RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B
ARRET DU 30 Octobre 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00486-BF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Janvier 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG no 9.967/04
APPELANTE
GALERIE CHARLES BAILLY SAS ( anciennement S.A. GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY)
25 quai Voltaire
75007 PARIS
représentée par Me Nadine BELZIDSKY, avocat au barreau de PARIS, toque : D826
INTIMEES
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
Service 6012 - Recours Judiciaires
TSA 80028
93517 MONTREUIL CEDEX
représentée par Mme ROULET en vertu d'un pouvoir général
MAISON DES ARTISTES
90 avenue de Flandre
75943 PARIS CEDEX 19
représentée par Mme ROULET en vertu d'un pouvoir spécial
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
58-62, rue de Mouzaia
75935 PARIS CEDEX 19
Régulièrement avisé - non représenté.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2008, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bertrand FAURE, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller
Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller
Greffier : Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Béatrice OGIER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la GALERIE CHARLES BAILLY SAS (anciennement SA GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY) d'un jugement rendu le 2 Janvier 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS (4ème section) dans un litige l'opposant à l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF) de PARIS, avec mise en cause de la MAISON DES ARTISTES ;
Les faits, la procédure, les prétentions des parties :
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il suffit de rappeler que suite à une insuffisance de versement L'URSSAF de PARIS a fait signifier le 8 Juillet 2004 à la SA GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY une contrainte en recouvrement d'une somme de 33.410 € à titre de solde de cotisations et d'une somme de 3.341 € à titre de solde de majoration de retard afférentes au 1er trimestre 2004 ; par recours en date du 9 Juillet 2004 ladite Société a formé opposition à cette contrainte devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS en contestant l'assujettissement à la contribution due par les diffuseurs d'oeuvres originales ;
Par le jugement déféré les premiers juges ont validé la contrainte entreprise par son entier montant, dit que cette contrainte sera exécutoire de droit nonobstant appel et produira son plein et entier effet, et dit que les frais de signification, hors droit proportionnel seront à la charge de l'opposante ;
La GALERIE CHARLES BAILLY SAS fait déposer et développer oralement par son conseil des conclusions où il est sollicité ce qui suit :
" Infirmer le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du 2 Janvier 2006 ;
Constater, dire et juger qu'il existe un lien entre la contribution instituée par l'article L.382-4 du Code de la Sécurité Sociale et l'affiliation des artistes-auteurs au régime général de sécurité sociale ;
Constater que l'activité de la GALERIE CHARLES BAILLY SAS ne porte pas, sauf rare exception, sur des tableaux contemporains réalisés par des artistes cotisants ou ayant cotisé au régime général de la sécurité sociale ;
Constater, dire et juger que l'activité de la GALERIE CHARLES BAILLY SAS porte principalement sur des tableaux d'artistes étrangers et/ou décédés depuis plusieurs siècles ;
Constater, dire et juger en conséquence que la contribution de la GALERIE CHARLES BAILLY SAS ne saurait être calculée sur l'intégralité de son chiffre d'affaires ;
Ce faisant,
Annuler l'appel de cotisations relatif au 1er trimestre 2004, la mise en demeure du 29 Avril 2004 et la contrainte du 24 Juin 2004 signifiée le 8 Juillet, ensemble et en tant que de besoin la décision implicite de rejet résultée du silence gardé par la Commission de Recours Amiable ;
Subsidiairement,
Constater, dire et juger que les encadrements et opérations de restauration sur les oeuvres dont la GALERIE CHARLES BAILLY SAS fait le négoce ne sont pas effectués "à la main par l'artiste";
Constater, dire et juger en conséquence que les encadrements et travaux de restauration ne sont pas des oeuvres d'art, que leur prix doit dès lors être retranché du chiffre d'affaires de la GALERIE CHARLES BAILLY SAS, et que le prix des ventes des toiles uniquement, seules oeuvres d'art, peut servir d'assiette à la contribution;
Ce faisant;
Annuler l'appel de cotisation relatif au 1er trimestre 2004, la mise en demeure du 29 Avril 2004 signifiée le 8 Juillet, ensemble et en tant que de besoin la décision implicite de rejet résultée du silence gardé par la Commission de Recours Amiable ";
L'URSSAF de PARIS fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions où il est demandé à la cour :
"Considérer que la SA GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY doit être assujettie à ladite contribution;
Constater que la contribution doit être assise sur l'ensemble du chiffre d'affaires annuel, ce sans restriction;
Confirmer la décision rendue par les premiers juges du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS en date du 2 Janvier 2006;
Valider la contrainte pour le tout, à hauteur de 33.410 € en principal et 3.341 € en majorations de retard";
Quoique représentée à la barre par l'URSSAF de PARIS la Maison des Artistes a, à la demande de la cour, adressé une note en délibéré par ailleurs transmise à la Société appelante dans le respect du contradictoire et dont les développements tendent à confirmation pure et simple;
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre par un exposé exhaustif des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions;
Sur quoi la cour :
Considérant que l'objet du litige n'est autre que l'interprétation des dispositions de l'article L.382-4 du Code de la Sécurité Sociale prévoyant une contribution aux assurances sociales des artistes assise sur les produits financiers réalisés à l'occasion de la diffusion ou de l'exploitation d'oeuvres originales graphiques ou plastiques; qu'au soutien de son appel la GALERIE CHARLES BAILLY SAS expose notamment qu'elle a pour activité le négoce des tableaux, cette activité ne portant pas sur des oeuvres contemporaines du régime de la sécurité sociale, sauf très occasionnellement, mais essentiellement sur des oeuvres d'artistes étrangers "et/ou" sur des oeuvres d'artistes morts depuis plusieurs siècles; qu'elle fait valoir qu'il existe un lien direct et nécessaire entre le versement de cotisations et le bénéfice des prestations de sorte qu'il ne saurait être exigé par application de l'article L.382-4 susvisé du Code de la Sécurité Sociale une contribution qui correspond à la part employeur des cotisations, sur la diffusion d'oeuvres d'artistes qui n'ont jamais eu vocation à bénéficier du régime de la Sécurité Sociale; que subsidiairement elle soutient que d'après les termes mêmes de ce texte la contribution correspond au chiffre d'affaires tenant à la diffusion ou à l'exploitation des oeuvres, mais ne saurait porter sur le chiffre d'affaires correspondant à des biens accessoires tels les encadrements ou les frais de restauration qui ne sont pas des oeuvres d'artistes;
Considérant cependant que par des motifs exacts, pertinents et circonstanciés, que la cour adopte les premiers juges ont validé la contrainte entreprise pour un montant de 33 467€ en cotisations et de 3 346€ en majorations de retard;
Considérant en effet que la GALERIE CHARLES BAILLY SAS, galerie d'arts, a pour activité la revente de tableaux anciens;
Considérant qu'aux termes de l'article L.382-4 alinéa 1 du Code de la Sécurité Sociale le financement des charges incombant aux employeurs au titre des assurances sociales et des prestations familiales est assuré par le versement d'une contribution par toute personne physique ou morale, y compris l'Etat et les autres collectivités publiques, qui procède, à titre principal ou à titre accessoire, à la diffusion ou à l'exploitation commerciale d'oeuvres originales, graphiques ou plastiques; qu'en référence aux dispositions de l'article R. 382-2-30 du même code qui dans sa rédaction applicable à la période concernée définit les oeuvres d'art originales comme étant visées par l'article 71 de l'annexe III du Code Général des Impôts, texte repris par l'article 98 AII de la même annexe, sont considérées comme des oeuvres d'art originales les tableaux, peintures, dessins, entièrement exécutés de la main de l'artiste; que les oeuvres d'art anciennes ne peuvent être considérées comme des biens d'occasion et conservent la dénomination d'oeuvres d'art; qu'ainsi toute personne physique ou morale qui procède à la diffusion ou à l'exploitation commerciale d'oeuvres originales graphiques ou plastiques telles que ci-dessus définies est tenue à la contribution instituée par l'article L.382-4 alinéa 1 du Code de la Sécurité Sociale; qu'aux termes par ailleurs de l'alinéa 2 du même texte cette "contribution est calculée sur un barème tenant compte du chiffre d'affaires réalisé par ces personnes les diffuseurs à raison de la diffusion ou de l'exploitation commerciale des oeuvres des artistes, vivants ou morts, auteurs d'oeuvres graphiques et plastiques ou de leur rémunération lorsque l'oeuvre n'est pas vendue au public"; que l'article R.382-17 du même Code précise en son alinéa 2 que "... la contribution due à l'occasion de la diffusion ou de l'exploitation commerciale des oeuvres des artistes, vivants ou morts, auteurs d'oeuvres graphiques et plastiques , est calculée en pourcentage, soit du chiffre d'affaires, toutes taxes comprises, afférent à cette diffusion ou à cette exploitation, même lorsque les oeuvres sont tombées dans le domaine public, soit lorsque l'oeuvre n'est pas vendue au public, du montant la rémunération brute de l'auteur"; qu'il apparaît ainsi que le législateur n'a entendu faire aucune distinction entre les oeuvres d'artistes vivants ou morts et que la contribution est totalement indépendante aussi bien de la provenance des oeuvres vendues, acquises directement ou non de leur auteur, que de la situation de ce dernier, bénéficiaire ou non du régime des artistes auteurs; qu'en effet la contribution n'est pas liée à l'existence de revenus ou de rémunérations artistiques assujettis à une cotisation salariale, de même que le rattachement de l'artiste aux assurances sociales des auteurs ne dépend pas du versement d'une rémunération par un diffuseur; que dans la mesure où le critère d'affiliation d'un artiste est le montant du bénéfice non commercial fixé par le fisc, ou, à défaut de cette condition de ressource, l'exercice habituel de l'activité artistique, et puisque la contribution est applicable au produit financier résultant des opérations de ventes d'oeuvres, la situation de l'artiste, vivant ou mort, cotisant ou non aux assurances sociales, n'a pas lieu d'être prise en considération pour déterminer si le diffuseur est redevable ou non de ladite contribution; que de surcroit le régime des artistes auteurs, même s'il est rattaché au régime général, demeure un régime spécifique, de telle sorte qu'il ne peut être introduit une analogie entre les artistes et les salariés, et entre les diffuseurs des oeuvres d'art et les employeurs; que bien au contraire le rattachement de l'artiste auteur n'est en rien lié au versement d'une contribution par un diffuseur, l'assujettissement de celui-ci à cotisations étant obligatoire sur la base des bénéfices non commerciaux déclarés fiscalement et relevant du principe du revenu d'activité cotisé, indépendamment de l'absence de commercialisation d'oeuvres par l'intermédiaire d'un exploitant commercial; que le versement d'une contribution par les diffuseurs ne suffit donc pas à les qualifier d'employeurs, même fictifs, des artistes; qu'ainsi la GALERIE CHARLES BAILLY SAS ne saurait être suivie en ce qu'elle soutient que la contribution versée par les diffuseurs pourrait être divisée en cotisations salariales et cotisations patronales; qu'au regard de l'argumentaire de l'appelante qui prétend que le raisonnement de l'URSSAF de PARIS, repris par les premiers juges, reviendrait à transformer une cotisation sociale en impôt, la cour ajoutera que le principe de solidarité est l'un des fondements de l'organisation de la Sécurité Sociale et que le fonctionnement de la contribution s'inscrit très clairement dans un esprit de solidarité, exprimé par le législateur, entre toutes les catégories de commerçants en oeuvre d'art, anciennes ou contemporaines; que concernant de même les obligations déclaratives annuelles afférentes à la contribution, l'article R.382-20 du Code de la Sécurité Sociale prévoit que le dossier est composé d'une déclaration globale de chiffre d'affaires et d'un état récapitulatif, lequel précise la part du chiffre d'affaires correspondant à la seule diffusion et exploitation commerciale des oeuvres des artistes actuellement vivant en France, et ce, le cas échéant, aux seules fins de leur recensement dans le régime obligatoire des artistes auteurs;
Considérant d'autre part concernant la détermination de la base à retenir qu'aux termes de l'article R.382-17 du Code de la Sécurité Sociale la contribution due lorsque l'oeuvre est vendue au public est calculée en pourcentage du chiffre d'affaires annuel T.T.C., soit 30% du prix de vente des oeuvres ou dans l'hypothèse de ventes à la commission, sur la totalité de la commission annuelle T.T.C.; que la contribution est donc applicable au produit financier résultant des opérations de vente d'oeuvres, sans restriction, quels que soient les frais engagés par le commerce; qu'en outre l'encadrement ou la restauration d'un tableau, dont la finalité n'est autre qu'une mise en valeur, doit être considéré comme le prolongement de l'oeuvre et ne peut faire l'objet d'aucune distinction d'avec celle-ci, ce caractère accessoire les rattachant dès lors au sort juridique du principal, en conformité avec la notion de T.T.C. à retenir suivant les dispositions susvisées; qu'ainsi dans la mesure où la contribution est assise sur l'ensemble du chiffre d'affaires et où l'accessoire, même non effectué "à la main de l'artiste" ne peut être dissocié du tableau, la GALERIE CHARLES BAILLY SAS ne peut davantage être suivie en ce qu'elle prétend subsidiairement que le prix des oeuvres d'art, seules, devrait servir d'assiette à la contribution; qu'en tant que de besoin la cour ajoutera que certains cadres pouvant être considérer eux mêmes comme une oeuvre d'art à part entière sont de nature à apporter aux toiles une plus value réelle; que par ailleurs si le commerçant d'art était admis à déduire leurs frais afférents à la valorisation de l'oeuvre qu'il met en vente ladite contribution deviendrait de fait irrecouvrable; qu'à ce titre, et sans justificatif, puisqu'en dehors des prévisions de l'article R.382-20 du Code de la Sécurité Sociale concernant les obligations déclaratives du galeriste, pourraient être déduits tous frais de publicité, déplacements, téléphone, restauration, encadrements ou autres nécessités par la vente du tableau; que l'esprit du législateur a très clairement été d'éviter cet inconvénient en posant le principe intangible de l'assiette T.T.C.; que suivre l'analyse de l'appelante reviendrait aussi à méconnaître le principe d'égalité devant charges sociales, seules les galeries les plus prospères pouvant investir dans des dépenses de toutes sortes déductibles sur la contribution sociales; que la cour rappellera enfin que les commerces d'art assujettis à cette contribution d'un taux initialement de 3% de 30% du chiffre d'affaires T.T.C. ou de l'intégralité des commissions T.T.C. abaissé par décret à 1% à compter de Juillet 2002 ont à l'origine été en contrepartie exonérés en France du paiement du droit de suite conformément à un protocole d'accord établi en 1954 notamment entre les représentants des galeries d'art et les pouvoirs publics;
Considérant qu'en conséquence et observation faite que le chiffrage des sommes réclamées n'est pas en tant que tel discuté la décision déférée ne peut qu'être confirmée;
Par ces motifs :
Déclare la GALERIE CHARLES BAILLY SAS, anciennement SA GALERIE CHARLES ET ANDRE BAILLY recevable mais mal fondée en son appel ;
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute en tant que de besoin la GALERIE CHARLES BAILLY SAS de toutes autres demandes, fins ou conclusions déclarées contraires, inutiles ou mal fondées ;
La dispense du paiement du droit d'appel prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du Code de la Sécurité Sociale.
Le Greffier, Le Président,