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25/09/2008 | FRANCE | N°06/21767

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0302, 25 septembre 2008, 06/21767


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre-Section B

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 21767

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 1995- Tribunal de grande instance de PARIS-RG no 1994 / 14467

APPELANTE

Société AXA BANK précédemment ANHYP
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège B 2600 ANVERS Grotesteenweg-214 (BELGIQUE)

reprÃ

©sentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Thierry X..., avocat au barreau de PARIS, toque : R ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

15ème Chambre-Section B

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 21767

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 1995- Tribunal de grande instance de PARIS-RG no 1994 / 14467

APPELANTE

Société AXA BANK précédemment ANHYP
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège B 2600 ANVERS Grotesteenweg-214 (BELGIQUE)

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Thierry X..., avocat au barreau de PARIS, toque : R 147, (Association GICQUEAU-VERGNE)

INTIMES

Monsieur Michel Y...
demeurant ...
49160 LONGUE JUMELLES

représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assisté de Me Z...Rodolphe, avocat au barreau de PARIS, toque : D719

A...Claude Charlotte B...épouse Y...
demeurant ...
49160 LONGUE JUMELLES

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Z...Rodolphe, avocat au barreau de PARIS, toque : D719

S. C. I. DU DOMAINE DU GRAND VERGER
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
49160 LONGUE JUMELLES

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Z...Rodolphe, avocat au barreau de PARIS, toque : D719

S. C. I. SAINT-JEAN
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
49004 ANGERS

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Z...Rodolphe, avocat au barreau de PARIS, toque : D719

INTERVENANT FORCE

Maître Philippe C..., ès qualité de mandataire ad hoc en suite de la clôture de la liquidation judiciaire de la société CABINET LUCE
demeurant ...
78000 VERSAILLES

représenté par la SCP LAMARCHE-BEQUET-REGNIER-AUBERT-REGNIER-MOISAN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me D...LA TOURAILLE, du barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mlle Sandrine E...

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Madame HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 2 mars 1989, M. et Mme Y...ont signé, tant pour leur compte que pour la SCI Saint Jean, un contrat avec le Cabinet Luce aux fins de rechercher un crédit de 3 000 000 francs français de type " roll-over " en multi-devises.
Par acte sous seing privé du 2 juin 1989, réitéré le même jour devant Maître F..., notaire à Paris, la Caisse Hypothécaire Anversoise Anhyp a consenti une ouverture de crédit à Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean pour un montant de 23 750 000 francs belges, soit la contre valeur de la somme de 3 800 000 francs français.
M. Michel Y...s'est porté caution solidaire de ce prêt à l'égard de la banque et ses parents, cautions hypothécaires.
Le 1er juin 1994, M. et Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean ont assigné la Caisse Hypothécaire Anversoise Anhyp devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir prononcer la nullité de l'ouverture de crédit en raison du défaut d'agrément de la banque.

Par jugement du 29 juin 1995, le tribunal de grande instance de Paris a :
- annulé la convention de crédit conclue entre la Caisse Hypothécaire Anversoise et Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean le 2 juin 1989 ;
- dit que les parties seront remises en leur état antérieur ;
- condamné Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean à payer à la Caisse Hypothécaire Anversoise la somme de 2 885 000 F, dont seront déduites toutes sommes perçues par la banque en principal, intérêt et frais, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 1994 ;
- dit que l'engagement de caution de M. Michel Y...et les affectations hypothécaires contenues dans l'acte du 2 juin1989 subsisteront jusqu'au complet remboursement des sommes dues par les emprunteurs à titre de restitutions ;
- débouté les demandeurs de leurs demande de dommages-intérêts ;
- annulé le contrat conclu le 2 mars 1989 avec le Cabinet Luce ;
- condamné le Cabinet Luce à restituer aux époux Y...et à la SCI Saint Jean la somme de 296 500 francs reçue en exécution du contrat.

La Caisse Hypothécaire Anversoise a interjeté appel du jugement..
Le 7 août 1995, le Cabinet Luce a interjeté appel du jugement.
A la suite de la liquidation judiciaire du Cabinet Luce, l'affaire a été radiée du rôle de la cour par ordonnance du 28 novembre 1997.
L'affaire a été remise au rôle par l'assignation de Me C..., mandataire liquidateur.
A la demande écrite de toutes les parties, l'affaire a été retirée du rôle par arrêts des 11 février 2000, 11 janvier 2002, 4 janvier 2004 et 1er décembre 2006.
L'affaire a été à nouveau remise au rôle le 14 décembre 2006.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 16 avril 2008, la société Axa Bank, précédemment dénommée Anhyp, demande à la cour :
- de déclarer irrecevables les intimées en leur demande de sursis à statuer,
- de les débouter de leur demande de nullité pour dol et fraude,
- d'infirmer le jugement,
A titre très subsidiaire, si la cour annule le contrat :
- de condamner solidairement Mme B...épouse Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean à lui rembourser la somme de 439 815, 41 € (2 885 000 francs) représentant le montant prêté en principal minorée des remboursements intervenus à hauteur de 225 626, 68 € (1 480 014 francs) et majorée des intérêts au taux légal à compter des dates de déblocages des fonds, à savoir le 2 juin 1989 sur la somme de 439 325, 61 € (2 685 000 francs) et le 9 mars 1990 sur la somme de 30 489, 80 € (300 000 francs),
- de dire que les hypothèques conventionnelles consenties solidairement par Mme B...épouse Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger, et la SCI Saint Jean perdureront jusqu'au complet paiement des sommes dues,
- de dire que l'engagement de caution solidaire de M. Michel Y...et l'hypothèque conventionnelle conférée par ce dernier perdureront jusqu'au complet remboursement des sommes dues,
- de dire que l'engagement de caution hypothécaire de M. et Mme Y...perdureront également jusqu'au complet remboursement des sommes dues,
- de condamner in solidum les intimés à lui payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 3 octobre 2006, Maître Philippe C..., pris en qualité de mandataire ad hoc à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire de la société Cabinet Luce, demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Cabinet Luce à restituer la somme de 296 500 francs,
- de constater que la créance des époux Y...et de la SCI Saint Jean est éteinte,
Subsidiairement,
- de dire irrecevable comme prescrite l'action des demandeurs en première instance dirigée à l'encontre de la société Cabinet Luce, et plus subsidiairement mal fondée,
- de déclarer irrecevables les époux Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean de leurs demandes nouvelles de condamnation in solidum du Cabinet Luce au paiement de dommages-intérêts,
- de débouter les consorts Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean de toutes leurs demandes,
- de condamner tout succombant au paiement d'une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 15 avril 2008, M. Michel Y..., Mme Charlotte Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean demandent à la Cour :
- d'ordonner le sursis à statuer de la présente instance dans l'aboutissement de la procédure pénale actuellement en cours, instruite sous le numéro de Parquet 921682004 / 8 et numéro d'instruction 78 / 92,
- d'ordonner la communication dans l'instance des pièces pénales belges et notamment des procès-verbaux visés dans les conclusions,
- de les autoriser à verser ces pièces,
- de prononcer la nullité pour dol de la convention conclue entre la Caisse Hypothécaire Anversoise Anhyp, Mme Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean le 2 juin 1989,
- de les dispenser de restituer les sommes mises à leur disposition en vertu du prêt litigieux,
- d'ordonner la restitution par l'Anhyp des sommes réglées en principal et intérêts par eux,
- de prononcer la nullité de la convention consentie par M. Michel Y...ainsi que des garanties et accessoires consenties en exécution du contrat principal du 2 juin 1989,
- de condamner l'Anhyp et le Cabinet Luce in solidum à leur payer la somme de 765 000 € à titre de réparation des manoeuvres dolosives et d'ordonner la fixation de la somme de 765 000 € au passif de la liquidation de la société Cabinet Luce,
A titre subsidiaire,
- d'ordonner la compensation légale entre ladite somme et la somme de 439 815, 41 € (2 885 000 francs) à restituer à l'Anhyp par Mme Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean, dont sera déduit toute somme perçue par la banque en principal, intérêts et frais,
A titre infiniment subsidiaire,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la convention de crédit conclue entre la Caisse Hypothécaire Anversoise et Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean le 2 juin 1989 et dit que les parties seront remises en leur état antérieur, condamné Mme Y..., la SCI Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean à payer à la Caisse Hypothécaire Anversoise la somme de 2 885 000 francs, dont seront déduites toutes sommes perçues par la banque en principal, intérêt et frais et en ce qu'il a annulé le contrat conclu le 2 mars 1989 avec la société Cabinet Luce, ayant reconnu la responsabilité de la société Cabinet Luce,
- de l'infirmer pour le surplus,
- de débouter l'Anhyp de sa demande d'intérêts sur les sommes à restituer,
- de débouter Me Philippe C..., liquidateur de la société Cabinet Luce, de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner l'Anhyp à restituer aux époux Y...et à la SCI Saint Jean la somme de 296 500 francs en exécution du contrat,
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où les intérêts seraient dus sur les sommes à restituer,
- de dire qu'ils courront au mieux à compter du 11 octobre 1994,
- de condamner l'Anhyp et tous autres appelants à leur verser la somme de 30 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,

Sur la demande de sursis à statuer

Considérant que les époux Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean exposent qu'une instruction pénale a été ouverte en 1992 en France et en Belgique, à la suite des dépôts de plaintes visant les agissements de la société Anhyp, pour avoir conclu des crédit " roll-over " multi-devises à taux variable sur le territoire français sans disposer de l'agrément bancaire obligatoire ; qu'ils concluent que des procédures pénales étant toujours en cours d'instruction, il convient de surseoir à statuer, dans la mesure où les éléments pénaux pourraient avoir une influence sur le présent litige, dès lors qu'ils concernent les mêmes parties et portent sur les mêmes faits d'escroquerie, d'usure et d'exercice illégal de la profession de banquier et également sur le fait que le Cabinet Luce ne disposait pas d'établissement fixe en France et qu'il était exclusivement rémunéré par l'Anhyp, alors qu'il s'était présenté comme le mandataire de M. et Mme Y..., ses clients ; qu'ils indiquent enfin que les opérations d'instruction se rapportent encore à la déloyauté de l'Anhyp et à la fraude commise par cette dernière dans l'exécution du contrat de prêt, ainsi qu'à la fraude au jugement ;

Mais considérant que si les consorts Y...produisent quelques pièces pénales, celles-ci sont totalement insuffisantes pour démontrer que les instances pénales en cours en France et en Belgique ont une telle influence sur le présent litige qu'il conviendrait de surseoir à statuer pour une bonne administration de la justice ;

Que la demande est donc écartée ;

Sur la demande de production des procès-verbaux des procédures pénales actuellement en cours

Considérant que les consorts Y...demandent à pouvoir produire devant la Cour, sur le fondement de l'article R. 154 du Code de procédure pénale, les procès-verbaux des instructions en cours à Paris et à Toulouse, ainsi que les pièces du dossier pénal belge ;

Mais considérant qu'il n'appartient pas à la cour de se faire communiquer directement les pièces des dossiers d'instruction en cours, d'autant que la demande de sursis à statuer a été écartée ;

Sur la demande de nullité des contrats pour dol

Considérant que les époux Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean soutiennent que leur consentement a été vicié par les manoeuvres dolosives de la Caisse Hypothécaire Anversoise et du Cabinet Luce qui leur ont caché les clauses et conditions de leurs contrats, notamment quant au calcul des taux pratiqués et au montant du TEG et qui ont manqué à leurs obligations d'information ; qu'il leur est opposé la prescription de leur action ;

Considérant que l'action en nullité est soumise à la prescription quinquennale ; que le contrat conclu entre les consorts Y...et le Cabinet Luce a été signé le 2 mars 1989 ; que la nullité de ce contrat n'a été demandée que le 1er juin 1994 ; que les intimés ne démontrent pas avoir découvert les manoeuvres postérieurement au contrat ; que l'action est donc prescrite ;

Considérant par contre que l'action en nullité du contrat de prêt signé le 2 juin 1989 n'est pas prescrite ;

Considérant, sur cette demande, que les intimés se bornent à indiquer que les protagonistes de l'affaire étant mis en examen, la nullité de l'acte doit être prononcée ;

Que faute pour M. et Mme Y...de faire la preuve des manoeuvres dolosives ou de la fraude dont ils ont été victimes, la demande en nullité est rejetée ;

Considérant que M. et Mme Y...soutiennent encore que l'offre de prêt qui leur avait été soumise a été modifiée unilatéralement par l'Anhyp lors de la signature de l'acte authentique ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré que l'offre annexée à l'acte notariée et paraphée par les parties ne correspond pas au contrat que les emprunteurs pensaient signer ; qu'ils indiquent d'ailleurs dans leurs écritures que le notaire... faisait signer le jour de la régularisation de l'acte authentique une deuxième offre sous seing privé dont les engagements ne correspondaient pas forcément à ceux de l'offre initiale ;

Que cette présentation dubitative des faits ne permet pas à la cour de conclure à une modification des actes ; que contrairement à ce qui est encore soutenu, le taux figurant dans l'offre est identique au taux figurant dans l'acte notarié, soit Funding An-Hyp majoré de 165 points de base ;

Considérant enfin que tous les griefs portant sur des erreurs établies par le notaire ne peuvent pas être examinés, faute pour l'officier ministériel d'avoir été appelé dans la cause ;

Sur la demande de nullité des contrats pour absence d'agrément bancaire en France

Considérant que les époux Y..., la SCI du Domaine du Grand Verger et la SCI Saint Jean exposent, en 1er lieu, que la société Anhyp devait solliciter l'agrément prévu à l'article 15 de la loi du 25 janvier 1984 dont les dispositions n'étaient pas contraires aux directives européennes applicables à l'époque ; qu'ils précisent que la société Anhyp, dont les activités en France n'étaient pas occasionnelles mais habituelles, agissait dans le cadre de la liberté d'établissement et non pas dans celui de la liberté de prestation de service lorsqu'elle a consenti le prêt litigieux ;

Considérant qu'ils soutiennent enfin que la présente cour ne peut pas faire application de manière rétroactive de l'arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 4 mars 2005, qui serait contraire à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Mais considérant que la Cour de Justice des Communautés Européennes, dans un arrêt Parodi du 9 juillet 1997, a dit pour droit que, pour la période précédant l'entrée en vigueur de la deuxième directive no89-646 CEE du conseil, du 15 décembre 1989, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit à son exercice, et modifiant la directive no77-780 CEE, l'article 59 du Traité CEE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre impose à un établissement de crédit, déjà agréé dans un autre État membre, d'obtenir un agrément pour pouvoir accorder un prêt hypothécaire à une personne résidant sur son territoire, à moins que cet agrément s'impose à toute personne ou à toute société exerçant une telle activité sur le territoire de l'État membre de destination, soit justifiée par des raisons liées à l'intérêt général telles que la protection des consommateurs et soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré et pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder, étant entendu que le même résultat ne pourrait pas être obtenu par des règles moins contraignantes ;

Or considérant que ces trois conditions cumulatives ne sont pas remplies ; qu'il n'est pas contesté qu'un agrément s'impose à toute personne consentant des crédits en France ; que par contre, il n'est pas démontré que la société Anhyp ait été établie sur le territoire français ; que l'intérêt général défendu étant notamment la sauvegarde du système bancaire français, celui-ci n'aurait subi aucune conséquence en cas de défaillance de la société Anhyp, puisque, établie en Belgique, la solidarité n'aurait affecté que les établissements belges ; qu'il n'est pas prouvé que l'octroi de prêts hypothécaires à partir de la Belgique à des emprunteurs résidant en France porte atteinte à la protection des consommateurs ; qu'enfin l'intérêt des épargnants français n'était pas non plus menacé, les règles prudentielles auxquelles la société Anhyp était soumise étant en tous points comparables aux exigences françaises ; que l'obligation d'agrément vise le bon fonctionnement du système bancaire et la prévention du risque systémique ; qu'il n'est pas contesté que la banque se trouvait soumise à la surveillance de l'autorité de contrôle bancaire belge elle-même tenue, conformément à l'article 7 de la directive 77 / 80 / CEE du 12 décembre 1977, à une obligation de collaboration avec les autorités compétentes des autres Etats membres ;

Considérant ainsi que la législation française alors applicable, allant au-delà de ce qui était objectivement nécessaire pour protéger les intérêts qu'elle avait pour but de sauvegarder, était incompatible avec les dispositions du droit communautaire en vigueur au moment de la signature du contrat de prêt ;

Considérant que M. et Mme Y...exposent alors que, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2006, la société Anhyp ne disposait pas d'un agrément en Belgique pour la délivrance de prêts ou ouvertures de crédit hypothécaires à taux variable, d'où il se déduisait qu'un agrément était nécessaire pour exercer en France l'activité qu'elle n'était pas autorisées à pratiquer dans son pays d'origine, sans qu'une telle exigence soit contraire au droit européen ; qu'ils ajoutent que c'est de manière délibérée que la société Anhyp n'a pas sollicité d'agrément auprès des autorités françaises ;

Mais considérant que la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence d'agrément, au respect de laquelle les articles L. 511-5, L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du Code monétaire et financier subordonnent l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus ;

Considérant qu'il est reproché, en second lieu, au Cabinet Luce d'être en réalité l'établissement fixe sur le territoire français de la société Anhyp, comme en témoigne sa dépendance vis-à-vis de la banque et ses rémunérations qui démontrent une imbrication entre les intervenants ; que M. et Mme Y...concluent que le Cabinet Luce était également soumis à l'obligation d'agrément ;

Mais considérant qu'il n'est pas démontré que le Cabinet Luce soit un établissement bancaire, alors qu'il s'agit d'une personne morale distincte sans lien structurel établi avec la société Anhyp ; que le Cabinet Luce a signé un contrat de mandat avec M. et Mme Y...; qu'aucune pièce ne prouve qu'il était le mandataire de la société Anhyp ; qu'enfin, à supposer qu'il ait perçu des honoraires de la part de la banque pour les clients qu'il lui apportait, ces paiements sur un compte ouvert à son nom dans les livres de l'Anhyp sont des éléments totalement insuffisants pour soutenir que le Cabinet Luce exerçait une activité de banque ;

Considérant que la demande de nullité des contrats ne peut donc pas prospérer ;

Sur le grief tiré du défaut de respect de l'obligation d'information

Considérant que M. et Mme Y...exposent que le Cabinet Luce et l'Anhyp n'ont jamais attiré leur attention sur le caractère non approprié du produit " roll over " à leur projet immobilier ; qu'ils leur reprochent de ne pas avoir évalué la rentabilité des projets qui leur étaient soumis, de ne pas avoir analysé leur capacité de remboursement, de ne pas les avoir orientés et conseillés sur le type de financement le mieux adapté de ne pas leur avoir fourni un rôle d'assistance et de conseil ; qu'ils soutiennent que l'Anhyp et le Cabinet Luce connaissaient l'inadéquation entre le prêt roll over et leur projet immobilier ;

Considérant que M. Y...indique qu'il ne possède qu'un CAP de plâtrier ; que Mme Y..., seule emprunteuse avec les deux SCI, se présente, dans l'acte notarié, comme gérante de société ; que faute de précisions supplémentaires apportées par la banque, il convient de les considérer comme des emprunteurs non avertis ;

Considérant que l'article XIX de l'offre de prêt, paraphée en toutes ses pages, décrit précisément et clairement le fonctionnement du crédit roll-over en pages 13, 14 et 15 ; qu'ainsi l'obligation d'information a été correctement remplie ;

Considérant qu'il est également indiqué en page 13 de l'acte notarié que " le crédité confirme avoir été pleinement informé de la technique des crédits en devises et notamment du fait que les fluctuations sur les devises peuvent entraîner des écarts sensibles entre les contrevaleurs en francs français à la signature du contrat et celles qui apparaissent aux échéances, tant pour le principal que pour les intérêts " ; qu'ainsi, la banque les a alertés sur l'importance des risques encourus et a ainsi respecté son obligation de mise en garde ;

Considérant, s'agissant du grief de disproportion, que M. et Mme Y...n'indiquent pas le montant de leurs ressources en 1989 et actuelles et ne produisent pas la moindre pièce sur leurs revenus, leur patrimoine et leurs charges, mettant ainsi la cour dans l'impossibilité d'apprécier la disproportion alléguée ;

Considérant que le grief est donc écarté ;

Considérant en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement ; qu'aucune demande en paiement n'étant formée par la banque, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de comptes formulée par M. et Mme Y...;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a pu engager ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Rejette les demandes formées par M. et Mme Y..., la SCI Saint Jean et la SCI Domaine du Grand Verger,

Rejette les autres demandes,

Condamne M. et Mme Y..., la SCI Saint Jean et la SCI Domaine du Grand Verger aux dépens de 1ère instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0302
Numéro d'arrêt : 06/21767
Date de la décision : 25/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 26 juin 1995


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-25;06.21767 ?
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