Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2008
(no 629 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/06619
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG no 07/01660
APPELANTE
La société des centres d'Oc et d'Oil - S.N.C. SCOO - représentée par son mandataire la société d'études et de gestion des centres d'équipement - SEGECE -, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
21 avenue Kléber
75116 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Julie LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, toque : P 370 (S.C.P. BIGNON LEBRAY & Associés)
INTIMÉS
S.A.R.L. BELLA, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
Centre Commercial les Arcades
Avenue du Mont d'Est
93160 NOISY LE GRAND
défaillante
Maître Bertrand Y... pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SOCIÉTÉ BELLA
...
93000 BOBIGNY
Maître Philippe Z... pris en sa qualité de d'administrateur judiciaire de la SOCIÉTÉ BELLA
...
93000 BOBIGNY
représentés par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistés de Me Hélène BUREAU-MERLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 2038
*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président
Madame Martine PROVOST-LOPIN, conseiller
Madame Sophie DARBOIS, conseiller
qui en ont délibéré
sur le rapport de Madame Sophie DARBOIS
Greffier, lors des débats : Madame Emmanuelle TURGNÉ
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Henriette SCHOENDOERFFER, président, qui a remis la minute à Madame Emmanuelle TURGNÉ greffier, pour signature.
*
Vu l'appel formé par la S.N.C. Société des Centres d'Oc et d'Oil - SCOO de l'ordonnance de référé rendue le 15 février 2008 par le président du tribunal de grande instance de BOBIGNY qui s'est déclaré incompétent pour connaître de sa demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail sur le fondement de l'article L. 622-13 du code de commerce, a renvoyé les parties à se pourvoir au principal devant le juge commissaire compétent pour connaître de la demande, a dit n'y avoir lieu à référé concernant la demande d'expulsion, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;
Vu les dernières conclusions en date du 11 juin 2008 par lesquelles l'appelante demande à la cour, par voie d'infirmation au visa des articles 808, 809 du code de procédure civile, L. 622-13 et R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce, de :
- constater la résiliation de plein droit du contrat de bail en date du 26 décembre 2003 conclu entre la SCOO et la société BELLA à la date du 20 janvier 2007,
- ordonner l'expulsion de la société BELLA et de toutes personnes dans les lieux de son chef et ce, avec l'assistance, si nécessaire, de la force publique et d'un serrurier,
- ordonner le transport et la séquestration des biens meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qu'elle désignera ou dans tel lieu au choix de la requérante, aux risques et frais du locataire, et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,
- condamner Me Philippe Z... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société BELLA à payer à la SCOO une indemnité d'occupation fixée conformément aux dispositions du bail,
- dire que faute d'avoir volontairement quitté les lieux dans le délai de huitaine à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, Me Philippe Z... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société BELLA devra payer, en sus des sommes ci-dessus, une somme de 900 € par jour de retard à titre d'astreinte définitive,
- condamner in solidum Me Philippe Z... en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société BELLA et Me Bertrand Y... en sa qualité de mandataire judiciaire de la société BELLA à payer à la SCOO, représentée par la SEGECE, la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions en date du 10 juillet 2008 par lesquelles Me Philippe Z... et Me Bertrand Y... pris en leur qualité respective d'administrateur judiciaire et de "mandataire liquidateur" de la société BELLA, intimés, demandent à la cour de :
- rejeter les demandes formulées par la société SCOO,
- à titre principal, infirmer la décision entreprise,
- à titre subsidiaire, constater que le contrat de bail en cours s'est poursuivi,
- en tout état de cause, condamner la société SCOO aux entiers dépens et à leur verser une somme de 2 000 € chacun, par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'assignation délivrée à la S.A.R.L. BELLA par acte remis à personne habilitée le 23 juillet 2008 et l'absence de constitution de cette société ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, selon acte sous seing privé du 26 décembre 2003, la société SECMARNE, devenue la Société des Centres d'Oc et d'Oil (ci-après SCOO) à la suite d'un changement de dénomination sociale, bailleresse, et la SARL BELLA, preneuse, ont renouvelé le contrat de bail précédemment régularisé entre elles pour une période de douze ans à compter du 1er janvier 2004 portant sur des locaux à usage commercial de café, bar, brasserie, situés dans le centre commercial régional "Les Arcades" à Noisy-le-Grand (Seine Saint-Denis) moyennant un loyer minimum garanti annuel de 77 520 € outre les charges et taxes ;
Que ce local est exploité par la SARL CABE dans le cadre d'une location-gérance consentie par la société BELLA ;
Que par jugement du 28 juin 2006, le tribunal de commerce de BOBIGNY a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société CABE et désigné Me Philippe Z... et Me Bertrand Y... respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire ; que par jugement du 8 novembre 2006, le tribunal a étendu la procédure à la société BELLA et maintenu Me Z... et Me Y... en leur qualité respective ;
Que par lettre recommandée du 18 décembre 2006 avec avis de réception signé le 20 décembre, la SCOO, par l'intermédiaire de son mandataire la SEGECE, a mis Me Z... ès qualités en demeure de se prononcer sur la poursuite du bail, "conformément à l'article L. 621-28 du code de commerce", lui rappelant qu'à défaut d'avoir expressément opté pour la poursuite du bail et d'en avoir avisé le bailleur dans le délai d'un mois, le bail sera résilié de plein droit ;
Que la SEGECE, agissant en sa qualité de mandataire de la SCOO a, en outre, déclaré la créance de cette dernière au passif de la société BELLA entre les mains de Me Y... ès qualités à hauteur de la somme de 45 062,70 € TTC à titre privilégié représentant les loyers et provisions sur charges impayés antérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire ;
Que par courrier recommandé du 8 février 2007 avec avis de réception signé le 12, Me Z... ès qualités a notifié à la SEGECE, en application des dispositions de l'article L. 622-13 alinéa 1er du code de commerce, qu'il entendait poursuivre l'exécution du contrat en cours ;
Que, parallèlement, par lettre recommandée du 9 février 2007 avec avis de réception signé le 14, la SCOO, par l'intermédiaire de la SEGECE, a informé Me Z... ès qualités qu'elle constatait que le bail était résilié de plein droit conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce et lui a demandé de prendre les dispositions nécessaires pour restituer le local et en remettre les clefs ;
Que la société s'étant maintenue dans les lieux, la SCOO, par l'intermédiaire de la SEGECE, a, par courrier recommandé du 14 mars 2007, mis en demeure Me Z... ès qualités de lui restituer le local ;
Que le tribunal de commerce de BOBIGNY, à l'issue de la période d'observation a, par jugement du 12 juin 2007, arrêté le plan de redressement des sociétés CABE et BELLA et maintenu Me Z... et Me Y... en leur qualité respective ;
Que c'est dans ces conditions que, par acte du 10 septembre 2007, la SCOO, représentée par la SEGECE, a fait assigner en référé la société BELLA et Me Z... ès qualités afin de voir, en application des articles L. 622-13 et R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce, constater la résiliation de plein droit du contrat de bail avec toutes conséquences ; que cette assignation a été dénoncée à Me Y... ès qualités le 10 janvier 2008 ;
Qu'aux termes de l'ordonnance soumise à la cour, le juge des référés du tribunal de grande instance de BOBIGNY, après avoir sollicité les observations contradictoires des parties sur son incompétence qu'il entendait soulever d'office, s'est, faisant application des dispositions de l'article R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce, déclaré incompétent pour connaître de la demande tendant à voir constater la résiliation de plein droit du bail et a, relevant que les mesures matérielles tendant à l'expulsion de la société BELLA et à la libération effective des lieux étaient subordonnées à la constatation préalable de la résiliation du bail, dit n'y avoir lieu à référé de ces chefs ;
Considérant que les parties, réitérant devant la cour les moyens respectifs qu'elles avaient développés devant le premier juge, concluent toutes deux à l'infirmation de cette décision en ce que celui-ci a retenu la compétence du juge-commissaire pour connaître de la demande ; que sur le fond du référé, l'appelante fait valoir que la résiliation de plein droit du bail doit être constatée faute par l'administrateur judiciaire d'avoir opté pour sa poursuite dans le délai prévu à l'article L. 622-13 du code de commerce tandis que les intimés, pour s'opposer aux demandes, prétendent que le contrat de bail en cause relève du régime juridique de l'article L. 622-14 dudit code, lequel ne fixe aucun délai à l'administrateur pour faire part de son intention ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 622-13 alinéa 1er du code de commerce, "L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour prendre parti." ;
Que cet article portant sur les "contrats en cours" sans prévoir d'exclusion autre que celle visée au dernier alinéa qui précise que "les dispositions de cet article ne concernent pas les contrats de travail", régit donc également le sort du contrat de bail en cours au jour de l'ouverture de la procédure de redressement ;
Que, par ailleurs, les dispositions sus énoncées de cet article ne viennent pas en contradiction de celles de l'article L. 622-14 invoquées par les intimés selon lesquelles :
"La résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et affectés à l'activité de l'entreprise est constatée ou prononcée :
1o Lorsque l'administrateur décide de ne pas continuer le bail et demande la résiliation de celui-ci. Dans ce cas, la résiliation prend effet au jour de cette demande ;
2o Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.
Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.
Nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l'entreprise n'entraîne pas résiliation du bail." ;
Qu'en l'espèce, Me Z... ès qualités n'a pas demandé la résiliation du bail consenti par la SCOO à la société BELLA puisqu'au contraire il a indiqué à la SEGECE ès qualités vouloir le poursuivre et qu'il s'oppose aux prétentions de la bailleresse ; qu'en outre, il n'est pas contesté que Me Z... ès qualités est à jour du paiement du loyer et des charges pour le compte de la société qu'il administre ;
Qu'il s'ensuit que la demande tendant à la résiliation du bail renouvelé du 26 décembre 2003 dont la cour est saisie relève, non pas du régime spécifique de l'article L. 622-14 précité, mais du régime général des contrats en cours relevant du domaine d'application des dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce ;
Considérant que l'article R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret no 2005-1677 du 28 décembre 2005, dispose que "le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus aux premier et troisième alinéas de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation." ;
Que, cependant, la compétence donnée au juge-commissaire par cet article ne fait nullement échec aux dispositions du code de procédure civile donnant pouvoir au juge des référés du tribunal de grande instance, compétent en matière de baux commerciaux, pour statuer sur toute demande qui ne soulève aucune contestation sérieuse et pour allouer une provision au bailleur ainsi qu'ordonner l'expulsion du preneur, mesures qui sont le corollaire de la constatation de la résiliation du bail et échappent totalement à l'appréciation du juge-commissaire ;
Qu'il s'ensuit que, le premier juge ayant soulevé d'office son incompétence alors que les parties s'y étaient opposées, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le délai d'un mois prévu à l'article L. 622-13 alinéa 1er du code de commerce expirait le 20 janvier 2007 et qu'il n'a pas été respecté par Me Z... ès qualités qui n'a exercé son option que par courrier du 8 février suivant, sans avoir sollicité et obtenu au préalable du juge-commissaire une prolongation de ce délai ;
Qu'ainsi, l'administrateur judiciaire de la société preneuse n'ayant pas répondu dans le délai susvisé à la mise en demeure qui lui avait été adressée pour le compte de la bailleresse, est présumé de manière irréfragable avoir renoncé à la poursuite du contrat de bail et la SCOO acquiert, du fait de cette renonciation, qui ne peut être remise en cause par des courriers postérieurs, le droit de faire constater en justice la résiliation de plein droit du contrat dont s'agit sans que Me Z... ès qualités puisse s'y opposer ;
Qu'il convient, en conséquence, de constater la résiliation de plein droit du bail à la date du 21 janvier 2008, d'ordonner l'expulsion de la société BELLA selon les modalités précisées ci-après au dispositif, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte, et de condamner Me Z... ès qualités à payer une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et taxes à compter du 21 janvier 2008 jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés ;
Considérant que Me Z... et Me Y... ès qualités, qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et, pour des motifs tirés de l'équité, à payer une indemnité de procédure de 800 € à l'appelante ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate la résiliation de plein droit du contrat de bail en date du 26 décembre 2003 conclu entre la S.N.C. Société des Centres d'Oc et d'Oil et la S.A.R.L. BELLA à la date du 21 janvier 2007;
Ordonne l'expulsion de la S.A.R.L. BELLA et de tout occupant de son chef, au besoin, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
Dit que le sort des meubles et objets mobiliers trouvés dans les lieux sera régi conformément aux dispositions des articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Condamne Me Z... pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.R.L. BELLA à payer à la S.N.C. Société des Centres d'Oc et d'Oil une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges et taxes, à compter du 21 janvier 2007 et jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
Déboute Me Philippe Z... et Me Bertrand Y... pris en qualité respectivement d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la S.A.R.L. BELLA de toutes leurs demandes ;
Condamne Me Philippe Z... et Me Bertrand Y... ès qualités à payer à la S.N.C. Société des Centres d'Oc et d'Oil la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne ès qualités in solidum aux dépens de première instance et d'appel dont recouvrement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT