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04/09/2008 | FRANCE | N°07/00450

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0130, 04 septembre 2008, 07/00450


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRÊT DU 04 Septembre 2008

(no , 5 pages)

Renvoi après cassation

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00450/MCL

Sur renvoi d'un arrêt rendu le 23 juin 2005 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation

APPELANTE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU NORD ( URSSAF 59)

293 avenue du Président Hoover

BP 20001

59032 LILLE CEDEX

re

présentée par Mme BOUEILH en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

SA CEGELEC devenue CEGELEC NORD ET EST

1 bis rue du Molinel

BP 169

59444 WAS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre B

ARRÊT DU 04 Septembre 2008

(no , 5 pages)

Renvoi après cassation

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00450/MCL

Sur renvoi d'un arrêt rendu le 23 juin 2005 par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation

APPELANTE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DU NORD ( URSSAF 59)

293 avenue du Président Hoover

BP 20001

59032 LILLE CEDEX

représentée par Mme BOUEILH en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

SA CEGELEC devenue CEGELEC NORD ET EST

1 bis rue du Molinel

BP 169

59444 WASQUEHAL CEDEX

représentée par Me Jean DAMERVAL, avocat au barreau de , toque : P 116

DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES NORD-PAS-DE-CALAIS (DRASS 59 - 62)

62, boulevard de Belfort

BP 605

59024 LILLE CEDEX

régulièrement avisée, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bertrand FAURE, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller

Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier : Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Pierrette BOISDEVOT, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La S.A. CEGELEC a eu recours, pour la réalisation d'un chantier, aux services de la société SECIN.

La Société SECIN s'est avérée être une entreprise de travail temporaire non déclarée comme telle et qui n'a donc pas satisfait à ses obligations de versements de cotisations de sécurité sociale.

Se fondant sur les dispositions des articles L 124-8 et suivants du code du travail, l'U.R.S.S.A.F. a considéré que la défaillance dans le paiement des charges sociales entraînait la substitution de la responsabilité de l'entreprise utilisatrice à celle de l'entreprise de location de main d'oeuvre et a fait délivrer à la société CEGELEC deux mises en demeure le 17 juillet 1991, puis deux contraintes d'un montant de 1 026 999 F pour la période de novembre 1988 à mai 1989 et de 1 133 316 F pour les périodes d'octobre 1988, et de juin 1989 au 17 décembre 1989.

Dans sa séance du 28 octobre 1997, la Commission de recours amiable a rejeté la contestation de la S.A. CEGELEC.

Par jugement en date du 8 septembre 1998, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre a déclaré la S.A. CEGELEC recevable et bien fondée en ses recours et dit n'y avoir lieu à validation des contraintes litigieuses.

L'U.R.S.S.A.F. a interjeté appel de ce jugement et, par arrêt en date du 14 mai 2002, la Cour d'appel de Versailles, infirmant le jugement entrepris, a validé les contraintes litigieuses à concurrence de 329 337,90 € et condamné la S.A. CEGELEC NORD EST. à payer cette somme à l'U.R.S.S.A.F. de Lille tout en disant que les frais de signification resteraient à la charge du créancier.

Sur pourvoi formé par la S.A. CEGELEC NORD ET EST, la Cour de Cassation a, par arrêt en date du 23 juin 2005, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 10 septembre 2002 par la Cour d'appel de Versailles et remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour y faire droit, les a renvoyées devant la Cour de ce siège.

Pour statuer ainsi, la Cour a dit que la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que la société CEGELEC avait connaissance des activités de marchandage de la société SECIN et qu'en statuant ainsi, par un motif qui laisse incertain le fondement juridique de la condamnation prononcée contre la société CEGELEC, la Cour d'appel a méconnu les exigences des articles L 124-8 et L 125-2 du code du travail.

L'U.R.S.S.A.F. de LILLE a saisi la Cour de ce siège par déclaration reçue au Greffe le18 janvier 2006.

Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le13 avril 2008 et soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'U.R.S.S.A.F. de Lille demande à la Cour, réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de valider les contraintes litigieuses pour la somme de 329 337,90 € et de condamner la S.A. CEGELEC NORD ET EST, au paiement de cette somme ainsi qu'au paiement des frais de signification pour

71,69 €.

L'U.R.S.S.A.F. soutient que la décision pénale condamnant les dirigeants pour marchandage s'impose à tous même si la S.A. CEGELEC n'était pas partie à cette procédure et qu'ainsi la société SECIN a fourni de la main d'oeuvre à des fins lucratives ayant eu pour effet d'éluder l'application des dispositions légales, réglementaires ou contractuelles et que l'infraction a été commise dans les chantiers de la société CEGELECNORD ET EST, entre autres.

Par ailleurs, l'organisme social soutient que la société CEGELEC NORD ET EST ne pouvait ignorer que la S.A.R.L. SECIN avait en réalité pour activité la location de main d'oeuvre et que le contrat la liant à elle n'était pas un contrat de sous-traitance, ce qui a pour effet que, conformément au principe de substitution de l'article L 124-8 du code du travail, elle est responsable du versement des charges sociales pour toute la durée de la mission litigieuse, soit d'octobre 1988 à décembre 1989. L'appelante ajoute qu'en tout état de cause, même si la Cour admet qu'il s'agit d'un contrat de sous-traitance, la responsabilité financière de la société CEGELEC NORD ET EST doit être recherchée sur le fondement de l'article L 125-2 du code du travail.

Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 22 mai 2008 et soutenues oralement à l'audience par son Conseil, la S.A. CEGELEC NORD ET EST demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et d'ordonner, en conséquence, le remboursement des sommes versées en exécution de l'arrêt rendu le 10 septembre 2002 par la Cour d'appel de Versailles.

Après avoir rappelé que la décision du juge pénal s'impose certes à tous mais ne signifie par pour autant qu'elle avait connaissance que la S.A.R.L. SECIN pratiquait le prêt de main d'oeuvre, la société intimée soutient que :

- n'est pas applicable l'article L 124-8 du code du travail, seul texte invoqué par l'U.R.S.S.A.F. dans les mises en demeure litigieuses puisque la société SECIN n'est pas une entreprise de travail temporaire et que l'administrateur de cette société ne lui a pas adressé une demande de paiement des sommes restant dues comme il aurait dû le faire en application de l'article L 124-22-2 du code du travail,

- même si l'article L 124-8 est admis comme applicable en l'espèce, l'U.R.S.S.A.F. n'apporte pas la preuve qu'elle était consciente de cette activité de la société SECIN, les décisions pénales ne l'établissant pas plus,

- l'article L 125-2 du code du travail est invoqué pour la première fois dans la procédure ce qui démontre que l'appelante est peu convaincue de sa propre affirmation relative à l'application de l'article L 124-8 du même code et, en tout état de cause, cet article est inapplicable en l'espèce.

SUR CE

Considérant que la S.A. CEGELEC NORD ET EST a eu recours en 1988 et 1989 aux services de la S.A.R.L. SECIN ; que la société SECIN a été défaillante dans ses obligations en matière de versements des cotisations de sécurité sociale et, sur le fondement de l'article L 124-8 du code du travail, l'URSSAF de LILLE a réclamé à la S.A. CEGELEC NORD ET EST, société utilisatrice, le paiement des cotisations ;

Considérant que, par jugement du tribunal correctionnel de DUNKERQUE en date du 5 juillet 1996, le gérant de la société SECIN a été condamné pour avoir fourni de la main d'oeuvre à des fins lucratives ayant eu pour effet d'éluder l'application des dispositions légales, réglementaires ou contractuelles, notamment pour des chantiers avec les société CATS, ETPI et CEGELEC, en violation des dispositions des articles L 125-3 et L 152-3 du code du travail ; que ce jugement a été partiellement confirmé par arrêt en date du 24 juin 1997 de la Cour d'appel de DOUAI qui a retenu que le personnel de la SECIN était mis à la disposition de chacune des trois entreprises sous les ordres des chefs d'équipe desdites entreprises, la facturation des heures de travail étant régularisée en fin de chantier ;

Considérant que la décision pénale qui a ainsi requalifié en prêt illicite de main d'oeuvre le contrat de sous-traitance invoqué par la S.A. CEGELEC NORD ET EST a autorité à l'égard de tous, même aux personnes n'ayant pas été parties à la procédure pénale ; que, dès lors, en procédant à une analyse différente du contrat liant la S.A. CEGELEC NORD ET EST à la société SECIN, le tribunal a méconnu l'article 1351 du code civil quant à l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ; que les contrats qualifiés de contrats de sous-traitance par la S.A. CEGELEC NORD ET EST doivent être requalifiés en contrats de prêt de main d'oeuvre ;

Considérant que, selon les dispositions de l'article L 124-8 du code du travail, tout entrepreneur de travail temporaire est tenu, à tout moment, de justifier d'une garantie financière assurant, en cas de défaillance de sa part, le paiement des cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale ou à des institutions sociales ; qu'en cas d'insuffisance de la caution, l'utilisateur est substitué à l'entrepreneur de travail temporaire pour le paiement des sommes qui restent dues aux salariés et aux organismes de sécurité sociale ou aux institutions sociales dont relèvent ces salariés pour la durée de la mission accomplie dans son entreprise ;

Considérant que la requalification en prêt de main d'oeuvre ne peut être assimilée à un contrat de mise à disposition de travail temporaire, permettant l'application de l'article L 124-8 ci-dessus rappelé, que s'il est établi que la S.A. CEGELEC NORD ET EST avait conclu lesdits contrats en toute connaissance de cause sur leur exacte nature ;

Considérant qu'il résulte de la lecture du jugement rendu le 5 juillet 1996 par le tribunal correctionnel de DUNKERQUE que la société SECIN ne disposait pas ou très peu de matériel comme l'a retenu l'expert comptable dans sa mission ordonnée par le tribunal de commerce de DUNKERQUE, ; que chaque commande faisait l'objet d'un devis forfaitaire qui était ensuite régularisé par une facture tout aussi forfaitaire dont le montant correspondait exactement à celui du devis ; que l'instruction pénale a établi que Monsieur X... a déclaré avoir travaillé en location pour CEGELEC de juillet 1985 à août 1989 sur le site USINOR, d'abord sous les ordres d'un chef d'équipe de la société SECIN puis sous ceux d'un chef de chantier de CEGELEC et que Monsieur Y..., chargé d'affaires de 1989 à 1990, a déclaré que son employeur mettait du personnel à disposition de CEGELEC, que ce personnel était sous les ordres des chefs d'équipe de cette société, les heures travaillées étant ensuite régularisées quand le chantier était terminé ; que le contrôleur de gestion de la société SECIN a déclaré au juge d'instruction que, dans le Nord et plus particulièrement dans le dunkerquois, était mise en oeuvre une refacturation qui était négociée avec le client ;

Considérant que la S.A. CEGELEC NORD ET EST ne pouvait ignorer que son "sous-traitant" auquel elle passait commandes de travaux nécessitant du matériel, tels que l'entretien de ponts 10 tonnes et 15 tonnes, travaux sur ripeurs, "travaux de mécanique" en atelier à de nombreuses reprises, remise en état d'installations électriques, pose de câbles, remise en état de treuils électriques, fournitures et confection de demi-viroles ou de pièces en tôle pliée etc... , ne disposait quasiment pas de matériel si ce n'était des véhicules et du matériel de levage ; qu'elle ne pouvait pas plus ignorer que les heures travaillées par des salariés sous les ordres de ses chefs d'équipe étaient renégociées dans le cadre de refacturations pour aboutir à une concordance parfaite entre les montants des devis et ceux des factures payées ; que la S.A. CEGELEC NORD ET EST ne peut utilement soutenir qu'elle n'avait pas connaissance de l'activité de prêt de main d'oeuvre alors que ce procédé de régularisation de facturation a concerné plus de cinquante factures ;

Considérant qu'il appartenait alors à la S.A. CEGELEC NORD ET EST, qui connaissait l'activité réelle de son co-contractant, de s'enquérir auprès de celui-ci, la société SECIN, que les obligations à l'égard des organismes sociaux étaient remplies ; qu'une société de cette importance n'a même pas cherché à demander une attestation à la société SECIN précisant sa situation au regard du paiement des cotisations sociales ;

Considérant, en conséquence, que la S.A. CEGELEC NORD ET EST qui avait connaissance de ce que, pendant la période litigieuse, elle contractait avec une entreprise exerçant de fait une activité de prêt de main d'oeuvre assimilable à une activité de travail temporaire, doit être substituée à la société SECIN pour le paiement des cotisations dues à raison de ces mises à disposition de main d'oeuvre, en application de l'article L 124-8 du code du travail ci-dessus rappelé ;

Considérant que la S.A. CEGELEC NORD ET EST ne peut pas plus utilement soutenir que l'absence de mise en oeuvre de l'article R 124-22 du code du travail par les organes de la procédure collective visant la société SECIN empêche toute action en recouvrement de l'U.R.S.S.A.F. alors même qu'il a fallu attendre le jugement du 5 juillet 1996 et l'arrêt de la Cour d'appel de Douai du 22 septembre 2000 pour que soit confirmée l'activité de marchandage retenue à l'encontre de la société SECIN ;

Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions ; que les contraintes litigieuses dont les montants ne son pas contestés seront dès lors validées pour la somme de 329 337,90 € ;

Considérant que la S.A. CEGELEC NORD ET EST sera condamnée à payer à l'U.R.S.S.A.F.de Lille la somme de 329 337,90 € outre les frais de signification d'un montant de 71,69 €, soit la somme totale de 329 409,59 € ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

VALIDE les contraintes litigieuses à hauteur de trois cent vingt neuf mille trois cent trente sept euros et quatre vingt dix centimes (329 337,90 €),

DIT que la S.A. CEGELEC NORD ET EST est redevable des frais de signification desdites contraintes soit la somme de 71,69 €,

CONDAMNE, en conséquence, la S.A. CEGELEC NORD ET EST à payer à l'U.R.S.S.A.F. de Lille la somme totale de trois cent vingt neuf mille quatre cent neuf euros et cinquante neuf centimes (329 409,59 €).

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0130
Numéro d'arrêt : 07/00450
Date de la décision : 04/09/2008

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-09-04;07.00450 ?
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