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26/06/2008 | FRANCE | N°06/00406

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 26 juin 2008, 06/00406


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 26 Juin 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00406

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES section commerce RG no 04/00422

APPELANT

1o - Monsieur José X...

...

95190 GOUSSAINVILLE

représentée par Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Souria MOKHTARI, avocat

au barreau de PARIS, toque R.286,

INTIMEE

2o - SARL INTRABUS ORLY

Bureau 5555

BP 257

94543 ORLY AEROGARE CEDEX

représentée par Me...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre C

ARRET DU 26 Juin 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/00406

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2005 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES section commerce RG no 04/00422

APPELANT

1o - Monsieur José X...

...

95190 GOUSSAINVILLE

représentée par Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Souria MOKHTARI, avocat au barreau de PARIS, toque R.286,

INTIMEE

2o - SARL INTRABUS ORLY

Bureau 5555

BP 257

94543 ORLY AEROGARE CEDEX

représentée par Me Catherine PEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 182,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Mme Irène LEBE, Conseillère

Mme Hélène IMERGLIK, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats,

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'EURL Intrabus Orly assure pour le compte de la société Aéroports de Paris le transport par autobus des passagers et équipages sur les pistes de l'aéroport d'Orly. La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport lui est applicable.

A compter du 18 mai 1992 M. José X... a travaillé en qualité de conducteur d'autobus coefficient 131 V au sein de la société Intrabus Orly dans le cadre de contrats de travail temporaire successifs dont le dernier a pris fin le 31 mai 1995.

Il a été engagé le 1er juin 1995 en contrat à durée indéterminée par la société Intrabus Orly en qualité de conducteur coefficient 131 V avec une reprise d'ancienneté au 1er juin 1993.

Il a conclu le 2 juillet 1993 avec son employeur une transaction au terme de laquelle son ancienneté a été reprise depuis le 18 mai 1992 et une indemnité de 6.500 euros lui a été versée en réparation de son préjudice.

Jusqu'au 1er janvier 2001 des accords d'entreprise renouvelés chaque année fixaient des rémunérations mensuelles de base différentes selon la date d'embauche des salariés, en sus des primes d'ancienneté.

Invoquant une violation du principe "à travail égal, salaire égal", M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges en août 2004 pour obtenir un rappel de salaire de juin 1999 à décembre 2000 et les congés payés afférents, des dommages-intérêts pour discrimination salariale depuis son engagement en contrat à durée indéterminée, la remise de bulletins de paie rectifiés et l'octroi d'une indemnité de procédure.

La société Intrabus Orly a demandé des dommages-intérêts pour procédure abusive et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 6 octobre 2005 le conseil de prud'hommes (section commerce), retenant que la transaction avait autorité de chose jugée a dit les demandes du salarié irrecevables ; il a rejeté les demandes de la société Intrabus Orly.

Le salarié a fait appel.

Devant la cour il a repris ses demandes initiales de rappels de salaire et de congés payés afférents et y a ajouté une demande d'indemnisation au titre de la prime d'habillage et de déshabillage pour la période de 2002 à mai 2007, des dommages-intérêts sur le fondement des articles L.120-4 du Code du Travail et 1147 du code civil, la remise sous astreinte de bulletins de salaire rectifiés et l'octroi d'une indemnité de procédure.

La société Intrabus Orly a soulevé l'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale au profit du Tribunal de Grande Instance de Créteil s'agissant de la demande nouvelle concernant l'habillage et le déshabillage, et a subsidiairement conclu à son rejet. Elle a repris ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure et a sollicité pour le surplus la confirmation du jugement.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées à l'audience du 3 avril 2008.

Les parties ont envoyé à la cour des notes et pièces en délibéré.

MOTIVATION :

Sur l'exception d'incompétence :

La société Intrabus Orly soutient que les demandes relatives au temps d'habillage et de déshabillage formées par l'appelant et les autres conducteurs ayant saisi simultanément le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel présentent des caractéristiques d'un conflit collectif dès lors qu'elles tendent à faire reconnaître un droit identique fondé sur le même texte, qui bénéficiera à l'ensemble des conducteurs de l'entreprise.

Cependant l'action en paiement d'indemnités au titre du temps d'habillage et de déshabillage formée par l'intéressé à son seul profit demeure l'objet d'un différend individuel même si le problème soulevé est susceptible d'intéresser les autres conducteurs de la société et la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer en application de l'article L.511-1 (devenu L.1411-1) du Code du Travail.

L'exception sera donc rejetée.

Sur la demande de rejet des notes et pièces transmises en délibéré :

La cour a entendu le 3 avril 2008 deux conducteurs de la société Intrabus Orly qui se sont présentés pour exposer les conditions d'habillage et de déshabillage en usage dans l'entreprise.

La société Intrabus Orly, autorisée à adresser une note en réplique, a fait parvenir à la cour un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 8 avril 2008 dont l'appelant sollicite le rejet.

Aucun élément ne permet d'établir avec certitude si la société Intrabus Orly a fait parvenir ces pièces tardivement à l'intéressé, qui en tout cas a pu les examiner et les critiquer.

Le respect des droits de la défense impose que la société Intrabus Orly, confrontée le 3 avril 2008 aux déclarations de témoins dont elle n'avait pas été avisée au préalable puisse y répondre et elle n'a pas excédé ses droits en procédant à un constat, étant observé que le salarié n'a pas sollicité la réouverture des débats pour répliquer à son tour ou demander une mesure d'instruction.

Les notes et pièces transmises en délibéré ne seront donc pas rejetées.

Sur la demande de rappel de salaire :

L'appelant fait valoir que depuis son engagement en contrat à durée indéterminée jusqu'à la suppression, en janvier 2001, des anciennes grilles de rémunération à quadruple entrée, son salaire de base était inférieur à ceux de MM A... et B..., exécutant les mêmes tâches avec la même qualification et le même coefficient que lui, alors que leur différence d'ancienneté était déjà prise en compte par une prime d'ancienneté distincte du salaire de base.

La société Intrabus Orly, qui a ramené tous les salaires de base des conducteurs au même niveau en janvier 2001, ne conteste pas cette inégalité de traitement mais soutient que le préjudice en résultant a été réparé dans le cadre de la transaction conclue avec l'intéressé. Cet argument a été retenu par les premiers juges qui ont déclaré la demande irrecevable.

La transaction a entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Cependant la portée de la transaction est limitée à son objet et la renonciation à tous droits, actes et prétentions qui y est faite ne s'entend que de ce qui est relatif au litige qui y a donné lieu.

La transaction conclue entre les parties au présent litige évoque les missions d'intérim du salarié avant son embauche en contrat à durée indéterminée sans reprise totale de son ancienneté, les contentieux individuels engagés par d'autres salariés devant des instances judiciaires relativement à des demandes d'annulation des contrats de mission et de requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée, l'engagement de la nouvelle direction dans un processus de reconstitution de carrière impliquant une requalification de la relation contractuelle et une régularisation du préjudice subi sous réserve des paiements d'ores et déjà effectués par les sociétés de travail temporaire. Elle mentionne la nécessité pour chaque salarié de remettre les contrats de travail et les bulletins de paie antérieurs à son engagement en contrat à durée indéterminée et indique la solution transactionnelle trouvée, qui consiste à reprendre l'ancienneté acquise au cours de ses précédentes missions d'intérim et à lui verser une indemnité transactionnelle forfaitaire, globale et définitive ayant le caractère de dommages-intérêts et constituant une juste réparation du préjudice moral subi.

Il ne résulte pas de ces éléments qui font tous référence à la situation du salarié avant son engagement par Intrabus Orly en contrat à durée indéterminée que l'inégalité de traitement subie après son embauche ait été envisagée ni indemnisée dans le cadre de la transaction.

Au demeurant la société Intrabus Orly qui se prévaut du caractère collectif de la démarche de régularisation initiée par la nouvelle direction ne soutient pas avoir opéré de régularisation comparable au profit de ses salariés sous contrat à durée indéterminée qui auraient subi une inégalité de traitement en raison des grilles de rémunération antérieures à 2001.

L'appelant expose à juste titre avoir subi un préjudice tant financier que moral par la perte durant sa période d'intérim de divers avantages spécifiques à l'entreprise (13ème mois variant selon l'ancienneté, prime d'ancienneté, mutuelle, formation, exercice des droits collectifs).

La circonstance que certains salariés aient reçu, au titre de leur transaction, une indemnité inférieure au barème retenu dans le cadre de la négociation collective menée en vue de la régularisation des anciens intérimaires, pour tenir compte des rappels de salaire qui leur ont été versés par les entreprises de travail temporaire tend également à circonscrire l'objet de la transaction et de l'indemnité alors versée à la période antérieure à la conclusion de contrats à durée indéterminée.

La demande, étrangère au litige réglé par la transaction, sera donc déclarée recevable et le jugement infirmé sur ce point.

La société Intrabus Orly reconnaît la violation du principe "à travail égal, salaire égal" durant la période considérée et ne conteste pas les montants des rappels de salaire et de congés payés réclamés à ce titre.

Elle n'est pas fondée à demander que de ces montants soit déduite l'indemnité transactionnelle versée alors qu'il a été établi qu'elle avait un objet distinct.

Les demandes seront donc admises.

La société Intrabus Orly devra remettre au salarié des bulletins de paie conformes sans qu'il y ait lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte

Sur l'indemnisation des temps d'habillage et de déshabillage :

Le contrat de travail impose au conducteur d'assurer son service dans la tenue qui lui est fournie par la société Intrabus Orly.

Le cahier des charges définissant les modalités d'exécution du transport des passagers par bus sur les aires de trafic de l'aéroport d'Orly impose le port par les chauffeurs d'un uniforme comportant l'insigne et le logo reproduisant la dénomination du prestataire pour permettre d'identifier parfaitement l'appartenance du personnel à cette entreprise.

L'appelant demande une indemnité au titre de son temps d'habillage et de déshabillage pour la période de 2002 à mai 2007.

Selon l'article L.3121-3 du Code du Travail "Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le porte d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail".

La nécessité du port de la tenue de travail n'est pas contestée mais les parties s'opposent sur l'obligation de la revêtir dans l'entreprise.

Il semble résulter des deux attestations et du procès-verbal de constat produits par la société Intrabus Orly que l'usage prévaut pour les conducteurs d'arriver sur le lieu de travail en uniforme, alors que l'appelant et les deux témoins entendus à l'audience de plaidoirie contestent la fréquence et le caractère majoritaire de cet usage.

En tout état de cause l'appelant affirme à titre personnel revêtir son uniforme dans l'entreprise, ce qu'aucun élément de preuve ne vient contredire.

La société Intrabus Orly a refusé d'engager une négociation sur l'indemnisation du temps d'habillage et de déshabillage au motif qu'elle n'imposait pas qu'il s'effectue dans l'entreprise, même si elle mettait des vestiaires et des douches à la disposition de ses chauffeurs.

Elle a rappelé par plusieurs notes de service que les chauffeurs étaient libres de revêtir leur uniforme dans l'entreprise ou à leur domicile.

Le litige porte donc sur l'interprétation du mot "doivent" figurant dans le texte légal.

L'uniforme en cause se compose d'un pantalon de ville bleu marine, une veste bleu marine avec le logo de l'entreprise, une chemise blanche avec le même logo, une cravate, et à titre facultatif, un pull bleu marine à col en V et une parka bleu marine ou noire.

Cet uniforme est compatible avec l'accomplissement d'un trajet en transports en commun ou en véhicule individuel. Il n'en demeure pas moins que le salarié revêtant sa tenue de travail à son domicile devra effectuer le trajet sous le regard du public qui reconnaîtra son appartenance professionnelle, et qu'il est en droit de préférer circuler anonymement, revêtu de la tenue de son choix tant qu'il n'est pas sous la subordination de son employeur.

L'appelant revendique le droit d'exercer cette liberté, donc de pouvoir ne revêtir sa tenue de travail que dans l'enceinte de l'entreprise sans être privé de la contrepartie légale. Il fait également valoir qu'il est ainsi assuré de disposer d'un uniforme en parfait état et d'éviter tout risque de sanction.

Quoiqu'il en soit de la pratique habituelle des autres conducteurs, l'exercice de cette liberté individuelle et la volonté de préserver sa tenue de travail suffisent à constituer l'obligation, pour l'appelant, de s'habiller et déshabiller dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.

La société Intrabus Orly refusant de l'indemniser conformément aux dispositions légales, il appartient au juge de fixer le montant de la contrepartie due au salarié.

Celui-ci évalue à 10 minutes le temps nécessaire pour l'opération d'habillage ou de déshabillage dans le vestiaire, ce qui apparaît raisonnable et n'est pas contredit.

Il produit un décompte détaillé du temps passé à ces opérations de 2002 à mai 2007, en tenant compte de ses périodes d'absence et réclame une indemnité calculée sur la base de la perte de rémunération correspondante.

Cette demande, qui n'est pas utilement critiquée, apparaît fondée et il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-après.

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Le salarié ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui est réparé par les sommes allouées par le présent arrêt.

Ses demandes étant admises au moins pour partie, il n'a pas abusé de son droit d'agir en justice.

Les demandes de dommages-intérêts seront donc rejetées.

Sur les frais non répétibles :

La société Intrabus Orly devra verser 500 euros à l'appelant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Dit n'y avoir lieu de rejeter les pièces et notes en délibéré,

Rejette l'exception d'incompétence,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Condamne la société Intrabus Orly à verser à M. X... :

- 1.719,74 euros (MILLE SEPT CENT DIX NEUF EUROS et SOIXANTE QUATORZE CENTIMES) de rappel de salaire pour la période de juin 1999 à décembre 2000,

- 171,97 euros (CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS et QUATRE VINGT DIX SEPT CENTIMES) de congés payés afférents,

La condamne à lui remettre des bulletins de paie conformes,

Y ajoutant,

Condamne la société Intrabus Orly à verser à M. X... :

- 3.413,63 euros (TROIS MILLE QUATRE CENT TREIZE EUROS et SOIXANTE TROIS CENTIMES) à titre d'indemnisation de la prime d'habillage et de déshabillage pour la période de 2002 à mai 2007,

- 500 euros (CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Intrabus Orly aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 06/00406
Date de la décision : 26/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 06 octobre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-06-26;06.00406 ?
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