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18/11/2008 | FRANCE | N°24

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0138, 18 novembre 2008, 24


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRÊT DU 18 Novembre 2008
(no, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01993

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2006 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL RG no 05 / 02659

APPELANTE
Madame Viviane X...
...
94800 VILLEJUIF
comparante en personne, assistée de Me Aymeric Y..., avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque : PC 95

INTIMÉE
INSTITUT GUSTAVE ROUSSY (IGR)
39, rue

Camille Desmoulins
94805 VILLEJUIF CEDEX
représentée par Me Nathalie FONVIEILLE (SCP LECAT et Associés), avocat au barreau ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRÊT DU 18 Novembre 2008
(no, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01993

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2006 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL RG no 05 / 02659

APPELANTE
Madame Viviane X...
...
94800 VILLEJUIF
comparante en personne, assistée de Me Aymeric Y..., avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque : PC 95

INTIMÉE
INSTITUT GUSTAVE ROUSSY (IGR)
39, rue Camille Desmoulins
94805 VILLEJUIF CEDEX
représentée par Me Nathalie FONVIEILLE (SCP LECAT et Associés), avocat au barreau de PARIS, toque : P 27, substitué par Me François Z..., avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence BRUGIDOU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Madame Florence BRUGIDOU, Conseiller

Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

Madame Viviane X... engagée à compte du 1er octobre 1977 en qualité d'infirmière diplômée d'état par l'Institut Gustave Roussy, moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à 3 458, 19 euros, victime le 4 décembre 2003 d'un accident de travail, a été licenciée par lettre du 13 juillet 2005 pour impossibilité de reclassement.

Saisi par Madame X..., le Conseil de Prud'hommes de Créteil a, par un jugement du 13 octobre 2006, débouté celle-ci de toutes ses demandes.

Madame X... a relevé appel, le 6 mars 2007, de cette décision.

Elle sollicite
-2 716 euros à titre de rappels de salaires au titre de la validation des acquis professionnels du 1er juillet 2002 au 18 juillet 2005 et 271, 68 euros de congés payés afférents
-128, 34 euros au titre du rappel sur indemnité compensatrice de préavis et 12, 83 de congés payés afférents
-90 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
lesquelles sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter du licenciement sur rappels de salaires et à compter de la saisine pour le surplus
-la délivrance de l'attestation ASSEDIC et fiche de paye conforme sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision.

Elle expose qu'à la suite de l'accident du travail dont elle a été victime dans la nuit du 4 au 5 décembre 2003, elle n'a jamais repris son travail et a été estimée inapte à tout poste à l'Institut Gustave Roussy sauf à être reclassée en dehors du bâtiment de l'Institut et sans prise en charge de patients atteints de cancer. Elle soutient l'interprétation restrictive et dénaturée qu'a fait l'employeur des préconisations du médecin du travail puisqu'il y avait possibilité de trouver un poste administratif dans les institutions avec lesquelles l'Institut Gustave Roussy a un lien juridique. Elle en conclut que l'employeur cherche à se débarrasser d'une salariée ancienne et donc coûteuse.

En ce qui concerne sa demande de rappel de salaires, Madame X... estime que c'est à tort qu'elle n'a pas bénéficié de la validation des acquis professionnels, son dossier ayant été refusé au vu de critères comportementaux en violation des dispositions de la CCN et selon une procédure conduite dans une opacité totale. Elle expose qu'exerçant sa profession dans un contexte de stress et des conditions difficiles, elle a toujours eu des appréciations élogieuses. Elle s'étonne par conséquent de la différence entre les appréciations portées lors de la validation des acquis professionnels relevant du seul fait postestatif de l'employeur et celles résultant de son évaluation annuelle et conclut à l'absence total d'objectivité des notateurs, relevant qu'elle a toujours tenu un discours franc et direct avec la direction sur ses conditions de travail

En réplique l'Institut Gustave Roussy expose que les postes de reclassement disponibles (infirmière de jours dans les services de médecine et de chirurgie et infirmière de nuit dans tous les services) ne correspondaient pas aux recommandations de médecin du travail dont il s'est rapproché par lettre du 1er juin 2005 pour obtenir des précisions sur les aptitudes de Madame X.... Il constate que les recommandations de celui-ci ne pouvant être respectées, faute de poste adéquat, il a dû procéder après avoir recueilli l'avis des délégués du personnel, qui n'ont pas souhaité donner d'avis écrit, au licenciement. Il ajoute que les relations qui existent avec d'autres organismes n'entraînent avec ceci aucune permutabilité du personnel et, qu'à la crèche ou dans les pavillons de recherche, il n'y a pas de poste libre adaptable à Madame X....

Par ailleurs l'Institut Gustave Roussy conclut au rejet de la demande de rappel de salaire puisque les compétences acquises et mobilisées par Madame X... ne lui ont pas permis dans l'exercice de son emploi d'atteindre le niveau requis à l'Institut pour bénéficier de la validation des acquis professionnels et de la valorisation salariale associée prévues dans un accord interprofessionnel du 25 mars 2002 selon une procédure qui a été parfaitement respectée. Il explique qu'en effet Madame X... qui ne réunissait pas les conditions exigées s'est vue refuser cette validation suivant une décision maintenue en dépit d'un recours exercé le 22 septembre 2003, l'appréciation portant sur 63 critères, dont l'aptitude comportementale, validés par les signataires qui ne ressortent pas du même système que l'évaluation. Il sollicite l'allocation de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Il est expressément fait référence pour les prétentions et moyens des parties aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 3 octobre 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé du licenciement

Considérant que selon l'article L 122-32-5 alinéa 1 phrase 1 devenu L 1226-10 du Code du travail, le reclassement doit être recherché, compte tenu des propositions du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, dans un emploi approprié à ses capacités et " aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ceci après consultation des délégués du personnel " ;

Considérant que l'employeur doit établir la preuve de la recherche loyale d'un reclassement ainsi que des moyens mis en oeuvre pour maintenir le salarié dans un emploi de l'entreprise ou du groupe d'appartenance de l'entreprise ; que selon l'article L122-32-5 alinéa 4 devenu L 1226-12, c'est si le reclassement est impossible ou si le salarié refuse l'emploi proposé que l'employeur peut procéder au licenciement ;

Considérant que Madame X... exerçait lors de l'accident de travail ses fonctions d'infirmière dans un service de chirurgie générale de nuit ; que compte tenu des conditions posées par le médecin du travail à sa reprise qui portaient sur une affectation à un poste situé en dehors du bâtiment de l'Institut Gustave Roussy et sans prise en charge de patients atteints de cancer, les propositions faites le 24 juin 2005 par l'employeur constituées par des postes d'infirmière de jour dans le service de médecine et de chirurgie et d'infirmière de nuit dans tous les services étaient, comme il l'a d'ailleurs admis, totalement inadaptées à son cas ;

Considérant que l'Institut Gustave Roussy indique que la totalité de son activité est consacrée à la pathologie cancéreuse et produit pour établir ses recherches en vue d'un poste adapté les listes des postes à pouvoir alors en mobilité interne, la liste de sorties des salariés pour les mois d'avril à juillet 2005 ainsi que celle des effectifs de la crèche outre des organigrammes démontrant l'absence de lien juridique avec les organismes ou institutions associées et par conséquent l'absence de permutabilité du personnel ;

Considérant que si ces pièces établissent les difficultés éprouvées par l'employeur pour trouver dans les emplois existants un poste libre pour Madame X..., elles ne démontrent pas qu'il ait mis en oeuvre des diligences particulières en vue de son reclassement en se contentant de lui offrir des emplois dont il savait qu'ils ne correspondaient pas aux préconisations du médecin du travail ; qu'il en résulte qu'il n'a pas procédé à une recherche sérieuse en vue de l'aménagement ou de la transformation d'un poste ; que dans ces conditions il convient de dire qu'il ne s'est pas acquitté de son obligation de reclassement, le licenciement ainsi prononcé étant donc sans cause réelle et sérieuse ; que la décision des premiers juges sera infirmée sur ce point ; que l'Institut Gustave Roussy sera condamné, en application de l'article L122-32-7 devenu L 1226-15 du Code du travail, à verser à Madame X..., qui après 27 ans dans cet établissement n'a pas retrouvé d'activité professionnelle, la somme de 50 000 euros ;

Sur le rappel de salaire

Considérant que, dans le cadre d'un accord conclu le 25 mars 2002 entre la Fédération nationale des centre de lutte contre le cancer (CLCC) et les syndicats, a été mise en oeuvre une procédure de validation des acquis permettant aux salariés réunissant certaines conditions de bénéficier d'une augmentation de salaire ; qu'en dépit d'une très longue expérience dans un service difficile et de ses capacités ainsi démontrées et reconnues par ailleurs, Madame X... n'a pas été déclarée apte ; qu'elle a exercé un recours contre la décision de la direction des ressources humaines du 19 mai 2003 l'informant du rejet, après avis rendu le 19 mars 2003 par la Commission locale de validation, de sa demande, son recours devant la Commission de recours ayant été rejeté le 22 septembre 2003, ce dont elle a été avisée le 1er décembre 2003 ;

Considérant que le référentiel de compétence établi pour l'évaluation s'appuie sur un référentiel national adapté à l'Institut Gustave Roussy ; qu'il comporte deux parties intitulées : connaissances et aptitudes opérationnelles d'une part et aptitudes comportementales d'autre part ; qu'il apparaît que les appréciations défavorables à l'intéressée portées sur son comportement sont en opposition avec les mêmes appréciations considérées comme positives figurant dans l'entretien annuel d'évaluation (EAE), réalisé le 9 août 2003, qui porte de façon plus générale tant sur les compétences techniques de Madame X... que sur son adaptation aux situations humaines et son aptitude à les gérer, sa prise en charge des personnes faisant d'ailleurs l'objet de la note la plus élevée ; que devant les contradictions ainsi relevées qui ne sont justifiées par aucun élément nouveau ni aucun motif précis, il convient de déduire un manque de fiabilité et d'objectivité des appréciations portées dans ce bilan de compétence concernant une salariée faisant preuve, comme le démontrent ses courriers à l'administration, d'une compétence certaine dans l'organisation de son service, doublée d'un sens de l'initiative ; qu'il y a lieu de dire la demande de Madame X... recevable et fondée, le jugement étant infirmé sur ce point ; qu'il sera fait droit à la demande de condamnation de l'Institut au titre du rappel des salaires et indemnités sollicitées.

Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas en l'état nécessaire.

PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,

Condamne l'Institut Gustave Roussy à verser à Madame X... la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne l'Institut Gustave Roussy à verser à Madame X... les sommes de 2 716 euros à titre de rappels de salaires au titre de la validation des acquis professionnels du 1er juillet 2002 au 18 juillet 2005 et de 271, 68 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne l'Institut Gustave Roussy à verser à Madame X... les sommes de 128, 34 euros au titre du rappel sur indemnité compensatrice de préavis et de 12, 83 au titre des congés payés afférents,

Condamne l'Institut Gustave Roussy à verser à Madame X... la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la délivrance par l'Institut Gustave Roussy de l'attestation ASSEDIC et des fiches de paye conformes,

Rejette pour le surplus,

Condamne l'Institut Gustave Roussy aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0138
Numéro d'arrêt : 24
Date de la décision : 18/11/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Créteil, 13 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-11-18;24 ?
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