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01/07/2008 | FRANCE | N°06/12626

France | France, Cour d'appel de Paris, 01 juillet 2008, 06/12626


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS




COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B


ARRET DU 01 Juillet 2008
(no, pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 12626


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 04 / 16762




APPELANTE
L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE

...

75848 PARIS CEDEX 17
représentée par Me Cédric GUILLON pour la SCP FROMONT, BRIENS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque

: P 107 substitué par Me Cyril FRANCO, avocat au barreau de PARIS


INTIMÉ
Monsieur Georges Y...


...

77360 VAIRES SUR MARNE
comparant en pers...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRET DU 01 Juillet 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 12626

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 04 / 16762

APPELANTE
L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE

...

75848 PARIS CEDEX 17
représentée par Me Cédric GUILLON pour la SCP FROMONT, BRIENS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P 107 substitué par Me Cyril FRANCO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ
Monsieur Georges Y...

...

77360 VAIRES SUR MARNE
comparant en personne, assisté de Me Bénédicte LITZLER (Association ZAOUI & LITZLER), avocat au barreau de PARIS, toque : A 622

PARTIE INTERVENANTE
ASSEDIC DU SUD EST FRANCILIEN
Service Production Centralisée-contentieux
BP 30023
77551 MOISSY CRAMAYEL CEDEX
représenté par Me Renée BOYER CHAMMARD (LAFARGE ASSOCIES SELARL), avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Alexandre DUPREY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mai 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte BOITAUD, Présidente, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

Monsieur Georges Y..., engagé par L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE, en qualité de Responsable du département Management et Ressources Humaines, à compter du 1 octobre 1998 à temps partiel et du 12 octobre 1999 à temps plein, a été licencié par lettre du 22 décembre 2004 énonçant :

" Nous sommes au regret de vous notifier par la présente lettre recommandée AR, votre licenciement. Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez donc, au mois le mois, l'indemnité compensatrice correspondante.
En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s'agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien du 17 décembre 2004, à savoir :

- abus d'autorité et de pourvoir (sic) à l'égard d'étudiants
-dénigrements de la Direction et des Enseignants des autres filières
-exécution défectueuse des fonctions du Management
-insuffisance de présence, à ce titre incompatible avec l'exécution des missions.

Ainsi : Votre comportement vis-à-vis des étudiants qui vous ont été confiés, aboutit à de trop nombreuses mises en cause collectives et individuelles.
De nombreux étudiants ont ainsi mis en alerte l'institution contre des abus de pouvoir et des abus d'autorité de votre part, de nature à créer une atmosphère de travail particulièrement lourde et oppressante à dégrader profondément les conditions de travail, et à rejaillir sur leur travail et sur leur vie professionnelle.
Vous dénigrez en permanence la politique suivie par la Direction de l'Ecole et vous critiquez systématiquement vos collègues enseignants.

Cette attitude est déplacée, injustifiée, de nature à nuire à la bonne marche de notre Etablissement et inacceptable compte tenu de votre statut de Cadre.

Le management de la filière qui vous est confié, est inadapté : ainsi et notamment, les plannings préétablis sont présentés indûment à la Direction comme acceptés par les enseignants, ce qui entraîne, au détriment de la bonne marche de l'Etablissement, de nombreuses modifications et surtout de nombreuses tensions et même des conflits aboutissant à des démissions et désengagements.

Pour la bonne exécution de vos missions de responsable du Département Management et Ressources Humaines, et notamment de coordination, nous avons mis à votre disposition un Bureau qui vous est propre.

Or, la direction, vos supérieurs hiérarchiques, les enseignants des autres filières ainsi que les étudiants, ont trop souvent trouvé porte close.

A de différentes reprises, depuis la rentrée et au cours de ces mois d'octobre et de novembre, nous avons attiré votre attention sur la nécessité, dans l'intérêt de l'Ecole et ses étudiants de modifier votre comportement et d'exécuter normalement vos fonctions.

Cependant vous n'en avez pas tenu compte.

C'est dans ces circonstances que pour l'ensemble de ces motifs, et dans l'intérêt de l'Ecole, nous avons été amenés à envisager puis à décider votre licenciement. "

Par jugement en date du 13 juin 2006, le Conseil des prud'hommes de Paris a considéré que le licenciement de Monsieur Y... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a condamné, à ce titre, L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE à lui verser la somme de 61. 000 euros.

L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE en a relevé appel.
Monsieur Y... en a relevé appel incident afin d'obtenir la condamnation de L'INSTITUT SUPERIEUR DU COMMERCE à lui verser la somme de 110. 000 euros à titre de dommage intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 26 mai 2008.

* *
*
L'I. S. C reproche au conseil de prud'hommes d'avoir supposé que l'employeur avait eu connaissance de la candidature de M Y... aux élections professionnelles et considéré que c'était l'événement déclencheur du licenciement. L'I. S. C maintient que les griefs exposés dans la lettre de licenciement justifient cette mesure.

M Y... conteste tant la réalité que le sérieux des griefs qui lui sont faits et maintient que sa candidature aux élections professionnelles de l'I. S. C est la véritable raison de son licenciement. Sur le premier grief, il fait observer que l'I. S. C a reçu le courrier des étudiants qui fonde les reproches, le 20 décembre 2004 soit après sa convocation à un entretien préalable qui date du 6 décembre 2004 ; que les étudiants en question, au nombre peu significatif de 11 sur les 58 dont il avait la charge en 2004, ne se sont jamais plaint auparavant ; que le contenu de ce courrier est largement démenti par de nombreux témoignages d'étudiants qu'il produit ; que ses évaluations par les élèves sont très élogieuses et les témoignages de ses collègues instructifs. Sur le deuxième grief, M Y... fait valoir que les larges responsabilités qui lui étaient confiées n'ont jamais été remises en cause, qu'il ne s'est pas livré à des critiques " incessantes " mais a simplement usé de sa liberté d'expression ; que les mails que l'I. S. C lui attribue et les attestations produites ne peuvent avoir force probante ; qu'en revanche, les attestations qu'il produit témoignent de ce que l'I. S. C est elle-même l'objet de critiques. M Y... rappelle que l'augmentation de ses responsabilités contredisent le troisième grief relatif à l'exécution défectueuse des fonctions de management. Par ailleurs sur le dernier reproche, M Y... soutient qu'il a prévenu l'I. S. C de son absence en 2002 et que le grief tardif de présence insuffisante ne peut que surprendre eu égard aux missions qu'il accomplissait.

Décision

Certes M Y... avait une ancienneté de six années et exerçait d'importantes responsabilités au sein de l'I. S. C. Il assurait notamment la responsabilité pédagogique du 3ème cycle " Audit et management des ressources humaines ", la responsabilité du cycle de 3ème année " Audit d'organisation et ressources humaines ", la responsabilité des enseignements de management et ressources humaines des 1ère et 2ème années, ainsi que des responsabilités en matière de coordination et de recrutement. Certes il produit aussi des attestations très élogieuses de la part d'étudiants et des mails par lesquels ils entendent soutenir leur professeur. Il est exact qu'il entre bien dans les fonctions d'un professeur d'initier ses élèves à exercer leur esprit critique et que lui-même est en droit de s'exprimer librement sur le fonctionnement de l'établissement au sein duquel il exerce ses responsabilités. Cependant au vu des pièces versées au dossier par l'I. S. C, il était légitime que cet établissement décide de se séparer d'un responsable qui suscitait des réactions négatives tant de la part d'étudiants que de collègue. Le dernier trimestre 2004 était émaillé de divers faits ou écrits dont M Y... était à l'origine et qui desservaient le fonctionnement et l'image de l'institut. Par courrier du 18 octobre 2004, M. G..., professeur écrivait à l'I. S. C afin de l'informer qu'il cessait sa collaboration en raison de l'évolution regrettable de ses relations avec M Y.... Par mail du 19 novembre 2004, le directeur des études sollicitait M Y... pour une mise au point à la suite de la mise en cause par celui-ci de collègues, de sa hiérarchie " et de façon plus générale la diabolisation de votre environnement de travail justifiant à vos yeux votre repli sur votre filière... ". Par ailleurs la pétition signée par 11 étudiants décrit et dénonce une attitude inadéquate de leur professeur laquelle est confirmée par la teneur des nombreux mails " collectifs " adressés par M Y... à ses étudiants : « Pardon à ceux dont j'ai gâché le week end, les autres-nombreux étant probablement disposés à profiter de leur dimanche pour faire un crochet à l'église... Vision religieuse très ethnocentriste, je vous l'accorde, une fois de plus, et dont me pardonneront Sofia, Sam ira, Rajaa, Hédi et Yuejong. Mais leurs dieux (certes, Boudha n'en est pas un), dans leur bonté infinie, m'auront compris et auront traduit.... », «... tout est prétexte à mesquineries, petitesses et bassesses. J'ai bien compris que, derrière mon dos, une poignée de minable, d'ingrats, de gosses gâtés à la mémoire courte se fait un malin plaisir à semer la zizanie et à dresser les uns contre les autres ", « Mais je ne laisserai pas passer le manque de respect d'une poignée de gamins sournois aussi irresponsables qu'incultes, prêts à nous pourrir cette fin de programme pour satisfaire leur ego et leur médiocrité démesurée,.. » et encore "... Sachez que je commence à en avoir assez de la petite bande de clampins qui, au sein de la promotion, répand de manière sournoise et vile toutes sortes de rumeurs sur les uns et les autres, agresse avec des procès d'intention des condisciples.... A une certaine période terrible de notre histoire de France, ces tristes sires portaient le nom de collabos... », « vous me parlez de promotion déchirée et de la crainte de la voir mal finir le programme. Les irresponsables comme Thomas (et avec lui, les petits malins dans l'ombre comme Emilie, Séverine, Eva P, Maxime, Barbara et deux ou trois autres que je ne préfêre pas nommer... immatures et donneurs de leçons, irrespectueux à l'égard de tout sauf de leurs nombrils... ".

Ces propos témoignent de la part de M Y... d'une absence totale de distance laquelle est pourtant nécessaire, dans une juste mesure y compris dans le cadre d'un enseignement sur le management des ressources humaines, au maintien d'un respect réciproque et propre à établir une autorité acceptée de tous.

Les difficultés liées à ces relations peu sereines au sein de l'établissement, préexistaient à l'organisation des élections professionnelles. M Y... a été convoqué le 6 décembre 2004 à un entretien préalable soit avant la date du 19 décembre 2004, date limite de dépôt des candidatures.
Aucun élément ne permet de retenir que l'employeur a eu connaissance d'une éventuelle candidature de l'intéressé avant sa convocation. Ni l'attestation de M. A... ni celle de M. B... ne font cette preuve. Le premier ne fait qu'émettre un voeu et le second rapporte des propos tenus par un autre. Ce n'est que postérieurement au licenciement que M Y... a posté le 13 janvier 2005 un courrier, daté du 14 décembre 2004, aux termes duquel il indiquait " J'ai pris connaissance, hier, de la mesure de licenciement envisagée... en dépit de votre décision à venir, et sans la préjugez, je porte à votre connaissance l'intention que j'avais de vous faire savoir, cette semaine, de me présenter comme candidat aux prochaines élections professionnelles de l'ISC. C'est donc chose faite et elle revêt un caractère officiel... je ne doute pas un instant que vous ayez pu, au plus vite prendre connaissance de mon projet... ".

Dans plusieurs mails, au directeur des études le 18 novembre 2004 et à ses anciens élèves le 19 décembre 2004, M Y... explique de façon très circonstanciées les raisons liées à son comportement qui, selon lui, " agace " et qui est bien antérieur à toute négociation sur le protocole d'accord préélectoral. L'évaluation de l'intéressé en date du 20 janvier 2003 témoigne de l'antériorité des difficultés relationnelles constatées par la direction.

Il s'ensuit que le licenciement de M Y... repose sur une cause réelle et sérieuse. Il est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement,

DEBOUTE M Y... de ses demandes,

MET les dépens à la charge de M Y...,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/12626
Date de la décision : 01/07/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-07-01;06.12626 ?
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