Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/01125
Décision déférée à la Cour : jugement du 20 octobre 2006 - Tribunal de grande instance d'EVRY - RG no 05/04672
APPELANT
Monsieur Bernard X...
demeurant ...
représenté par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour
assisté de maître Pierre Y..., avocat au barreau d'ESSONNE
( SCP Y..., GREFF, Y...)
INTIMÉE
CAIXA GERAL DE DEPOSITOS
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social 83, avenue Marceau - 75116 PARIS
représentée par la SCP KIEFFER-JOLY-BELLICHACH, avoués à la Cour
assistée de maître Muriel Z..., avocat au barreau de PARIS, toque, P586
( SCP IDRAC et associés)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Claire CHARIAU, greffier en chef,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président et par Madame VINCENT-VIRY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Le 25 octobre 2003, M.Bernard X... a ouvert un compte courant et un compte sur Livret dans les livres de la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS-ci-après CGD- sur lesquels il a, le même jour, donné procuration à son fils Didier A....
La convention de compte, à durée indéterminée, était susceptible de révocation par l'une ou l'autre des parties sous réserve d'un préavis de trente jours.
Le 3 novembre 2004 la banque a notifié à M.Bernard X... qu'elle faisait usage de cette clause.
Le 30 octobre précédent le compte courant de M.Bernard X..., bénéficiant d'un virement de 220 000 €, était créditeur de 272 791,64 €.
M.Bernard X... émettait à cette époque un certain nombre de chèques, dont, le 3 novembre 2004, un chèque de 220 000 € à son ordre.
Durant le mois de novembre la CGD a honoré trois chèques pour des montants de 1475,35 €, 21275 € et 1491 €, mais elle a, postérieurement à la clôture du compte, rejeté un chèque de 2412 € émis à l'ordre de la Trésorerie de SENS, entraînant une procédure de signalement d'incident de paiement à la Banque de France.
Le 4 novembre 2004, la banque a transmis à M.Bernard X... un chèque de banque d'un montant de 303 558,62 € correspondant au solde de ses comptes.
Par acte du 26 mai 2005 M.Bernard X... a assigné la CGD devant le Tribunal de Grande Instance d'EVRY en paiement d'une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 20 octobre 2006 le tribunal a:
-dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce no19,
-débouté M.Bernard X... de ses demandes, et l'a condamné à payer à la CGD la somme de 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 18 janvier 2007 M.Bernard X... a interjeté appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées le:
-20 août 2008 pour M.Bernard X....
-15 juillet 2008 pour la CGD.
M.Bernard X... demande à la Cour de :
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
-condamner la CGD à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,
-débouter la CGDde toutes ses demandes, fins et conclusions, et notamment de sa demande d'écarter des débats la pièce no19,
-la condamner à payer la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La CGD demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-débouter M.Bernard X... de toutes ses demandes,
-écarter des débats la pièce no19, subsidiairement la dire non probante,
-condamner M.Bernard X... à payer la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE
LA COUR
Considérant que M.Bernard X... soutient qu'il avait décidé, dans le cadre des dispositions de la convention de compte lui permettant de retirer des fonds à tout moment, d'effectuer, avec la collaboration de son fils Didier A..., titulaire de tous les pouvoirs nécessaires, un certain nombre d'opérations ; qu'il a en conséquence avisé préalablement la banque de l'émission de cinq chèques, dont il a déposé la liste le 30 octobre 2004, comme en atteste le cachet de l'établissement, en spécifiant qu'il entendait se faire remettre en espèces la somme de 220 000€ correspondant à l'un de ces effets; que la banque, malgré sa réticence affichée, n'a pu refuser le principe d'un rendez vous pour le 3 novembre suivant, date à laquelle M.Bernard X... et son fils se sont vus, sur place, opposer un refus de percevoir les fonds, la banque conservant néanmoins le chèque par devers elle ;
Que, le même jour, la CGD a dénoncé la convention de comptes ;
Et que, dans le mois suivant, seuls trois chèques seront honorés, à l'exception de celui destiné à Trésorerie de SENS ;
Sur la clôture du compte
Considérant que M.Bernard X..., s'il estime cette décision abusive et injustifiée, mentionne lui-même qu'elle s'inscrit dans le cadre des dispositions de la convention ;
Considérant, de fait, que la banque a respecté le délai de préavis de trente jours de l'article 11.3 de ce document et qu'elle était, sous cette réserve, en droit de procéder à cette rupture sans avoir à justifier de ses motifs ;
Sur le paiement du chèque no0706690
Considérant que, s'agissant de cet effet d'un montant de 220 000€, M.Bernard X... soutient que le refus de la banque de l'honorer n'est pas admissible, les fonds correspondants ayant été provisionnés ; que vainement est-il argué de son absence le 3 novembre 2004, comme en attestent Didier A... et la note du taxi les ayant véhiculés ;
Considérant cependant que le débat sur la présence de M.Bernard X... est sans conséquence réelle, dès lors qu'il n'est pas justifié que cette circonstance ait pu être imposée par la banque comme une condition de la remise des fonds ; qu'il n'est en effet pas contesté que Didier Henri X... ait disposé d'une procuration, comme le rappelle elle-même la CGD ;
Considérant que si la banque argue de ce qu'il "avait été expressément convenu que M.Bernard X... serait présent ", la carte de visite accompagnant la demande de retrait de l'intéressé et figurant en annexe d'un courrier de la CGD en date du 4 janvier 2005 mentionnait :"Je vous confirme qu'en raison de mon état de santé, il me sera vraisemblablement difficile de pouvoir accompagner mon fils Didier pour effectuer en ma présence, comme vous le souhaitez, l'opération de retrait d'espèces prévue en votre agence le 3 novembre 2004 à 15 H conformément au chèque ci-joint.
Je vais néanmoins m'efforcer qu'il en soit ainsi.... " ;
Considérant que la banque était ainsi clairement avisée des circonstances de l'opération et n'a pas opposé en retour un refus, sur lequel il lui aurait incombé de justifier, Didier Henri X... étant parfaitement habilité à procéder au retrait de fonds programmé par son père, et pour le compte de ce dernier ;
Et, considérant que la présence de Didier Henri X... dans les locaux de la CGD le 3 novembre 2004 n'est pas remise en question ; que le refus que lui a opposé la banque n'est dès lors pas fondé et qu'en agissant de la sorte cet établissement a commis une faute à l'égard de son client ;
Sur le rejet du chèque no0706694
Considérant que la CGD soutient que cet effet d'un montant de 2412 € émis le 3 novembre 2004 à l'ordre de la Trésorerie de SENS qui ne figurait sur aucune liste, a été transmis à l'administration fiscale le 17 novembre 2004, l'échéance de paiement étant au 15 décembre suivant, mais a été ensuite légitimement rejeté, dans la mesure où il a été présenté à l'encaissement après le 4 décembre, soit après la clôture du compte, et passé le délai légal de huit jours ;
Considérant que le débat entre les parties sur le dépôt et le contenu de la liste des chèques devant être émis par M.Bernard X... est, là encore, sans objet ; qu'il n'est pas justifié de la part de la CGD d'un motif permettant d'écarter des débats la pièce correspondante no 19, laquelle avait été régulièrement produite en première instance, et retenue par le premier juge qui avait relevé qu'elle avait pu être soumise au débat contradictoire ; qu'il n'est en revanche pas démontré que cette liste ait été, dans son intégralité, remise à la CGD, aucune date n'accompagnant le cachet figurant sur la photocopie produite par l'appelant et elle même contestée par la banque ;
Mais, considérant en tout état de cause que dès lors que la date d'émission du chèque concerné n'est pas discutée comme étant antérieure à celle de la clôture du compte, sur lequel figurait à cette époque la provision correspondante, la banque n'était pas fondée à procéder à son rejet au motif qu'elle avait clôturé le compte lors de sa présentation ;
Considérant en effet que ni cette circonstance ni celle tenant à une présentation en paiement postérieure au délai de huit jours de l'article L 131-32 du Code Monétaire et Financier ne sont de nature à dispenser le tiré de son obligation de paiement, laquelle a subsisté dans les limites du délai de prescription ;
Considérant en conséquence que le jugement est infirmé ;
Sur le préjudice
Considérant que M.Bernard X... argue, en premier lieu, d'avoir été privé de la somme de 220 000 €, et des revenus correspondants, pendant les trois mois que la banque l'a conservée ;qu'il ne s'est vu restituer les fonds qu'en janvier 2005, et ce à la suite d'un "rocambolesque scénario imaginé par la CGD pour le faire inscrire à tout prix au Fichier des interdits bancaires", de manière à pouvoir ainsi disposer de ces fonds pendant trois mois ;
qu'en second lieu, s'agissant du rejet du chèque de 2412 €, la Trésorerie est susceptible de lui infliger des pénalités de retard, cette sanction étant automatique et qu'en tout état de cause la simple idée de ce risque de sanction constitue un dommage ;que, d'autre part, l'incident de paiement généré par la faute de la CGD a jeté le discrédit sur sa personne, raison pour laquelle il a peiné à trouver un établissement bancaire susceptible de lui ouvrir un compte, et essuyé à ce titre plusieurs refus, le privant de la possibilité d'encaisser le chèque établi par la CGD après la clôture du compte ; qu'enfin, dépourvu de tout moyen de paiement, il n'a pu régler ses conseils afin d'entamer un certain nombre de procédures, et d'effectuer certaines consignations, et qu' il subit encore les contretemps judiciaires qui en ont découlé ;
Considérant cependant que M.Bernard X..., se voyant essuyer un refus injustifié de la part de la CGD de lui permettre de percevoir les espèces par lui réclamées, n'était pas privé de la faculté de faire virer ces effets sur un autre compte, notamment celui dont il disposait déjà à La Poste, ou qu'il avait la faculté d'ouvrir dans tel établissement de son choix, ce d'autant qu'il était, simultanément, avisé de cette nécessité découlant de la rupture prononcée par la CGD ;
Considérant en conséquence que le préjudice afférent à la faute de cette dernière est, en l'espèce, purement moral ;
Considérant, en second lieu, qu'il n'est ni justifié ni argué que le rejet du chèque de 2412 € ait effectivement entraîné des pénalités de la part de l'administration fiscale ; que la seule perspective de cette sanction n'est pas, à cet égard, suffisante pour justifier d'une demande de dommages et intérêts ;
Considérant en revanche que l'inscription au Fichier des interdits bancaires provoqué par la faute de la CGD constitue un chef de préjudice moral et matériel ; que néanmoins il n'est pas justifié des refus qu'auraient opposés divers organismes financiers en raison de cet incident ;
Considérant qu'il n'est pas plus établi que M.Bernard X... ait été privé des ressources lui permettant de régler des consignations- dont il est avéré qu'elles ont été appelées en 2005 ou ses conseils à cette même époque ;
Considérant que la Cour dispose des éléments suffisants pour fixer le montant global du préjudice subi par M.Bernard X... à la somme de 5000 € ;
Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce no19,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Condamne la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS à payer à M.Bernard X... la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la CGD aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT