RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B
ARRET DU 06 Novembre 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 03/43012-MCL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Octobre 2002 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de PARIS RG no 27206/01
APPELANT
Monsieur Philippe X...
...
75008 PARIS
comparant en personne, assisté de Me Philippe Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
Service 6012 - Recours Judiciaires
TSA 80028
93517 MONTREUIL CEDEX
représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
58-62, rue de Mouzaia
75935 PARIS CEDEX 19
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Madame Marie-Christine LAGRANGE , Conseiller
Monsieur Jean-Jacques A..., Vice-Président placé, faisant fonction de Conseiller, désigné par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris par ordonnance du 9 Septembre 2008 qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur Philippe X..., avocat associé d'une société de personnes ayant des bureaux ou bases fixes d'affaires en France et à l'étranger, sous la forme d'un partnership, a fait l'objet d'un redressement par l'U.R.S.S.A.F. de PARIS REGION PARISIENNE, ci-après désignée l'URSSAF, qui lui a fait signifier, le 3 décembre 2001, une contrainte délivrée le 27 septembre 2001, aux fins de paiement des cotisations et contributions de CSG/CRDS, outre les majorations de retard y afférentes, sur les revenus d'origine britannique pour la période des 4ème trimestre 2000 et 1er trimestre 2001, soit la somme de 22 317 €.
Dans sa séance du 12 décembre 2001, la Commission de recours amiable a rejeté la contestation de Monsieur Philippe X....
Saisi d'une opposition à la contrainte du 3 décembre 2001 et du recours contre la décision du 12 décembre 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, par jugement en date du 30 octobre 2002, a confirmé ladite décision et validé la contrainte pour son entier montant.
Par déclaration reçue au Greffe du tribunal le 23 janvier 2002 et transmise au Greffe de la Cour le 7 février 2003, Monsieur Philippe X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 23 juin 2005, la Cour d'appel de ce siège a prononcé le sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la Cour de Cassation qui avait été saisie pour avis sur une affaire identique par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.
Dans son avis en date du 2 septembre 2005, la Cour de Cassation a dit que l'affaire devait être soumise à l'avis de la Cour de Justice des Communautés européennes.
Saisie par le tribunal d'une question préjudicielle, la Cour de Justice des Communautés européennes a rendu un arrêt le 3 avril 2008.
L'affaire est a été plaidée à l'audience du 11 septembre 2008.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 9 septembre 2006 et soutenues oralement à l'audience par son Conseil, Monsieur Philippe X... demande à la Cour de :
* à titre principal :
- annuler la décision de la Commission de recours amiable du 12 décembre 2001, notifiée le 30 janvier 2002,
- prononcer la décharge de la CSG et de la CRDS visées par la mise en demeure relative à la période du 4ème trimestre 2000 et du 1er trimestre 2001, soit 19 898 € ainsi que les majorations de retard y afférentes, soit 2 419 €,
- annuler la contrainte,
- en conséquence, dire que les frais de signification de contrainte et tous autres frais liés à l'exécution de la contrainte délivrée le 27 septembre 2001 seront à la charge de l'URSSAF,
* à titre subsidiaire,
- dire que l'URSSAF n'est pas compétente pour établir et recouvrer la CRDS sur les revenus d'activité de source étrangère,
- en conséquence, réduire le montant de la mise en demeure du 9 août 2001,
- annuler le montant des sommes réclamées au titre de la CRDS pour les périodes litigieuses,
- réduire le montant des majorations de retard et des frais y afférents,
* en tout état de cause,
- condamner l'URSSAF à 1 € de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Monsieur Philippe X... soutient que :
* toute incidence du droit communautaire doit être exclue du présent litige parce que :
- tant la Cour de Cassation que la Cour de Justice ont écarté la thèse de l'URSSAF selon laquelle la convention fiscale franco-britannique de 1968 n'aurait pas exclu les revenus professionnels de source britannique de l'assiette de la CSG et de la CRDS, la discussion de la nature juridique de ces prélèvements étant dépourvue de pertinence au regard du droit communautaire,
- la discussion de savoir si la qualité d'associé d'une société de personnes établie dans plusieurs Etats membres implique ou non un exercice professionnel effectif dans chacun des Etats membres en question est désormais dépourvue de pertinence dès lors que l'arrêt de la Cour de Justice énonce que le Règlement ci-dessus visé ne s'oppose pas à l'exclusion des revenus professionnels d'un travailleur indépendant en provenance d'un autre Etat membre et ce, même lorsqu'il est applicable au titre de l'article 14bis §2 au travailleur qui réside en France et exerce son activité professionnelle tant en France que dans ou plusieurs Etats membres,
- il n'y a plus lieu de distinguer suivant que la société de personnes dans laquelle exerce le travailleur indépendant est établie dans d'autres Etats membres de l'Union européenne ou dans des pays tiers dès lors que l'exclusion des revenus professionnels en provenance de l'étranger résulte des dispositions des la loi nationale y compris les conventions préventives de la double imposition sur le revenu et l'URSSAF fait une distinction erronée entre les revenus professionnels de source anglaise, allemande ou américaine,
- toute incidence du droit communautaire étant ainsi exclue, le litige se résume à l'application de la loi nationale qui définit l'assiette des cotisations par référence aux revenus retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu et il faut donc tenir compte de l'effet des conventions fiscales applicables en matière d'impôt sur le revenu,
* l'assiette des contributions sociales est l'assiette fiscale qui est commune en application de l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale parce que :
- le principe de la transparence fiscale des sociétés de personnes implique que le revenu professionnel de chaque associé retenu comme assiette de l'impôt sur le revenu, et par suite, des contributions sociales, est la quote-part des résultats réalisés par la société de personnes correspondant à ses droits dans ladite société sans distinguer si ces résultats sont distribués ou non et l'URSSAF n'est pas fondée à distinguer entre la rémunération correspondant à l'activité exercée par un travailleur indépendant associé d'une société de personnes et sa quote-part de résultat dans ladite société,
- l'attribution du pouvoir d'imposition à l'Etat de la source du revenu d'activité a pour conséquence l'exclusion du revenu imposable à l'étranger de l'assiette des impôts sur le revenu et des contributions sociale dus par le travailleur indépendant dans l'Etat de sa résidence,
- la quote-part des résultats imputables à chacun des établissements situés dans plusieurs pays a été régulièrement déclarée à l'administration fiscale qui a établi en conséquence l'impôt sur le revenu sur la seule quote-part du résultat imputable à l'établissement français, conformément aux stipulations des conventions fiscales pertinentes et l'URSSAF aurait dû procéder de la même manière pour le calcul de la CSG et de la CRDS,
- il n'y a pas lieu de distinguer suivant que les conventions fiscales prévoient pour les unes que "les revenus (...) sont exonérés des impôts français" ou, pour les autres, qu'ils "ouvrent droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt correspondant à ces revenus", cette dernière formule étant équivalente à une exonération comme l'énoncent expressément les conventions franco-américaine et franco-indienne et comme l'a précisé l'administration fiscale française,
- la doctrine administrative est opposable à l'URSSAF : le Conseil d'Etat, le Conseil Constitutionnel et le Tribunal des Conflits ont eu l'occasion à plusieurs reprises de se prononcer sur le caractère d'imposition de toute nature et non de cotisations sociales de la CSG et de la CRDS.
* L'administration fiscale a compétence exclusive pour calculer la CRDS qui est un impôt :
- l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 donne cette compétence exclusive pour établir la CRDS sur les revenus professionnels non salariés en provenance de l'étranger,
- le Conseil d'Etat a expressément décidé que l'URSSAF n'a pas compétence pour procéder au prélèvement de la CRDS sur des revenus étrangers,
- contrairement à ce que soutient l'URSSAF, les bénéficies professionnels imputables aux établissements étrangers de la société de personnes ne sont pas des revenus de source française,
* les autres prétentions de l'URSSAF ne sont pas fondées parce que :
- l'exclusion des revenus étrangers par les conventions fiscales a pour objet d'éviter la double imposition et le moyen fondé sur la distorsion de concurrence est inopérant,
- il est affirmé sans aucune démonstration que la liberté d'établissement et la liberté de prestations de services seraient bafouées,
- l'aide de l'Etat invoquée est sans pertinence tout comme le moyen tiré du favoritisme de certaines entreprises et de certains producteurs,
- la notion d'acte ayant pour objet d'éviter en totalité ou en partie le paiement des cotisations et contributions sociales de l'article L 243-7-2 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas en l'espèce dès lors qu'il s'agit non pas d'un contrat mais de critères objectifs soumis au contrôle de l'administration fiscale.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 11 septembre 2008 et soutenues oralement à l'audience par son Conseil, l'U.R.S.S.A.F.de PARIS REGION PARISIENNE demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Monsieur Philippe X... à lui payer la somme de 3 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'URSSAF rappelle que :
- le système du partnership est un moyen d'"évasion sociale" dépassant largement les 500 millions d'euros,
- le redressement opéré est fondé sur le Règlement communautaire 1408-71 et sur la jurisprudence communautaire,
- la Cour de Justice des Communautés européennes ayant dit qu'en l'état du droit communautaire un Etat membre est en droit de renoncer, unilatéralement ou dans le cadre d'une convention fiscale bilatérale, à inclure dans l'assiette de contributions telles que la CSG et la CRDS les revenus perçus dans un autre Etat membre par un travailleur indépendant résident,
L'URSSAFF soutient que les redressements opérés sont parfaitement fondés pour les motifs suivants :
* la convention fiscale franco-britannique et l'article L 136-1 du code de la sécurité sociale n'ont pas exclu les revenus perçus en Grande Bretagne de l'assiette des cotisations CSG et CRDS parce que :
- la CSG et la CRDS sont des cotisations sociales et non des impôts au sens du Règlement 1408/71 et de l'application qu'en a faite la Cour de Cassation,
- la renonciation à inclure dans l'assiette des contributions sociales les revenus perçus dans un Etat membre, si elle est possible depuis l'arrêt du 3 avril 2008, encore faut-il que l'Etat y ait expressément renoncé,
- la convention franco-britannique est totalement muette sur la question et doit recevoir son plein effet mais seulement dans les limites de son champ d'application c'est à dire la seule détermination du lieu d'imposition dès lors qu'elle ne définit pas le revenu professionnel imposable,
- l'application de l'article 80A du Livre des procédures fiscales est inopérante dès lors que l'appelant n'est pas en litige avec l'administration fiscale,
* L'article L 136-1 du code de la sécurité sociale n'exclut pas la prise en compte dans l'assiette de calcul des cotisations sociales les revenus perçus en Grande Bretagne parce que :
- s'il est exact que la convention bilatérale de prévention de double imposition permet d'exclure de l'assiette fiscale en France les revenus perçus en Grande Bretagne, il est faux de soutenir que ces revenus professionnels ne sont pas retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu en France puisqu'ils sont pris en compte pour la détermination du taux d'imposition,
- en application du principe de primauté du droit communautaire sur le droit international et au regard de l'article 14 quinquies du Règlement no 1408/71 les revenus professionnels retenus pour le calcul de l'impôt sur le revenu et pris en compte dans l'assiette des cotisations et des contributions au sens de l'article susvisé du code de la sécurité sociale concernent l'ensemble des revenus professionnellement imposables indépendamment du lieu d'imposition.
* A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la convention fiscale franco-britannique aurait exclu les revenus perçus en Grande Bretagne de l'assiette des cotisations CSG et CRDS au sens du Règlement susvisé, cette exonération de charges sociales provoquerait une distorsion de la concurrence, une atteinte à la libre prestation d'établissement et de services et caractériserait une aide illégale de l'Etat parce que :
- cette exonération accorde aux associé du partnership un avantage commercial indéniable de compétitivité en méconnaissance des articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne,
- cette exonération constitue une restriction de la liberté d'établissement dès lors que, par exemple, un avocat allemand installé en France doit payer la CSG et la CRDS alors que l'avocat français en partnership en Grande Bretagne bénéficie d'une exonération,
- cette exonération est une aide nouvelle qui n'a pas été notifiée à la Commission et doit donc être déclarée illégale.
* A titre infiniment subsidiaire, doit être retenu l'abus de droit à l'encontre de l'appelant au motif que celui-ci déclare la majorité de ses revenus au titre de ceux perçus en Grande Bretagne alors que c'est au titre de son activité principale d'avocat exercée en France qu'il tire l'essentiel de ses revenus.
* L'arrêt du Conseil d'Etat du 4 juin 2007 est inopérant en l'espèce puisque le débat portait sur des revenus considérés comme de source étrangère et rien ne permet de penser que la Cour de Cassation suive le raisonnement adopté par le Tribunal des Conflits.
A la demande de la Cour, des notes en délibéré ont été produites par les parties concernant la demande au titre de l'article 700 formée uniquement par Monsieur B... de LA COTARDIERE pour l'ensemble des procédures afférentes au même contentieux soumis à la Cour le jour de l'audience.
Dans une note en délibéré reçue au Greffe le 23 septembre 2008, le Conseil des avocats ayant interjeté appel maintient à titre principal sa demande, "dans un souci de transparence et d'efficacité" dans le seul dossier de Monsieur B... de la COTARDIERE et demande, subsidiairement, pour chacun des appelants la condamnation de l'URSSAF au paiement de la somme de 42 773,80 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans une note en délibéré reçue au Greffe le 23 septembre 2008, le Conseil de l'URSSAF demande qu'il ne puisse être fait droit à une demande "globalisée" au titre de l'article 700 du code de procédure civile et que les demandes subsidiaires formées pour chacun des appelants soient déclarées irrecevables comme étant nouvelles.
SUR CE
Considérant que Monsieur Philippe X... réside en France où il exerce la profession d'avocat à titre libéral ; qu'il est associé du partnership de droit anglais LINKLATERS dont le principal établissement est sis au Royaume Uni mais qui possède également des bureaux dans d'autres Etats membres de l'Union Européenne, notamment en France à Paris ; qu'il est inscrit en qualité d'avocat au Barreau de Paris et en qualité de Registered Foreign Lawyer auprès de la Supreme Court of England and Wales ;
Considérant que Monsieur Philippe X... fournit toutes ses prestations d'avocat dans le cadre des activités du bureau du partnership à Paris ; qu'il est immatriculé à l'URSSAF comme travailleur indépendant ; que son domicile fiscal est en France ; qu'il relève d'un régime obligatoire d'assurance maladie en France ;
Considérant que, dans le cadre du partnership, Monsieur Philippe X... perçoit des rémunérations qui correspondent à une quote-part des bénéfices réalisés par chacun des bureaux du partnership ; que sur ces rémunérations, il paie des impôts dans chacun des Etats où ces bureaux sont implantés;
Considérant que, si Monsieur Philippe X... règle ses cotisations au titre des prestations familiales assises sur la totalité de ses revenus professionnels, en revanche, il conteste devoir payer la CSG et la CRDS dont l'assiette serait constituée par les revenus qu'il a perçus au Royaume Uni ;
1/. Sur la nature du partnership.
Considérant que le partnership est défini par la loi anglaise du 14 août 1890 comme la relation qui existe entre des personnes exerçant des activités en commun dans un but lucratif ; que ce type d'association est assimilable à la société de personnes en droit français ;
Considérant que le partnership de droit anglais LINKLATERS, auquel était associé Monsieur Philippe X... jusqu'au 31 mars 2008, est caractérisé par une société de personnes qui dispose de bureaux en France, dans d'autres Etats membres de l'Union européenne et dans des Etats de pays tiers mais qui exerce principalement au Royaume Uni ; que les associés de cette société de personnes perçoivent des rémunérations calculées selon un système de quote-parts des bénéfices réalisés par chacun des bureaux ; que les associés remplissent leurs obligations fiscales dans les pays où le partnership est implanté : au Royaume Uni à raison des revenus provenant du bureau de Londres et en France à raison des bénéfices non commerciaux provenant du bureau de Paris, et dans les pays tiers à raison des quote-parts des résultats des autres bureaux ;
Considérant que les associés du partnership participent à sa gestion et s'en partagent les bénéfices et le capital ; qu'ils sont inscrits auprès de la Law Society au Royaume Uni dont les statuts précisent que "les juristes agréés exerçant en partenariat ou au sein d'organismes reconnus avec des sollicitors sont soumis aux mêmes règles et principes que les sollicitors" ;
2/. Sur l'incidence de l'arrêt préjudiciel rendu le 3 avril 2008 par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE).
Considérant que, dans l'arrêt préjudiciel en date du 3 avril 2008, la CJCE a admis que le Règlement no1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté est "un instrument de coordination et non d'harmonisation" et que les Etats membres sont compétents aux fins de déterminer l'assiette de contributions telles que la CSG et la CRDS (point 26) ; qu'il appartient donc à la législation de chaque Etat membre concerné de déterminer les revenus à prendre en compte pour le calcul de ces contributions (point 24) ;
Considérant que la CJCE en a alors déduit qu'en l'état actuel du droit communautaire, un Etat membre est en droit de renoncer, unilatéralement ou dans le cadre d'une convention fiscale telle que la convention bilatérale franco-britannique de prévention de la double imposition en matière d'impôts sur les revenus, à inclure dans l'assiette de contributions sociales, les revenus perçus dans un autre Etat membre par un travailleur indépendant résident se trouvant dans une situation telle que celle de Monsieur Philippe X... ;
Considérant, en conséquence, que les motifs et le dispositif de cet arrêt conduisent à ne pas faire application du Règlement no1408/71 pour statuer sur le présent litige dès lors qu'il est admis qu'il ne contient aucune obligation pour un Etat membre de calculer le montant des contributions sociales d'un résident sur la totalité des revenus de celui-ci ;
Considérant que la seule limite apportée par la CJCE, dans le point no31 de l'arrêt du 3 avril 2008, dans le respect du principe d'égalité des systèmes de protection sociale, est que "l'exclusion de l'assiette des contributions de sécurité sociale des revenus de source étrangère d'un travailleur ne peut avoir pour conséquence d'affecter le droit dudit travailleur de bénéficier de l'intégralité des prestations prévues par la législation applicable" ; que la Cour précise même "Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que tel est effectivement le cas dans la situation en cause en l'espèce" ;
Considérant que l'URSSAF n'est pas fondée à opposer l'article 14bis quinquies du Règlement no1408/71 pour dire que l'assiette de la CSG et de la CRDS doit inclure la totalité des revenus alors même que cet article se borne à énoncer que la personne qui exerce normalement une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside si elle exerce une partie de son activité sur le territoire de cet Etat membre ;
Considérant que l'URSSAF n'est pas non plus fondée à opposer le principe de la primauté du droit communautaire sur le droit international alors même que la CJCE a écarté l'application du Règlement no1408/71 dans la présente espèce ;
Considérant, au visa des motifs et du dispositif de l'arrêt en date du 3 avril 2008, que le litige devient circonscrit à l'analyse de la volonté de l'Etat français d'exclure ou non de l'assiette des contributions sociales payées par un travailleur indépendant résident français ses revenus perçus à l'étranger et, en l'espèce, au Royaume Uni ; que la CJCE a fait observer que, dans le cas précis qui lui était soumis, l'exclusion des revenus de sources étrangères de l'assiette des contributions sociales concernées résultait des dispositions de la loi nationale applicable ;
3/. Sur la nature juridique de la CSG et ses conséquences au regard de la Convetion fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus.
Considérant que la CSG a été instituée par la loi de finances du 29 décembre 1990 ; que sont redevables de cette contribution, notamment sur leurs revenus d'activité ou de remplacement, toutes les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France aux fins de l'établissement de l'impôt sur le revenu ; que la CSG est due sur les revenus du patrimoine, sur les produits de placement et les sommes engagées ou produits réalisés à l'occasion de jeux, ainsi que sur les revenus d'activité et de remplacement, y compris ceux perçus à l'étranger ou de source étrangère, sous réserve des conventions internationales destinées à éviter les doubles impositions conclues par l'Etat français ; que la loi sur le financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996 a créé la contribution pour le remboursement de la dette sociale et, dans un souci d'alignement, a élargi l'assiette de la CSG aux salaires, aux revenus professionnels aux pensions de retraite et d'invalidité et aux allocations de chômage ;
Considérant, concernant la CSG, que l'article L 136-3 du code de la sécurité sociale dispose que sont soumis à cette contribution les revenus professionnels des employeurs et des travailleurs indépendants au sens de l'article L 242-11 qui lui-même renvoie à l'article L 131-6 du même code ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des différentes dispositions légales que la CSG est assise sur le revenu professionnel retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant déduction, abattements et exonérations fiscales, reports déficitaires et amortissements réputés différés, plus-values et moins-values à long terme ;
Considérant que dans les motifs no 5, 7 et 9 de sa décision no 2000-437 en date du 19 décembre 2000, le Conseil Constitutionnel a décidé que " la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité définis au I de l'article L 136-2 du code de la sécurité sociale (...) entre dans la catégorie des "impositions de toutes natures" mentionnées à l'article 34 de la Constitution, dont il appartient au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement sous réserve de respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle ; qu'il lui revient notamment de prendre en compte les capacités contributives des redevables compte tenu des caractéristiques de chaque impôt" ;
Considérant que, dans le respect de la hiérarchie des normes, la qualification d'une contribution par une décision constitutionnelle s'impose à l'autorité judiciaire ; que, par la décision ci-dessus rappelée, le Conseil Constitutionnel a donné à la CSG la qualification de contribution fiscale, même si au regard de la réglementation européenne cette contribution relève du champ d'application du Règlement 1408/71 dès lors qu'elle est spécifiquement affectée au financement du régime de sécurité sociale bien qu'il n'existe aucune contrepartie directe et identifiable en termes de prestations conformément aux principes jurisprudentiels du droit communautaire ;
Considérant, cependant, que du fait de leur assiette sur les revenus de toutes natures, la CSG constitue des mesures prises dans un contexte d'une fiscalisation progressive de la sécurité sociale ;
Considérant que l'article 14 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus est ainsi rédigé "Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'activités indépendantes ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. S'il dispose d'une telle base, les revenus sont imposables dans l'autre Etat mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à ladite base fixe" ; que cette convention exclut expressément de l'assiette fiscale en France les revenus perçus en Grande -Bretagne ; qu'il s'en déduit que les revenus de Monsieur Philippe X... perçus au Royaume Uni au titre du partnership relèvent de cet article 14 ;
Considérant que la convention ne pouvait, par définition, exclure expressément les revenus de source étrangère pour le calcul de la CSG dès lors que cette contribution a été instituée postérieurement à la convention ;
Considérant, en outre, que l'article 1er §2 de cette même convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 stipule que "la présente convention s'appliquera également à tout impôt futur de nature identique ou analogue que l'un des Etats contractants (...) ajouterait ou substituerait aux impôts actuels" ;
Considérant qu'eu égard à la qualification qui lui a été donnée par la décision du juge constitutionnel en date du 19 décembre 2000 ci-dessus rappelée, la CSG entre dans le champ d'application des dispositions conventionnelles du 22 mai 1968 au titre de la catégorie des nouveaux impôts ;
Considérant, de surcroît, que Monsieur Philippe X... produit aux débats l'échange de lettres des 7 et 28 juillet 1998 entre les autorités françaises et les autorités italiennes qui démontrent qu'elles sont convenues que la CSG devait s'ajouter aux impôts couverts par les dispositions de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989, ce qui démontre, s'il en était besoin, la volonté de l'Etat français d'exclure les revenus de source étrangère de l'assiette de la CSG ;
4/.Sur les distorsions de concurrence, le principe de libre établissement et de services et les aides d'Etat.
Considérant que la CJCE, dans l'arrêt par elle rendu le 3 avril 2008, n'a émis comme seule réserve à la liberté des Etats membres d'exclure les revenus d'origine étrangère de l'assiette des cotisations que celle relative à la préservation de l'égalité de tous devant la protection sociale ; qu'en tout état de cause, il ne peut être soutenu qu'une telle exclusion par la convention franco-britannique aurait pour conséquence de procurer un avantage commercial aux avocats inscrits à un Barreau français, dès lors que l'URSSAF ne démontre pas que le système fiscal de prélèvement à la source cumulé avec cette exclusions soit globalement plus favorable à Monsieur Philippe X... ;
Considérant, par ailleurs, que l'URSSAF ne démontre pas plus que cette exclusion contrevienne au principe de libre établissement ; que, bien au contraire, la convention franco-britannique a pour effet de permettre une amélioration de la liberté de circulation et d'établissement des Européens en facilitant des systèmes d'échanges tels que celui du partnership ;
Considérant, enfin, que nonobstant la contradiction de soutenir, comme le fait l'URSSAF, que la CSG n'est pas un impôt et que l'Etat français accorde une aide d'Etat en excluant les revenus d'origine anglaise de l'assiette de cette contribution, une telle exclusion ne correspond pas aux critères d'aides d'Etat tels qu'ils sont définis par le Traité sur l'Union ;
5/. Sur l'abus de droit invoqué par l'URSSAF.
Considérant que l'URSSAF soutient que Monsieur Philippe X... a commis un abus de droit au sens de l'article L 243-7-2 du code de la sécurité sociale ;
Considérant que cet article, introduit dans le code de la sécurité sociale par la loi du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale, ne vise que les actes juridiques ayant pour objet d'éviter totalement ou partiellement le paiement des contributions sociales ; que le défaut de déclaration et de paiement desdites contributions ne constitue donc pas un acte juridique et n'entre pas dans le champ d'application de la loi ;
Que le moyen ainsi développé par l'URSSAF n'est donc pas fondé ;
Considérant, pour l'ensemble de ces motifs, que la contrainte délivrée le 27 septembre 2001 et signifiée le 3 décembre 2001 sera annulée à hauteur des montants correspondant au redressement au titre de la CSG ; que les parties seront dès lors invitées à faire leurs comptes ;
6/. Sur la Contribution pour le remboursement de la dette sociale.
Considérant, par ailleurs, que l'ordonnance du 24 janvier 1996 a institué la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui est assise sur les revenus d'activité et de remplacement mentionnés aux articles L 136-2 à L 136-4 du code de la sécurité sociale à l'exception des revenus de source étrangère visés au 1o du III de l'article 15 de ladite ordonnance c'est à dire "perçus à compter du 1er février 1996 et soumis en France à l'impôt sur le revenu. Pour l'application de ces dispositions, le 3o de l'article 83 et le a du 5 de l'article 158 du code général des impôts ne sont pas applicables. La déclaration prévue à l'article 170 du code général des impôts mentionne distinctement les revenus concernés" ;
Considérant que cette réserve spécifique pour les revenus de source étrangère a pour conséquence que la contribution sur les prélèvements opérés au titre de ces revenus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu ; qu'en conséquence, seule l'administration fiscale est compétente pour recouvrer la CRDS prélevée sur les revenus de source étrangère ;
Considérant qu'eu égard à cette compétence de l'administration fiscale, l'opposition à la contrainte relative à la CRDS est de la compétence de la juridiction administrative ;
Considérant, en conséquence, qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur l'incompétence des juridictions judiciaires quant à la validité de la contrainte délivrée par l'URSSAF au titre du paiement de la CRDS et sur les conséquences de cette incompétence sur le présent litige et plus particulièrement sur la recevabilité de l'opposition formée à l'encontre de la contrainte litigieuse par Monsieur Philippe X... ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
ANNULE la contrainte délivrée le 27 septembre 2001 et signifiée le 3 décembre 2001 par l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE à Monsieur Philippe X... à hauteur de sommes réclamées au titre de la Contribution sociale généralise (C.S.G.),
DIT que les frais de signification de cette contrainte restent à la charge de l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE,
DIT que les parties doivent faire leurs comptes en application de la présente décision d'annulation de ladite contrainte,
SURSEOIT A STATUER pour le surplus,
AVANT DIRE DROIT
ORDONNE la réouverture des débats afin que les parties s'expliquent sur l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif et ses conséquences sur le présent litige et plus particulièrement sur la recevabilité de l'opposition par Monsieur Philippe X... à la contrainte qui lui a été signifiée par l'U.R.S.S.A.F.de PARIS REGION PARISIENNE le 3 décembre 2001,
RENVOIE la cause et les parties à l'audience du jeudi 12 février 2009 à 13h30 et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation à ladite audience.
Le Greffier, Le Président,