Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
8ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2008
(no ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/03722
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 07/85224
APPELANTE
la Société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, SA À DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 6 Avenue de Provence - 75009 PARIS
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Maître Didier SALLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C924
INTIMÉE
S.A. COMPAGNIE FONCIERE PARISIENNE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège 21 Boulevard Malesherbes - 75008 PARIS
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Maître Sylvie MITTON SMADJA, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1136
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue après rapport oral, le 25 Septembre 2008, en audience publique, devant Madame Alberte ROINE et Madame Martine FOREST-HORNECKER, Conseillères, chargées du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Annie BALAND, Présidente
Madame Alberte ROINE, Conseillère
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : lors des débats : Madame Jacqueline VIGNAL
lors du prononcé : Madame Sandra PEIGNIER
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Annie BALAND, présidente et par Madame Sandra PEIGNIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte du 17 octobre 2005, le Cabinet Dechert Price et Rhoads a signifié au Crédit Industriel et Commercial un acte du 11 octobre 2005 aux termes duquel le Cabinet Coudert Frères affectait à son profit, à titre de gage et de nantissement, le solde des deux comptes no 00010538701 et 00010538704.
Par acte du 27 février 2006, la société Compagnie Foncière Parisienne a fait pratiquer à l'encontre du Cabinet Coudert Frères, entre les mains du Crédit Industriel et Commercial, une saisie conservatoire pour un montant de 1.090.232,96 euros sur le fondement d'un bail sous signature privée du 6 novembre 2003.
Par télécopie du 27 février 2006, le Crédit Industriel et Commercial a informé l'huissier instrumentaire que l'ensemble des comptes présentait un solde créditeur de 84.937,45 euros, puis, par télécopie du 2 mars 2006, que les comptes 00010538701 et 00010538704 avaient fait l'objet d'un nantissement au profit du Cabinet Dechert Price et Rhoads et que ne restait donc bloquée qu'une somme de 738,08 USD.
Par jugement du 31 octobre 2006, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a dit le nantissement inopposable à la Compagnie Foncière Parisienne et la saisie conservatoire pleinement efficace.
Par jugement du 6 septembre 2007, le tribunal d'instance de Versailles a condamné le Cabinet Coudert Frères à payer à la Compagnie Foncière Parisienne la somme de 864.770,95 euros au titre du solde locatif. La saisie conservatoire a donc été convertie en saisie-attribution le 28 septembre 2007. Sur signification du certificat de non contestation, le Crédit Industriel et Commercial a versé au créancier une somme de 552,59 euros.
Par jugement dont appel du 4 février 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a condamné le Crédit Industriel et Commercial à payer à la Compagnie Foncière Parisienne la somme de 84.384,86 euros outre une indemnité de procédure de 1.500 euros.
Par dernières conclusions du 18 septembre 2008, le Crédit Industriel et Commercial demande à la cour d'infirmer ce jugement de dire qu'en raison du nantissement du 11 octobre 2005, dont l'inopposabilité n'a été prononcée que le 31 octobre 2006, il n'avait pas à bloquer le solde créditeur du compte courant, que ce n'est qu'à la date de ce jugement que le blocage pouvait le cas échéant s'opérer mais que le compte était alors débiteur, qu'aucune faute n'est démontrée, que la Compagnie Foncière Parisienne doit être déboutée de toutes ses demandes et condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 euros.
Il fait valoir principalement :
- qu'il a immédiatement informé l'huissier de l'existence du nantissement,
- qu'en raison de ce nantissement, apparemment régulier, qui primait la saisie conservatoire, les fonds sur les comptes étaient indisponibles et qu'il n'a donc pas eu à les bloquer,
- qu'aucune disposition légale ne met à la charge du banquier dépositaire de demander la consignation des fonds,
- qu'aucune faute n'est démontrée à son encontre.
Par dernières conclusions du 10 septembre 2008,la Compagnie Foncière Parisienne demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner le Crédit Industriel et Commercial au paiement d'une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Elle soutient essentiellement :
- que la saisie conservatoire a été jugée pleinement efficace et opposable au Crédit Industriel et Commercial,
- qu'elle a produit tous ses effets légaux d'indisponibilité et d'affectation spéciale avec privilège de l'ancien article 2075-1 au profit du créancier saisissant,
- que la banque a commis une faute en ne bloquant pas les fonds litigieux et en laissant les comptes du débiteur fonctionner normalement après la saisie.
SUR CE, LA COUR :
qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que le nantissement de créance du 11 octobre 2005 consenti par le Cabinet Coudert Frères est soumis aux anciens articles 2073 à 2078 du Code civil ; qu'il s'agit d'un gage de meubles incorporels, encore appelé nantissement de créance, qui confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l'objet par privilège et préférence aux autres créanciers ; que ce privilège n'a lieu à l'égard des tiers qu'autant
qu'il y a un acte authentique ou sous signature privée, dûment enregistré, contenant la déclaration de la somme due , ainsi que l'espèce et la nature des biens donnés en gage ; que lorsque le gage s'établit sur des meubles incorporels, l'acte authentique ou sous signature privée, dûment enregistré, est signifié au débiteur de la créance donnée en gage ;
Considérant qu'aux termes de l'acte sous signature privée du 11 octobre 2005, intitulé "nantissement de compte bancaire" et signé entre le Cabinet ( d'avocats ) Coudert Frères et le Cabinet ( d'avocats ) Dechert Price et Rhoads, le premier a affecté à titre de gage et de nantissement le solde des deux comptes de dépôt ouverts auprès du Crédit Industriel et Commercial, agence Saint Philippe du Roule au profit du second "en garantie de ses engagements" au titre d'un accord daté du 3 octobre 2005 ; que cet acte qui ne précisait ni le montant de la créance garantie ni le terme du nantissement a été enregistré puis signifié au Crédit Industriel et Commercial le 17 octobre 2005 ;
Considérant que par acte du 27 février 2006, la Compagnie Foncière Parisienne a fait pratiquer entre les mains du Crédit Industriel et Commercial une saisie conservatoire pour un montant de 1.090.232,96 euros ; qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 9 juillet 1991, lorsque la saisie conservatoire porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée ; que la saisie emporte de plein droit consignation des sommes indisponibles et produit les effets prévus à l'article 2075-1 ancien du Code civil, soit également le droit de se faire payer par privilège et préférence aux autres créanciers ;
Considérant que les comptes du Cabinet Coudert Frères présentaient au jour de la saisie conservatoire, soit au 27 février 2006, un solde créditeur de 84.937,45 euros ainsi que l'a déclaré le jour même, par télécopie, le Crédit Industriel et Commercial ; que la banque a d'ailleurs régulièrement débité le montant de cette somme des comptes du débiteur pour le créditer sur un compte spécial ; que cependant, cinq jours après le 2 mars 2006, elle a recrédité les comptes saisis et les a laissés fonctionner, estimant selon elle que le nantissement de compte bancaire avait rendu la créance indisponible et primait la saisie conservatoire ;
Considérant qu'un nantissement de compte bancaire n'empêche pas des saisies ultérieures du compte ; que l'indisponibilité est un empêchement qui s'impose au débiteur saisi et au tiers qui détient les sommes mais ne prohibe pas le concours de saisies ; qu'il appartenait donc au Crédit Industriel et Commercial de rendre indisponibles les fonds se trouvant sur les comptes de dépôt du débiteur saisi sans pouvoir lui-même trancher entre les différents créanciers ni se faire juge de leur privilège ; qu'il convient au surplus de souligner que le Crédit Industriel et Commercial ne pouvait en tout état de cause savoir, eu égard à l'absence d'indication du montant de la créance du Cabinet Dechert Price et Rhoads, s'il pouvait ou non revenir à la Compagnie Foncière Parisienne un solde de créance ; qu'en laissant fonctionner normalement le compte après le 2 mars 2006 le Crédit Industriel et Commercial a failli à ses obligations de tiers saisi et privé par voie de conséquence le créancier saisissant du recouvrement de la somme de 84.384,86 euros, le nantissement de créance ayant été déclaré inopposable à la Compagnie
Foncière Parisienne par jugement du 31 octobre 2006 ; que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné le Crédit Industriel et Commercial au paiement de cette somme ;
Considérant qu'il s'agit là non d'une condamnation sur le fondement de l'article 64 du décret du 31 juillet 1992 mais d'une condamnation à dommages et intérêts pour inexécution par le tiers saisi de ses obligations légales sur le fondement de l'article 238 alinéa 2 du décret ; que les intérêts sur cette somme ne peuvent dès lors courir que du jour du prononcé de la condamnation, soit du 4 février 2008 ; que le jugement sera infirmé sur ce seul point ;
Considérant que le Crédit Industriel et Commercial qui succombe doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu' il convient d'allouer à la Compagnie Foncière Parisienne, au titre des frais judiciaires non taxables exposés en appel, la somme de 2.000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le point de départ des intérêts,
Et statuant à nouveau sur ce seul point,
Dit que la somme de 84.384,86 euros portera intérêts au taux légal à compter du 4 février 2008,
Condamne le Crédit Industriel et Commercial à payer à la Compagnie Foncière Parisienne la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne le Crédit Industriel et Commercial aux dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,