RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre B
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2008
(no 6 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/13176
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Septembre 2006 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau - section commerce RG no 05/00377
APPELANTE
SA POMONA
2/4, place du Général de Gaulle
92160 ANTONY
représentée par Me William TROUVE, avocat au barreau de PARIS, toque : A 138
INTIME
Monsieur Marcel X...
...
91380 CHILLY MAZARIN
comparant en personne, assisté de Me Christian Y..., avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Nathalie Z..., avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle BRONGNIART, Président et Monsieur Thierry PERROT, conseiller chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Nadine LAVILLE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Le 19 novembre 1998, M. X... a été engagé par la société Pomona, par contrat à durée indéterminée à effet au 21 décembre 1998, en qualité de comptable 1er échelon, niveau V échelon 1, aux conditions générales de la convention collective nationale comptable. A compter du 1er janvier 2000, il a été admis au statut de technicien.
Par avenant du 28 décembre 2001 conclu dans le cadre de l'accord du 25 octobre 2001 la durée de travail effectif a été fixée à 38h30 par semaine, ramenée à 37h 8 mm par semaine en moyenne sur l'année par l'octroi de 8 JARTT. La rémunération mensuelle brute de 14000 frs constituait "une contrepartie globale et forfaitaire de l'activité" et incluait la rémunération bonifiée des heures supplémentaires dans la limite de cette durée du travail.
Le 23 septembre 2004, M. X... a réclamé le paiement d'heures supplémentaires ("pour la première fois depuis 6 ans, le paiement des heures supplémentaires ou une journée de récupération pour l'inventaire annuel du samedi 25 septembre").
Par lettre recommandée datée du 8 octobre 2004, un avertissement était notifié à M. X... qui l'a contesté.
Par lettre recommandée datée du 17 novembre 2004, une mise à pied disciplinaire de trois jours a été notifiée à M. X... qui l'a contestée.
Le 1er décembre 2004, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement et le 16 décembre 2004, il a été licencié pour faute grave "en raison des incidences comptables et fiscales" des faits qui lui sont reprochés d'avoir dissimulé une erreur par un jeu d'écritures faute d'avoir su en déterminer l'origine et de ne pas en avoir alerter sa hiérarchie.
La cour statue sur l'appel interjeté le 30 octobre 2006 par la société Pomona et le 22 novembre 2006 par M. X... du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Longjumeau le 20 septembre 2006, par lettre datée du 10 octobre 2006 qui a :
- dit le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'employeur à payer
. 13760 € au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément à l'application de l'article L 122-14-4 du code du travail,
. 1.100 € au titre de rappel de salaire pour la mise à pied,
. 4.586 € au titre du préavis et 458,60 € au titre des congés payés afférents,
. 3.210 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
avec capitalisation des intérêts suivant le mécanisme de l'anatocisme, article 1154 du code civil,
. 950 € au titre de l'article 700 du NCPC,
en déboutant M. X... du surplus de ses demandes, notamment d'heures supplémentaires et la société Pomona de sa demande reconventionnelle et en condamnant l'employeur aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 26 juin 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société Pomona demande à la cour
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement des diverses sommes en raison d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de le confirmer en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires ou de rappel de salaire en vertu du principe "à travail égal, salaire égal",
- débouter M. X... de toutes ses demandes,
- le condamner à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire soit 8.239,96 €.
Vu les conclusions du 26 juin 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles M. X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse mais porter le quantum à 27.000 €,
subsidiairement
- confirmer la condamnation tant en son principe qu'en son quantum,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires , congés payés y afférents, repos compensateurs et congés payés y afférents,
et
- condamner la société Pomona à lui payer
. 12.106,22 € au titre des heures supplémentaires,
. 1.210,62 € au titre des congés payés y afférents,
. 2.723,59 € au titre des repos compensateurs,
. 272,35 € au titre des congés payés y afférents,
. 3.189,34 € au titre du non respect de la règle "à travail égal, salaire égal",
. 318,93 € au titre des congés payés y afférents,
outre 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR QUOI,
Sur l'exécution du contrat de travail
. sur les heures supplémentaires
Considérant qu'il est constant que M. X... devait travailler
le lundi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 17h30
le mardi, mercredi et jeudi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30
le vendredi de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30 soit 38h30 par semaine ;
Considérant que les tableaux établis à partir d'une copie du "spoule d'édition" en traitement immédiat intitulé "gestion des états d'un utilisateur", versés par M. X... sont de nature à étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires ; que ces documents établissent la réalité de la présence de M. X... après 17h30 du lundi au jeudi et 16h30 le vendredi ;
Que l'employeur verse des attestations de M. A... et Salamat pour établir que M. X... arrivait toujours entre 8h45 et 9h et ne commençait son travail qu'après un café soit environ un quart d'heure après son arrivée ; que M. X... fait pertinemment observé qu'aucun reproche ne lui a jamais été fait sur son heure de prise de poste ; que ces attestations sont insuffisantes pour établir les horaires effectivement réalisés par M. X... ;
Qu'aux termes de l'avenant du 27 décembre 2001, la rémunération globale et forfaitaire, inclut certes celle des heures supplémentaires mais dans la limite de la durée du travail en vigueur dans l'entreprise soit de 38h 30 ; qu'il appartient à l'employeur d'établir la réalité des horaires de M. X... ; qu'il ne peut pas se contenter de critiquer les pièces versées par son salarié ;
Mais considérant que pour calculer les heures supplémentaires effectuées, M. X... retient le temps écoulé entre l'heure de sortie prévu à son horaire et l'heure mentionnée sur le document "spoule d'édition" ;
Que postérieurement à mi-octobre 2003, M. X... n'a plus fait d'heures supplémentaires qu'à titre exceptionnel comme il l'a écrit dans une lettre du 8 novembre 2004 ("vous savez parfaitement que puisque vous ne payez pas les heures supplémentaires, je n'en fais plus du tout . Et ce depuis la fin du bilan 2003 c'est-à-dire le samedi 18/10/2003 13h45" et encore "cette année personne ne m'a demandé de faire des heures supplémentaires si ce n'est votre adjoint pour le jour de la présentation du bilan au siège le lundi 25 octobre si cela s'averrait nécessaire") ; que le tableau qu'il a établi pour 2003 tient compte de ce fait ;
Qu'en conséquence, il sera fait droit à la demande de M. X... tant au titre des heures supplémentaires que du repos compensateur ;
. sur la règle "à travail égal, salaire égal"
Considérant qu'à compter de janvier 2004, M. B..., devenu Adjoint au chef comptable, cadre, était le supérieur hiérarchique de M. X... de sorte que, et sans qu'il y ait lieu de suivre les parties dans leur discussion relative aux diplômes, leur situation n'étant pas identique, la société Pomona n'a pas méconnu le principe "à travail égal, salaire égal" ;
Qu'en conséquence, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande de rappel de salaire pour la période de février à décembre 2004 ;
Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, les reproches faits à M. X... sont exposés dans les termes suivants :
"Le 15 novembre 2004, vous avez pris le temps de la journée pour établir la déclaration de TVA collectée alors que cette tâche ne requiert normalement que 2 à 3 heures.
Les comptes de la TVA collectée n'étant pas soldés après établissement de la déclaration de TVA, nous vous avons demandé, afin de contrôle, d'effectuer un état de bilan (état G940-11).
Bien que ce dernier fasse ressortir un écart de 386.132,51 €, vous n'avez pas alerté votre hiérarchie.
Après analyse par nos soins de cet écart, nous avons constaté que lors de l'établissement de la déclaration de TVA, vous avez délibérément dissimulé une erreur par un jeu d'écriture parce que vous n'avez pas su déterminer l'origine de l'écart en cause et que vous n'avez pas voulu alerter votre hiérarchie sur ledit écart.
Compte tenu de vos fonctions et de votre ancienneté, il est inadmissible que vous n'ayez pas su détecter l'origine d'un tel écart et de le corriger par la suite.
Le caractère de gravité de cette erreur notamment en raison des incidences comptables et fiscales ainsi que votre comportement, nous contraignent à mettre fin à notre collaboration.
En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave."
Considérant que la société Pomona soutient qu'il est reproché à M. X... non d'avoir effectué une erreur mais de l'avoir dissimulée et d'avoir établi une fausse déclaration ;
Considérant qu'il est constant que M. X... avait, dans le document informatique adéquat, mentionné l'erreur constatée en inscrivant en caractères gras et en rouge
"-386132,51 € regule M-1 ???" de sorte que la société Pomona soutient vainement qu'il y a eu dissimulation et fausse déclaration au motif que cette mention n'était visible qu'à condition d'élargir la fenêtre de l'écran de l'ordinateur ; que l'affirmation selon laquelle en ne signalant pas cette erreur à son supérieur, M. X... a enfreint les règles en cours dans la société Pomona n'est étayée par aucune pièce ; que les incidences comptables et fiscales ne sont pas démontrées dès lors que l'exercice comptable de la société était du 1er octobre au 30 septembre, qu'il s'agissait de la TVA collectée au cours du premier mois de l'exercice comptable, que l'erreur a été rectifiée dans les délais ; que M. X... établit par la production des tableaux de "roulement chronologique des tâches du mois" que, depuis le mois de février 2004, cette tâche était attribuée à d'autres salariés ;
Qu'une telle erreur n'étant pas susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, il n'y a pas lieu de suivre les parties dans leur discussion relative aux sanctions qui avaient été notifiées antérieurement à M. X... ;
Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté et de l'âge du salarié (né le 9 octobre 1971) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, les premiers juges ont exactement évalué, en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail ancien devenu L 1235-3, les dommages et intérêts devant lui être alloués ;
Qu'en outre, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a fait droit aux demandes en paiement du préavis, de l'indemnité de licenciement et des congés payés afférents ;
Considérant qu'en vertu l'article L 122-14-4 alinéa 2 du code du travail ancien (devenu L 1235-4) dont les conditions sont réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par la société Pomona, employeur fautif, est de droit ; que ce remboursement sera ordonné ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application, dès à présent, de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'heures supplémentaires,
statuant à nouveau
DIT que M. X... apporte des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur et de congés payés afférents et que la société Pomona ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par son salarié,
CONDAMNE la Société Pomona à payer à M. X... :
- 12.106,22 € à titre des heures supplémentaires,
- 1.210,62 € au titre des congés payés afférents,
- 2.723,59 € au titre du repos compensateur.
y ajoutant
ORDONNE, dans les limites de l'article L 122-14-4 alinéa 2 du code du travail, (devenu L 1235-4) le remboursement par la société Pomona à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. X...,
CONDAMNE la société Pomona à payer à M. X... 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Pomona aux entiers dépens,
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,