Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 16 OCTOBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/00913
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/01147
APPELANTES
Madame Danièle Marie X...
demeurant ...
78300 POISSY
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Maître Bernard Y..., avocat au barreau de Paris, toque J 47.
(SCP Y... et associés)
Madame Nicole Z...
demeurant ...
13090 AIX EN PROVENCE
(SCP Y... et associés)
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Maître Bernard Y..., avocat au barreau de Paris, toque J 47.
INTIMEE
SOCIETE GENERALE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
75009 PARIS
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Viviane A..., plaidant pour le Cabinet ROULLIER, avocat au barreau de Paris, toque W 05.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 septembre 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Evelyne DELBES, conseiller chargée du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Marie- Christine DEGRANDI, Conseiller
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Annie B...
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président et par Mme Angélique VINCENT-VIRY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Mme Simone C... a souscrit auprès de la Société Générale deux contrats d'assurance vie intitulés Tercap, à effet au 17 mai 1994, et Séquoia à effet au 12 février 2001. Elle a versé sur ces contrats, respectivement, les sommes de 10 412,27 euros et de
60 979,61 euros. Elle a réparti les fonds placés sur le contrat Séquoia pour moitié sur un support "Défensif" et pour moitié sur un support "Equilibre". Elle a désigné ses deux filles, Mme Danièle X... et Mme Nicole Z..., comme bénéficiaires.
Mme C... est décédée en 2003. La Société Générale a établi des certificats fiscaux d'un montant de 4 981,66 euros pour le contrat Tercap et de 50 910,88 euros pour le contrat Séquoia.
Soutenant que les contrats souscrits par leur mère avaient enregistré des pertes qu'elles estimaient à 10 966,63 euros et dont elles imputaient la responsabilité à la Société Générale à laquelle elles faisaient grief d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, Mesdames X... et Z... ont, par actes des 12 et 14 janvier 2005, assigné l'intéressée devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 13 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevable la demande portant sur le contrat Tercap,
- débouté Mesdames X... et Z... de leurs autres demandes,
- condamné solidairement les intéressées à payer à la Société Générale la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 16 janvier 2007, Mesdames X... et Z... ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 27 juin 2008, elles demandes à la Cour de :
- les dires recevables à rechercher la responsabilité délictuelle de la Société Générale à l'occasion des placements conseillés à Mme C...,
- dire que la faute de la Société Générale consiste en une information incomplète et un conseil inadapté au regard de l'âge de Mme C... et de la durée minimum de 8 ans pendant lequel le placement devait être effectué,
- dire que leur préjudice peut être arrêté au montant du capital perdu entre la date de souscription du contrat et la date du décès de Mme C...,
- condamner, en conséquence, la banque à leur payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 10 068,73 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 12 février 2001 et les intérêts légaux à compter de la même date sur le somme de 60 979,61 euros,
- condamner la Société Générale à leur rembourser la totalité des frais prélevés sur le contrat Séquioa,
- condamner la même à leur payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 12 août 2008, la Société Générale demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- dans le cas contraire,
- donner acte aux appelantes de ce qu'elles abandonnent leurs demandes nouvelles en cause d'appel,
- donner acte aux mêmes de ce qu'elles abandonnent le visa des articles L 341-11, L 341-12 et L 341-16 du Code monétaire et financier qui ne sont pas applicables en l'espèce,
- dire que les intéressées n'ont ni qualité ni intérêt pour agir à son encontre,
- dire que le contrat Tercap a été souscrit plus de 10 ans avant la délivrance de l'assignation et que toute demande à ce titre est donc prescrite,
- dire que la totalité du capital investi sur le contrat Tercap ayant été versé aux appelantes, celles-ci ne sauraient solliciter un second remboursement de la même somme,
- en conséquence, dire Mesdames X... et Z... irrecevables en toutes leurs demandes,
- subsidiairement,
- débouter les intéressées de leurs demandes formées au titre du contrat Séquioa faute par elles d'établir la preuve de la faute qu'elles lui imputent,
- les condamner à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR :
Considérant que Mesdames X... et Z... ne formulent aucun grief à l'encontre du jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevables leur demande portant sur le contrat Tercap ; que la décision déférée sera donc confirmée de ce chef ;
Considérant que le litige ne porte, en conséquence, plus que sur le contrat Séquoia signé par Mme C... le 7 février 2001 et à effet du 12 février ;
Considérant que les appelantes n'ayant pas repris, dans leurs dernières écritures au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, leur demande aux fins d'annulation ou de résiliation du contrat Séquoia, cette prétention doit être considérée comme abandonnée ;
Considérant que Mesdames X... et Z... font grief à la Société Générale d'avoir donné à Mme C... :
- une information insuffisante quant aux produits et instruments financiers proposés et aux risques qu'ils pouvaient comporter,
- des conseils inadaptés compte tenu de son âge et de son objectif de préservation de son capital ;
Considérant que les appelantes indiquent, dans leurs dernières conclusions, qu'elles exercent à l'encontre de la Société Générale une action délictuelle ;
Considérant que la Société Générale conteste en vain la recevabilité de cette action ; que les tiers à une convention ont, en effet, qualité et intérêt à agir en réparation du dommage que les manquements de l'une des parties à ladite convention à ses obligations contractuelles ont pu leur causer personnellement ; qu'il leur appartient d'établir la faute qu'ils imputent au défendeur à l'action, leur préjudice et le lien de causalité entre cette faute et ce dommage ;
Considérant que Mesdames D... et Z... qui exposent que la signature du contrat Séquoia a été recueillie au domicile de Mme C..., reprochent à la Société Générale de ne pas avoir communiqué à l'intéressée, avant qu'elle ne soit liée par le contrat et de manière claire et compréhensible pour une personne âgée de 87 ans et incapable de gérer ses affaires, toutes les informations utiles quant aux produits financiers concernés et aux risques qu'ils pouvaient présenter et ce en violation des prescriptions des articles L. 341-11 et 12 du Code monétaire et financier, et, encore, d'avoir omis d'aviser Mme C... du droit de rétraction de 14 jours prévu par les articles L 120-20-15 du Code de la consommation et L 341-16 du Code monétaire et financier et des modalités et délai d'exercice de ce droit ;
Considérant que les dispositions sur le démarchage à domicile visées par les appelantes, issues de la loi du 1er août 2003, voire d'une ordonnance modificative du 6 juin 2005, qui n'étaient pas en vigueur à la date de l'adhésion de Mme C..., ne sont pas applicables au contrat litigieux ; qu'elles ne sont invoquées par Mesdames X... et Z... qu'à l'appui de leur grief selon lequel la Société Générale aurait manqué à son obligation d'information ; que le placement en cause portant sur un contrat collectif d'assurance vie est, toutefois, à cet égard, soumis à des dispositions spécifiques, celles des articles L 132 -5-1 et suivants du Code des assurances, lesquelles imposent la délivrance au souscripteur d'une information pariculière ; que la Société Générale estime avoir rempli toutes ses obligations à cet égard ;
Considérant qu'il n'est pas établi ni allégué que Mme C... aurait été l'objet, en févier 2001, d'une mesure de protection des majeurs ; que les attestations produites par les appelantes aux termes desquelles leur mère ne pouvait pas s'occuper de ses affaires ne suffisent pas à établir l'incapacité de l'intéressée ; que les brefs séjours à l'hôpital effectués par Mme C... au début de l'année 2000 puis en juillet et novembre 2001, dont le motif n'est pas précisé par les bulletins de situation versés aux débats, ne sont pas de nature, non plus, à établir qu'elle ne disposait pas de toutes ses capacités mentales, ce que son âge ne saurait faire présumer ;
Considérant qu'aux termes du bulletin d'adhésion qu'elle a signé le 7 février 2001, Mme C... a reconnu "avoir reçu un exemplaire du bulletin d'adhésion ainsi que de la notice d'information no 539248 relative au contrat collectif et avoir pris connaissance des dispositions contenues dans ces documents et notamment des conditions d'exercice du droit de renonciation." ;
Considérant que le bulletin d'adhésion précise au-dessus de la signature de Mme C..., que le délai de renonciation est de 30 jours à compter de la réception de la lettre recommandée et de l'original du certificat d'adhésion et précise les modalités d'exercice de ce droit (lettre recommandée adressée à SOGECAP) ; que la notice d'information relative au contrat Séquioa, dont aucune disposition légale n'interdit la remise le jour même de la signature du contrat, rappelle ces informations et donnent un modèle de lettre de renonciation ;
Considérant que la même notice d'information précise, en sa première page, les divers supports proposés (Sécurité, Défensif, Equilibre et Dynamique) et renvoie à une annexe, dont la communication à Mme C... n'est pas contestée, qui décrit chacun de ces supports dans les termes suivants :
"Séquioa Sécurité
L'objectif de ce support en francs est la valorisation régulière et sans risque du capital.
Actif général en francs, composé principalement d'obligations. Un taux minimum garantie pourra être déterminé chaque année par Sogecap pour l'année suivante(...)
Séquioa Défensif
L'objectif de ce Fonds Commun de Placement de capitalisation est la préservation du capital.
Son portefeuille principalement composé d'OPCVM de produits de taux pourra, en fonction de l'évolution des marchés, être investi jusqu'à 1/3 de ‘lactif en OPCVM d'actions françaises et étrangères (...)
Séquiao Equilibre
L'objectif de ce Fonds Commun de Placement de capitalisation est la valorisation prudente du capital.
Son portefeuille pourra, en fonction de l'évolution des marchés, être investi en OPCVM françaises et étrangères à concurrence de 40 % minimum et jusqu'à 60 % de l'actif. L'investissement en produit de taux pourra varier de 40 % à 60 % de l'actif.
Le fonds peut, à titre accessoire et dans les limites réglementaires, intervenir directement sur les marchés d'actions et de produits de taux. De plus, il peut recourir, autant que nécessaire à la réalisation de son objectif, à l'ensemble des produits dérivés dans les conditions réglementaires. La cotation est quotidienne.
Séquoia Dynamique
L'objectif de ce Fonds Commun de Placement de capitalisation est la recherche de plus-value.
En fonction de l'évolution des marchés, son portefeuille pourra être investi en OPCVM d'actions françaises et étrangères jusqu'à 100 % de l‘actif et, subsidiairement, en OPCVM de produits de taux.
Le fonds peut, à titre accessoire et dans les limites réglementaires, intervenir directement sur les marchés d'actions et de produits de taux. De plus, il peut recourir, autant que nécessaire à la réalisation de son objectif, à l'ensemble des produits dérivés dans les conditions réglementaires. La cotation est quotidienne." ;
Considérant que la notice d'information indique que les supports sont exprimés en unité de compte, précise les modalités de calcul de celles-ci ainsi que la valeur de rachat et comporte, en caractères gras, la mention suivante "Sogecap ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur, celle-ci est sujette à des fluctuations à la hausse et à la baisse en fonction de l'évolution des marchés financiers." ;
Considérant que la notice d'information et son annexe donnaient une information complète et compréhensible sur la nature et les objectifs des différents supports offerts par le contrat Séquioa et permettaient à Mme C... de savoir qu'elle pouvait affecter ses fonds à un support (Sécurité) garantissant la préservation du capital ; qu'ayant opté pour les supports Défensif et Equilibre, il faut en déduire que c'est sciemment qu'elle a écarté le support Sécurité ; qu'elle était, en outre, informée de l'exposition de ses placements aux variations des marchés financiers et des proportions de cette exposition pour chaque support choisi ; que la valeur de l'unité de compte ne pouvait quant à elle être communiquée à Mme C... avant son adhésion ;
Considérant qu'à la date de son adhésion au contrat Séquoia, Mme C... détenait déjà des produits d'épargne garantis pour près de 125 000 euros ainsi qu'un portefeuille de titres et un PEA, d'un montant de 64 000 euros à son décès ; qu'elle avait pu ainsi éprouver la nature aléatoire des placements en actions et la baisse des marchés financiers durant les cinq mois ayant précédé son adhésion dont se prévalent les appelantes ; que les objectifs des supports Défensif et Equilibré ne présentaient pas un caractère particulièrement spéculatif et, n'étaient pas en contradiction avec ceux des placements déjà opérés par Mme C... à la date de son adhésion au contrat Séquioa ;
Considérant que Mesdames X... et Z... font grief à la Société Générale d'avoir conseillé la souscription d'un contrat dont la durée de rendement était de 8 ans à une personne de 87 ans dont l'espérance de vie était des plus aléatoires et de ne pas avoir attiré son attention sur l'absence de garantie du capital investi en cas de décès avant l'échéance de 8 ans ;
Considérant que la Société Générale n'était pas investie d'un mandat de gestion ; que la notice d'information remise à Mme C... précisait : "Vous choisissez la durée de votre adhésion, en respectant un minimum de 8 ans" et indiquait clairement que la garantie du capital en cas de décès avant l'échéance cessait au plus tard au 80ème anniversaire de l'assuré ; que Mme C... a donc souscrit en connaissance de cause à un contrat dont les avantages fiscaux, au cas de décès, sont connus ;
Considérant qu'il n'est pas établi, au vu de ces éléments, que la Société Générale ait manqué à l'une quelconque de ses obligations à l'égard de Mme C... ; que, comme l'ont justement retenu les premiers juges, l'intimée n'était pas tenue d'une obligation de résultat et le fait que le contrat souscrit ait enregistré des pertes ne suffit pas à démontrer une faute de sa part ;
Considérant que le jugement entrepris est donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de condamner Mesdames X... et Z... à payer à la Société Générale la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne Mesdames X... et Z... à payer à la Société Générale la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, pour la procédure d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mesdames X... et Z... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT