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02/10/2008 | FRANCE | N°06/15290

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0275, 02 octobre 2008, 06/15290


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

5ème Chambre - Section B

ARRET DU 2 OCTOBRE 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15290

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 11 Juillet 2006 de la Cour de Cassation (chambre commerciale) - RG no 05-11.019

APPELANTE

Société SCAPEST (société COOP D'APPROVISIONNEMENT PARIS-EST) représenté par son Président du Conseil d'Administration et Directeur Général

Rue du Moulinr>
51520 ST MARTIN SUR LE PRE

représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour

assistée de Maître Laurent PARLÉANI, av...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

5ème Chambre - Section B

ARRET DU 2 OCTOBRE 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15290

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 11 Juillet 2006 de la Cour de Cassation (chambre commerciale) - RG no 05-11.019

APPELANTE

Société SCAPEST (société COOP D'APPROVISIONNEMENT PARIS-EST) représenté par son Président du Conseil d'Administration et Directeur Général

Rue du Moulin

51520 ST MARTIN SUR LE PRE

représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour

assistée de Maître Laurent PARLÉANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L.36

INTIMEES

Société TOMBLAINE DISTRIBUTION et encore son établissement avenue Eugène Pottier prise en la personne de ses représentants légaux

200 rue de la Recherche

59650 VILLENEUVE D'ASCQ

Société SONEDIS prise en la personne de ses représentants légaux

ZA rue Pasteur

54230 NEUVES MAISONS

représentées par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistées de Maître Pascal WILHELM, avocat au barreau de PARIS, toque : K 24

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral de Madame DEURBERGUE, Président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juillet 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Hélène DEURBERGUE, Président

Madame Catherine LE BAIL, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame KLEIN

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme DEURBERGUE, Président, et par Mme BESSE, Greffier

Vu le jugement du tribunal de commerce de Châlons en Champagne, du 19 mars 1998, qui a condamné la SCAPEST à payer au titre de ristournes 4.072.782 F à la société SONEDIS et 5.597.168 F à la société TOMBLAINE DISTRIBUTION avec les intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 1995, à verser aussi à chaque société une indemnité de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et l'a déboutée de ses demandes de pénalités contre SONEDIS à concurrence de 4.072.782 F et de 10.093.648 F, et contre TOMBLAINE DISTRIBUTION à concurrence de 5.597.168 F et de 13.149.135 F ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Reims, du 15 juillet 2003, qui a, notamment, reçu l'appel de la SCAPEST, a infirmé le jugement en ce qu'il a retenu à son encontre l'existence de manoeuvres dolosives, entraînant la rupture des contrats la liant à SONEDIS et à TOMBLAINE DISTRIBUTION à ses torts et griefs, et en ce qu'il l'a condamnée à verser une indemnité pour frais irrépétibles et, statuant à nouveau, a dit que la rupture et le retrait subséquent de SONEDIS et de TOMBLAINE DISTRIBUTION de la société coopérative leur incombaient et a rejeté les autres demandes des parties, confirmant par substitution partielle de motifs le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Vu l'arrêt du 11 juillet 2006 de la Cour de cassation (chambre commerciale) qui a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Reims, mais seulement en ce qu' il a rejeté la demande de la société SCAPEST tendant à l'application de la deuxième pénalité de retrait aux sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION et à leur condamnation à ce titre et a remis, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris après avoir retenu que la cour d'appel de Reims avait violé, par fausse application, l'article 6 et1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme des libertés fondamentales et le principe de la contradiction, en considérant qu'était soumise à ce texte et à ce principe la décision du conseil d'administration d'une société coopérative qui, appliquant les dispositions des statuts, fixe le montant des pénalités dues par l'associé coopérateur se retirant avant la fin de son engagement ;

Vu la déclaration de saisine du 19 juillet 2006 de la présente Cour par la SCAPEST ;

Vu les conclusions de SCAPEST, du 13 juin 2008, qui prie la Cour de la déclarer recevable dans son appel, de réformer le jugement et de condamner, en application de l'article 11 de ses statuts et de l'article 5 de son règlement intérieur, SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION à lui payer respectivement 1.538.744,16 € et 2.004.552,13 € au titre de la deuxième pénalité statutaire de retrait, ces sommes avec les intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 1996 capitalisés, de rejeter les demandes des intimées et de les condamner solidairement à lui verser une indemnité de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION, du 24 juin 2008, qui sollicitent la Cour de confirmer le jugement sur ses dispositions non définitives à savoir le rejet des demandes de paiement de la deuxième pénalité formées contre chaque intimée et de leur allouer une indemnité de procédure de 100 000 € chacune ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant, à titre liminaire, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de l'appel de la SCAPEST, la cour d'appel de Reims ayant déjà déclaré cet appel recevable par une disposition qui n'est pas remise en cause par l'arrêt de la Cour de cassation ;

Considérant que pour la compréhension du litige et de la saisine de la présente Cour, il sera seulement rappelé que SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION, dont le dirigeant était M. A... et qui exploitaient chacune un centre de distribution sous l'enseigne Leclerc, ont, dans le cadre de l'organisation du mouvement Leclerc, adhéré à la société coopérative d'approvisionnement Paris-Est (SCAPEST) de la région Île-de-France des centres distributeurs de ce mouvement ; qu'à la suite d'un différend, elles se sont retirées de la SCAPEST et ont poursuivi leurs activités sous une autre enseigne ; que le 2 février 1995, le conseil d'administration de la SCAPEST a décidé de leur appliquer des pénalités de retrait prévues par ses statuts et son règlement intérieur ; que la SCAPEST a ensuite demandé la condamnation de ces sociétés à lui payer les sommes fixées par son conseil d'administration ;

Sur la saisine de la présente Cour :

Considérant que les statuts de la coopérative prévoient en cas de retrait d'un coopérateur l'application de deux pénalités, la première compensant la diminution du pouvoir d'achat de la centrale affaiblissant sa capacité de négociation avec les fournisseurs et dont la cour d'appel de Reims a jugé qu'elle n'était pas déterminable dans son montant et l'a écartée par une disposition devenue définitive, la seconde pénalité visant à couvrir la quote-part des charges de SCAPEST qui incombe au coopérateur retrayant ou exclus et qu'il ne réglera plus, assise pour partie sur le pourcentage du chiffre d'affaires de celui-ci ;

Qu'à la suite de l'arrêt de cassation n'est en débat que la seconde pénalité ;

a) sur l'imputabilité de la rupture :

Considérant que SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION font valoir que, même si le moyen du pourvoi ne visait que l'article 6 et1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe des droits de la défense, la Cour ne doit pas se borner à examiner l'application de la deuxième pénalité mais doit statuer auparavant sur l'imputabilité de la rupture, puisque s'agissant d'une clause pénale qui a pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation -le non-respect d'un engagement de fidélité- et dont le montant peut être éventuellement révisé par le juge, il est nécessaire d'apprécier la responsabilité de la situation ayant conduit au retrait de la société coopérative, notamment si celle-ci n'en est pas l'origine, les deux questions étant indivisibles ou à tout le moins liées par une dépendance nécessaire et atteintes toutes deux par la cassation ; qu'elles soutiennent encore qu'elles peuvent soumettre à nouveau à la cour d'appel de renvoi le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense ;

Que, toutefois, force est de constater que l'arrêt de la cour d'appel de Reims a tranché par une disposition qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi, devenue donc définitive, la responsabilité de la rupture des relations de la société coopérative et des coopérateurs ; qu'aux termes de cinq pages de motifs analysant l'imputabilité de la rupture, la Cour, après avoir relevé notamment que M. A... avait violé gravement et délibérément les règles de fonctionnement claires et précises du mouvement Leclerc, a infirmé le jugement en ce qu'il a retenu l'existence de manoeuvres dolosives de la société SCAPEST entraînant la rupture des contrats la liant aux sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION et a dit que la responsabilité de la rupture et du retrait subséquent de celles-ci leur incombait ;

Que cette disposition de l'arrêt a force de chose jugée ;

Qu'il s'ensuit que SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION sont irrecevables à reprendre cette demande devant la cour de renvoi ;

b) sur la violation des droits de la défense :

Considérant que SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION soutiennent encore qu'elles peuvent soumettre à nouveau à la cour d'appel de renvoi le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction et des droits de la défense ;

Qu'elles critiquent à nouveau la décision du conseil d'administration de la SCAPEST ayant donné lieu à un procès-verbal du 2 février 1995 qui a prononcé à leur encontre des pénalités sans qu'elles aient été convoquées ou entendues, décision qui serait nulle ou à tout le moins leur serait inopposable ;

Mais considérant que sur ce point la présente Cour ne peut que s'en rapporter aux motifs de l'arrêt de cassation qui a retenu que n'est pas soumise au principe de la contradiction la décision du conseil d'administration d'une société coopérative qui, appliquant les dispositions des statuts, fixe le montant des pénalités dues par l'associé coopérateur se retirant avant la fin de son engagement ;

Qu'il n'y a donc ni nullité ni inopposabilité de la décision du conseil d'administration de la SCAPEST ayant donné lieu au procès-verbal du 2 février 1995 décidant de l'application d'une seconde pénalité ;

Sur l'entente illicite :

Considérant que SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION exposent que du fait de leur appartenance au mouvement Leclerc, elles ont dû adhérer au GALEC, qui est la centrale nationale de référencement du mouvement, et à la SCAPEST qui est une centrale régionale d'achat, et que leur retrait a entraîné des pénalités en cascade ;

Que les statuts du GALEC, comme ceux de la SCAPEST, prévoient, en effet, que chaque distributeur Leclerc qui se retire avant le terme de la période de 25 ans ou de 30 ans pour les nouveaux adhérents peut être sanctionné par une pénalité comprenant :

- la perte au jour de la décision de retrait de l'associé, de tous droits à ristournes directes ou indirectes non encore payées, qui sont acquises au GALEC ou à la SCAPEST,

- le versement d'une somme représentant un pourcentage du chiffre d'affaires HT des 12 derniers mois d'exercice de l'adhérent qui se retire, multiplié par 5 pour la SCAPEST, et représentant un demi pour cent du chiffre d'affaires TTC de la dernière année civile précédant le retrait pour le GALEC ;

Qu'elles ont ainsi été condamnées, par un arrêt du 28 juin 2001 de la cour d'appel de Versailles, à payer chacune au GALEC une indemnité calculée sur le chiffre d'affaires qui est de 261.834 € pour TOMBLAINE DISTRIBUTION et de 197.966 € pour SONEDIS, et que le cumul des pénalités obtenues par le GALEC et de celles réclamées par la SCAPEST mettra à leur charge une somme totale de 1.800.578,16 € pour SONEDIS et de 2.202.518,13 € pour TOMBLAINE DISTRIBUTION ;

Qu'elles font valoir que ces pénalités statutaires constitueraient une entente illicite au sens de l'article L.420-1 du code de commerce, parce qu'en imposant un coût artificiel à la sortie du réseau ou d'un contrat, ces clauses pénales produisent un effet anticoncurrentiel par restriction à l'accès à un marché en renchérissant les coûts de sortie du contrat et, par conséquent, en limitant les conditions d'accès à ce marché par les concurrents ; que ces pénalités constituent une entrave à la fluidité des adhérents du mouvement Leclerc et ont un effet sensible sur le marché concerné constitué par les marchés locaux de la vente de produits au détail d'un hypermarché correspondant à la zone de chalandise de leurs magasins ; que ces pénalités ont aussi un effet restrictif sur l'ensemble des marchés locaux de distribution en hypermarché sur lesquels est présente l'enseigne Leclerc, qui rassemble 507 centres distributeurs, et qu'il y a un effet restrictif sensible, puisque les centres distributeurs Leclerc représentent en France une part de marché de 17,2 % ;

Que, dans le corps de leurs écritures, même si, dans le dispositif de leurs conclusions, cette demande n'est pas reprise, les intimées sollicitent l'annulation de ces pénalités qui auraient pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché de la grande distribution ;

Considérant que les intimées se référant notamment pour appuyer leur démonstration à la perte de tous droits à ristournes il y a lieu de rappeler que la Cour de cassation a annulé ce type de pénalité qui ne s'applique donc pas et que ce point est hors débat et, que, par ailleurs, les condamnations prononcées au profit du GALEC, qui n'est pas dans la cause, par la cour d'appel de Versailles sont définitives ;

Considérant qu'avant de rechercher s'il y a eu entente illicite comme le soutiennent les intimées, il convient de replacer le litige dans son contexte ;

Qu'en effet, le choix des adhérents de l'enseigne Leclerc est de fonctionner dans un système coopératif, d'une part, et qu'un coopérateur n'est pas un associé qui apporte un capital mais qui prend l'engagement d'apporter son activité à la coopérative, d'autre part ; que, certes, chaque associé peut se retirer d'une société à capital variable sous réserve de conventions contraires mais qu'aussi les statuts d'une coopérative peuvent prévoir une durée d'adhésion obligatoire pour les coopérateurs, ce qui est le cas en l'espèce ;

Que, par ailleurs, l'exclusivisme coopératif interdit à la coopérative de travailler avec des tiers non coopérateurs, ce qui implique que le départ d'un coopérateur affaiblit la capacité de la coopérative, et laisse aux autres coopérateurs la quote-part des charges et du financement des investissements que le coopérateur attrayant ou exclu n'assumera plus, et dont il a bénéficié ;

Considérant qu'il apparaît dès lors normal et légitime que, pour assurer la pérennité de leurs entreprises, les opérateurs du système coopératif mettent en place des mécanismes compensatoires, à savoir que le coopérateur qui se retire doit compenser les conséquences de son départ prématuré et préserver ainsi les autres coopérateurs des conséquences de ce départ ;

Qu'ainsi, la clause pénale qui prévoit le paiement d'une indemnité en cas de départ anticipé d'une coopérative de distributeurs réunis sous la même enseigne constitue un système de fidélisation des adhérents favorable au jeu de la concurrence et que, comme le soutient la SCAPEST, le maintien du système coopératif, auquel la mise en place des pénalités statutaires de sortie anticipée participe, permet aux adhérents du mouvement Leclerc, qui constituent des entreprises de plus petite taille, d'opérer sur le marché de la grande distribution et de faire concurrence à des entreprises de taille beaucoup plus importante ;

Que ces clauses qui limitent la liberté des coopérateurs tout en renforçant la coopérative renforcent la puissance concurrentielle de chaque opérateur grâce à la coopérative ;

Considérant, ensuite, que la pénalité statutaire ne fait pas obstacle au retrait d'un coopérateur du mouvement Leclerc pour rejoindre une autre enseigne ; que son montant n'est pas de nature à empêcher la société adhérente d'exercer son droit de retrait, puisque les dispositions législatives, qui limitent les possibilités d'ouverture de nouveaux supermarchés et hypermarchés, obligent les groupes de la grande distribution, pour augmenter leurs parts de marché, à acquérir des points de vente et, dans ces perspectives de croissance, à supporter le montant de pénalités statutaires dont le coût s'intègre à leur investissement ;

Que nonobstant l'existence de cette pénalité, plusieurs sociétés adhérentes du mouvement Leclerc sont passées à la concurrence et, pour les intimées même, le changement d'enseigne s'est accompagné d'une cession à un groupe concurrent Auchan pour TOMBLAINE DISTRIBUTION et Intermarché pour SONEDIS ;

Considérant, encore, que les intimées ne démontrent pas que les liens existant entre le GALEC et la SCAPEST auraient un effet restrictif sur la concurrence ; que ces liens participent, en effet, à l'organisation et au fonctionnement normal du mouvement Leclerc et permettent d'obtenir une puissance contractuelle suffisante vis-à-vis des fournisseurs ;

Considérant, donc, que l'article 6 des statuts de la SCAPEST, qui aménage les droits de retrait du coopérateur, est conforme à l'article 52 de la loi du 24 juillet 1867, que la durée d'engagement de 25 ans est justifiée par la protection réciproque du coopérateur et de la coopérative et qu'il y a là un facteur de renforcement de la concurrence ;

Qu'ainsi, le preuve d'une entente illicite n'est pas apportée ;

Sur l'application de la pénalité statutaire :

Considérant que cette pénalité forfaitaire a été adoptée, le 25 juillet 1991, par l'assemblée générale mixte des associés de la SCAPEST dont les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION faisaient partie et que ses modalités de calcul sont définies à l'article 11 des statuts ;

Que la SCAPEST, qui explique que le départ d'un adhérent de la centrale entraîne le transfert de la quote-part des coût de structure lui incombant sur les autres adhérents jusqu'à ce que la centrale puisse rendre effectives les mesures visant à neutraliser ces surcoûts, justifie du calcul des pénalités sans que les intimées en critiquent le détail et, notamment, les chiffres servant à ce calcul ; que ces pénalités correspondent à 4,2 années de cotisations, ce qui correspond au délai nécessaire pour reconstituer le chiffre d'affaires correspondant ou pour prendre toutes autres mesures pour adapter les structures de la coopérative ;

Considérant que les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION font vainement valoir que la clause pénale ne peut recevoir application, parce qu'il ne peut leur être reproché de ne pas avoir exécuté leurs obligations et qu'elles n'ont fait qu'exercer leur faculté légale et statutaire de retrait en raison des obstacles opposés par l'ACD LEC à l'exercice de leur commerce et en raison des manoeuvres dolosives de la SCAPEST ;

Qu'en effet, le comportement du débiteur, notamment la faute ou la mauvaise foi, ne sont pas des éléments qui peuvent justifier une éventuelle réduction de ladite clause, et que la cour d'appel de Reims a jugé que les manoeuvres dolosives, dont elles font état, n'étaient pas caractérisées et que la rupture et le retrait subséquent de la coopérative leur incombaient ;

Qu'elles doivent supporter les conséquences qu'entraîne leur retrait sur le fonctionnement de la coopérative ;

Considérant que c'est aussi vainement qu'elles soutiennent que cette pénalité aurait un caractère manifestement excessif et que la SCAPEST n'aurait pas subi de préjudice, alors que ce qui est demandé est l'exécution d'une clause contractuelle qu'elles ont librement acceptée, sous l'observation qu'elles avaient voté en faveur de cette pénalité lors de l'assemblée générale mixte des associés du 25 juillet 1991 et que, par ailleurs, elles ne démontrent pas en quoi, chiffres à l'appui et autrement que par des généralités, cette unique pénalité applicable, après l'annulation de la pénalité relative à la perte des droits à ristournes, serait exagérée dans son montant ;

Qu'il n'y a donc pas de raison de la modérer ;

Considérant que les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION soutiennent que la SCAPEST n'a pas provisionné ces pénalités dans les comptes, de son exercice clos le 31 janvier 1995, ni dans ceux de l'exercice clos le 31 janvier 96, que cette carence permet d'affirmer qu'elle ne détient aucune créance à leur encontre, et que cette non inscription d'une créance à l'actif du bilan doit conduire à considérer qu'elle n'existe pas et à déclarer la demande de la SCAPEST irrecevable en application de l'article L.123- 2 du code de commerce, qui impose l'enregistrement comptable chronologique des mouvements affectant le patrimoine des commerçants dès leur naissance et non de leur encaissement ;

Mais considérant que les dispositions de l'article précité font seulement obligation à la comptabilité de donner une image fidèle de l'entreprise, en tenant notamment compte du respect du principe de prudence, conformément aux prescriptions de l'article L.123-20 du code de commerce ; qu'il s'en suit que l'entreprise est fondée à attendre pour enregistrer un produit qu'il soit certain et réalisé ; qu'en l'occurrence, il s'avère que les créances de pénalité avait un caractère incertain compte tenu du litige sérieux qui opposait les parties, notamment quant à l'applicabilité de la rupture ; qu'en outre à défaut de disposer d'un titre exécutoire, la SCAPEST ne pouvait entreprendre aucune mesure d'exécution forcée à l'encontre des deux sociétés pour en assurer leur recouvrement ; qu'elle ne peut être présumée y avoir renoncé, et qu'elle a d'ailleurs exercé son droit en formant une demande reconventionnelle ;

Qu'il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement qui l'avait déboutée de sa demande et de condamner les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION à lui payer respectivement 1.538.744,16 € et 2.004.552,13 €, avec les intérêts au taux légal à compter de la demande faite par voie de conclusions du 17 octobre 1996, et capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que l'équité commande condamner les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION à payer à la SCAPEST une indemnité de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter leur demande ;

Considérant qu'en raison du sens du présent arrêt elles doivent aussi supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement sur le rejet des demandes de la société SCAPEST au titre de la seconde pénalité statutaire,

Statuant à nouveau de ce chef

Condamne les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION à payer à la SCAPEST les sommes respectivement de 1.538.744,16 € et 2.004.552,13 €, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 1996 capitalisés et une indemnité de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les sociétés SONEDIS et TOMBLAINE DISTRIBUTION aux dépens du présent arrêt qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0275
Numéro d'arrêt : 06/15290
Date de la décision : 02/10/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-10-02;06.15290 ?
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