séance dermo esthétique pourra difficilement provoquer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur car il ne semble pas que, ainsi utilisés, ces signes parviennent signifier l'origine de ces produits et à les distinguer de ceux des autres concurrents ;
Qu'en conséquence la décision entreprise qui a rejeté la demande d'interdiction provisoire sera confirmée ;
Sur l'article 700 du CPC
Considérant que l'équité commande de condamner l'appelant à verser à l'intimée la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise
Condamne l'appelant à verser à l'intimée la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés dans les formes de l'article 699 du même code par la SCP baskal Chalut Natal avoués.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT