Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 2008
(no , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/06179
Décision déférée à la Cour : saisine de la cour d'appel sur renvoi de cassation : arrêt de la cour de cassation rendu le 20/2/2007 cassant et annulant l'arrêt de la cour d'appel de Colmar rendu le 23 novembre 2004 à la suite de l'appel du jugement du TGI de Strasbourg du 23 octobre 2002.
APPELANTES
La S.A.S. ELMAR WOLF
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est 5, rue de l'industrie
67160 WISSEMBOURG
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX de LAVARENE, avoués à la Cour,
assistée de Maître Karine ETIENNE, avocat au Barreau de Lyon.
(LAMY et ASSOCIES)
La S.A.S OUTILS WOLF
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
dont le siège social est 5, rue de l'industrie
67160 WISSEMBOURG
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX de LAVARENE, avoués à la Cour,
assistée de Maître Karine ETIENNE, avocat au Barreau de Lyon.
(LAMY et ASSOCIES)
INTIMÉE
La société AUCHAN FRANCE
en la personne de ses représentants légaux,
dont le siège social est 200, rue de la Recherche
59650 VILLENEUVE D ASCQ
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour,
assistée de Maître Jean-Louis GUIN, avocat au Barreau de Paris,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 septembre 2008, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame REGNIEZ , conseiller,
Madame SAINT SCHROEDER, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Plusieurs sociétés sont issues d'une entreprise familiale sarroise, créée en 1922 par August WOLF pour fabriquer industriellement des outils :
- la société à responsabilité limitée ELMAR WOLF,
- la société anonyme OUTILS WOLF,
- la société de droit suisse WOLF GERÄTE AG,
-la société de droit germanique WOLF GERÄTE GMBH.
La société ELMAR WOLF (alors dénommée société OUTILS WOLF) est titulaire de la marque semi-figurative OUTILS WOLF, enregistrée sous le no 1 721 221 pour désigner notamment des tondeuses à gazon, imprimant en jaune sur fond rouge les termes "OUTILS" et "WOLF" encadrant une tête de loup stylisée, vue de face et inscrite dans un cercle tronqué. L'usage en a été concédé le 12 janvier 1996 à la société française OUTILS WOLF par un contrat publié au Registre National des Marques.
La société WOLF GERÄTE AG est quant à elle titulaire d'une marque internationale no 457 672, dont elle a concédé le droit exclusif d'utilisation à la société WOLF GERÄTE GMBH. Cette marque, également semi-figurative, est composée de la dénomination WOLF GARTEN et d'une tête de loup stylisée imprimée en jaune sur fond rouge.
Le 20 juillet 1992, plusieurs accords furent passés entre des sociétés issues de l'entreprise WOLF, notamment :
- un accord de distribution exclusive, entre la société fabricante WOLF GERATE GMBH et la société distributrice OUTILS WOLF, en vue de la vente de tondeuses d'une largeur de coupe de 30 à 38 cm,
- un accord de distribution exclusive, entre la société OUTILS WOLF et la société allemande WOLF GERATE GMBH, en vue de la vente de tondeuses d'une largeur de coupe de 43 à 60 cm inclus,
- un accord, entre la société WOLF GERÄTE AG d'une part, et la société française OUTILS WOLF d'autre part, concernant l'utilisation de la marque internationale WOLF GARTEN.
Ayant constaté que la société anonyme AUCHAN FRANCE proposait à la vente des tondeuses à gazon WOLF GARTEN, les sociétés ELMAR WOLF et OUTILS WOLF, après avoir fait effectuer un constat et une saisie contrefaçon, ont assigné celle-ci en contrefaçon de la marque OUTILS WOLF.
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Par un jugement contradictoire rendu le 23 octobre 2002, la première chambre du tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- débouté les sociétés ELMAR WOLF et OUTILS WOLF de toutes leurs demandes,
- condamné ces dernières aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la société AUCHAN FRANCE les somme de 4 573 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4 573 euros sur le fondement de l'article 700 du (nouveau) Code de procédure civile.
Les sociétés ELMAR WOLF et OUTILS WOLF ayant interjeté appel, la première chambre civile, section A, de la cour d'appel de Colmar a rendu un arrêt confirmatif le 23 novembre 2004.
Elles se sont alors pourvues en cassation.
Dans un arrêt du 20 février 2007, la chambre commerciale de la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Colmar.
C'est ainsi qu'est né le présent litige.
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Dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 août 2008, les sociétés ELMAR WOLF et OUTILS WOLF, appelantes, prient la cour, pour l'essentiel de :
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- dire et juger que la société AUCHAN FRANCE, en proposant à la vente des tondeuses à gazon revêtues de la marque WOLF GARTEN, a commis des actes de contrefaçon de la marque OUTILS WOLF no 1 721 221,
- lui faire défense de poursuivre ces actes, sous astreinte,
- la condamner à verser à la société OUTILS WOLF la somme de 128 903,27 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner, et à la société ELMAR WOLF la somme 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice au droit de marque,
Subsidiairement,
- poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes les questions préjudicielles mentionnées leurs conclusions,
En tout état de cause,
- ordonner des mesures de publication,
- condamner la société AUCHAN FRANCE aux entiers dépens ainsi qu'à leur verser chacune la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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La société AUCHAN FRANCE, intimée, demande essentiellement à la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 11 septembre 2008, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés ELMAR WOLF et OUTILS WOLF,
A titre subsidiaire,
- poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes les questions préjudicielles mentionnées dans ses conclusions,
En tout état de cause,
- les condamner aux entiers dépens ainsi qu'à lui verser les sommes de 50 000 euros pour procédure abusive et 25 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la société AUCHAN France soutient que toutes les sociétés issues de la descendance d'Auguste Wolf, ont décidé en 1992 d'une stratégie commune et ont conclu des accords visant à renforcer «la position des produits WOLF en Europe» en répartissant entre les sociétés françaises et allemandes "la fabrication de tondeuses à gazon de toutes sortes autotractées ou non" en fonction de la largeur de coupe, avec engagement réciproque d'approvisionnement exclusif ; que ces accords couvraient également l'usage des signes ;
Qu'en faisant référence aux arrêts de la CJCE ( HAG II du 17 octobre 1990, Idéal Standard du 22 juin 1994), l'intimée soutient que l'exception à la libre circulation des marchandises à raison de l'invocation d'un droit de marque, n'est susceptible d'être admise que dans le cas où les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
- l'entreprise titulaire(A) de la marque dans un Etat Membre qui s'oppose à l'importation de produits revêtus d'une marque identique ou similaire à la sienne par une entreprise tierce (B), titulaire d'une marque d'origine commune dans un autre Etat Membre, est juridiquement et économiquement indépendante de la société B,
- la fonction essentielle de la marque de la société A risque d'être compromise, les consommateurs pouvant être induits en erreur sur la provenance des produits arborant la marque de l'entreprise B,
- l'entreprise A n'a aucune possibilité de contrôle sur la qualité des produits mis sur le marché par l'entreprise B ;
Qu'ainsi, le titulaire d'une marque dans l'Etat d'importation ne pourrait s'opposer à la commercialisation d'un produit déjà mis en circulation dans l'Etat d'exportation par lui même ou avec son consentement, "lorsque le titulaire de la marque dans l'Etat d'importation et le titulaire de la marque dans l'Etat d'exportation sont identiques ou lorsque même s'ils sont des personnes distinctes, ils sont liés économiquement";
Qu'en l'espèce, aucune de ces trois conditions n'est remplie, les parties étant juridiquement et économiquement liées car les appelantes et la société Wolf Gerate ont, par la conclusion d'accords de spécialisation comportant des engagements d'approvisionnement et de distribution exclusive réciproques, fait le choix de dépendre les unes des autres pour la constitution de leurs gammes de tondeuses à gazon, chacune s'interdisant de produire les articles fabriqués par les autres ;
Qu'il suit selon elle, que la vente en France de tondeuses sous la marque Wolf Garten ne présente aucun risque d'atteinte à la fonction de garantie de la marque Outils Wolf dans la mesure où la clientèle achetant en France une tondeuse de marque Outils Wolf était en mesure d'acheter, selon son choix de largeur de coupe, une tondeuse fabriquée dans les usines des sociétés Elmar Wolf / Outils Wolf ou celles de la société Wolf Gerate ; qu'en outre, les liens économiques existant entre ces sociétés leur donnaient toute faculté d'insérer dans les contrats qu'elles ont conclus, les moyens d'exercer un contrôle du niveau de qualité des outils ; que la possibilité d'exercer un tel contrôle est suffisante la jurisprudence communautaire n'exigeant pas que le titulaire des droits puisse disposer d'un contrôle permanent ;
Qu'à titre subsidiaire, elle suggère à la cour de poser à la CJCE une question préjudicielle sur, notamment, le contenu du contrôle de qualité dont doit disposer le titulaire de la marque pour que puisse lui être opposé l'épuisement de ses droits ;
Qu'elle avance enfin que l'action des demanderesses fondées sur une prétendue atteinte à leur marque, n'a d'autre objet que de faire respecter une entente illicite conclue entre elles et la société Wolf Gerate, destinée à réaliser un cloisonnement absolu des marchés des Etats Membres ;
Considérant que les sociétés Elmar Wolf et Outils Wolf, appelantes, font valoir en substance que les accords qui ont été conclus entre les sociétés Outils Wolf et Wolf Garten se sont limités à des livraisons réciproques de certains produits, chaque contractant apposant sa marque sur les machines reçues de l'autre (après en avoir contrôlé la qualité) et s'en réservant la commercialisation au territoire qui lui revenait ; que ces accords qui n'ont jamais donné satisfaction, ont été résiliés par les parties au 31 août 2000 et n'ont pas été suivis d'autres accords, étant observé que les faits litigieux sont survenus pendant la période de préavis contractuel ;
Qu'elles soutiennent que seules les tondeuses électriques à petite largeur de coupe ont été achetées en petites quantités par Outils Wolf auprès de Wolf Garten, pour être vendues en France, après un contrôle de qualité et l'apposition de la marque "Outils Wolf" avec tête de loup ;
Qu'elles observent que ni les caractéristiques des machines litigieuses, ni les modalités de leur commercialisation, ni la marque dont elles sont porteuses ne permettent de dire qu'elles entrent dans le champ contractuel couvert par les accords précités ;
Qu'elles en concluent que la commercialisation des tondeuses incriminées, à supposer qu'elles aient été légitimement revêtues de la marque "Wolf Garten"en Allemagne, constitue une atteinte à la marque française "Outils Wolf" ;
Que reprenant les motifs de la Cour de cassation, elles soulignent que l'arrêt frappé de cassation, « n'a pas caractérisé la permanence d'un contrôle par le titulaire de la marque de l'activité du fournisseur des produits incriminés »et a « d'une part, écarté la fonction de garantie d'origine de la marque française, sans constater que le titulaire de la marque avait renoncé au contrôle de qualité des produits mis sur le marché sous cette marque par ses soins dans l'Espace Economique Européen, d'autre part, retenu l'épuisement du droit du titulaire de la marque sans examiner si les produits offerts à la vente par Auchan étaient des exemplaires de ceux qui auraient fait l'objet d'un consentement du titulaire de la marque française à leur importation en France »;
Considérant ceci rappelé, qu'il résulte du constat d'achats le 30 avril 1999, dressé par Me Moritz, huissier, dans le magasin Auchan de Haguenau-Schweighouse (pièce no 5des appelantes), qu'étaient offertes à la vente des tondeuses thermiques portant sur la partie avant du capot les signes WOLF GARTEN", avec entre ces deux signes, une tête de loup stylisée vue de face, et la mention "42 TL" indiquant selon les intimées, une largeur de coupe de 42cm ; que les opérations de saisie contrefaçon diligentées le 26 mai suivant ont confirmé l'offre à la vente de tondeuses de ce type ;
Qu'il convient dés lors d'apprécier si la commercialisation en France de ces tondeuses sous cette marque constitue la contrefaçon de la marque française "OUTILS WOLF" no 1 721 221 dont les sociétés Elmar Wolf et Outils Wolfs sont respectivement titulaire et licenciée, étant observé que ces tondeuses sont identiques aux appareils couverts par la marque française ;
Considérant que selon les dispositions de l'article L713-4 du CPI et l'article 7 de la directive dont il n'est que la transposition fidèle :
«le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdire l'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce de la Communauté économique européenne sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement ....»;
Considérant qu'il convient des lors de déterminer s'il se dégage des circonstances de l'espèce que la société Elmar Wolf, titulaire de la marque "OUTILS WOLF" a consenti à la première mise en circulation dans l'Espace Economique Européen des tondeuses litigieuses, à supposer, ce qui n'est pas sérieusement contesté, que celles-ci ont bien été fabriquées sous le contrôle de la société Wolf Garten qui y a apposé sa marque ;
Considérant que la société Auchan soutient en substance que ce consentement s'infère tout à la fois du fait que les sociétés Wolf Garten et Emar /Wolf-Outils Wolf forment une même entité économique et que les accords qu'elles ont conclus attestent de la réalité de leur interdépendance ;
Considérant cependant que bien qu'elles aient une histoire commune remontant à celle de leur fondateur, il n'est nullement établi que les sociétés française et la société Wolf Garten puissent être considérées comme formant une entreprise unique ; qu'en effet outre leur personnalité juridique distincte, il n'est pas justifié, en dehors de l'existence des seuls accords de coopération examinés ci-après, de participation croisées dans ces sociétés, ou de la définition de stratégies et de politique de communication communes ou complémentaires, ou encore de la mise en commun de moyens qui pourraient permettre de considérer ces sociétés comme formant une entité économique unique ; que la seule mention " société soeur" pour qualifier sur le site des appelantes la société allemande est manifestement insuffisante à établir la réalité d'une telle entreprise, d'autant que chacune d'entre elles développent ses propres sites sans qu'il ne soit d'ailleurs fait état de l'existence de renvoi ou de liens hypertextes entre eux ;
Considérant enfin que l'existence même des accords qui définissent les conditions dans les quelles chacune des parties fera usage de ses marques illustrent bien que ces sociétés n'ont pas entendu renoncer aux droits exclusifs qu'elles détiennent sur les signes en cause ;
Considérant que la portée de ces accords conclus en 1992 et aujourd'hui résiliés, a été limitée à une répartition de frais de recherche et de production sur des gammes de tondeuses définies en fonction de leur largeur de coupe afin d' éviter un recoupement des programmes d'investissements ; que ces accords de coopération gouvernant les seules opérations de production des dites machines, étaient complétés par des accords de distribution aux termes desquels le fabricant Wolf Garten concédait à Outils Wolf l'exclusivité de la distribution (dans certains pays dont la France) de tondeuses à gazon d'une largeur de coupe de 30 à 38 cm ou de 43 à 60cm ( accords du 20/07/92) ;
Considérant qu'il ne saurait s'inférer de la lecture de ces accords que les appelantes ont pu consentir à la commercialisation en France du type de tondeuse litigieuse, sous la marque Wolf Garten puisque, d'une part, la société Auchan ne démontre pas que les caractéristiques techniques de celles-ci rentraient dans les champ des accords de distribution convenues -d'autant que les appelantes soulignent que la largeur de coupe de 42 cm suffit à les exclure de ce champ -, et d'autre part l'économie de ces accords investissaient Outils Wolf de l'exclusivité de la distribution en France des tondeuses concernées ;
Considérant que, comme la jurisprudence de la CJCE l'a souligné, le consentement du titulaire de droits ne peut s'induire de son seul silence et que, pour être efficace, il doit porter sur chacun des exemplaires dont la commercialisation est incriminée ;
Considérant en outre que peu importe en l'espèce que les accords de distribution aient ou n'aient pas pu permettre au distributeur d'exercer un contrôle effectif sur la qualité des produits, puisqu'il est patent que pour les tondeuses litigieuses la société outils Wolf n'a été en mesure d'exercer aucun contrôle ;
Considérant que les tondeuses commercialisées par Auchan, ne relevaient donc pas du champ des accords contractuels, et ont été distribués, sous la marque "WOLF GARTEN" dans des conditions que la société Elmar Wolf titulaire de la marque "OUTILS WOLF" n'a pas pu contrôler et auxquelles elle n'a partant, pas pu souscrire ; qu'il est indifférent que ces marques puissent avoir une commune origine, dès lors qu'elles sont exploitées par des sociétés juridiquement et économiquement indépendantes et que les appelantes n'ont ni consenti ni même été informées de l'exploitation du signe litigieux ;
Considérant enfin qu'il ne saurait y avoir d'épuisement des droits sur une marque que dans la mesure où celle- ci a été utilisée pour servir la fonction essentielle qui est la sienne, à savoir garantir au consommateur l'origine (et la qualité qui y est associée) du produit sur lequel elle est apposée ; que pour y parvenir elle doit, comme le rappelle la CJCE, constituer la garantie que tous les produits qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité ;
Que, pour les motifs sus exposés, tel ne peut-être le cas de la marque de la société Elmar Wolf ;
Considérant que le signe WOLF GARTEN associé à une figuration stylisée d'une tête de loup et apposé sur les tondeuses commercialisées par la société Auchan constitue la contrefaçon par imitation de la marque semi figurative "OUTILS WOLF" no 1 721 221, le consommateur d'attention moyenne ne pouvant que se méprendre sur l'origine de ces tondeuses qu'il pourra attribuer au titulaire de la marque "OUTILS WOLF" ;
Considérant dés lors qu'il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 23 octobre 2002 ;
Considérant que l'accueil des demandes des appelantes rend inopérant le moyen de l'intimée tiré d'un risque de cloisonnement du marché par une entreprise unique, puisqu'il a été dit que les appelantes et la société Wolf Garten ne formait pas une entreprise unique mais qu'elles étaient indépendantes économiquement ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'il sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après à la mesure d'interdiction sollicitée; qu'en revanche, les circonstances de l'espèce commandent de rejeter la demande de publication ;
Considérant que les appelantes ne motivent pas leurs demandes de dommages et intérêts si ce n'est par l'affirmation d'une prétendue mauvaise qualité des machines contrefaisantes et par l'affirmation de leur notoriété due à l'excellence des produits auxquels elles associent la marque ;
Considérant qu'en fonction du nombre annoncé de 1500 tondeuses arborant la marque contrefaisante et de la promotion qui a accompagné cette vente, il convient de condamner l'intimée à verser à la société Elmar Wolf la somme de 5000 euros et à la société Outils Wolf celle de 20000 euros ;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Auchan à verser en outre aux appelantes la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc ;
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Statuant à nouveau,
Dit qu'en offrant à la vente des tondeuses à gazon revêtues des signes "WOLF GARTEN" et d'une tête de loup stylisée dans une combinaison de couleurs jaune et rouge, la société Auchan France a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative "OUTIlS WOLF"no1 721 221 dont la société Elmar Wolf est titulaire,
En conséquence,
Lui interdit la poursuite ou le renouvellement des actes précités sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt,
Condamne la société Auchan France à verser aux sociétés Elmar Wolf et Outils Wolf les sommes respectivement de 5000 euros et de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Rejette toute autre demande
Condamne la société Auchan France à verser aux appelantes la somme globale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc et à supporter les entiers dépens qui seront, pour ceux d'appel, distraits au profit de la SCP Roblin Chaix de Lavarene, avoué, en application de l'article 699 du même code .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT