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20/11/2008 | FRANCE | N°08/11081

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 20 novembre 2008, 08/11081


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 20 Novembre 2008
(no, pages)- IL

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08 / 11081

Décision déférée à la Cour : Après Cassation le 26juillet 2007 de l'arrêt rendu le 2 mars 2006 par la 17ème chambre de la Cour d'appel de Versailles, sur appel d'un jugement rendu le 20 juillet 2004 par le conseil de prud'hommes de Nanterre section commerce RG no 02 / 1691

APPELANTS

1o- Monsieur Robert X...
...
92090 COURBEVOIE r>représenté par Me Florence BONA, avocat au barreau de PARIS, toque : R100,

2o- Monsieur Pawel Y...
Chez Mme Z...
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 20 Novembre 2008
(no, pages)- IL

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08 / 11081

Décision déférée à la Cour : Après Cassation le 26juillet 2007 de l'arrêt rendu le 2 mars 2006 par la 17ème chambre de la Cour d'appel de Versailles, sur appel d'un jugement rendu le 20 juillet 2004 par le conseil de prud'hommes de Nanterre section commerce RG no 02 / 1691

APPELANTS

1o- Monsieur Robert X...
...
92090 COURBEVOIE
représenté par Me Florence BONA, avocat au barreau de PARIS, toque : R100,

2o- Monsieur Pawel Y...
Chez Mme Z...
...
93300 AUBERVILLIERS
comparant en personne, assisté de Me Florence BONA, avocat au barreau de PARIS, toque : R100

INTIMEES

3o- SNC SOCIETE EUROBAR
2 place de la Défense
92053 PARIS LA DEFENSE
représentée par Me Aurélie CLUZEL-D'ANDLAU, avocat au barreau de, toque : NAN712

4o- SAS BOREE venant aux droits de la Société D'EXPLOITATION DU A...(SECNIT)
5 Bd Malesherbes
75008 PARIS
représentée par Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, toque : L 27

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente
Mme Irène LEBE, Conseillère
Mme Hélène IMERGLIK, Conseillère
qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue en tant que Cour d'Appel de renvoi, sur saisine régulièrement formée par MM X...et Y...après cassation, le 26 septembre 2007, d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles le 2 mars 2006, concernant 13 salariés dont les intéressés.
L'activité de restauration du A..., complexe de multi-activités comprenant des hôtels, restaurants, un centre de congrès-expositions, des commerces et bureaux, exploités par des entités juridiques différentes, a été assurée par différentes sociétés, dont la SAS SECNIT, société d'exploitation du A..., qui a cédé cette activité le 18 avril 1995 à la SNC A...C...ISA, qui l'assurait déjà dans les faits depuis 1992.
Le 22 mai 2001, la SNC A...C...ISA a cédé son fonds de commerce, à compter du 1er juillet 2001, ainsi que sa marque " Honoré D...", à la SAS Eurobar, avant d'être elle-même absorbée, pour ce qui en subsistait le 28 novembre 2002.
Le 12 novembre 2003, la SAS SECNIT a été elle-même absorbée par la SASBorée.
Les salariés susvisés déclarent avoir été été engagés par contrats de travail à durée déterminée successifs en qualité " d'extras " par la SAS Société d'Exploitation du A..., dite SECNIT puis par la SNC A...C...ISA dans le cadre de l'activité de restauration gérée initialement par la société d'exploitation du A..., puis par la SAS Eurobar, et ce dans des conditions contestées tant quant au transfert de leurs contrats de travail entre ces sociétés que dans la nature de leurs relations contractuelles ;
Ils ont saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a rendu les jugements déférés de demandes tendant à la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée envers la société d'exploitation du A..., venant aux droits de la SNC A...C...ISA, ainsi qu'envers la société Eurobar, ainsi qu'à la condamnation de ces sociétés à leur verser diverses sommes à titre d'indemnités de rupture qu'ils estimaient abusive, outre des rappels de salaires sur la base d'un travail à temps complet.
Le conseil de prud'hommes a rejeté leurs demandes en jugeant, d'une part, que l'employeur rapportait la preuve de l'existence d'un usage d'absence de recours aux contrats de travail à durée indéterminée pour occuper les emplois d'extras qui étaient les leurs, et, d'autre part, que les salariés ne démontraient pas les irrégularités de leurs contrats de travail qu'ils alléguaient.
Saisie par les salariés, la Cour d'Appel de Versailles, qui a joint les procédures, a confirmé les jugements déférés en jugeant, d'une part, que l'employeur rapportait la preuve de l'usage allégué de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée dans le secteur de l ‘ hôtellerie et la restauration pour les emplois d'extras, dans la limite de 60 jours par trimestre, selon la convention collective HCR, et ce, sans qu'il y ait lieu de vérifier le caractère temporaire de l'emploi occupé dans les sociétés sus nommées.
D'autre part, la Cour d'Appel de Versailles a jugé que les contrats de travail litigieux étaient réguliers, les parties ayant signé un contrat de travail à durée déterminée écrit régulier à chaque mission d'extra, et a écarté le grief tiré d'une absence ponctuelle de signature en l'absence de preuve et compte tenu du fait que des contrats de travail valables et non contestés, avaient été conclus sur une durée supérieure à dix ans.
Sur pourvoi des salariés susnommés, la Cour de Cassation, par arrêt du 26 septembre 2007, a cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la Cour d'Appel de Versailles, au visa des articles L.. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10 et D. 121-2 du code du travail motifs pris de ce que :
" Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles susvisés du code du travail, d'abord que dans les secteurs d'activité définis par décret ou voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois, ensuite, que des contrats de travail à durée déterminée successifs peuvent être conclus avec le même salarié, enfin que l'office du juge saisi d'une demande de requalification est seulement de rechercher, par une appréciation souveraine, si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit en ce cas le recours au contrat de travail à durée indéterminée, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat ; que l'existence de l'usage doit être vérifiée au niveau du secteur d'activité défini par l'article D. 121-2 du code du travail ou par une convention ou un accord collectif étendu....
Attendu que pour rejeter les demandes de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la Cour d'Appel de Versailles a retenu que les contrats de travail ont été conclus dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, activité principale des sociétés employeurs, où il est d'usage de ne pas recourir à des contrat de travails à durée indéterminée, conformément aux dispositions de à l'article D. 121-2 du code du travail, que l'office du juge est limité en la matière à la vérification de l'existence effective de l ‘ usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée sans égard au caractère de l'emploi occupé, que la convention collective dite HCR prévoit que des " extras " peuvent être engagés pour la durée nécessaire à la réalisation d'une mission dans la limite de soixante jours par trimestre et que les salariés susvisés ont été engagés sans aucune permamence ou stabilité en qualité d'extras pour des durées irrégulières inférieures à soixante jours ".
La Cour de Cassation a jugé " qu'en statuant ainsi, alors que l'existence de l'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée doit être vérifiée non seulement au niveau du secteur d'activité mais aussi pour l'emploi concerné, la cour d'appel, qui s'est abstenue de vérifier si, pour les emplois de maître d'hôtel et de chef de rang, il était d'usage de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, a méconnu son office et violé les textes susvisés ".
Par conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales, les salariés susvisés sollicitent l'infirmation du jugement déféré, dirigeant leurs demandes contre la SAS Borée, venant aux droits de la SNC d'Exploitation du A..., dite SECNIT ainsi que contre la SAS Eurobar.

Ils soutiennent que les intimées ne démontrent pas la preuve de l'existence d'un usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée pour les emplois qu'ils occupent, et ce, nonobstant les dispositions conventionnelles applicables (HCR).
Ils font valoir que si celles-ci prévoient que " l'emploi d'extra est par nature temporaire ", elles ne valident pas pour autant l'existence de l'usage allégué pour leurs emplois de maîtres d'hôtel et chef de rang, alors que l'article 14 de la dite convention collective dispose qu'un salarié qui se verrait confier des missions d'extra pendant plus de 60 jours pendant un trimestre civil pourra demander la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée.
Ils soutiennent en outre que les intimées ne démontrent pas plus le caractère temporaire de leurs emplois alors qu'il s'agissait d'une entreprise ayant une activité permanente et importante de restauration (2000 repas étant servis par jour au Cnit), cette activité étant dès lors prévisible, et qu'ils y ont travaillé sous contrat de travail à durée déterminée pendant douze ans et demi pour M. R. X..., et 11 ans et 7 mois pour M. P. Y..., et que leurs conditions de travail montrent qu'ils occupaient un emploi en réalité permanent, comme le montrent leurs bulletins de paie mentionnant leur ancienneté, et ce jusqu'en janvier 1999.
Il s'appuient sur les conclusions de l'Inspection du Travail qui avait déduit de l'examen de leur situation qu'ils pouvaient demander la requalification de leurs contrats de travail, ainsi que sur la note établie la SAS SECNIT le 10 avril 2000, donnant instruction de ne plus recourir " systématiquement " à de tels contrats précaires.
Ils font valoir à cet égard que le recours aux contrats de travail à durée déterminée d'usage n'est autorisé qu'autant que l'activité exercée par l'employeur relève à titre principal d'un secteur mentionné par l'article D. 121-2 ancien du code du travail, devenu l'article D. 1242-1 du même code ce qui n'était pas le cas de la SAS SECNIT selon eux.
Ils exposent que l'activité de restauration de la SAS SECNIT, dont le code APE, n'était d'ailleurs pas celui de la restauration, n'était qu'accessoire.
Ils font valoir que son activité était centrée d'une part, sur la gestion d'ensembles immobiliers, d'autre part sur l'exploitation directe des activités exercées dans ces locaux, comme l'organisation de congrès, expositions, séminaires, actions publicitaires et évènementielles, d'hôtels, restaurants et traiteurs, et enfin sur la communication, les conseils et les prestations en matière informatique, tout mandat relatif à des opérations portant sur l'achat, la vente ou la location d'immeubles ou fonds de commerce.
Enfin, les appelants soutiennent qu'en tout état de cause, leurs contrats de travail à durée déterminée étaient irréguliers, en l'absence de contrat de travail écrit au début de leurs relations contractuelles avec la SAS SECNIT, alors que leurs contrats de travail ont été ensuite transférées aux autres sociétés susvisées, et ce, quand bien même certains contrats ont été conclus par écrit par la suite.
De même, ils relèvent l'absence de signature de leur part sur de nombreux contrats les concernant, la mention " P / 0 " portée sur certains de ces contrats n'étant pas valable.

Les salariés relèvent enfin l'absence de précision dans les contrats de travail litigieux sur le motif du recours aux contrats de travail à durée déterminée, en faisant valoir que la seule mention d'extras ne suffit pas à le justifier, en l'absence de précision sur le poste de travail exact ou la manifestation en cause.
Faisant valoir qu'ils devaient se tenir à la disposition de l'employeur, ils sollicitent la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et soutiennent que leur rupture était nécessairement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de tout respect de la procédure de licenciement.
Ils demandent en conséquence à la Cour :
- de dire et juger que la relation contractuelle ayant existé entre les parties doit être requalifiée pour chacun d'entre eux en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet depuis leur première embauche à compter des dates suivantes, et leur allouer une indemnité de requalification à ce titre, en application des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail :
- M. R. Foks : depuis le 1er septembre 1989,
- M. P. Y...: depuis le 1er avril 1990.
- de dire et juger que la rupture des relations contractuelles est intervenue de fait en raison de la non fourniture de travail par l'employeur à compter du :
- M. R. Foks : 12 février 2002,
- M. P. Y...: 22 novembre 2001,
- de dire et juger en conséquence que la rupture de la relation de travail à l'initiative de l'employeur est sans cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, de condamner solidairement la SAS Borée, venant aux droits de la SAS SECNIT et la SAS Eurobar, à leur verser à chacun d'entre eux, les sommes suivantes :
- M. R. X...:
- à titre de rappel de salaires sur un travail à temps complet : 47. 039, 42 Euros,
- au titre des congés payés incidents : 4. 703, 94 Euros,
- à titre d'indemnité de préavis : (2 mois) : 3. 328 Euros,
- au titre des congés payés incidents au préavis : 332, 80 Euros,
- à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 2. 094 Euros,
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9. 984 Euros,
- à titre d'indemnité de requalification : 18. 300 Euros.

- M. P. Y...:
- à titre de rappel de salaires sur un travail à temps complet : 35. 527, 96 Euros,
- au titre des congés payés incidents : 3. 552, 79 Euros,
- à titre d'indemnité de préavis : (2 mois) : 7. 105, 59 Euros,
- au titre des congés payés incidents au préavis : 710, 56 Euros,
- à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 1. 617, 90 Euros,
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11. 019, 12 Euros,
- à titre d'indemnité de requalification : 4. 500 Euros.
- d'ordonner la remise à chacun des salariés susvisés des documents suivants, modifiés conformément à la décision à intervenir :
*un certificat de travail,
* une attestation Assedic,
* des bulletins de paie
-de condamner solidairement la SAS Borée, venant aux droits de la SAS SECNIT et la SAS Eurobar à verser à chacun des salariés susvisés la somme de 3. 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à régler les entiers dépens.
Par conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales, la SAS Borée, qui fait valoir que les salariés entretiennent une confusion entre les différentes sociétés qui les ont employés, déclare venir aux droits de la SNC A...C...ISA, dissoute, et soutient que le recours aux contrats de travail à durée déterminée d'usage pour les postes d'extras occupés par les salariés appelants était régulier.
Elle soutient que la société SNC A...C...ISA relevait d'un secteur d'activité, la restauration, prévu par l'article D. 121-2 ancien du code du travail, devenu l'article D. 1242-1 nouveau du même code, permettant le recours à de tels contrats de travail et qu'il existait un usage dans ce secteur d'activité de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée pour pourvoir aux emplois de maîtres d'hôtel et de chef de rang occupés par les intéressés.
Elle fait valoir à cet égard, les dispositions de la convention collective applicable HCR, ainsi que divers documents qu'elle produit, qu'elle estime confirmer l'existence de cet usage. Elle souligne que la SNC A...C...ISA ne recourait aux contrats de travail à durée déterminée d'usage que pour les extras, correspondant aux postes de la restauration et qu'elle ne recourait en conséquence pas systématiquement aux contrats de travail précaire.
La SAS Borée soutient que les emplois de maîtres d'hôtel et chef de rang confiés aux salariés étaient par nature temporaires, dans le respect des dispositions légales. (Article L. 122-1-1- 3o ancien du code du travail devenu l'article L. 1242-2- 3odu même code, et article L. 122-1 ancien du code du travail devenu l'article L. 1242-1 du même code), en relevant que les services de l'Inspection du Travail n'ont pas dressé de procès verbal d'infraction à cet égard lors de ses contrôles effectués en janvier 2000.
Elle fait valoir que la SNC A...C...ISA intervenait en effet dans le secteur de " l'événementiel ", et que les contrats de travail litigieux correspondaient à des activités qu'elle qualifie de " fluctuantes ".
Elle souligne qu'il s'agissait de restauration liée à l'organisation de salons professionnels ou de banquets dont la durée est par nature très limitée dans le temps, organisés pour des clients distincts, ne pouvant pas être planifiés à l'année, comme l'atteste le président du Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, cafetiers et traiteurs dont elle produit le témoignage. Elle fait valoir en outre que les intéressés ont d'ailleurs travaillé dans les mêmes conditions de contrat de travail à durée déterminée d'usage dans d'autres sociétés exerçant la même activité de restauration, en particulier celle d'organisation de banquets et de réceptions professionnelles.
Elle fait valoir à cet égard le caractère irrégulier et la variabilité du volume d'heures de travail effectuées par les intéressés, comme corroborant l'irrégularité de l'activité de restauration, liée elle-même à l'irrégularité des diverses manifestations se déroulant sur le site du A..., alors que les intéressés ne contestent pas avoir travaillé pour d'autres employeurs ou bénéficié des indemnités de chômage, dans l'intervalle d'inactivité séparant leurs missions.
La SAS Borée soutient enfin que les contrats de travail à durée déterminée d'usage litigieux ont été conclus par écrit, en soulignant les communiquer en appel, après recherches dans les archives. Elle fait valoir qu'ils étaient en outre réguliers comme conformes aux dispositions légales et qu'ils précisaient en particulier leur motif et le poste de travail affecté au salarié.
Contestant tout travail à temps complet, la SAS Borée demande à la Cour à titre subsidiaire de fixer la moyenne mensuelle du salaire des appelants, et, partant, le montant des indemnités qui leur seraient dues, sur la base du temps effectivement travaillé et indiqué dans leurs demandes, ainsi que sur la base des rémunérations qui auraient été versées à des salariés sous contrat de travail à durée indéterminée, soit un salaire de base inférieur de 26 % au salaire perçu par les intéressés en tant qu'" extras ", que la SAS Borée évalue dans ses conclusions aux sommes suivantes en tenant compte de la somme la plus favorable :
M. R. X...: 380 Euros,
M. P. Y...: 839 Euros,
La SAS Borée fait valoir que les intéressés ne justifient pas d'un préjudice supérieur à l'indemnité légale de requalification égale à un mois d'indemnisation.
Au visa des articles L. 1242-2 3o et D. 1241-1 du code du travail, la SAS Borée demande en conséquence à la Cour :
- à titre principal :
* de constater que les appelants ont été embauchés dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie où il est d'usage de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée et dans le respect des dispositions légales et réglementaires applicables en matière de contrat de travail à durée déterminée d'usage,

*de constater que les appelants ont été embauchés à des postes de maîtres d'hôtel et de chef de rang en qualité d'" extras ", postes pour lesquels il existe un usage constant et parfaitement démontré de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée,
* de constater que les appelants ont été embauchés à des postes de " maîtres d'hôtel " et de " chef de rang " en qualité d'extras, postes par nature temporaires,
en conséquence :
* de confirmer les jugements déférés,
* de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
* de condamner les appelants conjointement et solidairement à lui verser, en tant que venant aux droits de la SNC A...C...ISA, la somme de 2. 500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de les condamner aux entiers dépens.
- à titre subsidiaire :
* de dire et juger que la requalification éventuelle du contrat d'extra en contrat de travail à durée indéterminée n'a aucune incidence sur la durée du travail et en conséquence débouter les appelants de leurs demandes de rappel de salaires,
* de fixer la rémunération moyenne mensuelle brute sur la base du temps réellement travaillé comme précisé ci dessus,
* de fixer les demandes de dommages-intérêts, indemnité de préavis et de licenciement, ainsi que de congés payés incidents sur la base de la rémunération moyenne mensuelle ainsi établie,
* de limiter le montant des dommages-intérêts au titre de l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1245-2 alinéa 2 nouveau du code du travail à un mois de salaire et au minimum légal de six mois de salaires pour l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales, la SAS Eurobar s'oppose aux demandes de condamnations solidaires formées par les salariés susvisés en faisant valoir que les intéressés ont conclu des contrats de travail d'extras avec les différentes sociétés précitées, SAS SECNIT, SNC A...C...ISA et elle-même, dans le cadre de sociétés indépendantes les unes des autres et qu'il y a en conséquence absence totale de continuité entre les contrat de travail à durée déterminée conclus par les intéressés avec les intimées.
Elle soutient qu'elle a conclu les contrats de travail à durée déterminée d'usage dans le respect des dispositions légales, ces contrats étant directement rattachés à son activité principale de traiteur et restaurateur d'événements, notamment par la préparation et la vente de repas aux exposants dans le cadre des manifestations ou salons organisés notamment par le A....
Elle fait valoir que cette activité est confirmée par son code APE no 555D et qu'elle relève de la convention collective dite HCR, qui prévoit les contrats de travail d'extras dans son article 14, également prévus par l'article D. 121-2 ancien, devenu l'article 1242-1 nouveau du code du travail ainsi que par la circulaire du Ministère du Travail.

Elle fait en outre valoir qu'elle démontre qu'il existe un usage constant de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée mais aux contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir aux emplois de maîtres d'hôtel et de chef de rang dans ce secteur, au vu des divers documents qu'elle produit, dont l'attestation du Président de la Fédération professionnelle, et que les intéressés occupaient des emplois d'extras, par nature temporaires compte tenu de l'activité de banquets, par essence imprévisible, exercée par les intéressés.
S'appuyant sur les tableaux des heures de vacations effectuées par les intéressés, elle soutient que leur emploi était temporaire dans les limites de la convention collective applicable, compte tenu du caractère imprévisible de leur activité, de l'identification de chaque mission sur les contrats de travail litigieux et de la pluralité d'employeurs successifs.
Elle expose qu'elle fait appel à des extras salariés dans le cadre de son exploitation des restaurants et bars de différentes concessions, notamment le Parc des Expositions de l'aéroport du Bourget, le Parc des Princes et le A..., ainsi que dans celui de son activité de traiteur et restaurateur d'événements pour les exposants du A...dans le cadre d'une activité dite de " banquets ".
Enfin, la SAS Eurobar soutient que les contrats de travail litigieux étaient écrits et réguliers.
À titre subsidiaire, la SAS Eurobar conteste les rappels de salaires sollicités par les intéressés sur la base d'un travail à temps complet, et expose que la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaires des intéressés s'élève aux sommes suivantes :
M. R. X...: 179 Euros,
M. P. Y...: 544 Euros,
La SAS Eurobar demande en conséquence à la Cour :
- à titre principal :
* de débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes,
* de les condamner chacun à lui verser la somme de 3. 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- à titre subsidiaire :
* de dire et juger que les intéressés ne sont pas fondés à demander des rappels de salaires à temps complet par le seul fait de la requalification de leurs contrats de travail en contrats de travail à durée indéterminée,
* de les débouter en conséquence de leurs demandes de rappels de salaires,
* de calculer en conséquence la moyenne de leurs trois derniers mois de salaire sur la base du salaire effectivement perçu par les intéressés et non sur la base d'un salarié fictivement recomposé en temps complet,
* de fixer en conséquence la moyenne de leurs trois derniers mois de salaire aux montants précités,

* de limiter sa condamnation à une indemnité de requalification à un mois maximum de salaire et de débouter les intéressés du surplus de leurs demandes, en l'absence de preuve d'un préjudice supérieur,
* de limiter leur ancienneté à la date de leur premier contrat de travail avec la SAS Eurobar et non à celle de leur premier contrat de travail conclu avec la SAS SECNIT ou la SNC A...C...ISA, en l'absence d'application des dispositions de l'article L. 122-12 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1224-1 du même code,
* de calculer en conséquence le montant de leurs indemnité de préavis et de licenciement éventuellement dues,
* de débouter les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive en constatant qu'ils ne démontrent pas l'existence d'un préjudice dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 122-14-5 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1235-5 du même code.

SUR CE, LA COUR,
Vu le jugement déféré et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour de plus amples développements.

Sur la requalification des relations contractuelles :
Il ressort des éléments de la cause et en particulier des contrats de travail et des bulletins de paie communiqués par les parties que M. R. X...et M. P. Y...ont été engagés par la SAS SECNIT, par contrats de travail à durée déterminée verbaux.
Ainsi, le bulletin de paie produit par M. R. X..., s'il porte la date du 1er décembre 1990, mentionne une ancienneté remontant au 1er septembre 1990, confirmant les dires de l'intéressé sur sa date d'embauche. Or, la SAS Borée, venant aux droits de la SAS SECNIT, ne produit aucun contrat de travail antérieur au mois de janvier 1991 en ce qui le concerne.
De même, il ressort des bulletins de paie versés par M. P. Y...que celui-ci a été engagé effectivement le 1er avril 1990 mais aucun contrat de travail écrit n'est produit par la SAS Borée, venant aux droits de la SAS SECNIT, avant le mois d'octobre 1993, d'autres contrats de travail n'étant pas datés.
A compter de cette dernière date, sont versés aux débats des contrats de travail à durée déterminée successifs écrits, par lesquels la SAS SECNIT les a embauchés en qualité d'" extras ".
Mais les relations contractuelles des salariés avec la SAS SECNIT doivent être requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée dans la mesure où, d'une part, il ressort des éléments de la cause précités que les salariés ont été initialement embauchées aux dates susvisées par contrat de travail à durée déterminée verbal

donc réputé à durée indéterminée car ne permettant pas de connaître l'emploi qui leur était confié.
Les relations contractuelles des intéressés avec la SAS SECNIT se sont poursuivies dans les mêmes conditions, les contrats de travail suivants versés aux débats ne contenant pas les mentions obligatoires prévues pour les contrats de travail à durée déterminée par les dispositions impératives des articles L. 122-1 et suivants du code du travail, devenus les articles L. 1242-1 et suivants du même code.
En effet, en l'espèce, de nombreux contrats conclus entre les parties ne comportaient pas avec certitude la signature des intéressés, différentes selon les contrats conclus et ne précisaient pas l'emploi auquel ils étaient affectés, en se bornant à indiquer qu'ils étaient embauchés en qualité d'extras, ne permettant ainsi pas à la Cour d'apprécier à quel type d'emploi faisait référence cet " extra ", ni donc si l'emploi occupé par le salarié correspondait à un usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée, ni s'il avait le caractère temporaire exigé par la loi.
Ces irrégularités substantielles conduisent à la requalification des relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée dès leur embauche respective par la SAS SECNIT, soit dès le 1er septembre 1989 pour M. R. X..., et dès le 1er avril 1990 pour M. P. Y....
En outre, en ce qui concerne les contrats de travail ultérieurement conclus par écrit entre les parties, dans la mesure où la SAS Borée prétend qu'en tout état de cause, les contrats de travail litigieux ont été conclus dans le cadre des contrats de travail à durée déterminée d'usage par la SNC A...C...ISA, prévus par l'article L. 122-1-1. 3o ancien du code du travail, devenu l'article L. 1243-2. o du même code, il lui revient de rapporter la preuve de l'existence d'un usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée, non seulement au niveau de son secteur d'activité, au sens de l'article D. 121-2 ancien du code du travail, devenu l'article D. 1242-1 nouveau du même code, mais encore au niveau de l'emploi occupé par les intéressés, figurant sur certains des contrats de travail litigieux, tel qu'invoqué par la SAS Borée.
La SAS Borée doit également démontrer que le recours aux contrats de travail à durée déterminée d'usage litigieux était justifié par des raisons objectives, à savoir des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire des emplois en cause, occupés par les intéressés, lorsqu'ils ont été ultérieurement précisés dans les contrats de travail litigieux.
En l'espèce, il n'est pas utilement contesté que les salariés étaient affectés à l'activité de restauration de la SAS SECNIT ainsi qu'à la même activité de la SNC A...C...ISA, consistant dans la restauration à l'occasion des salons et expositions se déroulant sur le site du A...à la Défense, quand bien même il ne s'agissait pas de son objet principal pour la SAS SECNIT, étant précisé que cette activité n'est pas contestée en ce qui concerne la SNC A...C...ISA.
Or il ressort des documents versés aux débats, notamment des courriers de réservations ou des plannings, que cette activité était continue et prévisible selon des réservations de plannings devant être faites par les clients et donc connues à l'avance par les sociétés en charge de la restauration, compte tenu précisément du nombre important de telles manifestations dans un site comme le A..., ce qui ne met pas les intimées dans une situation comparable avec celles d'hôtels organisant ponctuellement des banquets.

En effet, force est de constater que l'activité d'organisation de banquets ou de restauration dans le cadre de salons professionnels ou d'expositions, était l'objet même de la branche d'activité " banqueting " dans laquelle avaient été engagés les salariés par la SAS SECNIT, qui avait été cédée à la SNC A...C...ISA, aux droits de laquelle se présente la SAS Borée.
Il s'agissait en conséquence d'une activité normale et permanente de ces deux entreprises, ne permettant pas en principe le recours à des contrats de travail à durée déterminée, sauf cas limitativement prévus par la loi, notamment dans le cas des contrats de travail à durée déterminée dit d'usage, tel qu'invoqué par la SAS Borée.
Or, en ne produisant pas l'intégralité des livres d'entrées et de sorties des personnels des sociétés employeurs des intéressés pour les fonctions de maîtres d'hôtel et chef de rang, la SAS Borée n'établit pas que ces règles aient été respectées et qu'il ait été recouru légalement aux contrats de travail à durée déterminée litigieux.
Il convient de relever également que les bulletins de paie remis par la SNC A...C...ISA aux salariés jusqu'au mois de janvier 1999, mentionnaient leur ancienneté depuis le 1er mai 1993, ce dont il résulte que l'employeur lui-même reconnaissait la permanence de la relation de travail.
C'est en conséquence en vain que la SAS Borée soutient que les emplois de maîtres d'hôtel et chef de rang confiés aux salariés étaient par nature temporaire d'une part, du seul fait qu'il s'agissait d'extras, et d'autre part en ce qu'ils correspondaient à des activités de restauration liées à l'organisation de manifestations indépendantes les unes des autres, comme des salons professionnels ou des banquets dont la durée est par nature très limitée dans le temps, en produisant en ce sens une attestation du président du Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, cafetiers et traiteurs.
En effet, elle ne communique aucun élément probant de nature à corroborer le caractère ponctuel des manifestations en cause, ne permettant ainsi pas à la Cour d'évaluer la fréquence des activités de restauration exercées dans le cadre des sociétés aux droits desquelles elle se présente.
A cet égard, le seul tableau des volumes d'heures effectuées par les salariés n'est pas probant de l'activité totale en matière de restauration de la société employeur elle-même ni donc du caractère irrégulier allégué dans l'activité d'organisation de banquets dans les salons professionnels et toutes autres manifestations se déroulant au A..., les sociétés employeurs faisant appel à de nombreux salariés sous contrat de travail à durée déterminée pour exercer ces fonctions, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même en faisant valoir qu'elle limitait la conclusion des contrat de travail à durée déterminée d'usage litigieux aux seuls salariés liés à l'activité de restauration.
En effet, force est de constater qu'en ce qui concerne la SAS SECNIT, premier employeur des deux salariés, ceux-ci occupaient un emploi dans le seul secteur de restauration de cette entreprise, qui formait une entité économique autonome, ayant précisément été transféré à la SNC A...C...ISA, s'agissant d'un secteur dédié à cette seule activité de restauration.
Dans ces conditions, la SAS Borée ne démontre pas le caractère temporaire des emplois occupés par les intéressés, y compris lorsqu'ils étaient précisés comme étant ceux de maître d'hôtel et chef de rang.
Les contrats de travail à durée déterminée litigieux seront en conséquence requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée dès l'embauche des intéressés par la SAS SECNIT.

Sur le transfert des contrats de travail requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à la SNC A...C...ISA :
Il n'est pas utilement contesté qu'au sein de la SAS SECNIT, premier employeur de M. R. X...et M. P. Y..., les intéressés occupaient leur emploi dans le seul secteur de restauration de cette entreprise, qui formait une entité économique autonome, ayant précisément été transférée à la SNC A...C...ISA, celle-ci étant dédiée à cette seule activité.
Dans la mesure où les relations contractuelles entre les intéressés et la SAS SECNIT ont été requalifiées à partir de leur embauche par la SAS SECNIT en contrat de travail à durée indéterminée, leurs contrats ont été transférés dans les mêmes conditions à la SNC A...C...ISA lorsque celle-ci a repris l'activité de la précédente société.
C'est en effet en vain que la SAS Borée conteste toute continuité dans les relations contractuelles entre la SAS SECNIT et la SNC A...C...ISA, aux droits de laquelle elle se présente, en soutenant que les salariés ont été en réalité embauchés directement par cette dernière société, par des contrats de travail réguliers, contestant tout lien avec le précédent employeur des salariés.
En effet, il ressort des éléments de la cause, non utilement contredits par cette dernière société, en particulier des extraits KBIS de la société d'Exploitation du A..., dite SAS SECNIT ainsi que de la SNC A...C...ISA, que l'activité " banquets " de la SAS SECNIT, qui n'était qu'une activité annexe de celle-ci, a été transférée à la SNC A...C...ISA, dans les faits à compter du mois de janvier 1992 puis " officiellement " à compter du 18 avril 1995, ce transfert étant corroboré par les bulletins de paie des intéressés, portant mention de l'employeur comme étant la " SNC C...", avec le numéro RCS de la SNC A...C...ISA, filiale de la SAS SECNIT, à compter de ces dates.
Dès lors, les deux salariés ayant été embauchés par la SECNIT à compter, l'un du 1er septembre 1989, l'autre du 1er avril 1990, par contrat de travail verbal, leurs contrats doivent être considérés comme ayant été transférés en tant que contrats de travail à durée indéterminée à la SNC A...C...ISA, par application des dispositions de l'article L. 122-12 ancien du Code du Travail devenu l'article L. 1224-1 du même code, en l'absence de preuve de démission de leur part.

Sur le transfert des contrats de travail requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée à la SAS Eurobar :
Il ressort en outre des extraits K bis de la SNC A...C...ISA que celle-ci a cédé son fonds de commerce de restauration ainsi que sa marque " Honoré D..." à la société Européenne de Bars et Restaurants, dénommée Eurobar le 22 mai 2001 à effet au 1er juillet 2001.
C'est dans ces conditions en vain que la SAS Eurobar prétend que les contrats de travail des intéressés ne lui ont pas été transférés alors qu'il ressort des extraits du livre d'entrées et sorties du personnel communiqué par cette dernière société que ces deux salariés ont commencé leur travail en son sein dès le 18 septembre 2001 pour M. R. X...et dès le 1er septembre 2001 pour M. P. Y..., soit peu après la cession de l'activité de restauration de la SNC A...C...ISA à son profit le 1er juillet 2001.
Or, les contrats de travail des intéressés doivent être considérés comme ayant été transférés à la SAS Eurobar en tant que contrats de travail à durée indéterminée, du fait de leur requalification, peu important que ce dernier employeur ait conclu de nouveaux contrats de travail à durée déterminée d'usage avec les intéressés dans la mesure où les relations contractuelles se déroulaient dans un cadre de contrat de travail à durée indéterminée, en l'absence de démission de leur part.
A cet égard, il convient en tout état de cause de relever que les deux salariés étaient affectés à la même activité de restauration au sein de la SAS Eurobar, identique à celle à laquelle ils avaient été affectés auparavant au sein de la SAS SECNIT et de la SNC A...C...ISA, consistant dans la restauration à l'occasion des salons et expositions se déroulant sur le site du A...à la Défense.
Dans ces conditions, et pour les mêmes motifs que précédemment, alors qu'il s'agissait en conséquence d'une activité normale et permanente de cette entreprise ne permettant pas en principe le recours à des contrats de travail à durée déterminée, sauf cas limitativement prévus par la loi, et notamment dans le cas du contrat dit d'usage, tel qu'invoqué par la SAS Eurobar, cette dernière société ne démontre pas que les emplois occupés par les salariés susvisés en son sein correspondaient à un usage constant de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée ni qu'ils avaient un caractère temporaire.
L'indemnité de requalification due aux intéressés, que la Cour évalue à la somme de 4. 000 Euros pour M. R. X..., et de 5. 000 Euros pour M. P. Y..., compte tenu du préjudice subi du fait de leur maintien dans une situation d'emploi précaire, doit être en conséquence mise à la charge de la SAS Borée, celle-ci venant en effet aux droits tant de la SAS SECNIT, qui a initialement embauché les deux salariés que de la SNC A...C...ISA, à laquelle les contrats de travail des intéressés ont été transférés.

Sur la demande de rappels de salaires sur la base d'un travail à temps complet :
En l'absence de contrat de travail écrit initial ou d'avenants réguliers précisant un travail à temps partiel dans les conditions légales, c'est à bon droit que les salariés invoquent la présomption de travail à temps complet en découlant.
Or, ni la SAS Borée ni la SAS Eurobar ne renversent la dite présomption. En effet, il ressort des graphiques d'activité des salariés au sein des entreprises susvisées, et confirmés par les bulletins de paie du salarié, que ceux-ci étaient employés régulièrement chaque mois depuis leur embauche, à part les périodes correspondant aux congés, pour des horaires de travail atteignant souvent des niveaux proches du temps complet.
Cependant, par cette irrégularité même de leurs horaires de travail, ni la SAS Borée ni la SAS Eurobar ne contredisent utilement les salariés qui affirment qu'ils étaient, dans ces conditions, tenus de rester à la disposition de l'employeur, aucun élément probant n'établissant qu'ils avaient un autre employeur régulier pendant les mêmes périodes, tout autre emploi ne pouvant revêtir qu'un caractère occasionnel compte tenu de la fréquence avec laquelle la SAS SECNIT, puis la SNC A...C...ISA ou la SAS Eurobar leur donnaient du travail dans le cadre des contrats de travail litigieux.

Il sera en conséquence fait droit tant leur principe et leurs montants eaux demandes de rappels de salaires formées par M. R. X...et M. P. Y...sur la base d'un travail à temps complet, dans les limites de la prescription légale, envers chacune des deux sociétés, les SAS Borée et SAS Eurobar, selon la période pendant laquelle ils étaient salariés de celles-ci, jusqu'à la rupture de leur contrats de travail par cette dernière aux dates ci après précisées.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de condamnations solidaires formées par les deux salariés, s'agissant d'employeurs et de périodes distincts, à charge pour les parties de faire leurs comptes et de saisir à nouveau la Cour en cas de litige.
M. P. Y..., qui maintient sa demande de remboursement de frais de veste, ne fait valoir aucun moyen de fait ou de droit nouveau de nature à modifier le jugement déféré qui l'a débouté de cette demandes et que sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur la rupture des relations contractuelles :
Il ressort de l'examen des bulletins de paie des salariés susvisés qu'ils ont effectué leur dernier travail salarié aux dates suivantes pour le compte de la SAS Eurobar, à laquelle leurs contrats de travail avaient été transférés :
- M. R. X...le 12 février 2002 et M. P. Y...le 22 novembre 2001.
Dans la mesure où les relations contractuelles ont été requalifiées en contrat de travail à durée indéterminée pour chacun des salariés susvisés, les contrats de travail de M. R. X...et M. P. Y...ont donc été transférés dans cet état, en tant que contrats de travail à durée indéterminée requalifiés, à la SAS Eurobar et leur rupture par celle-ci en tant que dernier employeur, intervenue sans lettre de licenciement, et donc sans motif, au terme prétendu des relations contractuelles, doit être analysée comme un licenciement nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu des éléments de préjudice communiqués à la Cour, et notamment leur ancienneté, la SAS Eurobar est condamnée à leur verser à chacun d'entre eux, sur la base de leur dernier salaire mensuel brut le plus élevé qui devait leur être maintenu lors du transfert de leurs contrat de travail à la SAS Eurobar, sur la base d'un travail à temps complet, les sommes qu'ils réclament à titre d'indemnités de rupture, préavis, congés payés incidents, indemnité conventionnelle de licenciement, et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 ancien du code du travail, devenu l'article L. 1235-2 nouveau du même code.
La demande de condamnation solidaire des deux sociétés sera rejetée, la SAS Borée étant seule débitrice de l'indemnité de requalification comme venant aux droits de l'employeur initial des salariés et la SAS Eurobar étant l'unique auteur de la rupture de leur contrat de travail respectif.
La SAS Eurobar devra leur remettre un certificat de travail, une attestation Assedic ainsi que des bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision.
Les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de l'article 700 du CPC en faveur de M. R. X...et M. P. Y.... La SAS Borée et la SAS Eurobar sont condamnées chacune à leur verser à chacun la somme de 3. 000 Euros à ce titre pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,
Statuant sur renvoi après cassation,
Vu les jugements rendus le 20 juillet 2004 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Versailles le 2 mars 2006,
Vu l'arrêt de cassation du 26 septembre 2007,
Infirme les jugements déférés susvisés, à l'exception du rejet de la demande de remboursement de frais de veste de M. P. Y...,
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet les contrats de travail à durée déterminée conclus par M. R. X...et M. P. Y...avec la SAS SECNIT et la SNC A...C...ISA, aux droits de laquelle se présente la SAS Borée, à compter des dates suivantes :
* M. M. R. X...: le 1er septembre 1989,
* M. P. Y...: le 1er avril 1990,
Dit que la rupture des contrats de travail à durée indéterminée susvisés aux dates précisées ci après est imputable à la SAS Eurobar et est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Borée à verser à M. R. X...et M. P. Y...les sommes suivantes à titre d'indemnité de requalification :
* M. R. X...: 4. 000 Euros,
* M. P. Y...: 5. 000 Euros,
Condamne les SAS SAS Borée et Eurobar, chacune pour la part la concernant, sleon la période d'emploi salariée des intéressés, à verser à M. R. X...et M. P. Y...les sommes suivantes, à titre de rappels de salaires et congés payés incidents sur la base d'un travail à temps complet :
* M. R. X...: 47. 039, 42 Euros et 4. 703, 94 Euros,
* M. P. Y...: 35. 527, 96 Euros et 3. 552, 79 Euros,
- à titre d'indemnités de rupture :
* M. R. X...:
- à titre d'indemnité de préavis : (2 mois) : 3. 328 Euro
-au titre des congés payés incidents au préavis : 332, 80 Euros,

- à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 2. 094 Euros,
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9. 984 Euros,
* M. P. Y...:
- à titre d'indemnité de préavis : (2 mois) : 7. 105, 59 Euros,
- au titre des congés payés incidents au préavis : 710, 56 Euros,
- à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement : 1. 617, 90 Euros,
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8. 959 Euros,
Ordonne à la SAS Borée, pour l'indemnité de requalification et les rappels de salaires, ainsi qu'à la SAS Eurobar, pour le surplus, chacune pour la période la concernant, de remettre à chacun des salariés susvisés, les documents sociaux suivants, certificat de travail, attestation Assedic et bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision,
Condamne chacune des deux sociétés, la SAS Borée et la SAS Eurobar à verser à chacun des deux salariés, la somme de 3. 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure de première instance et d'appel,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la SAS Borée et la SAS Eurobar aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 08/11081
Date de la décision : 20/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nanterre, 20 juillet 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-11-20;08.11081 ?
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