Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
5ème Chambre - Section B
ARRÊT DU 2 OCTOBRE 2008
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/21966
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS - 15ème Chambre - RG no 03/32996
APPELANTES
S.A.S. PRODIM, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège Z.I. route de Paris
14120 MONDEVILLE
représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistée de Me Jacques LEBLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P88
S.A.S. CHAMPION SUPERMARCHES FRANCE- CSF- venant aux droits de la société LOGIDIS, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège Z.I. route de Paris
14120 MONDEVILLE
représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistée de Me Jacques LEBLOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P88
INTIMÉES
Société ETABLISSEMENT SEGUREL
ayant son siège ZAC Bois l'Epicier - MOULETTE
78550 HOUDAN
représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour
assistée de Me Pascal BROUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P 64
Société FRANCAP
Ayant son siège 40, rue des Terroirs de France - BERCY EXPO
75012 PARIS
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier GUIDOUX collaborateur de la SCP DEPREZ DIAN GUIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P221
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral de M. PICQUE, Conseiller, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Hélène DEURBERGUE, Présidente
Madame Catherine LE BAIL, Conseillère
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Hélène DEURBERGUE, président et par Mme BESSE, greffier.
Initialement la S.A.S. PRODIM a consenti à Monsieur Jacques C... une franchise SHOPI d'une durée de 7 années à compter du 15 mars 1993, assortie d'un engagement d'approvisionnement d'une durée de 5 ans, pour l'exploitation d'un fonds de commerce situé à Beauvais dans l'Oise, au sein du centre commercial du Plateau de Camard.
Ultérieurement, le contrat d'approvisionnement a été repris par la société LOGIDIS, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui, la SOCIÉTÉ CHAMPION SUPERMARCHÉ FRANCE -CSF-.
Le 19 septembre 1996, Monsieur C... a notifié la résiliation du contrat de franchise à compter du 31 août précédent et celle du contrat d'approvisionnement, à compter du 30 septembre suivant.
De son côté, la société PRODIM a fait constater par huissier de justice, les 3 octobre et 13 décembre suivants, l'apposition immédiate de l'enseigne concurrente "COCCINELLE" et la commercialisation corrélative des marques propres y attachées. En outre, elle a fait sommation aux consorts C... et à la société FRANCAP, par actes d'huissier de justice des 9 et 24 octobre 1996, de déposer l'enseigne "COCCINELLE" et de retirer tous les produits de marque liés à ladite enseigne.
Une procédures arbitrale ultérieurement engagée a conduit à la condamnation de Monsieur C... à payer à la société PRODIM:
- 367.614,40 F (56.024,45 €) au titre de factures impayées,
- 176.498,12 F (26.906,96 €), au titre de la clause pénale du contrat de franchise,
- 60.000 F (9.146,94 €), à titre de dommages et intérêts pour résiliation du contrat d'approvisionnement.
Estimant, notamment, que le franchiseur de la nouvelle enseigne et la nouvelle société bénéficiant du contrat d'approvisionnement étaient complices des violations contractuelles commises par Jacques C..., la société PRODIM et la société CSF CHAMPION SUPERMARCHÉ FRANCE (société CSF), cette dernière étant venue aux droits de la société LOGIDIS au titre du contrat d'approvisionnement, ont attrait les S.A. FRANCAP DISTRIBUTION (société FRANCAP) et ETABLISSEMENTS SEGUREL (société SEGUREL) les 15 et 16 avril 2003 devant le Tribunal de commerce de Paris pour les entendre condamner "in solidum", à payer :
- d'une part à la société PRODIM, 98.325,45 €, au titre des pertes de cotisations de franchise, 228.000 € pour atteinte au réseau et à la notoriété de l'enseigne et 150.000 € en réparation du dommage résultant de la concurrence déloyale et du préjudice moral,
- d'autre part à la société CSF, 63.571 € au titre de la perte de marge brute résultant de la rupture prématurée du contrat d'approvisionnement.
Il convient ici de relever que les sociétés PRODIM et CSF ont précisé (conclusions page 8) que le Tribunal arbitral avait rejeté les autres demandes initialement diligentées à l'encontre de Monsieur C... :
- de la société PRODIM, concernant l'indemnisation liée à l'application de la clause pénale et à la perte des cotisations de franchise outre l'atteinte à la notoriété du réseau,
- de la société CSF, concernant l'indemnisation de la perte liée à la rupture anticipée du contrat d'approvisionnement et à la perte de marge consécutive.
Par jugement contradictoire du 28 octobre 2005, le Tribunal a déclaré la société CSF recevable en son action en venant aux droits de la société LOGIDIS en rejetant la fin de non-recevoir correspondante soulevée par la société FRANCAP, puis, estimant essentiellement :
- d'une part,"que les sociétés PRODIM et CSF n'étayent leurs moyens que par des affirmations, faisant état de présomptions tirées de coïncidences ou de similitudes de faits, mais n'apportant aucun fait précis ou élément de preuve, susceptibles de fonder l'existence des fautes qu'elles reprochent aux défenderesses",
- d'autre part, que les demanderesses "ne sauraient trouver un fondement à une action contre FRANCAP et SEGUREL pour obtenir ce qu'elles n'ont pu recevoir de leur action contractuelle contre Monsieur C... devant les arbitres,
a débouté les sociétés PRODIM et CSF de leurs demandes en les condamnant à payer 15.000 € à la société FRANCAP et 10.000 € à la société SEGUREL de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 5.000 € chacune au titre des frais irrépétibles.
Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2005, par les sociétés PRODIM et CSF et leurs ultimes écritures signifiées le 30 mai 2008 et re-déposées au greffe le 24 juin suivant, réclamant chacune, 10.000 € de frais irrépétibles et :
- d'une part, renonçant à leurs demandes à l'encontre de la société FRANCAP tout en sollicitant le rejet des demandes de celle-ci au titre des dommages et intérêts et des frais irrépétibles, ou à défaut, la réduction de ces derniers,
- d'autre part, poursuivant, pour le surplus, l'infirmation du jugement en renouvelant les prétentions antérieurement formulées devant les premiers juges, mais en ne les dirigeant désormais, qu'à l'encontre de la société SEGUREL ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 juin 2008, par la société SEGUREL poursuivant la confirmation du jugement en réclamant en outre 3.000 € de dommages et intérêts "pour appel abusif " et 15.000 € de frais irrépétibles, tout en formant appel incident en demandant l'annulation de la clause de non-réaffiliation et en priant la Cour, au visa de l'article L 462-3 du Code de commerce, de saisir le Conseil de la concurrence pour "avis sur la conformité de la clause d'approvisionnement avec les articles L 420-1 et L 420-2 du Code de commerce" ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 septembre 2006 par la société FRANCAP, soit avant le désistement des sociétés PRODIM et CSF à son encontre, réclamant 5.000 € de dommages et intérêts pour appel abusif et 10.000 € de frais irrépétibles et poursuivant la confirmation de la décision critiquée, tout en sollicitant, à titre principal, sa mise hors de cause et en priant, subsidiairement, la Cour, de dire :
- que la sentence arbitrale du 30 mars 1998 concernant Monsieur C... ne lui est pas opposable,
- et qu'à défaut de relations contractuelles avec ce dernier, avec lequel elle affirme n'être jamais entrée en relation et avoir ignoré l'existence de tout lien contractuel avec PRODIM, elle n'a pas engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard des appelantes ;
SUR CE, la Cour :
Considérant qu'invoquant notamment les mentions figurant sur le site internet de la société SEGUREL, les sociétés PRODIM et CSF estiment que celle-ci est une centrale régionale gérant l'enseigne "COCCINELLE", fournissant les points de vente de ses adhérents et leur apportant assistance et conseils techniques pour, notamment, la mise en place du concept, le montage financier, les études de marché et la définition des assortiments.
Que, qualifiant cette intimée de professionnelle de la distribution, les appelantes lui font grief d'avoir contribué à la rupture avant terme des contrats de franchise et d'approvisionnement en mettant l'enseigne "COCCINELLE" à sa disposition et en lui reprochant :
- d'avoir agi en connaissance des liens contractuels reliant Monsieur C... au réseau "SHOPI" ou, à tout le moins, de ne pas s'être préalablement renseignée sur ceux-ci,
- d'avoir approvisionné le franchisé en produits de marque propre dépendant de sa centrale FRANCAP ;
Qu'elles estiment que "les petites supérettes de village" ne peuvent pas réellement exister sans l'appui économique et logistique d'une grande enseigne de la distribution, de sorte qu'elles en déduisent que Monsieur C... n'aurait pas quitté le réseau "SHOPI" sans avoir été préalablement assuré d'intégrer un autre réseau et qu'elles précisent qu'il existe aujourd'hui environ 1.000 magasins aux enseignes "COCCINELLE" ou "COCCIMARKET" ;
Que la société PRODIM fait aussi état du démarchage par SEGUREL de certains de ses franchisés en leur prétendant que les contrats existants avec PRODIM ne faisaient nullement obstacle à un changement d'enseigne, pour en déduire que la démarche de l'intimée s'apparente à une "action concertée de grande ampleur, destinée à s'approprier des points de vente adhérents à un réseau concurrent" ;
Qu'elle soutient que la clause de non- réaffiliation immédiate :
- est conforme au droit interne, en ce qu'elle est limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle est proportionnée à la protection légitime des intérêts du franchiseur, sans pour autant empêcher l'ancien franchisé de continuer à exploiter son fonds de commerce,
- ne concerne pas le droit communautaire, en ce que le réseau "SHOPI" étant exclusivement national en ne représentant qu'une part de marché inférieur à 5 %,, n'est pas de nature à affecter le commerce entre États membres de l'Union européenne ;
Considérant que pour sa part, la société SEGUREL, niant formellement la qualité de franchiseur :
- se définit comme étant un grossiste alimentaire n'imposant aucune obligation à ses clients, qui demeurent libres de s'approvisionner auprès des fournisseurs de leur choix,
- et explique qu'elle a fourni Monsieur C... après que celui-ci avait préalablement rompu ses relations contractuelles avec les sociétés PRODIM et CSF en ayant suivi la procédure de résiliation prévue à son contrat par la notification d'une mise en demeure, le 29 juillet 1996, se plaignant des conditions financières ne lui permettant pas d'assurer la pérennité de son entreprise ;
Qu'estimant que le contrat entre Monsieur C... et la société PRODIM permettait la résiliation unilatérale en certaines circonstances, elle en déduit qu'il n'y a pas eu de faute dans l'exercice du droit de résiliation et qu'en conséquence, aucune tierce complicité n'est susceptible d'être recherchée ;
Que se disant victime de "harcèlement judiciaire" de la part de la société PRODIM, elle estime qu'il ne peut pas lui être reproché une négligence fautive, dès lors que les liens contractuels précédents avaient été rompus ;
Que s'étonnant du défaut de production par les appelantes, de la sentence arbitrale du 30 mars 1998, ayant tranché le litige sur la rupture de leur contrat avec Monsieur C... et sur le fondement duquel elles prétendent aujourd'hui poursuivre une prétendue complicité, la société SEGUREL précise :
- d'une part, que, nonobstant la condamnation du franchisé pour rupture abusive, le tribunal arbitral a aussi retenu une inexécution fautive de la société PRODIM en n'ayant pas transmis un savoir-faire original et a, par ailleurs, rejeté la demande relative à l'exécution forcée de la clause de non-concurrence en estimant que la démonstration n'était pas rapportée de ce que l'enseigne "COCCINELLE" aurait une notoriété nationale et régionale,
- d'autre part, qu'ayant diligenté une nouvelle procédure à l'encontre de Monsieur C... en soutenant qu'elle n'avait pas antérieurement sollicité de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence, la société PRODIM a été déclarée irrecevable par la seconde sentence arbitrale du 8 novembre 2001, les arbitres ayant estimé que ladite demande se heurtait à l'autorité de la chose précédemment jugée par la première sentence ;
Qu'elle fait valoir que la société PRODIM a déjà été indemnisée par la sentence arbitrale de la perte alléguée au titre des redevances de franchise, selon le calcul forfaitairement prévu par le contrat à hauteur de 12 mois ;
Qu'estimant que le franchiseur n'a pas transmis un savoir-faire secret, substantiel et identifié, non accessible par ailleurs, et analysant la clause de non ré-affiliation comme une clause de non-concurrence, elle l'estime illicite, et comme telle nulle, car n'étant pas strictement nécessaire à la protection d'un intérêt légitime et entraînant une entrave à la libre concurrence enfreignant l'ordre public économique tant national que communautaire en ce :
- qu'elle procure à la société PRODIM un avantage anormal en rendant plus difficile la pénétration du marché par les enseignes concurrentes en cherchant en réalité à protéger, non la franchise elle-même, mais un territoire,
- qu'elle vise aussi, en réalité, à faire subir des représailles à l'ancien franchisé en ne lui permettant pas l'accès immédiat à un autre réseau, l'empêchant d'exploiter correctement son fonds de commerce en n'étant plus en mesure de s'approvisionner, en segmentant correctement son offre de produits avec une part de marques de distributeur (MDD), sur lesquelles il dégage sa meilleure marge,
- que les seuils minima de parts de marché sont dépassés pour la mise en oeuvre de la réglementation européenne, la société PRODIM étant filiale à 100 % du groupe CARREFOUR, lequel regroupe 1.600 magasins de proximité en France,
- que dès lors, la société PRODIM ne peut pas bénéficier du règlement d'exemption no4087/88 du 30 novembre 1988, relatif aux accords de franchise, qui exclut les obligations de non-concurrence post-contractuelles interdisant, directement ou indirectement, pendant plus d'un an, de vendre à l'expiration de l'accord, les biens ou services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels et sans être indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur ;
Que critiquant la preuve que se serait constituée à elle-même la société CSF au soutient de sa demande d'indemnisation, la société SEGUREL estime aussi que le contrat d'approvisionnement ne contient pas de véritable clause d'exclusivité et qu'en tout état de cause, il ne pourrait s'agir que d'une perte de chance d'avoir à continuer d'approvisionner le magasin de Monsieur C... ;
ceci ayant été rappelé,
Sur la complicité reprochée à la société SEGUREL dans la violation par Monsieur C... de ses obligations contractuelles envers les sociétés PRODIM et CSF
1o- au moment de l'établissement des nouvelles relations contractuelles entre Monsieur C... et la société SEGUREL :
Considérant qu'en prétendant, sans l'établir formellement, que la société SEGUREL aurait systématiquement démarché les membres de son réseau pour les encourager à résilier leurs contrats avant le terme initialement convenu, en leur affirmant que les contrats existants avec PRODIM n'auraient nullement fait obstacle à un changement d'enseigne, les appelantes n'en n'articulent pas pour autant de demande précise dans le cadre de la présente instance, laquelle est essentiellement introduite sur le fondement d'une complicité alléguée dans la violation des engagements contractuels par Monsieur C... ;
Qu'en se bornant à mettre en perspective les litiges successifs les opposant (ou les ayant opposées) aux sociétés FRANCAP et SEGUREL lors de la rupture anticipée des contrats de franchise et d'approvisionnement d'autres franchisés, les appelantes ne démontrent pas pour autant la prétendue "action concertée de grande ampleur, destinée à s'approprier des points de vente adhérents à un réseau concurrent", étant surabondamment observé que les fonds de commerce desdits points de vente sont généralement la propriété des franchisés concernés eux-mêmes ;
Qu'au demeurant, les appelantes et les intimées interviennent concurremment sur le marché de la distribution de proximité et qu'en régime de libre concurrence, il est loisible aux unes de faire valoir auprès des adhérents des réseaux des autres, les avantages allégués de leur mode de distribution, dès lors qu'elles ne souscrivent pas de liens contractuels nouveaux tant que les anciens sont encore en vigueur et qu'elles ne participent pas aux éventuelles violations des obligations contractuelles que pourraient commettre les franchisés vis-à-vis de leur franchiseur ;
Considérant que le 19 septembre 1996, Monsieur C... a notifié la résiliation de la franchise "SHOPI", à effet du 31 août précédent, et du contrat d'approvisionnement à partir du 30 septembre suivant ;
Qu'en poursuivant l'intéressé devant la juridiction arbitrale, non en exécution forcée des contrats jusqu'à leur terme initialement convenu, mais en indemnisation des conséquences de la rupture anticipée de ceux-ci, les sociétés PRODIM et CSF ont implicitement admis que les dates précitées étaient celles de la fin des relations contractuelles entre les parties concernées ;
Que les appelantes n'établissent pas que l'enseigne "COCCINELLE" aurait été apposée antérieurement au premier constat d'huissier de justice, dressé le 3 octobre 1996, soit postérieurement à la fin des relations contractuelles entre Monsieur C... et les sociétés PRODIM et CSF, étant observé qu'il ressort de l'exposé de la sentence arbitrale du 30 mars 1998 (page 15), que la société PRODIM avait indiqué aux arbitres que l'enseigne "COCCINELLE" avait été apposée le 11 octobre 1996 ;
Qu'il résulte de ces constatations, qu'au jour de la mise en oeuvre des relations contractuelles découlant de la concession de la nouvelle enseigne, Monsieur C... était dégagé des liens des anciens contrats ;
Considérant par ailleurs, qu'il n'a pas été contesté que, dès avant la notification de la rupture, Monsieur C... avait adressé le 29 juillet 1996 (par l'intermédiaire de son conseil), à la société PRODIM, une mise en demeure d'avoir à lui fournir divers éléments en invoquant différents griefs ;
Qu'il ressort des termes de la sentence arbitrale du 30 mars 1998 (page 2), que Monsieur C... reprochait alors essentiellement à la société PRODIM une marge insuffisante sur l'épicerie, une politique de promotion inadaptée, de nombreux manquements et des dates limites de vente toujours plus proches ;
Que dans la lettre de rupture du 19 septembre 1996, Monsieur C... invoque le défaut de réponse du franchiseur dans le délai contractuel, dont il estimait qu'il avait expiré le 31 août précédent, pour "constater" la résolution du contrat de franchise et dénoncer corrélativement, le contrat d'approvisionnement qui y était lié ;
Considérant que, indépendamment de ces griefs contre les sociétés PRODIM et CSF, dont la Cour n'est pas saisie, force est de constater que ces sociétés ne démontrent pas que la société SEGUREL aurait fait bénéficier Monsieur C... d'une aide l'invitant à penser qu'il était en mesure de s'affranchir de ses anciens liens contractuels, qu'il estimait devenus financièrement insupportables, ce d'autant qu'il n'est pas prouvé que la société SEGUREL aurait été en pourparlers avec lui pendant toute la période de cristallisation du litige, depuis la mise en demeure du 29 juillet 1996 jusqu'à la notification de la rupture le 19 septembre suivant, étant observé en outre, que l'intervention, durant cette période, du même avocat que celui de la société SEGUREL pour assister ou conseiller Monsieur C... est, à elle seule, insuffisante à démontrer l'existence de telles discussions ;
Qu'après avoir seul, rompu ses liens contractuels avec les sociétés PRODIM et CSF, il était loisible à Monsieur C... de se tourner vers de nouveaux fournisseurs, lesquels, mêmes s'ils avaient connaissance des liens antérieurement entretenus entre l'intéressé et les sociétés PRODIM et CSF, pouvaient sans faute, contracter avec leur nouveau client, dès lors qu'il n'est pas discutable qu'au moment de la souscription des nouveaux liens contractuels, les anciens avaient été rompus sans leur aide et qu'il n'a pas été allégué que les co-contractants PRODIM et CSF, au titre des contrats résiliés avant terme, en poursuivaient néanmoins l'exécution forcée ;
2o- postérieurement à l'établissement des nouvelles relations contractuelles entre Monsieur C... et la société SEGUREL :
Considérant que pour la période postérieure, la société PRODIM, faisant essentiellement grief à Monsieur C... d'avoir violé son obligation contractuelle de non-réaffiliation à un réseau concurrent pendant un an, reproche à la société SEGUREL de l'y avoir aidé en lui concédant l'enseigne COCCINELLE ;
Que la société PRODIM fait valoir que la société SEGUREL savait que Monsieur C... n'était pas délié de ses engagements de non ré-affiliation immédiate à une nouvelle enseigne, en ce que ces obligations sont usuelles dans l'activité considérée et que leur seule connaissance de l'affiliation antérieure de l'intéressé au réseau SHOPI, par la présence de l'enseigne correspondante sur la devanture du magasin, suffit à établir cette connaissance par des tiers professionnels de la même branche d'activité ;
Que le contrat de franchise stipule, en son article 6, qu'en cas de rupture, Monsieur C... s'interdit l'utilisation, durant un an après la rupture, d'une enseigne de renommée nationale ou régionale ;
Que la société SEGUREL n'a pas contesté être à l'origine de la mise à disposition gratuite, de la nouvelle enseigne COCCINELLE au profit de Monsieur C...;
Mais considérant que dans l'instance arbitrale ayant opposé la société PRODIM et Monsieur C..., les arbitres, dont il n'a pas été contesté que la décision est aujourd'hui définitive, ont estimé (sentence page 16) que le franchiseur n'avait pas démontré "que l'enseigne COCCINELLE aurait une notoriété nationale ou régionale qui permettrait de la faire entrer dans le champs d'application de l'article 6 du contrat " ;
Qu'aucune faute contractuelle n'ayant été établie de ce chef, à l'encontre de Monsieur C..., les appelantes ne sont pas aujourd'hui fondées à prétendre que la société SEGUREL aurait été complice d'une violation contractuelle qui n'a pas été démontrée à l'encontre du co-contractant ;
Que surabondamment, il convient aussi d'observer qu'en faisant état de situations largement postérieures à l'époque des faits, les appelantes n'ont pas davantage démontré, dans la présente instance, que l'enseigne COCCINELLE était d'une renommée nationale ou régionale en 1996 et que le reproche au titre de la commercialisation des produits de la marque BELLE FRANCE est dès lors tout aussi inopérant, à défaut de démontrer que cette marque était, à la même époque, liée à une enseigne de renommée nationale ou régionale ;
Qu'en conséquence, il est devenu sans intérêt de se pencher sur la validité de la clause de non ré-affiliation, la suggestion de solliciter l'avis du conseil de la concurrence devenant, quant à elle, sans objet ;
Que par ailleurs, il n'existe pas d'engagement post-contractuel dans le contrat d'approvisionnement et, nonobstant les conditions fautives de sa rupture anticipée, qui ont été soumises au juge du contrat, la société CSF n'est pas fondée à prétendre aujourd'hui (conclusions page 29) "qu'ayant fautivement résilié son contrat d'approvisionnement, il n'était pas en droit de s'approvisionner auprès de la société SEGUREL" ;
Sur la mise hors de cause de la société FRANCAP
Considérant que la société FRANCAP a maintenu sa demande principale de mise hors de cause ;
Mais considérant qu'elle ne dément pas être propriétaire de l'enseigne "COCCINELLE" et que l'action engagée à son encontre par les sociétés PRODIM et CSF a notamment pour objet précisément de vérifier si les conditions de mise à disposition de la nouvelle enseigne ont effectivement aidé Monsieur C... à violer ses obligations contractuelles vis-à-vis de la société PRODIM, le principe de la violation dénoncée ayant été admis par la sentence arbitrale du 30 mars 1998, aujourd'hui définitive ;
Qu'il y a lieu, en conséquence de la maintenir dans la cause et de constater que les appelantes ne formulent plus de demandes à son endroit, et d'en déduire que les demandes formulées subsidiairement par la société FRANCAP concernant l'inopposabilité à son égard de la sentence arbitrale du 30 mars 2008 et la contestation de sa responsabilité quasi-délictuelle sont désormais devenues sans objet ;
Sur les demandes de dommages et intérêts et les frais irrépétibles
Considérant qu'il résulte des écritures de la société PRODIM que les demandes de dommages et intérêts, qu'elle sollicite au titre, tant d'une concurrence déloyale et d'un préjudice moral, que des pertes de cotisations de franchise et de l'atteinte au réseau et à la notoriété de l'enseigne, sont fondées principalement sur la prétendue complicité qu'elle reproche à la société SEGUREL dans la rupture du contrat de franchise par Monsieur C... ;
Que de même, la demande de la société CSF au titre de la perte de marge brute résultant de la rupture prématurée du contrat d'approvisionnement se fonde également sur la prétendue complicité qu'elle reproche à la société SEGUREL dans la rupture du contrat d'approvisionnement par l'intéressé ;
Que celle-ci n'étant pas admise par la Cour, les demandes correspondantes ne sont pas justifiées ;
Considérant que les appelantes ont sollicité :
- expressément le rejet de la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société FRANCAP pour procédure abusive,
- et, du fait de l'exercice général du recours en appel, implicitement celle formulée au même titre par la société SEGUREL ;
Mais considérant qu'en mettant en exergue les décisions antérieurement prononcées entre les mêmes parties dans des affaires similaires, le Tribunal a octroyé des dommages et intérêts aux sociétés FRANCAP et SEGUREL, pour procédure abusive ;
Qu'il apparaît désormais, qu'instruites sur la réalité de leurs droits, par les décisions antérieures, les sociétés PRODIM et CSF n'ont initialement attrait les sociétés FRANCAP et SEGUREL dans la présente instance, que parce qu'il s'agissait de sociétés qui leur faisaient concurrence en proposant leurs services aux commerçants indépendants franchisés dans leurs réseaux ;
Que disposant des moyens puissants, du fait de leur appartenance à un groupe de distribution d'importance mondiale, les sociétés PRODIM et CSF ont essayé d'entraver l'action de leurs concurrents en multipliant les instances judiciaires, génératrices de frais significatifs, dont les intéressées doivent faire l'avance, et grevant leur trésorerie à due concurrence, dans l'espoir dissimulé, de les voir renoncer de continuer à venir leur faire concurrence auprès des franchisés de leurs réseaux ;
Que ce faisant, en visant, non à protéger les intérêts légitimes de leur réseau de distribution, mais à protéger un territoire correspondant à la zone de chalandise des franchisés concernés, les sociétés PRODIM et CSF ont, par malice et calcul de pure opportunité, fait dégénérer en abus, leur droit d'agir en justice contre les sociétés défenderesses, lesquelles sont étrangères au contrat de franchise ayant existé entre la société PRODIM et Monsieur C... ;
Qu'en conséquence, les condamnations prononcées par les premiers juges au titre de la procédure abusive, seront confirmées ;
Considérant que, par ailleurs, la société SEGUREL réclame 3.000 € de dommages et intérêts pour appel abusif et que la société FRANCAP a aussi maintenu sa demande, à hauteur de 5.000 €, au même titre ;
Que les moyens au soutien de l'appel ne sont pas fondamentalement différents de ceux soumis, sans succès, au Tribunal et qu'il apparaît tout autant que le recours ainsi diligenté devant la Cour, poursuit en réalité le même objectif d'intimidation de sociétés concurrentes notoirement moins puissantes financièrement ;
Que ce faisant, les sociétés PRODIM et CSF ont aussi, par malice et calcul de pure opportunité, fait dégénérer en abus, leur droit d'exercer un recours en appel à l'encontre de la décision des premiers juges, dont le préjudice correspondant, éprouvé par les intimées, doit aussi être réparé ;
Que les appelantes seront condamnées à des dommages et intérêts complémentaires dont le montant est précisé au dispositif ci-après, mais que cependant, s'étant ensuite désistées de leur recours à l'encontre de la société FRANCAP, en indiquant vouloir tirer les conséquences d'une décision antérieure de la Cour dans une affaire comparable, il convient d'en tenir compte dans l'évaluation du dommage concernant cette dernière intimée ;
Considérant aussi, qu'il serait inéquitable de laisser aux intimées, la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'elles ont dû exposer en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, par substitution partielle de motifs,
Y ajoutant,
Condamne solidairement les S.A.S. PRODIM et SOCIÉTÉ CHAMPION SUPERMARCHÉ FRANCE -CSF- à payer des dommages et intérêts complémentaires pour appel abusif, à hauteur de :
- TROIS MILLE euros (3.000 €) au profit de la S.A. ETABLISSEMENTS SEGUREL,
- MILLE CINQ CENT euros (1.500 €) au profit de la S.A. FRANCAP DISTRIBUTION,
Condamne les mêmes, sous la même solidarité, aux dépens d'appel et à verser des frais irrépétibles supplémentaires d'appel, à hauteur de :
- QUINZE MILLE euros (15.000 €) au profit de la S.A. ETABLISSEMENTS SEGUREL,
- CINQ MILLE euros (5.000 €) au profit de la S.A. FRANCAP DISTRIBUTION,
Admet les SCP GUIZARD et ROBLIN-CHAIX DE LAVARENE, chacune pour ce qui la concerne, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT