Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
25ème Chambre-Section A
ARRÊT DU 2 JUILLET 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 11463
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2006- Tribunal de Grande Instance de CRETEIL-RG no 03 / 12637
APPELANTE
Mademoiselle Geneviève X...
représentée par son tuteur M. Yves Y... Y...
...
...
35000 RENNES
représentée par la SCP VERDUN-SEVENO, avoués à la Cour
assistée de Maître Z... François avocat et associés, toque PC 156
INTIMES
Monsieur Robert A...
...
92160 ANTONY
représenté par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Maître B... Emmanuel avocat
Madame Catherine C... D...
...
94500 CHAMPIGNY SUR MARNE
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Geoffroy E... avocat toque R17
Association NEPTUNE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
...
93100 MONTREUIL SOUS BOIS
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de la SCP RICHARD SEBBAN, toque P468
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 MAI 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie Pascale GIROUD, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseiller
Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE
ARRET :
- contradictoire
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.
***
Vu le jugement rendu le 2 mai 2006 par le tribunal de grande instance de Créteil qui a :
- débouté M. AV... ès qualités de tuteur de Mme Vallée de l'ensemble de ses demandes,
- débouté M. Renard de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
- condamné M. AV... ès qualités de tuteur de Mme Vallée à verser à chacun des défendeurs la somme de 1. 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné M. AV... ès qualités de tuteur de Mme Vallée aux dépens ;
Vu l'appel relevé par Mme Vallée, représentée par son tuteur M. AV... qui, par ses dernières conclusions signifiées le 7 novembre 2007 demande à la Cour d'infirmer le jugement et de :
Au visa des articles 450 et 473 du code civil,
- dire que M. Renard a commis une faute dans la gestion de la tutelle de Mme Vallée,
- le condamner au paiement de la somme de 47. 259 euros au titre des conséquences dommageables de cette faute,
Au visa de l'article 1110 du code civil, sinon des articles 449 et suivants dudit code,
- déclarer nulle et de nul effet la convention passée le 3 mai 2001 entre M. Renard, agissant pour le compte de Mme Vallée et l'association Neptune,
- subséquemment, déclarer nulle la vente passée le 12 juin 2001 entre l'association Neptune et Mme F...,
Et, replaçant les parties en état antérieur à la vente,
- ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la restitution par Mme F... du gilet d'homme acquis le 12 juin 2001,
- condamner in solidum avec M. Renard, Mme F... au paiement de la somme de 47. 259 euros à titre de restitution en équivalence de la robe Louis XV, faute de pouvoir la restituer en nature,
- les condamner en outre in solidum au paiement de la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 12 mars 2008 par M. Renard qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- dire M. AV..., ès qualités, mal fondé en son action,
- le débouter de ses demandes au titre des articles 450, 473 et 490-2 du code civil,
- dire qu'aucun manquement pouvant être qualifié de " fautif ", aucune imprudence ni aucun manque de précautions n'ont été commis par lui,
- débouter M. AV... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1110 du code civil,
- le débouter de ses demandes en nullité et indemnisation,
Pour le surplus,
- réformer le jugement,
- condamner M. AV..., ès qualités, à lui payer à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral subi du fait de la procédure abusive et vexatoire diligentée à son encontre, la somme de 10. 000 euros,
- le condamner ès qualités au paiement de la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- le condamner aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 12 février 2007 par l'Association Neptune qui demande à la Cour de :
- confirmer le jugement,
- débouter Mme Vallée représentée par M. AV... ès qualité de tuteur de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme Vallée à lui verser la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 30 mars 2007 par Mme F... qui demande à la Cour, au visa de l'article 2279 du code civil de confirmer le jugement et de condamner Mme Vallée représentée par son tuteur, M. AV..., aux dépens et à lui payer la somme de 3. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Sur ce, la Cour :
Considérant que Mme Vallée, représentée par son tuteur, M. AV..., a déposé des conclusions le 15 avril 2008, jour de l'ordonnance de clôture, mais après le prononcé de celle-ci ; que ces conclusions doivent être déclarées irrecevables par application de l'article 783 du code de procédure civile ;
Considérant que par jugement du 5 juillet 2000, Mme Vallée a été placée sous tutelle, M. Renard étant désigné en qualité de gérant de tutelle ; que le jugement a dit que le tuteur devrait établir et adresser au juge des tutelles un inventaire très complet et détaillé notamment de tout le patrimoine personnel de la personne protégée ; qu'un inventaire des biens meubles contenus dans l'appartement de Mme Vallée sis à Paris XVIème a été établi par un commissaire priseur ; que le gérant de tutelle a été autorisé, par ordonnance du 19 décembre 2000 à vendre aux enchères publiques les meubles et objets mobiliers garnissant le logement de Mme Vallée, les vêtements, objets personnels et souvenirs de la majeure protégée étant exclus de cette vente ; qu'ultérieurement, le juge des tutelles a autorisé le gérant de tutelle a vendre, au nom et pour le compte de Mme Vallée, l'appartement sis à Paris XVIème dont elle était propriétaire ; que par ordonnance du 20 mars 2001, le juge des tutelles, sur la requête de M. Renard ès qualités, l'a autorisé à faire remiser les objets résiduels, notes, dessins, souvenirs divers qui ne pouvaient être déposés à la maison de retraite dans laquelle était hébergée Mme Vallée, dans un box loué à cet effet et à faire débarrasser les meubles de cuisine en mauvais état par l'Association Neptune ; que cette association a débarrassé l'appartement le 3 mai 2001 enlevant à cette occasion divers meubles et objets et notamment " du linge de maison et des tissus en quantité " ;
Considérant qu'il ressort des déclarations faites par le Président de l'Association Neptune, interrogé par les services de police à la suite d'une plainte déposée par M. Le Gal la Salle, que parmi l'important lot de coupons de tissu emporté par l'Association, une robe, qui était " pliée comme un tissu d'ameublement " a été découverte ;
Considérant que cette robe, ainsi qu'un gilet confectionné dans le même tissu et un jupon ont été achetés à l'Association Neptune par Mme F... qui a ensuite confié la robe et le jupon à un commissaire priseur aux fins de les vendre ; que ces objets ont été vendus aux enchères le 4 décembre 2001 ; que Mme F... a perçu à cette occasion la somme de 35. 287, 50 euros ;
Considérant que par jugement du 21 septembre 2001, le tribunal de grande instance de Paris, saisi d'un recours contre la décision du juge des tutelles du 5 juillet 2000, a confirmé cette décision en ce qu'elle avait prononcé l'ouverture de la tutelle de Mme Vallée et, l'infirmant pour le surplus, a dit qu'il y avait lieu à organisation d'une tutelle complète ; que le 9 novembre 2001, M. AV... a été désigné comme tuteur aux biens ;
Considérant qu'ayant appris, par la lecture d'un hebdomadaire paru le 2 janvier 2002, que la robe précitée avait été vendue aux enchères pour le prix de 47. 259 euros, M. Le Gal la Salle a déposé plainte au nom de Mme Vallée puis, par assignations des 3 et 4 décembre 2003, a saisi le tribunal aux fins de voir juger notamment que M. Renard avait commis une faute dans la gestion de la tutelle de Mme Vallée ;
Considérant que M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée, sollicite l'infirmation du jugement qui l'a débouté de cette demande ; qu'au soutien de ses prétentions, il fait valoir essentiellement que dans son ordonnance du 21 mars 2001, le juge des tutelles avait prescrit de ne débarrasser que les meubles de cuisine et de remiser les effets résiduels dans un box et que si M. Renard avait respecté cette ordonnance, la robe aurait été retrouvée dans le box ; qu'il n'avait pas en tout état de cause à se défaire de linge ou de tissus ; qu'il ajoute que le fait que M. Renard ait fait appel à un commissaire-priseur, pour faire l'inventaire des objets mobiliers, ne l'exonère pas de toute faute si précisément ce professionnel n'a pas accompli correctement sa mission et qu'il doit au contraire répondre de ses manquements ;
Considérant que M. Renard s'oppose à cette demande ; qu'il expose qu'à aucun moment, les membres de la famille de Mme Vallée ne lui ont signalé l'existence de la robe, du jupon et du gilet litigieux alors que M. Le Gal la Salle n'a pas hésité à affirmer que ces effets étaient détenus par sa famille depuis plusieurs générations ; qu'il a fait procéder à l'inventaire du mobilier par un commissaire-priseur dont le rôle consistait à inspecter toutes les parties de l'appartement de manière à déceler tout bien susceptible de présenter une quelconque valeur, lui-même n'étant intervenu que pour l'ouverture et la fermeture de la porte de l'appartement ; que l'ordonnance du juge des tutelles ne fait nullement mention de " linge ", raison pour laquelle il n'avait pas à être conservé, d'autant qu'il ne s'agit aucunement de " souvenirs et autres objets à caractère personnel de nature à devoir être conservés à la disposition de la personne protégée " au sens de l'article 490-2 alinéa 3 du code civil ;
Considérant que les pièces versées aux débats démontrent que la robe, du XVIIIème siècle, le jupon et le gilet se sont trouvés entre les mains de l'Association Neptune après que celle-ci eut débarrassé, à la demande de M. Renard, les objets restant dans l'appartement de Mme Vallée ; que cependant, par l'ordonnance du 20 mars 2001 précitée, le juge des tutelles n'avait autorisé M. Renard à faire débarrasser par l'Association Neptune, que " les meubles de cuisine en mauvais état ", les objets résiduels devant être remisés dans un box loué à cet effet ; que dès lors, en laissant l'Association Neptune emporter du linge de maison et des tissus, parmi lesquels se trouvaient les effets litigieux, M. Renard a commis une faute ;
Considérant que cette faute a causé un préjudice à Mme Vallée qui est désormais privée de ces biens ;
Considérant que M. Le Gal la Salle, ès qualité de tuteur de Mme Vallée, réclame à ce titre des dommages et intérêts qu'il fixe à la somme de 47. 259 euros, prix auquel la robe et le jupon ont été vendus ; que cependant, cette somme inclut nécessairement les frais de la vente qui sont à la charge de l'adjudicataire et qu'il ressort des déclarations faites par le commissaire-priseur ayant vendu la robe aux enchères que Mme F... a perçu la somme de 35. 287, 50 euros ; que M. Renard sera condamné à verser à M. Le Gal la Salle, ès qualités, cette somme ;
Considérant que M. Le Gal la Salle, ès qualités, demande en outre, sur le fondement de l'article 1110 du code civil ou sur le fondement de l'article 449 du même code que soit déclarée nulle la convention passée le 3 mai 2001 entre M. Renard, agissant pour le compte de Mme Vallée et l'Association Neptune et, subséquemment, que soit déclarée nulle la vente passée le 12 juin 2001 entre l'Association Neptune et Mme Carpentier D... ; qu'il sollicite dès lors que soit ordonnée, sous astreinte, la restitution par Mme F... du gilet acquis le 12 juin 2001 et que Mme F... soit condamnée, in solidum avec M. Renard, au paiement de la somme de 47. 259 euros à titre de restitution en équivalence de la robe qui ne peut être restituée en nature ;
Mais considérant que la validité de la convention passée entre M. Renard, agissant pour le compte de Mme Vallée et l'Association Neptune, à laquelle il n'est rien réclamé de ce chef, importe peu en l'espèce dès lors qu'en tout état de cause, la validité de la vente intervenue entre cette Association et Mme F... ne peut être remise en cause ; qu'en effet, les pièces versées aux débats par M. Le Gal la Salle ès qualités, parmi lesquelles figurent les procès-verbaux dressés par les services de police à la suite de sa plainte, n'apportent pas la preuve que Mme F... aurait acquis de mauvaise foi les effets litigieux ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Le Gal la Salle, ès qualités, de ses demandes contre Mme F... ;
Considérant que la demande de M. Le Gal la Salle, ès qualités, formée contre M. Renard étant partiellement accueillie, M. Renard sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, que le jugement sera confirmé ce qu'il a condamné M. Le Gal la Salle, ès qualités, à verser à Mme F... et à l'Association Neptune, la somme de 1. 200 euros pour leurs frais irrépétibles de première instance mais infirmé en ce qu'il l'a condamné à verser la même somme à M. Renard à ce titre ; que, s'agissant des frais irrépétibles d'appel, M. Renard sera condamné à verser à M. Le Gal la Salle, ès qualités, la somme de 1. 500 euros mais qu'il n'y a pas lieu d'accueillir les demandes de l'Association Neptune et de Mme F... ;
Considérant que M. Renard supportera les dépens de première instance et d'appel sauf ceux exposés par l'Association Neptune et par Mme F..., qui seront mis à la charge de M. Le Gal la Salle, ès qualités.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevables les conclusions déposées par M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée postérieurement à l'ordonnance de clôture,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. Le Gal la Salle ès qualités de tuteur de Mme Vallée de ses demandes formées contre Mme F...,
- débouté M. Renard de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
- condamné M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée, à verser à Mme F... et à l'Association Neptune la somme de 1. 200 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Condamne M. Renard à verser à M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée, la somme de 35. 287, 50 euros à titre de dommages et intérêts,
Condamne M. Renard à verser à M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée, la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. Renard aux dépens de première instance et d'appel sauf ceux exposés par l'Association Neptune et par Mme F... qui seront supportés par M. Le Gal la Salle, ès qualités de tuteur de Mme Vallée,
Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,