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25/06/2008 | FRANCE | N°07/16197

France | France, Cour d'appel de Paris, 25 juin 2008, 07/16197


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



1ère Chambre - Section H



ARRÊT DU 25 JUIN 2008



(no 29, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 2007/16197



Décision déférée à la Cour : rendue le 05 Juillet 2007 par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS





DEMANDEURS AU RECOURS :



- M. Marcel X...


né le 15 octobre 1931 à PARIS 19ème (75)

de nationalit

é : Française

Dirigeant de société

demeurant : ... SUR MARNE



représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître David SCEMLA,

avocat ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 25 JUIN 2008

(no 29, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2007/16197

Décision déférée à la Cour : rendue le 05 Juillet 2007 par l'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEURS AU RECOURS :

- M. Marcel X...

né le 15 octobre 1931 à PARIS 19ème (75)

de nationalité : Française

Dirigeant de société

demeurant : ... SUR MARNE

représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître David SCEMLA,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER

69, avenue Victor Hugo 75783 PARIS CEDEX 16

- M. Gérard X...

né le 1er octobre 1953 à PARIS 11ème (75)

de nationalité : Française

demeurant : ...

représenté par la SCP LAGOURGUE & OLIVIER,

avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître Hervé Z...

avocat au barreau de PARIS

SCP AZOULAY

...

- La société MARIONNAUD PARFUMERIES, S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

dont le siège social est : ...

représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE,

avoué près la Cour d'Appel de PARIS

assisté de Maître Isabelle A...
B...
C...,

avocat au barreau de PARIS

Cabinet HOGAN & HARTSON MNP

...

EN PRÉSENCE DE :

- M. LE PRESIDENT DE L'AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS

17 place de la bourse

75002 PARIS

représenté par Mme Brigitte GARRIGUES et Mme Mathilde D..., munies d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Didier PIMOULLE, Président

- M. Christian REMENIERAS, Conseiller

- Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. Hugues WOIRHAYE, Avocat Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Didier PIMOULLE, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * *

LA COUR,

Vu les recours en annulation, subsidiairement en réformation, de la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (ci-après : l' A.M.F.) du 5 juillet 2007, formés :

- le 24 septembre 2007, par M. Marcel X..., qui a déposé le 8 octobre 2007 le mémoire contenant l'exposé des moyens de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 17 avril 2008,

- le 25 septembre 2007, par la s.a. marionnaud parfumeries (ci-après : marionnaud), qui a déposé le 9 octobre 2007 le mémoire contenant l'exposé des moyens de son recours, soutenu par son mémoire récapitulatif et en réplique déposé le 16 avril 2008,

- le 25 septembre 2007, par M. Gérald X..., qui a déposé le 9 octobre 2007 le mémoire contenant l'exposé des moyens de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 17 avril 2008,

Vu les observations déposées le 11 février 2008 par l' A.M.F. en réponse à ces recours,

Vu les observations écrites du ministère public, du 5 mai 2008, mises à la disposition des parties avant l'audience,

Les conseils des requérants, qui ont été en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, le représentant de l' A.M.F. et le ministère public entendus en leurs plaidoiries et observations orales à l'audience publique du 13 mai 2008,

* *

SUR QUOI,

Considérant que marionnaud, qui exploitait un réseau de magasins de distribution sélective de parfumerie et qui avait été introduite au second marché de la bourse de Paris en juillet 1998 puis cotée au premier de mai 2001 au 19 octobre 2005, date de son retrait obligatoire de la cote à la suite du succès de l'offre publique d'achat de la société as watson, alors qu'elle était dirigée par MM Marcel et Gérald X..., respectivement président-directeur général et directeur général délégué, a différé par trois fois la publication de ses résultats au 30 juin 2004, les 25 octobre, 12 novembre et 15 décembre 2004, en faisant état, successivement, de la nécessité de « permettre aux commissaires aux comptes de pouvoir terminer leurs travaux de révision », puis « d'ajustements comptables pouvant avoir un impact sur le résultat de l'ordre de 20 M € avant impôt », indiquant ensuite que « les corrections d'erreurs passées et la volonté de présenter des comptes conformes à l'avis du Conseil national de la comptabilité du 13 octobre dernier n'ont pas permis aux commissaires aux comptes d'achever leur revue des comptes semestriels à temps », annonçant enfin, le 17 décembre 2004, des « corrections d'erreurs de 93 M € au 30 juin 2004 » ; que, dans ce contexte, alors que le cours de l'action avait été suspendu, à la demande de l' A.M.F., le 10 décembre 2004, une enquête sur l'information financière et le marché du titre marionnaud a été ouverte le 3 janvier 2005 ; que, à l'issue de l'enquête sur l'information financière, des griefs ont été notifiés à marionnaud, à MM Marcel et Gérald X... et aux commissaires aux comptes successifs de marionnaud auxquels il était reproché, en synthèse, d'avoir manqué à l'obligation d'information du public en ayant publié des informations inexactes dans les communiqués des 15 juillet et 29 octobre 2002, 15 janvier 14 avril, 29 avril, 16 juillet, 15 octobre et 22 octobre 2003, 20 janvier, 21 avril, 21 juillet et 21 octobre 2004, ainsi que dans les documents de référence déposés les 19 décembre 2003 et 19 juillet 2004, et ce :

- par la majoration indue, en comptabilité, du montant des produits à recevoir au titre des remises de fin d'année (« rfa ») et des participations publicitaires (« pp »), en majorant aussi bien les taux que les quantités d'achats auxquels ces taux étaient appliqués,

- par la minoration de la part des rfa dans le total des produits à recevoir (rfa + pp), ce qui entraînait une majoration indue des stocks ;

Que c'est ainsi que la Commission des sanctions, ayant retenu ces griefs à l'égard de marionnaud, de MM Marcel et Gérald X... et des commissaires aux comptes dont le mandat avait pris fin en juin 2004, mais non pas à l'égard des commissaires aux comptes mandatés par la suite, a prononcé des sanctions pécuniaires, notamment de 1.000.000 € contre M. Marcel X... et de 500.000 € contre M. Gérald X... et marionnaud et ordonné la publication de la décision ;

A / Sur la procédure :

1. Sur la nullité de la désignation des enquêteurs alléguée par M. Gérald X... :

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que les enquêteurs qui ont mené les investigations ont reçu leur mission de M. E..., directeur des enquêtes et de la surveillance de la direction des marchés, lequel avait reçu « délégation à l'effet de signer les ordres de mission des agents habilités à effectuer des enquêtes pour le compte de l'Autorité des marchés financiers » suivant la décision du secrétaire général no 51 du 12 février 2004 portant délégation de signature ; qu'une telle délégation entre dans les prévisions de l'article R.621-11, alinéa 4, du code monétaire et financier ; que le moyen tiré par M. Gérald X... de l'irrégularité de la désignation des enquêteurs, en ce qu'il repose sur la fausse affirmation que M. E... aurait reçu délégation, non du secrétaire général, mais d'un secrétaire général adjoint, serait-il opérant, manque ainsi en fait et en droit ;

2. Sur la nullité du rapport d'enquête alléguée par M. Gérald X... :

Considérant que M. Gérald X... soutient que le rapport d'enquête serait nul parce qu'il a été signé par M. E..., alors que ce dernier n'a personnellement participé à aucun des travaux des enquêteurs ;

Mais considérant que la rédaction du rapport d'enquête, qui a pour objet d'exploiter et de présenter une synthèse des constatations des enquêteurs, n'est pas une tâche étrangère aux attributions du directeur des enquêtes et de la surveillance des marchés sous l'autorité duquel les investigations sont menées ; qu'aucun texte ne précise les conditions dans lesquelles le rapport d'enquête doit être signé ; qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne prévoit la nullité du rapport d'enquête signé, non par les enquêteurs habilités, mais par leur supérieur hiérarchique ; que, en tout état de cause, M. Gérald X... s'abstient de préciser en quoi cette situation aurait pu lui faire grief ;

3. Sur la violation de la présomption d'innocence alléguée par M. Marcel X... :

Considérant que le secrétaire général de l' A.M.F. a décidé le 17 août 2005 de disjoindre l'enquête sur le marché du titre marionnaud de l'enquête sur l'information financière ; que cette décision d'administration de la procédure, en elle-même à l'abri de toute contestation, a séparé les deux enquêtes, chacune d'elles ne pouvant désormais donner lieu qu'à d'éventuelles procédures aux fins de sanctions elles-mêmes indépendantes, sauf à ce qu'elles soient de nouveau jointes par l'effet d'une décision de même nature prise dans la même forme ;

Considérant que la procédure relative à l'information financière a donné lieu à un rapport établi le 5 juillet 2005 par la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés puis à la notification de grief du 28 septembre 2005 qui a conduit à la décision déférée ;

Que, parallèlement, l'enquête sur le marché du titre a suivi son propre cours pour aboutir à la notification à M. Marcel X..., le 22 février 2007, d'un grief lui reprochant d'avoir vendu des titres marionnaud alors qu'il savait, en sa qualité de principal dirigeant social, que « tout ou partie de l'information financière communiquée par la société marionnaud aurait été inexacte ou trompeuse » ;

Considérant que M. Marcel X... soutient que cette deuxième notification de grief, intervenue alors que la procédure consécutive à la première notification, dans laquelle il contestait avoir connu la fausseté de l'information, était toujours en cours, a violé la présomption d'innocence en ce qu'elle tenait pour acquis le fait qu'il connaissait le caractère inexact ou trompeur de cette même information ;

Mais considérant que la notification de grief, qui a pour objet d'énoncer l'accusation portée contre la personne poursuivie afin de provoquer ses moyens de défense et d'ouvrir la phase contradictoire de l'instruction, ne peut en elle-même constituer une atteinte à la présomption d'innocence puisque, n'emportant ni déclaration de culpabilité ni préjugement de la décision à intervenir, elle a au contraire pour finalité d'indiquer les faits dont il incombera à l'autorité de poursuite de rapporter la preuve ;

Considérant que la circonstance qu'une notification de grief intervienne alors que la procédure se rapportant à un grief précédemment notifié n'a pas encore donné lieu à une décision définitive ne change ni la nature ni la finalité de cet acte, même si, comme en l'espèce, le deuxième grief notifié suppose, pour être retenu, que soient établis certains des faits constitutifs du premier ;

Considérant qu'il suit de là que le moyen n'est pas fondé ;

4. Sur la violation du principe de séparation des phases d'instruction et de sanction alléguée par MM. Marcel et Gerald X... :

Considérant qu'il est constant que le rapporteur désigné par la Commission des sanctions, dans son rapport établi le 30 mai 2007, a donné son avis sur les sanctions qui, selon lui, devaient être prononcées à l'encontre des différentes personnes mises en cause ;

Que MM X... estiment que, ce faisant, le rapporteur a non seulement outrepassé sa mission - dont le contenu, qui se déduit des articles R.621-39 et R.621-40 du code monétaire et financier, se limite, selon eux, à la présentation objective du résultat de ses recherches et n'autorise pas l'expression de sentiments personnels sur l'issue de la procédure - mais encore entretenu une confusion entre les fonctions d'instruction et de jugement contraire aux droits de la défense, à l'interdiction de la participation du rapporteur au délibéré et au principe d'impartialité posé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais considérant que l'article R.621-40 du code monétaire et financier, selon lequel : « Lors de la séance, le rapporteur présente l'affaire », ne comporte pas les limites alléguées par les requérants et n'interdit pas au rapporteur d'évoquer l'affaire dans tous ses aspects, y compris celui des sanctions encourues ;

Considérant, au surplus, que M. Gérald X... a été mis en mesure de se défendre sur l'intégralité du rapport dans le délai de réplique ; qu'il a obtenu un report de la séance initialement prévue 1e 26 avril 2007 pour être entendu le 9 mai ; qu'il a pu débattre contradictoirement de l'ensemble du dossier lors de la séance de la commission du 5 juillet 2007 et que le rapporteur n'a pas participé au délibéré de le la décision déférée ; que la situation dénoncée ne fait donc pas grief ;

Considérant, en toute hypothèse, que le rapport du rapporteur n'est qu'un des éléments du dossier au vu duquel la commission se prononce ; que, dès lors, le contenu et les conclusions de celui-ci sont sans incidence sur la légalité de la décision ; qu'ainsi, le fait que le rapporteur ait pris parti sur les sanctions susceptibles d'être prononcées n'est pas de nature à mettre en cause l'impartialité de la Commission des sanctions ;

5. Sur la violation de l'obligation de motivation de la décision de sanction alléguée par M. Marcel X... :

Considérant que la décision querellée, ayant notamment évoqué les circonstances qui ont entraîné l'ouverture de l'enquête, analysé les textes applicables, caractérisé les inexactitudes contenues dans les informations communiquées au public et examiné l'imputabilité des faits retenus à chacune des personnes mises en cause, contient l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles elle s'est fondée et qui permettent à la cour d'en contrôler la légalité ; que, dès lors, le moyen développé par M. Marcel X..., qui affirme que « la décision ne permet pas de vérifier que les arguments soulevés par lui pour démontrer son absence de responsabilité ont été pris en compte et ont été écartés pour des raisons valables », mais qui s'abstient, au demeurant, de toute indication sur la consistance de ceux de ses arguments qui seraient demeurés sans réponse, n'est pas fondé ;

Considérant qu'il ressort en particulier de la décision que l'A.M.F., ayant rapproché les fonctions de président-directeur général de marionnaud exercées par M. Marcel X... et la nature des inexactitudes contenues dans les informations communiquées et visé l'article 632-1 de son règlement général, a indiqué par une motivation suffisamment intelligible qu'elle estimait que M. Marcel X..., dès lors qu'il exerçait effectivement les responsabilités allant avec ses fonctions, ce qu'il ne conteste pas, savait ou tout au moins devait savoir que les informations litigieuses étaient inexactes et trompeuses ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la procédure suivie devant l'A.M.F. ne souffre d'aucune irrégularité ;

B / Sur les griefs :

Considérant, à la réserve d'un point particulier qui sera examiné plus loin, qu'aucun des requérants ne conteste l'inexactitude des données comptables portées à la connaissance du public par les communiqués des 29 octobre 2002, 29 avril et 22 octobre 2003 et les documents de référence déposés les 19 décembre 2003 et 19 juillet 2004 tel qu'elle a été caractérisée par la décision querellée ; qu'il suffit, pour en comprendre la nature et en saisir la portée, d'indiquer que celle-ci venait de la surévaluation des produits à recevoir au titre des remises de fin d'année et des participations publicitaires ;

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure et des explications des parties que les remises de fin d'années (ci-après : RFA) et les participations publicitaires (ci-après : PP), qui font partie de ce qu'il est convenu d'appeler « marges arrières », consistaient en des avantages commerciaux consentis à marionnaud par ses fournisseurs, soit à raison des quantités achetées (RFA), soit comme contribution aux frais exposés par marionnaud pour la bonne renommée de leurs produits (PP) ; que ces avantages étaient négociés par la direction des achats, sous la surveillance étroite revendiquée par M. Marcel X..., et enregistrés en comptabilité au terme d'un processus complexe qui, selon ce dernier, avait favorisé les erreurs à l'origine de la mauvaise information du marché ;

Considérant que les inexactitudes relevées portaient sur les deux points suivants :

- le montant des produits à recevoir au titre des RFA et des PP a fait l'objet d'une majoration indue, dont la révélation a imposé un retraitement comptable d'un montant total de 54.869 €, cette majoration ayant été opérée tant par celle des taux que par celle des quantités achetées ;

- la part de RFA dans le total des produits à recevoir (RFA + PP) a été minorée, ce qui a conduit à une minoration du taux de décote sur stocks, cette opération ayant un impact d'un montant, sur les exercices 2002 et 2003, de 17,9 M € dans les filiales françaises et de 9,5 M € dans les filiales étrangères du groupe ;

Considérant, sur ce second point, que M. Marcel X..., dès lors qu'il se flatte d'avoir apporté une attention toute spéciale à la négociation de ces avantages commerciaux, connaissait nécessairement la différence de nature impliquant un traitement comptable distinct des RFA et des PP, exclusif d'une répartition forfaitaire fixée indépendamment de la réalité des opérations contractuelles ; qu'il persiste dès lors vainement à soutenir que la méthode d'évaluation était juste au prétexte qu'elle avait été approuvée par certains commissaires aux comptes, alors d'ailleurs que les commissaires aux comptes suivants en ont jugé différemment ;

Considérant, les griefs n'étant ainsi pas utilement discutés dans leur matérialité, que la contestation ne porte réellement que sur leur imputabilité aux personnes mises en cause, chacune d'elle faisant valoir qu'il n'est pas démontré, comme l'exige l'article 632-1 du règlement général de l'A.M.F. pour que le grief puisse être retenu, qu'elle « savait ou aurait du savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses » ; que la situation des requérants sera donc examinée ci-après de ce seul point de vue, étant précisé à cet égard que le dirigeant d'une société, par ses fonctions, est supposé maîtriser ·la communication de l'entreprise et que, lorsqu'une information est communiquée,·il doit en principe en répondre à moins que des circonstances particulières, dont il lui appartient de démontrer la réalité, ne l'aient privé de l'exercice, total ou partiel, de ces fonctions, justifiant qu'il en ait légitimement ignoré le caractère fallacieux ;

1. M. Marcel X... :

Considérant que M. Marcel X..., président-directeur général de marionnaud jusqu'au 12 septembre 2005, en tout cas en exercice à l'époque des faits, explique, en synthèse, que, s'il apportait une attention toute particulière à la négociation des RFA et des PP menée par la direction des achats de marionnaud avec les fournisseurs, ses fonctions ne lui permettaient pas cependant de se rendre compte que la base des achats ou les taux de RFA avaient été indûment majorés et souligne qu'il n'avait commis aucune négligence susceptible de fonder une présomption de connaissance du caractère inexact de la répartition entre RFA et PP ;

Mais considérant que M. Marcel X..., qui se borne en définitive, pour l'essentiel, à revendiquer sa bonne foi et à imputer la responsabilité des erreurs, suivant les cas, soit à la direction des achats de marionnaud, soit à la direction comptable de la société, soit encore aux commissaires aux comptes, n'allègue aucune circonstance justifiant qu'il aurait été mis dans l'impossibilité de veiller à l'exactitude des données traitées par les services de la société dans le cadre d'une organisation dont il lui appartient, non de dénoncer les insuffisances, mais au contraire d'en répondre, et par des personnels qui étaient ses subordonnés ; qu'il ne précise pas en quoi l'exercice de ses fonctions de président-directeur général ne lui aurait pas donné le pouvoir de déceler les dysfonctionnements qu'il reproche en particulier au directeur comptable et le cas échéant d'y porter remède ; que, s'il peut être admis qu'il ne lui incombait pas d'effectuer en personne les calculs ou les vérifications nécessaires, encore n'est-il pas fondé à prétendre, comme il le fait au moins implicitement, qu'il aurait été de ce seul fait dispensé du devoir de savoir comment et avec quelle marge d'incertitude ou d'erreur les données litigieuses étaient élaborées et les informations publiées ; qu'il est en tout cas acquis, au moins pour l'exercice 2002, qu'il a lui-même indiqué au directeur comptable les taux à prendre en compte pour corriger les erreurs imputées au service des achats ;

Considérant qu'il en résulte que les arguments développés par M. X... pour contester que les griefs lui soient imputables ne sont sans fondés ; que c'est par des motifs complets, exacts et pertinents que la cour adopte que les griefs ont été retenus à l'encontre de M. Marcel X... ;

2. M. Gérald X... :

Considérant que M. Gérald X..., expert-comptable diplômé, exerçait à l'époque des faits les fonctions de directeur général délégué et directeur financier de marionnaud ; qu'il apparaît en outre à plusieurs reprises désigné comme « responsable de l'information » dans les documents de référence des 19 décembre et 19 juillet 2004 ; qu'il explique toutefois n'avoir « jamais été en charge au sein de la société des relations avec les fournisseurs, ni d'ailleurs du suivi des RFA et des PP » et n'avoir « jamais participé au processus de calcul, d'enregistrement, de revue et d'encaissement des RFA et des PP ainsi qu'à la validation des taux de RFA et de PP » (page 10 de son mémoire) ; que, d'ailleurs, selon lui, suffisamment de personnes intervenaient sur ces questions pour qu'il n'ait pas à s'en soucier et ses fonctions l'absorbaient tellement qu'il n'avait pas vocation à intervenir sur des aspects purement comptables (pages 13 et 14 de son mémoire) ;

Mais considérant que M. Gérald X... se contredit sur ce point en affirmant néanmoins (page 14 de son mémoire) qu'il lui « est toujours apparu ... que les principes de comptabilisation des RFA et PP arrêtés par les commissaires aux comptes par les services concernés ne posaient aucune difficulté » reconnaissant ainsi nécessairement qu'il savait comment ces éléments étaient traités ;

Considérant, en toute hypothèse, qu'il ne suffit pas que M. Gérald X..., habilité à représenter la société par ses fonctions de directeur général, revendiquant en outre la qualité de directeur financier, affichant par ailleurs celle de responsable de l'information, affirme qu'il négligeait de fait de s'intéresser à certains aspects de la gestion de la société pour faire valoir qu'il ne savait pas ou en tout cas ne devait pas savoir le caractère inexact ou trompeur des informations publiées sous sa responsabilité ; qu'il n'invoque aucune circonstance propre à justifier son ignorance prétendue de la fausseté des données relatives au RFA et PP ;

Considérant que c'est donc également par de justes motifs que la cour adopte que l'A.M.F. a retenu les griefs à l'encontre de M. Gérald X... ;

3. La s.a. marionnaud parfumeries :

Considérant que marionnaud affirme qu'un manquement ne peut être imputé qu'à une personne physique, même quand celle-ci agit dans l'exercice de ses fonctions au nom de la société qu'elle incarne ;

Mais considérant que, tant qu'il n'est pas désavoué par la personne morale qu'il représente, le mandataire social qui décide ou agit pour l'exercice des prérogatives contenues dans ses fonctions engage, par ses décisions et ses agissements, la société qui l'a placé à sa tête et qui lui maintient sa confiance ;

Que c'est donc en vain que marionnaud s'efforce de démontrer que, faute de contrôles internes suffisants et en raison de la gouvernance patriarcale instaurée par M. Marcel X..., les manquements reprochés à ce dernier ne lui sont pas imputables ; que c'est donc à juste titre que l'A.M.F. a retenu les griefs à son égard ;

C/ Sur les sanctions :

Considérant, aux termes de l'article L621-15 du code monétaire et financier, que la commission des sanctions de l'A.M.F. peut prononcer contre les personnes à l'encontre desquelles un manquement aux obligations résultant de son règlement général est établi une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 1,5 M € et doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ;

Considérant que, par nature, un manquement à la bonne information du public n'est pas susceptible en principe de procurer directement un avantage ou un profit à son auteur ; qu'il n'y a donc pas lieu de tenir compte en l'espèce de cet élément d'appréciation qui n'est mentionné qu'à titre éventuel dans le texte susvisé ;

Considérant que l'A.M.F. souligne à juste titre le caractère exceptionnellement grave du manquement à la bonne information du public constitué à l'encontre des trois personnes mises en cause et observe pertinemment que les actionnaires de marionnaud (dont plus de 60 % du capital était détenu par le public) ont été lourdement abusés quant à la sincérité de l'information financière délivrée par la société, dont les irrégularités ont nécessité des retraitements comptables sur le chiffre d'affaires et le résultat d'un montant considérable de plus de 80 M€ et que le cours a enregistré une baisse de plus de 30 % en réaction à l'annonce de ces retraitements, lésant sérieusement les actionnaires dans leurs droits patrimoniaux ;

Considérant, au vu de ce qui précède, que M. Marcel X... n'est pas fondé à prétendre que les faits retenus contre lui constituent « l'hypothèse la moins grave dans le cas de commission d'un manquement de fausse information » et que « la sanction viole le principe de proportionnalité en ce qu'elle ne tient pas compte du fait qu'il n'a retiré aucun avantage de la communication au marché » ;

Considérant que l'A.M.F. a en réalité exactement apprécié le montant de la sanction prononcée contre M. X... en tenant compte, d'une part, de sa position hiérarchique la plus élevée au sein de marionnaud, de sa pleine responsabilité dans le suivi des négociation des marges arrières, dans l'organisation de la direction des achats en charge de leur évaluation et dans le fonctionnement des services qui ont procédé à leur traitement comptable conformément à ses instructions ; d'autre part, de l'importance des écarts constatés entre les informations publiées et la réalité ;

Considérant que M. Gérald X... se borne à solliciter à titre subsidiaire la réduction de la sanction prononcée à son encontre sans développer aucun moyen spécifique à ce sujet ; que l'A.M.F. a fait, en ce qui le concerne, une exacte appréciation des règles précédemment rappelées applicables à la détermination de la sanction ;

Considérant que marionnaud fait valoir que, si une sanction devait être prononcée à son encontre, celle-ci ne pourrait être que symbolique dès lors que les manquements commis étaient directement liés à la personnalité de M. Marcel X... et que la société, loin d'en avoir retiré un quelconque profit, en a été au contraire l'une des premières victimes, ayant été conduite au bord de la faillite dont elle ne s'est préservée qu'au prix d'une augmentation de capital de 800 millions d'euros et ayant supporté, outre un préjudice d'image, plus de 20 millions d'euros d'impôts indus ;

Mais considérant que l'A.M.F. a tenu compte de l'ensemble de ces éléments et aussi des mesures prises par les nouveaux dirigeants pour prévenir le renouvellement de tels manquements et exactement apprécié la sanction prononcée contre la société en retenant un montant deux fois inférieur à celui de la sanction frappant son dirigeant ;

Considérant, en définitive, que les recours seront rejetés ;

* *

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les recours,

CONDAMNE les requérants aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Benoit TRUET-CALLU Didier PIMOULLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 07/16197
Date de la décision : 25/06/2008

Références :

Décision attaquée : Autorité des marchés financiers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-25;07.16197 ?
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