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17/11/2008 | FRANCE | N°204

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0242, 17 novembre 2008, 204


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
17ème Chambre-Section A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 11686

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2006- Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY-RG no 04 / 14161

APPELANTE

Madame Yamina X...née Y...
...
...
93000 BOBIGNY

Représentée par Me NABOUDET-HATET, avoués à la Cour
Assistée de Me Gerard Z..., avocat au barreau de P

aris, toque : R1411

INTIMÉES

S. A. ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE-AGF,
pris en la personne de son Président en exercice
Ayant s...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
17ème Chambre-Section A

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 11686

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Avril 2006- Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY-RG no 04 / 14161

APPELANTE

Madame Yamina X...née Y...
...
...
93000 BOBIGNY

Représentée par Me NABOUDET-HATET, avoués à la Cour
Assistée de Me Gerard Z..., avocat au barreau de Paris, toque : R1411

INTIMÉES

S. A. ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE-AGF,
pris en la personne de son Président en exercice
Ayant son siège social 87 rue de Richelieu
75002 PARIS

S. A. S. CARREFOUR FRANCE,
prise en la personne de son Président en exercice
Ayant son siège social1 Rue Jean Mermoz
ZAE Saint Guenault
COURCOURONNES
91080 EVRY

Représentées par SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour
Assistés par Me Brigitte BEAUMONT (SELARL CABINET BRIGITTE BEAUMONT), avocat au barreau de Paris, toque : A372

CAISSE MALADIE RÉGIONALE,
prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège Service Accidents
...
75020 PARIS

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie NEROT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Nathalie E...SCHRAUB, Présidente
Sylvie NEROT, Conseillère
Régine BERTRAND ROYER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel GAULIN

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente et par Monsieur Daniel GAULIN, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 07 novembre 2002, Madame Yamina X...qui effectuait des achats dans les rayons du magasin en libre service à l'enseigne " Carrefour " (assuré auprès de la Société AGF) a subi des blessures à l'oeil gauche et a été transportée par les sapeurs-pompiers à l'Hôpital Avicenne.

Il résulte d'un rapport médical établi amiablement le 19 février 2004 par le docteur F..., médecin ophtalmologiste, que le traumatisme a conduit à la mise en place d'un cristallin artificiel et il conclut, notamment, à la détermination d'un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 %.

Par jugement rendu le 06 avril 2006 le tribunal de grande instance de Bobigny-saisi par Madame X...d'une demande tendant à voir déclarer la Société Carrefour Hypermarchés France-Sogramo responsable de cet accident, principalement sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil et, subsidiairement, sur celui de l'article 1382 de ce code, et tendant à obtenir le prononcé d'une expertise médicale, outre une provision-a :
- débouté Madame X...de ses demandes aux motifs que l'intervention de la chose n'était pas rapportée, pas plus que la faute dans l'organisation des rayons,
- condamné Madame X...à verser à la Société CARREFOUR une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.

Madame Yamina Y...épouse X...a relevé appel de cette décision.
Par uniques conclusions signifiées le 26 octobre 2006, expliquant qu'elle portait sur le bras un blouson pris dans un rayon du magasin dont le cordon de fermeture éclair s'est accroché à une bassine disposée dans un autre rayon et que ce cordon, en se libérant, est venu heurter son oeil gauche, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- de déclarer la Société CARREFOUR entièrement responsable de l'accident, principalement sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1, subsidiairement sur celui de l'article 1382 du code civil et, plus subsidiairement, du fait du manquement de cette Société à son obligation de sécurité, sur celui de l'article 1147 du code civil,
- dans tous les cas, de condamner " solidairement " la Société CARREFOUR et la Société AGF à lui verser une provision de 30. 000 euros au titre de son préjudice corporel,
- d'ordonner une expertise médicale confiée à un médecin spécialisé en ophtalmologie,
- de condamner in solidum la Société CARREFOUR et la Société AGF à lui verser une somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Par uniques conclusions signifiées le 13 mars 2007, la Société par actions simplifiée CARREFOUR France et la Société Assurances Générales de France G...(AGF) demandent à la cour :
- de confirmer le jugement,
- de débouter Madame X...de toutes ses demandes :
* principalement, au visa de l'article 1384 alinéa 1er du code civil et au constat de l'absence de démonstration de l'implication ainsi que du rôle causal de la bassine dans la réalisation du dommage, en l'exonérant totalement de toute responsabilité en sa qualité de gardien, en prononçant la mise hors de cause de la Société Carrefour et en considérant que le dommage subi résulte de la propre faute de Madame X...,
* subsidiairement, au visa de l'article 1382 du code civil, en considérant que Madame X...ne rapporte pas la preuve d'une faute dans l'organisation des rayons de la Société Carrefour,
* à titre plus subsidiaire et au visa des articles 564 du nouveau code de procédure civile et 1147 du code civil, en considérant que Madame X...est irrecevable, s'agissant d'une prétention nouvelle, à venir rechercher la responsabilité contractuelle de la Société et en considérant, en tout état de cause, qu'elle est mal fondée en cette recherche dès lors que la responsabilité d'un magasin dont l'entrée est libre à l'égard de ses clients est de nature quasi-délictuelle,
- en toute hypothèse, de condamner Madame X...à leur verser une somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

La Caisse Maladie Régionale, assignée (à personne habilitée) le 17 novembre 2006, n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 mai 2008.

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'au soutien de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de la Société Carrefour sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, Madame X...produit quatre attestations, un extrait de la main courante tenue par le magasin à grande surface à l'enseigne Carrefour de Drancy, un rapport de sortie établi le 07 novembre 2002 par la brigade de Sapeurs Pompiers de Paris et un certificat médical rédigé le 08 juillet 2003 par un interne en ophtalmologie de l'Hôpital Avicenne de Bobigny indiquant que Madame X...s'est présentée en leur service le 07 novembre 2002 pour un traumatisme de l'oeil gauche ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces pièces que Madame X...établit que les quatre témoins qui ont rédigé des attestations ont été alertés par ses cris de douleur alors qu'elle se trouvait à l'intérieur du magasin, que l'incident a été consigné par les services de ce magasin et que le dommage oculaire dont elle se plaignait a immédiatement conduit à sa prise en charge par les services des sapeurs-pompiers puis à son admission dans le service ophtalmologique d'un centre hospitalier ;

Qu'il y a, cependant, lieu de relever qu'alors qu'il appartient à la victime qui entend se prévaloir des dispositions de l'article 1384 alinéa 1er du code civil, et à qui, comme en l'espèce, celui qu'elle désigne comme gardien oppose l'absence de démonstration de l'intervention matérielle de la chose dont il avait la garde, d'établir, avant tout débat sur la participation causale d'une chose inerte qui n'est pas directement entrée en contact avec le siège du dommage, que la chose est effectivement intervenue dans le processus dommageable, Madame X...échoue dans cette démonstration ;

Qu'en effet, aucun des trois témoignages qu'elle a recueillis de tiers présents dans le magasin mais qui n'ont pas assisté aux faits, ne vient attester de la présence de la bassine incriminée, deux d'entre eux indiquant seulement être arrivés auprès de la victime se plaignant d'avoir reçu un objet dans l'oeil gauche ;
Que le témoignage de l'époux de Madame X..., outre qu'il n'est pas en parfaite concordance quant au déroulement des faits avec celui de son épouse puisqu'il indique : " nous étions dans un rayon du magasin lorsque mon épouse qui voulait attraper un article dans un rayon. Elle venait d'être blessée à l'oeil, elle a poussé un cri " ne relève pas non plus la présence d'une bassine ; Que la main courante du magasin, qui se présente comme le recueil, par une personne non individualisée-puisque la page manuscrite comporte en son pied deux cases " direction " et " sécurité " signées sans plus de précisions-de déclarations émanant d'une personne qui n'est pas davantage individualisée, ne se trouve étayée et complétée par aucun autre élément de preuve et ne peut s'analyser en une reconnaissance de responsabilité du gardien ; que cette absence de reconnaissance se retrouve dans l'échange de correspondances entre assureurs en amont de la présente procédure, la Société de courtage Diot indiquant notamment à la Société Azur Assurances dans un courrier du 26 janvier 2004 ayant pour références " dossier suivi (...), nos ref. (...), vos ref (...), tiers : enfant Baltis, assuré : Carrefour, compagnie : AGF, police : (...) " : " à la lecture des différents témoignages que vous nous avez adressés, il n'est pas possible de déterminer ce qui aurait blessé votre assurée à l'oeil. S'agit-il d'un objet tombé en rayon ? Si oui, lequel ? Aucun témoin ne fait référence à ce point. Votre assurée s'est-elle blessée toute seule ? " ;

Qu'ainsi, Madame X...qui ne rapporte pas la preuve de l'intervention d'une bassine qui serait à l'origine du blocage d'un cordon de vêtement et de son effet ressort, doit être déclarée mal fondée à se prévaloir de la responsabilité qui pèse sur le gardien d'une chose ;

Considérant que Madame X...se prévaut, subsidiairement et sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de la faute de la Société Carrefour, indiquant que du fait qu'elle essayait avec peine d'attraper un article " sans doute, précise-t-elle, parce qu'il était mal disposé et hors de portée d'une taille normale " elle a accroché " le cordon de la fermeture éclair du blouson qu'elle portait à une bassine dépassant du présentoir et située vraisemblablement en contrebas de l'article convoité c'est à dire hors du champ visuel de la victime " ;

Que par delà la formulation quelque peu dubitative du moyen que souligne la Société Carrefour, il y a lieu de considérer qu'il n'est étayé par aucune pièce, s'agissant de l'organisation des articles offerts à la vente dans ce magasin, et que l'absence de démonstration de la présence d'une bassine qui a conduit à exonérer le gardien désigné de sa responsabilité rend inopérant le moyen ;

Considérant que, plus subsidiairement et sur le fondement de l'article 1147 du code civil, Madame X...se prévaut du manquement de la Société Carrefour à son obligation contractuelle de sécurité ;

Que la Société Carrefour n'est pas fondée à opposer à Madame X...l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle est formulée pour la première fois en cause d'appel dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile que n'introduit pas une demande nouvelle la partie qui, en matière de responsabilité civile, invoque en appel les dispositions de l'article 1147 du code civil après s'être fondée en première instance sur les dispositions de l'article 1382 du code civil et que ses prétentions tendent, comme en l'espèce, aux mêmes fins et ne diffèrent que par leur fondement ;

Que c'est, en revanche, à bon droit que la Société Carrefour affirme que Madame X...est mal fondée en son moyen dans la mesure où l'exploitant d'un magasin en libre-service, dans l'hypothèse d'un dommage causé par un objet qui n'est pas encore vendu, ne peut voir sa responsabilité contractuelle engagée en l'absence de contrat, et que seule peut-être recherchée sa responsabilité délictuelle ;

Que Madame X...doit, par conséquent, être déclarée recevable mais mal fondée en ce dernier moyen ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la responsabilité de la Société Carrefour ne peut être engagée sur aucun des fondements invoqués en sorte que le jugement déféré doit être confirmé ;

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties au litige ;
Que Madame X...qui succombe supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement ;

Y ajoutant :

Déclare Madame Yamina Y...épouse X...recevable mais mal fondée en son moyen fondé sur les dispositions de l'article 1147 du code civil ;

Déboute les parties de leurs demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame X...aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0242
Numéro d'arrêt : 204
Date de la décision : 17/11/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bobigny, 06 avril 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-11-17;204 ?
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