La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2008 | FRANCE | N°07/05473

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0164, 04 juillet 2008, 07/05473


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section B

ARRÊT DU 4 JUILLET 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05473

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/11505

APPELANTE

La S.A.R.L. SUNLAB

prise en la personne de son gérant

ayant son siège 1 Bis, Rue de Paradis

75010 PARIS

représentée par la SCP GOIRAND, av

oués à la Cour

ayant pour avocat Maître Roland ELBAZ avocat au Barreau de Paris, C371.

INTIMEE

La S.A. L'OREAL

en la personne de ses représe...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

4ème Chambre - Section B

ARRÊT DU 4 JUILLET 2008

(no , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05473

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/11505

APPELANTE

La S.A.R.L. SUNLAB

prise en la personne de son gérant

ayant son siège 1 Bis, Rue de Paradis

75010 PARIS

représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour

ayant pour avocat Maître Roland ELBAZ avocat au Barreau de Paris, C371.

INTIMEE

La S.A. L'OREAL

en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège 14, rue Royale

75008 PARIS

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Muriel ANTOINE LALANCE, avocat au Barreau de Paris, R064.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mai 2008, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame REGNIEZ , conseiller,

Monsieur MARCUS, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La société SUNLAB, spécialisée dans la conception, la mise au point et la commercialisation d'appareils de soins esthétiques et médicaux destinés aux professionnels, a notamment mis au point et développé un appareil de micro-dermabrasion qu'elle distribue depuis une dizaine d'années sous la marque MC PEEL, déposée le 5 novembre 1996 sous le no 96 6499233 pour désigner les produits et services des classes 9 et 10.

A la fin de l'année 2004, la société SUNLAB a eu connaissance de l'utilisation, par la société L'OREAL, dans des documents publicitaires et sur internet, de son modèle d'appareil, laissant apparaître clairement la marque MC PEEL, pour les besoins d'une campagne de lancement de sa crème de micro-dermabrasion Refinish.

La société SUNLAB, après avoir vainement mis en demeure la société L'OREAL de cesser d'utiliser la marque MC PEEL, l'a assignée devant le Tribunal de grande instance de Paris, par acte du 27 juillet 2005.

* *

*

Par jugement contradictoire du 23 février 2007, le Tribunal de grande instance a :

- débouté la société L'OREAL de sa demande en irrecevabilité de l'action en contrefaçon,

- débouté la société SUNLAB de ses demandes au titre de la contrefaçon de sa marque MC PEEL no 96 6499233,

- dit que la société L'OREAL a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société SUNLAB en utilisant la marque MC PEEL no 96 6499233 pour la promotion de sa crème Refinish,

- condamné la société L'OREAL à payer à la société SUNLAB la somme de 20 000 euros en réparation des actes de parasitisme,

- fait interdiction à la société L'OREAL d'utiliser toute référence à la marque MC PEEL notamment sur son site internet et sur ses documents publicitaires, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision,

- dit que le Tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,

- rejeté le surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- condamné la société L'OREAL à payer à la société SUNLAB la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société L'OREAL aux dépens.

* *

*

Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 juillet 2007, la société SUNLAB, appelante, demande pour l'essentiel à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a considéré que la société L'OREAL a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, et en ce qu'il lui a fait interdiction d'utiliser et de faire toute référence à la marque MC PEEL

- dire et juger que la société L'OREAL a commis des actes de contrefaçon de la marque MC PEEL, et la condamner en conséquence à verser à la société SUNLAB la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice moral et patrimonial résultant de l'atteinte ainsi portée à sa marque,

- dire et juger que la société L'OREAL, en se livrant à des actes de concurrence déloyale et parasitaire, a commis une faute ayant gravement porté atteinte aux intérêts de la société SUNLAB, et la condamner en conséquence à verser à la société SUNLAB la somme de 800 000 euros en réparation du préjudice financier ainsi subi,

- ordonner la publication, sous astreinte, du dispositif de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques.

*

Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 avril 2008, la société L'OREAL, intimée, demande pour l'essentiel à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a débouté la société SUNLAB de son action en contrefaçon,

- dire et juger la société SUNLAB mal fondée en ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire et l'en débouter,

- dire et juger la société L'OREAL recevable et fondée en son appel incident,

- condamner la société SUNLAB à verser à la société L'OREAL la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur ce, la Cour

Sur la preuve des actes incriminés

Considérant que l'appelante incrimine l'usage qui est fait selon elle de sa marque par la société L'Oréal, tant sur le site internet de cette dernière, dont elle produits des pages écrans, que sur une brochure publicitaire ;

Que l'intimée lui rétorque que ces documents ne sont pas de nature à rapporter la preuve recherchée dans la mesure où aucun élément n'est donné sur l'origine de la brochure publicitaire produite aux débats et, pareillement, aucun élément n'est fourni sur les conditions dans lesquelles les pages du site ont été extraites alors que l'adresse de ce site démontre qu'il ne s'adresse pas au public français mais au public canadien ;

Considérant cependant que si l'appelante n'établit pas l'importance et les modalités de la diffusion de cette brochure il est en revanche ni contestable, ni d'ailleurs contesté, que cette brochure a été réalisée pour la promotion des produits l'Oréal et qu'elle a été diffusée à son initiative sur le territoire français, comme en témoignent les correspondances adressées à l'appelante par certains de ses clients qui se sont dits émus de la publicité faite par l'Oréal pour son produit manuel RE-FINSH, concurrent de l'appareil distribué par l'appelante sous sa marque ;

Que s'agissant des pages écran du site, elles portent une date de consultation, à savoir le 11 juillet 2005, dont rien ne permet de mettre en cause l'exactitude ;que l'adresse du site qui se termine par les mentions ".CA/FR", témoigne de ce qu'il s'adresse certes au public canadien sans pour autant exclure cependant le public français ; qu'en effet ce site qui n'est pas marchand et qui ne contient pas d'offre de vente, est rédigé en langue française et s'adresse tout aussi bien au public français, la société L'Oréal ne soutenant pas qu'elle dispose d' un autre site dédié au public français, distinct de celui dont les pages sont produites aux débats ;

Considérant en conséquence de ces documents font foi de la matérialité des faits litigieux ;

Sur la contrefaçon

A) sur le site internet de l'intimée

Considérant que les pages extraites du site ne permettent pas de visualiser les conditions dans lesquelles le signe « MC PEEL » déposé à titre de marque française le 5 novembre 1996 pour désigner les appareils électriques d'esthétique pour le remodelage et le raffermissement du corps et du visage, aurait été reproduit ; que les demandes formées sur l'allégation d'un usage contrefaisant réalisé sur ce site, ne peuvent donc qu'être rejetées ;

B) sur la plaquette publicitaire

Considérant qu'il s'agit d'un document de présentation publicitaire du produit dénommé Re Finish qui «aide à garder une peau jeune en la protégeant des radicaux libres et du rayonnement solaire » ; que plus précisément, il s'agit de réaliser une "micro-dermabrasion à domicile, qui serait une technique réalisée par les dermatologues pour rajeunir la peau au moyen "d'une exfoliation superficielle de la couche cornée" ; que le produit de la société L'Oréal "ReFinish permettrait d'appliquer plus aisément chez soi cette technique, sans avoir recours à un appareillage lourd tel que, sous entendu, celui commercialisé par l'appelante et dont une photographie figure en dernière page ; que sur la photographie partielle de cet appareil , on distingue aisément, la marque MC Peel qui y est apposée ;

Considérant que la société L'Oréal soutient qu'il ne s'agirait pas là d'un usage à titre de marque car elle a simplement fait figurer en page 2 de la brochure un texte de présentation de la technique professionnelle de la micro - dermabrasion illustré par une série de quatre photographies représentant les étapes d'une séance de micro -dermabrasion en cabinet ; que sur une de ces photos, est représenté un appareil authentique"MC Peel"accessoirement revêtu de sa marque, laquelle n'a dès lors pas été utilisée pour désigner le produit RE Finish de L'Oréal, ni pour l' associer de quelque manière que ce soit à la dite marque ; que le lecteur percevra la présence de celle-ci comme se rattachant exclusivement à l'appareil authentique photographié et non pas comme étant liée au produit de la société L'Oréal ;

Que l'intimée ajoute que si la cour devait considérer qu'il s'agit d'un usage à titre de marque, alors il conviendrait de relever qu'il ne s'agit que d'un usage licite réalisé dans le cadre d'une publicité comparative ;

Considérant toutefois que la photographie litigieuse représente exclusivement une petite partie de l'écran de l'appareil qui réalise cette technique dite de " micro derma brasion "; qu'en revanche, elle représente, et de façon parfaitement lisible l'intégralité de la marque apposée sur l'écran ;

Qu'elle caractérise, ce faisant, une reproduction non autorisée de la marque en cause pour identifier le produit pour la désignation duquel elle a été enregistrée ; qu'il est indifférent que l'appareil soit un appareil authentique dès lors que le signe est reproduit pour désigner l'origine de cet appareil ;

Considérant que cette reproduction est par ailleurs intervenue dans la vie des affaires et plus spécialement pour la promotion commerciale d'un produit cosmétique supposé avoir la même fonction que l'appareil représenté, mais avec l'avantage sous entendu de s'y substituer aisément puisqu'il peut être appliqué manuellement à domicile et permet ainsi de faire l'économie du recours au type d'appareil commercialisé par l'appelante ;

Que la reprise ainsi faite de la marque, porte atteinte aux droits de son titulaire d'en prohiber l'usage par un tiers, dans la vie des affaires - mais en dehors du cadre de la publicité comparative - pour la promotion de produits destinés à remplacer ceux pour la désignation desquels la marque est exploitée ;

Que par ailleurs, en l'absence de toute comparaison entre les appareils MC Peel et la crème Re Finish - comparaison qui en ferait ressortir objectivement les caractéristiques et les différences -, la société L'Oréal ne peut soutenir que cet usage s'inscrirait dans le cadre d'une publicité comparative ;

Considérant en conséquence que la reproduction commise dans ce contexte du signe MC Peel caractérise un usage à titre de marque qui en constitue la contrefaçon au sens de l'article L713-2 du CPI

Considérant que la décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'ils ont rejeté l'action en contrefaçon

Sur la concurrence déloyale

Considérant que l'appelante se fonde principalement sur un film publicitaire que la société L'Oréal diffuserait sur son site et qui mettrait en avant la marque MC PEEL et la technique des appareils de l'appelante ; qu'en l'absence de production aux débats du dit film, le moyen ne peut être accueilli ;

Que s'agissant par ailleurs de la plaquette publicitaire sus - décrite la société Sunlab incrimine l'usage de sa marque qu'elle qualifie de notoire, dans le but de promouvoir une crème qui représente une concurrence directe pour les instituts pratiquant la dermabrasion ;

Considérant cependant qu'elle ne fait pas, par ce moyen, état de fait distinct de ceux retenus au titre de la contrefaçon ; que la promotion faite d'un produit présenté, implicitement, comme remplaçant avantageusement une séance en cabinet, n'est pas de nature à caractériser en elle même un acte de concurrence déloyale pas plus que la présentation d' un Kit Expert" avec la mention ; "Micro-dermabrasion à domicile";

Que la décision des premiers juges sera également infirmée de ce chef

Sur les mesures réparatrices

Considérant que l'importance de la diffusion de la plaquette reste ignorée ; que cependant, il appert à l'évidence qu'elle n'a pas été confidentielle, plusieurs des clients de la société Sunlab en faisant état dans leurs correspondances versées aux débats ;

Qu'au vu de ces éléments, il convient de condamner la société L'Oréal à verser à la société Sunlab la somme de 20 000 euros en réparation des actes de contrefaçon ;

Que cette réparation est suffisante sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter une mesure de publication à titre de dommages et intérêt complémentaire ;

Qu'en l'absence de justification du renouvellement de la marque, la mesure d'interdiction sollicitée ne peut être accueillie ;

Considérant en revanche que l'équité commande de condamner la société L'Oréal à verser à l'appelante la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Reforme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le sort des dépens,

et statuant à nouveau,

Dit qu'en reproduisant le signe MC PEEL, sans l'autorisation de la société SUNLAB sur des plaquettes publicitaires, la société L'Oréal a commis des actes de contrefaçon de la marque éponyme no96 6499233 dont la société SUNLAB est titulaire ;

En conséquence, la condamne à verser à cette dernière la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Rejette les demandes formées au titre de la concurrence déloyale,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société L'Oréal à verser à al société SUNLAB la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et à supporter les dépens qui seront recouvrés par la SCP GOIRAND, conformément à l'article 699 du même code .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0164
Numéro d'arrêt : 07/05473
Date de la décision : 04/07/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 23 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-07-04;07.05473 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award