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16/09/2008 | FRANCE | N°05/07894

France | France, Cour d'appel de Paris, 16 septembre 2008, 05/07894


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B



ARRÊT DU 16 Septembre 2008

(no , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/07894



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL RG no 02/01766





APPELANT

Monsieur Jean X...


...


93110 ROSNY SOUS BOIS

comparant en personne, assisté de Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toq

ue : J 084





INTIMÉE

REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (R.A.T.P.)

54, quai de la Rapée

75599 PARIS CEDEX 12

représentée par Me Jean Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRÊT DU 16 Septembre 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/07894

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL RG no 02/01766

APPELANT

Monsieur Jean X...

...

93110 ROSNY SOUS BOIS

comparant en personne, assisté de Me Bruno MARGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 084

INTIMÉE

REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (R.A.T.P.)

54, quai de la Rapée

75599 PARIS CEDEX 12

représentée par Me Jean Luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1665

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte BOITAUD, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par Jean X... d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Créteil en date du 12 juillet 2005 l'ayant débouté de sa demande et ayant débouté la la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS de sa demande reconventionnelle ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 9 juin 2008 de Jean X... appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et à titre principal la condamnation de l'intimée à lui verser

100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers et moraux résultant de la discrimination subie, liée à des activités syndicales et à ses mandats de représentant du personnel

5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et à titre subsidiaire la désignation d'un expert avec pour mission de reconstituer la carrière des salariés du département juridique mentionnés dans le document "positionnement des postes dans la grille encadrement" en date du 11 septembre 1997 sous la rubrique "chargé d'affaire confirmé/animateur" et "chargé d'affaire/juriste", de déterminer les critères qui ont permis cette évolution et d'évaluer la différence de salaires entre ces classifications ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 9 juin 2008 de la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS intimée qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à verser 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que Jean X... a été embauché à compter du 4 mars 1968 par la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS par contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'attaché administratif deuxième catégorie au service juridique contentieux ; qu'il a été mis à la retraite le 1er février 2002 alors qu'il avait atteint l'âge de 65 ans et occupait la position de cadre classé sur un segment S2/S3 échelle EC 10 ; qu'il a saisi le Conseil de Prud'hommes le 17 juillet 2002 en vue de faire constater qu'il avait été victime d'une discrimination et d'obtenir réparation du préjudice subi ;

Considérant que Jean X... expose qu'un accord en date du 7 novembre 1997 a instauré une grille applicable aux cadres et agents de maîtrise ; qu'il prévoyait également des modalités de transposition des anciennes classifications ; que l'appelant a donc été positionné à l'échelle EC10 segment S2/S3 à compter de juillet 1997 ; que l'affectation des agents dans les segments relevait de la compétence discrétionnaire du directeur du département ; qu'en outre les entretiens d'appréciation et de progrès étaient essentiels dans le dispositif d'évolution de la carrière ; que ces entretiens n'ont pas été systématiquement effectués contrairement aux engagements contractuels qu'avait souscrits l'intimée ; que l'appelant a été élu délégué du personnel en décembre 1996 et était membre du comité directeur de la CGC-RATP ; qu'il a été victime d'une discrimination car d'autres salariés présentant la même ancienneté voire une ancienneté inférieure ont bénéficié de promotions ou d'évolution de carrière alors qu'il en a été privé ; qu'il n'a plus progressé à compter de 1997 ; que cette discrimination est également établie par les attestations produites ; que les dispositions de la plate-forme d'accord relative à la gestion de l'encadrement n'ont pas été appliquées ; que la RATP a été condamnée à plusieurs reprises pour discrimination syndicale ; que celle-ci ne démontre pas que l'appelant ait été positionné au niveau de ses compétences ; que l'absence de demande de mutation présentée par l'appelant ne saurait lui être reprochée ; qu'il a été victime d'un préjudice résultant de la différence de traitement hors prime de l'ordre de 28800 € et du calcul de la prime de résultat ; qu'en outre ces différences ont eu un effet sur le montant de sa pension de retraite ; qu'enfin il a subi un préjudice moral ;

Considérant que la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS soutient que l'avancement de tous les agents donne lieu à la réunion d'une commission de classement dans chacun des départements de l'entreprise ; que l'appelant n'a été victime d'aucune discrimination ; que la qualité de délégué du personnel n'a jamais constitué un handicap au sein du département juridique ; que le syndicat auquel appartenait l'appelant ne s'est pas joint à son action ; que d'autres élus de la CGC ont eu un déroulement de carrière très différent ; que la carrière de l'appelant a été régulière ; que lors de la mise en place de la segmentation du département juridique chaque poste a été évalué en fonction de la charge et de la complexité des missions afférentes ; que l'appelant a été régulièrement placé sur un poste segmenté S2/S3 échelle 10 ; que la comparaison à laquelle il se livre avec d'autres salariés est sans le moindre fondement ; qu'il souhaite faire prévaloir le seul critère de l'ancienneté pour le positionnement de son poste ; que l'absence d'évolution est liée à la prestation de travail de l'appelant ; que ses capacités et ses qualités professionnelles ne lui permettaient pas de prétendre à un emploi impliquant des responsabilités accrues ; qu'il n'a été victime d'aucun harcèlement moral ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L 133-5 (4°) et L 136-2 (8°) devenus L2261-22 (10o) et L2271-1 (8o) du code du travail que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés, pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique ; qu'il lui incombe, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié qui a soumis au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de rémunération, d'établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant qu'a été ouverte à la signature le 7 juillet 1997 une plate-forme d'accord relative à la gestion de l'encadrement à la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS ; que la mise en place de ces nouvelles mesures a suscité de vives interrogations sur les modalités de transposition des anciens niveaux de rémunération du personnel concerné ainsi que sur la prise en compte de l'ancienneté ; qu'elles ont conduit les délégués du personnel du département juridique à saisir le 25 septembre 1997 l'inspection du travail des transports ; que par un courrier en réponse en date du 21 novembre 1997, prenant en compte la position de la direction des ressources humaines exprimée par écrit le 16 octobre 1997, ce service les invitait à recourir à une analyse concertée du contenu des postes concernés au moyen d'un audit susceptible d'être sollicité par le comité d'entreprise conformément aux dispositions de l'article L434-6 alinéa 7 du code du travail ; qu'il résulte du courrier de la direction des ressources humaines en date du 16 octobre 1997 que "le processus négocié dans la plate-forme ne prévoyait aucune démarche de description détaillée des postes" ; que cette note ajoutait que "la segmentation était opérée à partir du contenu actuel des postes dans la catégorie cadre ou maîtrise à laquelle ils appartenaient" ;

Considérant que l'attribution à l'appelant du coefficient EC10 (segment S2-S3) plutôt que l'EC11 influait de façon déterminante sur l'évolution de la fin de sa carrière et de sa rémunération ; qu'en effet le passage au coefficient supérieur était subordonné, selon la plate-forme d'accord, à une nécessaire mobilité ainsi qu'à une présentation à une commission de classement pour avis et à une décision favorable de l'employeur ; que par ailleurs, alors que selon l'annexe 2 de ladite plate-forme, les salariés se trouvant à l'ancien niveau C4-N/2, qui était celui de l'appelant, devaient être reclassés au niveau EC10, il apparaît que cette règle n'a pas été appliquée de façon systématique ; qu'ainsi, comme le souligne l'appelant, Bruno Z..., qui se trouvait lui aussi au niveau C4-N/2 et ce depuis le 1er avril 1994, soit plus de deux années après l'appelant, s'est vu attribuer à partir du 1er juillet 1997 le niveau EC11 ; que les catégories d'emplois étaient identiques, les deux salariés travaillant en outre dans le même bureau ; que la fonction d'animateur reconnue à Bruno Z... et sur laquelle se fonde la R.A.T.P. pour justifier la différence de traitement ne peut être prise en compte puisque, selon la charte de cette fonction élaborée par la direction juridique, elle ne correspond ni à un grade ni à une position hiérarchique et est conférée à une personne en fonction de ses seules qualités personnelles et professionnelles ; qu'elle aurait dû être donc sans effet sur la définition du contenu du poste qui, selon la note de la R.A.T.P. en date du 11 septembre 1997 était le seul critère sur la base duquel la segmentation était opérée "à l'exclusion de toute considération sur la personne des titulaires";

Considérant par ailleurs que les pièces versées aux débats font apparaître que la R.A.T.P. a fait preuve d'incurie dans la gestion de la fin de la carrière de l'appelant ; qu'en effet, dans les différentes notes diffusées par la R.A.T.P. à l'occasion de la mise en place de la plate-forme d'accord, l'intimée rappelait l'importance des entretiens d'appréciation et de progrès qui, selon sa propre expression, devaient constituer "des atouts considérables pour une bonne mise en oeuvre du nouveau dispositif"; qu'elle soulignait en particulier leur caractère déterminant pour les salariés se trouvant dans la position de l'appelant, l'entretien devant expliciter et notifier les motifs risquant d'entraîner à terme un avis défavorable pour la promotion ; que malgré leur importance, elle n'a pas effectué la moindre évaluation de l'activité de l'appelant pendant sept années, soit de juin 1993 à mars 2000, et durant près de trois années après la mise en place de la plate forme, alors que l'entretien devait se dérouler chaque année ; qu'elle n'a pas fait preuve de la même négligence envers Claude A... et Brigitte B... salariés se trouvant au 1er juillet 1997, comme le démontre l'appelant, à l'échelle EC10 et ayant été promus à l'échelle supérieure le premier dès le 1er mai 1998 et la seconde le 1er mars 1999, cette promotion impliquant nécessairement une évaluation contemporaine ou proche de la présentation de leur dossier à la commission de classement pour avis ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments établit que l'appelant a bien fait l'objet d'une discrimination salariale ; que toutefois il ne démontre pas que la R.A.T.P. ait pris en considération son appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale ;

Considérant que la discrimination dont l'appelant a été victime l'a empêché d'avoir accès au niveau EC 11 à compter de juillet 1997, seul préjudice dont il établit la certitude ; qu'il n'est en effet nullement établi par comparaison avec le déroulement de carrière des salariés figurant dans la liste produite que l'appelant puisse se plaindre d'une discrimination antérieure ; que l'accès au niveau EC 12 n'était pas automatique mais impliquait un avis préalable de la commission de classement, par nature incertain ; que seul le préjudice matériel est caractérisé ; que le préjudice moral allégué est fondé sur des troubles de l'état de santé survenus à une époque où aucune discrimination ne pouvait être imputée à l'intimée ; qu'en conséquence, compte tenu des pièces versées aux débats, il convient d'évaluer le préjudice matériel résultant tant de la perte de rémunération de l'appelant à compter de juillet 1997 que de la diminution de la pension de retraite à la somme totale de 30000 euros ;

Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS à verser à Jean X... :

30000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination salariale

3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 05/07894
Date de la décision : 16/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Créteil


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-09-16;05.07894 ?
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