Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/04499
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 01/00101
APPELANTS
Monsieur Jean-Jacques X...
demeurant ...
95670 MARLY Y...
représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assisté de Me Xavier Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R196
Madame Gaétane A... B... épouse X...
demeurant ...
95 670 MARLY Y...
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée de Me Xavier Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R196
INTIMES
S.A.R.L. VISTASSUR
prise en la personne de es représentants légaux
ayant son siège social ...
75010 PARIS
Défaillante
Monsieur Bernard C...
demeurant ...
75010 PARIS
représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assisté de Me Jacques D..., avocat au barreau de PARIS, toque : E 1453
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/024289 du 21/08/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
Madame May E... F...
demeurant chez Sté OMNIASSUR
...
75020 PARIS
Défaillante-
Procès verbal de recherches infructueuses dans les conditions de l'article 659 du Code de procédure civile .
Madame Isabelle G... veuve H...
demeurant ...
31210 MONTREJEAU
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jehanne-Caroline I..., avocat au barreau de TOULOUSE
(SCP LARRAT)
Monsieur Julien H...
demeurant Chez Mme G... Veuve H...
...
31210 MONTREJEAU
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me Jehanne-Caroline I..., avocat au barreau de TOULOUSE
(SCP LARRAT)
Monsieur Michel H...
demeurant chez Mme G... veuve H...
...
31210 MONTREJEAU
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me Jehanne-Caroline I..., avocat au barreau de TOULOUSE
(SCP LARRAT)
S.A. CRÉDIT DU NORD
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social ...
75009 PARIS
représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de Me Anna J..., avocat au barreau de PARIS, toque :D 289
(Cabinet EL ASSAAD)
LA BANQUE PRIVÉE EUROPÉENNE (anciennement dénommée Banqua hypothécaire européenne, anciennement banque immobilière européene)
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social ...
75002 PARIS
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Me Mich K..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 59
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude L...
ARRÊT :
- DEFAUT
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Mme Angélique VINCENT-VIRY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Les époux X... ont rencontré en 1986 M. C... et sa concubine Mlle F.... Mlle F... avait acquis un portefeuille d'assurance exploité en nom personnel .... Avec M. C... elle a associé les époux X... dans la SARL Omnibus Express, créée en janvier 1990 pour exploiter un portefeuille de courtage d'assurance.
Le 26 octobre 1990, les époux X... ont acheté un appartement au ... pour un prix de 690.000F avec des fonds empruntés au Crédit Agricole. L'acte notarié a été dressé avec la participation de Maître H..., notaire présenté à eux par M. C....
En septembre 1991, les consorts M... et N... X... ont créé la SCI Civiamurs pour l'achat des murs du ..., immeuble dans lequel était exploité le fonds de commerce de Mlle F..., Mme X... détenant 30% des parts. Un prêt de 640.000F sur 14 ans a été consenti à la SCI par la Banque hypothécaire Européenne devenue la Banque privée européenne.
Par acte notarié du 9 décembre 1991, rédigé par Me O... avec la collaboration de Maître H..., les époux X... se sont portés cautions solidaires et hypothécaires du remboursement du montant du crédit et de tous frais et accessoires et ont affecté, en 2ème rang, à la garantie du remboursement du crédit, leur appartement du 11 de la rue Civiale.
En août 1994 Mme X... a été associée dans plusieurs sociétés constituées par le couple ami, dont la SARL Vistassur, créée le 27 août 1994, à hauteur de 15% avec M. C..., en vue d'acquérir un nouveau fonds de commerce, Europ'assur.
Par acte authentique du 4 mars 1995 dressé par Maître H..., avec la participation de Maître P... et en l'étude de ce dernier, le Crédit du Nord a prêté à la société Vistassur la somme de 1.190.000F pour une durée de 7 ans. Dans le même acte, les époux X... se sont portés cautions solidaires et hypothécaires de ce prêt, s'obligeant à payer à la banque la dette du prêteur outre intérêts frais et accessoires, y affectant leur domicile familial situé à Marly-la-ville. En outre, deux actes authentiques ont été dressés par Maître H... et Maître Q..., l'un relatif à l'achat par la société Vistassur d'un fonds de commerce de courtage d'assurances pour le prix de 680.000F, l'autre d'acquisition du capital de la société Europ-assur pour le prix de 1.020.000F, acte signé .... Les époux R... se sont aussi portés cautions hypothécaires du prêt bancaire.
En 1996 les époux X... disent n'avoir jamais suivi l'activité des sociétés et avoir découvert que les prêts n'avaient pas été remboursés. Ils ont adressé, en vain, aux consorts C... F... une mise en demeure le 22 mai 1997 puis une sommation de payer. En octobre 1997 la Banque privée européenne leur a adressé un commandement de saisie immobilière, a poursuivi la vente du bien affecté en garantie, et a été déclarée adjudicataire pour la somme de 400.000F par jugement du 4 mars 1999. En novembre 1998 le Crédit du Nord a engagé une procédure de saisie immobilière à leur encontre. Ils ont saisi la Commission de surendettement du Val d'Oise qui a rendu une décision d'irrecevabilité. Le 26 janvier 1999 ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour escroquerie visant les consorts C... et F.... L'information a été terminée par une ordonnance de non-lieu, confirmée le 15 janvier 2003 par la Cour d'appel de Paris. Ils ont assigné devant le tribunal de grande instance le Crédit du Nord le 16 décembre 1998, puis la Banque privée européenne, le 1er mars 2002, en nullité des engagements de caution souscrits.
Par jugement du 22 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit les époux X... irrecevables en leur demande tendant à voir dire nul pour défaut de consentement leur engagement de caution hypothécaire, en raison de la prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce, mais recevables en leurs demande de nullité relative pour vices du consentement;
- débouté les époux X... de toutes leurs demandes tant à l'égard des banques que des consorts H...;
- constaté que la Banque privée européenne reste créancière des époux X..., et qu'elle devra recalculer sa créance en tenant compte de la déchéance des intérêts pour les années 1992 à 1996, en application des articles L.313-22 du Code monétaire et financier et 2016 alinéa 2 du Code civil;
- débouté les parties de toutes autres demandes;
- condamné les époux X... à payer aux consorts H... la somme de 3.000€, au Crédit du Nord la somme de 2.000€ et à la Banque privée européenne la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La déclaration d'appel des époux X... a été remise au greffe de la Cour le 8 mars 2006.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 26 décembre 2007 les époux X... demandent de :
- infirmer le jugement entrepris ;
- dire l'action en nullité et en responsabilité engagée par eux non prescrite ;
En conséquence,
- dire l'acte notarié du 9 décembre 1991 nul pour défaut de signature de la Banque privée européenne ;
- dire les deux actes de caution notariés nuls pour incapacité du notaire rédacteur ;
- dire les engagements de caution nuls pour erreur sur l'objet et la substance de l'engagement et pour dol ;
- dire que la Banque privée européenne et le Crédit du Nord ont engagé leur responsabilité envers les cautions profanes, pour défaut de mise en garde par application de l'article 1147 du Code civil, pour soutien abusif de crédit aux débiteurs cautionnés, et pour avoir fait souscrire aux cautions personnes physiques un engagement manifestement disproportionné à leurs biens et revenus ;
En conséquence,
- décharger la caution de tout engagement envers la Banque privée européenne et le Crédit du Nord ;
Subsidiairement,
- condamner la Banque privée européenne et le Crédit du Nord à payer des dommages et intérêts correspondant à la totalité de leur engagement de caution ;
- ordonner la déchéance des intérêts pour défaut d'information annuelle des cautions ;
- dire que Maître H... a engagé sa responsabilité de notaire rédacteur d'acte et condamner les consorts H..., en qualité d'héritiers, à payer 600.000€ de dommages et intérêts ;
- condamner M. C... et Mlle F... à payer 600.000€ de dommages et intérêts pour attitude dolosive envers les cautions ;
- condamner chacun des intimés à payer une somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, tant à M. X... qu'à Mme X....
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 17 janvier 2008, la Banque Privée Européenne demande de :
- constater que les époux X... sont engagés aux termes de l'acte authentique du 9 décembre 1991 ;
- les déclarer irrecevables en toutes leurs demandes tendant à remettre en cause l'existence et la validité de cet acte;
- les débouter de toutes leurs demandes;
- les condamner solidairement à payer à la BPE la somme de 5.000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 26 octobre 2007, le Crédit du Nord demande de :
- confirmer la décision entreprise;
- débouter les époux X... de toutes leurs demandes;
- les condamner à payer au Crédit du Nord 3.500€ de dommages et intérêts pour procédure abusive;
- les condamner à payer au Crédit du Nord 3.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 29 novembre 2007, les consorts H..., héritiers de Maître H..., décédé le 2 mars 1998, demandent de :
- déclarer les époux X... mal fondés en leur appel;
- les condamner à payer à chacun des consorts H... 5.000€ de dommages et intérêts au titre du préjudice moral occasionné;
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 14 janvier 2008, M. C... demande de :
- constater que M. C... n'a commis aucune faute au préjudice de M. et Mme X...;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
- condamner M. et Mme X... au paiement de 5.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive.
A la diligence des appelants Mme F... et la société Vistassur ont été assignées dans les formes de l'article 659 du Code de procédure civile le 6 décembre 2006. Aucune demande n'est formée à l'encontre de la société Vistassur. Les demandes postérieures à l'encontre de Mme F... sont celles qui ont donné lieu à la signification.
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Sur la prescription de l'action, invoquée par la Banque privée européenne
Considérant que la banque relève que l'acte authentique la concernant est du 9 décembre 1991 mais qu'elle n'a été assignée que le 1er mars 2002 ; qu'elle invoque que l'action en nullité d'une convention dure cinq ans en application de l'article 1304 du Code civil, voire dix ans si la prescription de l'article L110-4 du Code de commerce s'applique ; que s'agissant du point de départ de l'action en nullité pour dol, il s'agit de la date de l'acte car les époux X... ne pouvaient ignorer la teneur de leur engagement de caution ;
Considérant que les époux X... ne contestent pas l'existence des obligations figurant dans l'acte de caution et n'invoquent pas de faux, mais discutent la validité de leur consentement ; qu'ils soutiennent que l'acte de cautionnement du 9 décembre 1991 est nul pour défaut de signature de la banque et que cet acte authentique et celui du 4 mars 1995, constatant leurs engagements, sont nuls pour incapacité du notaire rédacteur ; qu'il s'agit d'une nullité absolue qui se prescrit par 30 ans ; que même si la prescription décennale de l'article L.110-4 du Code de commerce devait s'appliquer, le point de départ est le 8 décembre 1998 date de la dénonciation de la prise d'hypothèque ; que l'action en nullité pour dol et pour erreur ne se prescrivent qu'à partir de leur découverte, soit le 8 décembre 1998 ;
Considérant que la nullité pour vice du consentement relève des dispositions de l'article 1304 du Code civil prévoyant, qu'en principe, l'action en nullité d'une convention dure cinq ans et que, dans le cas d'erreur ou de dol, le temps ne court qu'à compter du jour où ils ont été découverts ; que, toutefois, l'action en nullité absolue est prescrite par trente ans, délai de l'article 2262 du Code civil ; qu'il en est ainsi des nullités d'ordre public ; que l'action pour incapacité du notaire rédacteur d'un acte authentique, fondée sur une nullité d'ordre public, révélée après 1993 aux époux X..., n'est pas prescrite ;
Considérant que les époux X... invoquent avoir découvert l'existence de manoeuvres dolosives ayant entraîné une erreur substantielle de leur consentement le 8 décembre 1998 à l'occasion de la prise d'hypothèque ; qu'ils allèguent au titre du dol que le notaire leur a fait signer les actes entre 6 heures et 7 heures du matin à leur domicile ; que le prolongement de ces faits sur l'erreur révélée par la dénonciation de la procédure de saisie immobilière ne permet pas de considérer que l'action pour vice du consentement soit prescrite ; que les moyens de nullité doivent être examinés ;
Sur la nullité des actes de cautionnement
Considérant que les époux X... soutiennent que l'acte du 9 décembre 1991 est nul pour défaut de signature de la Banque privée européenne ; que, même unilatéral l'engagement de caution n'en est pas moins un contrat souscrit par deux parties, ce que la banque reconnaît ; que le premier a considéré à tort que le notaire était intervenu comme représentant mandaté de la Banque privée européenne alors qu'aucun nom n'est porté sur la procuration délivrée par la banque ;
Mais considérant qu'à bon droit la banque rappelle les dispositions de l'article 2291 du Code civil selon lesquelles on peut se rendre caution même à l'insu de celui pour lequel on s'oblige ; que le défaut de signature de l'engagement de caution par le créancier bénéficiaire n'est pas susceptible de constituer une nullité dont la caution, qui ne dénie pas sa signature, puisse se prévaloir ;
Considérant que les appelants opposent que les actes du 9 décembre 1991 et 4 mars 1995 sont nuls pour incapacité du notaire rédacteur, Me H... ayant reçu la signature des cautions dans les deux actes litigieux alors qu'il a été associé d'un GIE Civiaffaires, créé en 1993, comprenant entre autres la société Civiamurs ; qu'il avait ainsi un intérêt personnel dans les sociétés couvertes par les engagements hypothécaires ;
Mais considérant que la participation dénoncée du notaire, postérieure à l'acte de 1991, n'est pas de nature à remettre en cause le consentement des cautions dans cet acte ; qu'il n'en résulte pas d'incapacité du notaire d'instrumenter avec un autre notaire le 4 mars 1995, ni d'incidence sur le consentement des cautions ;
Considérant que les appelants estiment que les deux actes sont nuls pour vices du consentement ; qu'étant âgés, d'origine modeste et sans formation à la vie des affaires, le notaire a reçu leurs engagement de caution chez eux entre 6 et 7 heures du matin ; que le dol émanant d'un tiers entraîne l'annulation du contrat lorsqu'il provoque une erreur substantielle ;
Mais considérant que les deux actes notariés mentionnent avoir été rédigés, l'un, en l'étude de Me O..., l'autre, en l'étude de Me P... ; que ces actes sont signés et mentionnent précisément la teneur et la portée des engagements ; qu'il n'est pas démontré de vice du consentement ;
Sur la responsabilité des banques créancières pour défaut de mise en garde du débiteur et de la caution, pour soutien abusif de crédit et pour disproportion
Considérant que les époux X... soutiennent qu'ils sont des cautions profanes et non intéressées, ne retirant aucune ressource des sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation ; que les banques n'ont exigé aucun document leur permettant de s'assurer de leur solvabilité ou de celle des débiteurs principaux des emprunts et ont méconnu leur devoir d'alerte sur le risque de non remboursement ; qu'ainsi la Banque privée européenne ne s'est pas renseignée sur la situation de la SCI Civiamurs, débiteur principal du prêt de 1991, alors que cette SCI dégageait un bénéfice annuel de 3.127F donc n'avait aucune surface financière ; qu'elle lui a consenti un prêt dont les charges de remboursement représentaient 62,5% de son chiffre d'affaires ; qu'aucune assurance du prêt n'a été exigée d'eux alors qu'ils avaient 63 et 57 ans ; que, par ailleurs, le prêt du 2 octobre 1991 était subordonné à des conditions de mise en oeuvre, et notamment la production d'un bail consenti par la SCI à Mlle F... pour un minimum de 108.000F par an couvrant le remboursement du prêt ; mais que la banque n'a procédé à aucune vérification permettant de s'assurer que les loyers seraient effectivement versés ; qu'elle ne s'est pas renseignée sur la solvabilité de Mlle F..., âgée de 29 ans, courtier d'assurances depuis un an et dont le bénéfice professionnel annuel avait été de 3127F ; que le Crédit du Nord a prêté une somme de 1.190.000 frs sur 7 ans à une société sans aucune structure ni garantie, créée 4 mois avant l'acquisition litigieuse avec un capital social de 50.000F alors que la charge de remboursement de l'emprunt constituait 130% du chiffre d'affaires de la dite société Europassur et le prix d'acquisition financé 3,6 fois ce chiffre d'affaires qui était en 1994 de 188.383F ;
Mais considérant, d'une part à l'égard du débiteur principal, que les crédits de la Banque privée européenne ont été accordés à une société civile immobilière Civiamurs, créée le 26 septembre 1991, dont l'objet social était les droits sur tous immeubles, notamment celui du ... destiné à abriter le fonds de commerce d'assurance de l'associée majoritaire, Mme F... ; que celle-ci exerçait une activité professionnelle d'assurance depuis plusieurs années ; que le prêt, octroyé pour l'achat des murs d'un fonds de commerce, concerne ainsi une opération professionnelle menée par une dirigeante avertie des conditions d'exercice professionnel et dont les appelants étaient les associés ; que le chiffre d'affaires de la société Omnibus Express, mentionné dans un acte notarié de vente en 1993 du fonds de commerce d'assurance de Mme F... à la SARL Omnibusexpress, était de 150.000F en 1991 et les bénéfices commerciaux déclarés dans l'acte par Mme F... de 3127F en 1991 ; mais qu'il ne ressort pas de ces valeurs citées par les appelants à l'appui de leurs griefs de preuve d'une situation irrémédiablement compromise de la SCI Civiamurs lors du prêt ; que, d'ailleurs, le prêt a été remboursé pendant plusieurs années ; que la Banque privée européenne n'était pas tenue de mettre en garde les représentants de la SCI ;
Considérant que le prêt du 4 mars 1995 du Crédit du Nord a été consenti à une SARL Vistassur, créée le 27 août 1994, ayant pour activité le courtage d'assurance ; que l'activité de cette société, dont la création était certes récente lors du prêt, s'inscrivait dans la continuité des activités professionnelles du couple M... ; que la banque n'avait pas d'obligation de mise en garde d'un emprunteur averti ; que les appelants font valoir que le chiffre d'affaires de la société Europ'assur déclaré dans l'acte du 4 mars 1995 de cession de fonds de commerce à la société Vistassur, était en 1994 de 188.383F, les bénéfices commerciaux en 1993 ayant été de 19.215F ; que les appelants soulignent que la charge annuelle de l'emprunt de 1.190.000F représentait 130% du chiffre d'affaires annuel ; que la société Vistassur a aussi acquis les parts sociales de la société Europ'assur ; que l'emprunt concernait ces parts à hauteur de 714.000F, le solde, soit 306.000F, étant autofinancé et le fonds de commerce à hauteur de 476.000F, la somme de 204.000F étant versée par la société cessionnaire ; qu'ainsi la comparaison de la charge totale de l'emprunt ne peut être effectuée avec le chiffre d'affaires déclaré alors qu'il ne concerne que le fonds de commerce dont le prix était de 680.000F, sauf à considérer que l'achat des parts de la SARL Europ'assur ne représentait rien, ce qui n'est pas démontré et ne l'a pas été au cours de l'instruction pénale diligentée ; que la preuve d'une situation irrémédiablement compromise de la société Vistassur n'est rapportée ; qu'au demeurant les prêts ont été remboursés pendant plusieurs années ; qu'il n'est pas soutenu que les causes financières du non paiement des crédits par la SCI Civiamurs puis par la société Vistassur aient pu être prévues lors des prêts ;
Considérant, d'autre part à l'égard des cautions, qu'il n'est pas démontré que ni Monsieur ni Madame X... étaient, en raison de leur profession, leur formation ou leur expérience, des emprunteurs avertis des conditions de financement ou de gestion d'un portefeuille de courtage d'assurance ; qu'en présence de cautions non averties, donc profanes, la banque doit les mettre en garde à raison de la disproportion entre la garantie et leurs facultés financières ;
Mais considérant que les banques font état des renseignements sur leur situation de fortune ; que la Banque privée européenne produit une fiche de renseignement établie le 25 juillet 1991 sur la situation de fortune des cautions ; que cette fiche n'est pas signée par les cautions mais que les renseignements portés sont corroborés par les autres pièces produites par la banque : bulletins de salaire, déclaration de revenus et avis d'imposition, attestation notariée de propriété immobilière et taxes foncières ; qu'en 1989 les salaires et pensions imposables du couple étaient de 159.719F et 96.592F, outre des revenus fonciers imposables de 21.014F ; que les époux X... étaient alors propriétaires d'un immeuble situé ... comprenant 3 pièces, sur lequel la Banque privée européenne a inscrit une hypothèque en deuxième rang ; d'un autre immeuble situé ... à Marly la ville ; que la banque avait connaissance d'un emprunt auprès du Crédit Agricole, créancier hypothécaire en premier rang sur l'immeuble de la rue Civiale ; que les époux X... présentent un état de leurs ressources et dettes duquel il ressort un solde de 8545F par an, mais après avoir déduit toutes les dépenses quotidiennes, telles que l'alimentation, l'essence du véhicule et le téléphone qui ne sauraient entrer dans l'appréciation des facultés financières pour fonder une éventuelle disproportion ; que, de même, des charges d'un emprunt postérieur à la date de l'engagement ne peuvent être prises en compte ; qu'il ne ressort pas de leurs ressources imposables de 282.140F et de la consistance à l'époque de leur patrimoine immobilier, déduction faite des charges connues de la banque, de disproportion manifeste ;
Considérant que le Crédit du Nord a fait signer à M. et Mme X... une fiche de renseignements sur leur situation financière datée du 30 mai 1994, soit avant le prêt accordé le 4 mars 1995 ;
Considérant que les appelants font valoir que le document comporte une surcharge et qu'il a été établi près d'un an avant le prêt ; mais que la surcharge relative au revenu de M. X... n'empêche pas de lire le nombre porté ; qu'il n'est pas fait état de changements intervenus dans les ressources, patrimoine, charges ou engagements entre la date d'établissement de la fiche et celle du prêt ; que la fiche mentionne au titre des revenus annuels une retraite de 165.000F de M. X... et un salaire de secrétaire de 98.000F de Mme X... ainsi qu'un patrimoine immobilier composé de la maison d'habitation principale à Marly, estimée par les appelants la somme de 900.000F et d'un appartement ... estimé, de même, 700.000F ; que dans cette fiche les appelants ont aussi mentionné détenir 212 parts d'une SCI "La ferme" estimées 1.500.000F et des parts de la SCI Civiamurs pour 850.000F ; qu'au titre des charges la fiche remise au Crédit du Nord indique quatre prêts représentant une charge annuelle de 32.500F, 30.500F, 12.500F et 22.000F, ainsi que trois cautionnements pour des sommes de 300.000F, 650.000F et 181.000F ; que le cautionnement de 650.000F à échéance septembre 2005 désigne le premier cautionnement litigieux ; que M. X... et Mme X... ont attesté sur la fiche de la banque "n'avoir pas connaissance d'autres charges que celles énoncées" ; qu'il ne se déduit pas de ces facultés financières de disproportion manifeste avec leurs engagements de caution envers le Crédit du Nord ;
Considérant que les banques n'ont pas recueilli des cautions un engagement manifestement disproportionné par rapport à leurs ressources et charges ;
Considérant sur le grief de défaut d'information des emprunteurs et des cautions sur la possibilité d'assurance des prêts que l'acte de 1991 dispose (page 17) que "l'adhésion de l'emprunteur et de la caution à l'assurance groupe contractée par le prêteur, prévues aux conditions particulières du "contrat de prêt", a eu lieu aux conditions de la police dont une notice a été remise aux assurés qui le reconnaissent" ; que l'acte de prêt de 1995 mentionne (article 4) que "la banque a donné connaissance des conditions de mise en jeu de la police d'assurance de groupe" ; qu'il est ajouté que Mme X... a demandé, sous réserve d'acceptation par la compagnie, une adhésion pour le risque décès à concurrence de 50% du prêt ;
Considérant, sur le grief relatif aux loyers, qu'au titre des garanties l'acte de 1991 (page 19) a stipulé la production d'un bail entre la SCI Civiamurs et Mlle F... sur la base d'un loyer annuel de 108.000F permettant de couvrir les charges du prêt ; qu'il n'en ressort pas d'obligation de la banque de vérifier le versement de loyers, sur lequel d'ailleurs les appelants ne se prononcent pas ; qu'en outre, ce défaut ce défaut de vérification n'a fait perdre aucun droit aux emprunteurs ou cautions ;
Sur la responsabilité des banques créancières pour défaut d'information des cautions
Considérant que les époux X... demandent d'appliquer la sanction de l'obligation d'information de l'article L313-22 du Code monétaire et financier, méconnue par la Banque privée européenne sur les années 1991 à 1996, 1999 et 2000 et depuis 2002 ; méconnue en tout temps par le Crédit du Nord ; qu'ils ajoutent qu'en application de l'article 2016 alinéa 2 du Code civil (devenu l'article 2293 alinéa 2) le montant cumulé des intérêts versés par le débiteur principal, au titre des échéances du prêt payé jusqu'à la déchéance du terme doit être imputé sur le montant du capital restant dû en principal ;
Considérant que les cautionnements des époux X... n'étaient pas indéfinis ce qui exclu l'application de l'article 2293 du Code civil ;
Considérant que la Banque privée européenne produit des lettres d'information adressées à l'une et l'autre caution, conformes aux dispositions précitées pour les années 1997 et 2001 ; que les autres courriers sont des mises en demeure de payer dont la première est du 7 octobre 1993 ;
Considérant que le Crédit du Nord produit aux débats deux lettres du 17 février 1996 et du 17 février 1997 ;
Mais considérant que la déchéance concerne les intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; qu'en outre les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier, au sens de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, sous la condition d'un cautionnement, doivent se conformer aux prescriptions de ce texte jusqu'à l'extinction de la dette garantie ;
Considérant, ainsi, que la Banque privée européenne est déchue de l'ensemble des intérêts conventionnels, le Crédit du Nord en étant déchu depuis le 17 février 1997 ;
Sur la responsabilité du notaire
Considérant que les époux X... soutiennent que la responsabilité civile professionnelle de Me H... est engagée ; qu'il existait un conflit d'intérêts puisqu'il était associé du GIE Civiaffaires et le conseil personnel des consorts C... et F... ; qu'en outre il a manqué à son devoir d'information et de conseil en affirmant que l'engagement de caution était sans portée réelle alors qu'il devait leur déconseiller tout engagement ; qu'ils ajoutent que le bail, dont la production était prévue par l'acte de prêt de 1991, n'a jamais été communiqué ;
Mais considérant qu'il n'est pas démontré que la participation de Me H... dans le GIE Civiaffaires, non déniée, ait eu une quelconque influence sur l'engagement des époux X... relatif au prêt du Crédit du Nord, cette participation étant postérieure au premier engagement de caution ; qu'il n'est pas, non plus, démontré que l'obligation d'information du notaire n'ait pas été respectée ; que les actes indiquaient clairement l'étendue et la portée des engagements souscrits ; qu'au titre des garanties l'acte de 1991 (page 19) a prévu deux conditions d'application, la réalisation d'un autofinancement et la production d'un bail entre la SCI Civiamurs et Mlle F... sur la base d'un loyer annuel de 108.000F permettant de couvrir les charges du prêt ; qu'il n'était pas prévu que la vérification de cette production incombe au notaire ni à Me H... qui l'assistait ; que les demandes contre les héritiers de Me H... ne sont pas fondées ;
Sur la responsabilité de M. C... et Mlle F...
Considérant que les époux X... soutiennent que M. C... et Mlle F... les ont tenus à l'écart de la vie des différentes sociétés, ne les ont jamais convoqués aux assemblées générales et que leur attitude était dolosive ;
Mais considérant qu'aucune preuve de dol dont les époux X... seraient victimes n'est rapportée ; que Mme X... a indiqué avoir assisté à des assemblées générales ;
Sur les dommages et intérêts
Considérant que les consorts H... font valoir que les accusations des époux X... à l'encontre de Maître H... leur ont causé un préjudice moral dont ils sont fondés à solliciter la réparation ; que le Crédit du Nord et M. C... sollicitent une indemnisation pour procédure abusive ;
Mais considérant que la mise en cause de Me H..., comme celles du Crédit du Nord et de M. C..., impliquent, pour donner lieu à une indemnisation, la démonstration d'un abus du droit d'agir en justice, laquelle n'est rapportée ;
Considérant que le jugement est confirmé en ses dispositions non contraires au présent arrêt ; qu'il est équitable de laisser à la charge des parties leurs frais non répétibles, les dépens d'appel étant supportés par les époux X... ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent
Dit les époux X... recevables mais non fondés en leurs demandes
Dit que la Banque privée européenne est déchue de tout droit aux intérêts conventionnels dans ses rapports avec les cautions
Dit que le Crédit du Nord est déchu de droit aux intérêts conventionnels dans ses rapports avec les cautions depuis le 17 février 1997,
Rejette toutes autres demandes
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT