RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre A
ARRET DU 24 Juin 2008
(no 7, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07 / 01617- A. C.
Décision déférée à la Cour : SUR RENVOI APRÈS CASSATION du 31 janvier 2007 concernant l'arrêt rendu le 27 avril 2004 par la Cour d'Appel de VERSAILLES (15ème Chambre) suite au jugement rendu le 26 Juillet 2001 par le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT section Encadrement RG no 00 / 00965
APPELANTE
Madame Nicole X...
...
75016 PARIS
comparant en personne, assistée de Me Pascal DELIGNIERES, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, toque PN 702
INTIMEE
SOCIETE BIO RAD LABORATOIRES
3 boulevard Raymond Poincaré
92403 MARNES LA COQUETTE
représentée par Me Dominique CLOUET D'ORVAL (de la SCP BAKER & Mc KENZIE), avocat au barreau de PARIS, toque P445
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain CHAUVET, Président
Mme Irène LEBE, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 13 mars 2008
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par arrêt du 27 avril 2004 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, la cour d'appel de VERSAILLES a :
- confirmé un jugement du 26 juillet 2001 du conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT qui a :
- débouté Madame Nicole X... de l'ensemble de ses demandes.
- fixé le montant de sa rémunération mensuelle brute sur 12 mois à 52 788 francs.
- débouté la SA BIO RAD de sa demande reconventionnelle.
- y ajoutant a condamné Madame X... à payer à la société BIO RAD LABORATOIRES la somme de 1000 euros.
Madame ... a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 31 janvier 2007 la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 27 avril 2004, renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS et condamné la société BIO RAD LABORATOIRES au paiement de la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 7 mai 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, aux termes desquelles Madame X... demande à la cour de :
- infirmer la décision entreprise.
- constater qu'elle s'est conformée à la procédure des départs volontaires mise en place par la société BIO RAD dans le cadre du plan social d'accompagnement des licenciements pour motif économique.
- constater que la rupture du contrat de travail ne pouvait être considérée comme une démission et que la prise d'acte de l'employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- condamner la société BIO RAD LABORATOIRES au paiement des sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 24 142, 44 euros.
- congés payés sur préavis : 2414, 24 euros.
- indemnité conventionnelle de licenciement : 55 849, 50 euros.
- indemnité contractuelle de rupture : 193 139, 49 euros.
- indemnité pour non respect de la procédure spécifique des licenciements économiques : 8047, 48 euros.
- indemnité complémentaire de progression : 40 237, 39 euros.
- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 96 569, 74 euros.
- dire que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal et avec capitalisation à compter du 9 mai 2000.
- ordonner la remise d'une attestation d'employeur destinée à l'ASSEDIC et d'un certificat de travail conformes sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la date du prononcé de l'arrêt.
- condamner la société BIO RAD LABORATOIRES au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 7 mai 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments, aux termes desquelles la société BIO RAD LABORATORIES demande à la cour de :
- dire que la rupture des relations contractuelles est une démission.
- débouter Madame X... de l'ensemble de ses demandes.
À titre subsidiaire,
- dire que Madame X... ne peut cumuler les indemnités prévues par le plan social en cas de départ volontaire avec les indemnités prévues contractuellement et avec une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À titre très subsidiaire,
- réduire la clause pénale prévue par l'avenant du 10 juin 1999.
À titre reconventionnel,
- condamner Madame X... au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Considérant que Madame X... engagée le 16 octobre 1986 par le groupe SANOFI devenu SANOFI SYNTHELABO, exerçait les fonctions de secrétaire générale de la branche " Diagnostics " lorsque le groupe a cédé cette branche à la société BIO RAD LABORATORIES par un traité de fusion absorption du 3 juillet 1999.
Considérant que la société BIO RAD qui avait décidé une réorganisation impliquant des licenciements, a établi un plan social prévoyant notamment des départs volontaires.
Considérant que Madame X... s'est portée candidate au départ volontaire le 15 mars 2000 sur la base d'une proposition de poste formulée par l'INSTITUT PASTEUR le 7 mars 2000.
Considérant que cette candidature a reçu un avis favorable de la part du cabinet BPI chargé de la gestion de la procédure et du reclassement.
Considérant que par lettre du 9 mai 2000, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que l'employeur n'a pas répondu à sa demande.
Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, il y a lieu d'examiner si les griefs qu'il forme sont fondés ; que, dans un tel cas, la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement qui, en l'absence de lettre en énonçant les motifs, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que, dans le cas contraire, la prise d'acte produit les effets d'une démission.
Considérant que le volontariat externe (volontariat au départ) peut concerner n'importe quel salarié sans condition de suppression de poste, la direction se réservant toutefois la possibilité d'exercer un droit de veto. (cf note RH NEWS du 9 mars 2000)
Considérant que le calendrier fixé par la société BIO RAD dans cette note était le suivant, la direction des ressources humaines s'engageant à répondre par écrit aux candidats non retenus :
"- entre le 10 / 03 / 00 et le 07 / 04 / 00 :
Envoi demande écrite et motivée au Responsable Ressources Humaines du site de rattachement.
- au plus tard le 21 / 04 / 00 :
Réponse du RH après validation de la demande et selon avis de la direction. "
Considérant que suite aux réunions du Comité Central d'Entreprise Extraordinaire des 24 / 28 mars 2000 le plan d'accompagnement social et notamment le calendrier de la procédure du volontariat ont été modifiés (cf pièce intimée no 18 p. 11 et 12) :
- " demande écrite et motivée déposée auprès de la Direction des Ressources Humaines avant le 21 avril 2000.
- validation du projet par la Direction des Ressources Humaines,
- acceptation de la demande par la Direction des Ressources Humaines, la réponse motivée interviendra au plus tard dans les 15 jours suivant la date de clôture du volontariat.
La Direction se réserve un droit de veto afin d'éviter une désorganisation de l'entreprise. "
Considérant que ces dispositions sont confirmées par :
- la feuille de route diffusée par la direction des ressources humaines indiquant :
-21 avril : fin du volontariat.
-23 avril / 5 mai : réponses au volontariat (délai 8 à 15 jours).
-9 mai : notification des volontaires externes (si accord DDTE).
- une nouvelle note interne (RH NEWS) du 31 mars 2000 précisant :
- Report de la date limite pour le volontariat : jusqu'au 21 / 04 / 00.
- Tous les candidats volontaires, qu'il s'agisse du volontariat interne (candidatures sur des postes en interne) ou du volontariat externe (volontariat au départ) ont jusqu'au 21 avril 2000 dernier délai, pour faire acte de candidature par courrier au Responsable des Ressources Humaines.
- Une réponse leur parviendra dès que possible et au plus tard le 5 mai. "
Considérant que si la notification des départs était conditionnée par l'autorisation de la DDTE, tel n'était pas le cas de la validation des départs qui devait intervenir au plus tard le 5 mai 2000.
Considérant que la société BIO RAD n'a pas répondu à la candidature de Madame X... dans les délais qu'elle avait elle même fixés, laissant ainsi la salariée dans l'ignorance de son sort alors que le délai pour répondre à la proposition d'embauche qui lui avait été faite était expiré (cf lettre de l'INSTITUT PASTEUR du 28 avril 2000).
Considérant que la question du refus éventuel de l'entreprise au départ de Madame X... est sans influence déterminante sur le litige dès lors que la société BIO RIAD n'a jamais répondu à la candidature de l'intéressée.
Considérant que le non respect par la société BIO RAD de l'engagement pris dans le plan social caractérise de sa part un manquement fautif préjudiciable à la demanderesse, la privant des droits résultant de son contrat de travail et du plan social.
Considérant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée est justifiée, ce qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Que le jugement sera donc infirmé.
Sur les demandes en paiement
-indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et indemnité conventionnelle de licenciement
Considérant que les sommes réclamées de ces chefs par la salariée sont conformes à ses droits et aux textes applicables.
Qu'elles ne sont d'ailleurs pas contestées en leur montant par la défenderesse.
Considérant qu'il revient donc à Madame X... les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis (trois mois) et congés payés afférents : 24 142, 44 euros et 2414, 24 euros.
- indemnité conventionnelle de licenciement : 55 849, 50 euros.
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant qu'il y a lieu à application de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Considérant que Madame X... a retrouvé immédiatement un emploi équivalent à celui qu'elle occupait.
Qu'une somme de 48 284, 87 euros correspondant à six mois de salaire réparera justement le préjudice qu'elle a subi.
- indemnité contractuelle de licenciement
Considérant qu'un avenant au contrat de travail de l'appelante du 10 juin 1999 stipule :
" la société vous a octroyé une garantie irrévocable destinée à couvrir tous les cas (à l'exception de la faute grave ou lourde) où votre situation dans l'entreprise serait remise en cause, directement ou indirectement, du fait de l'employeur, excepté la mise à la retraite à partir de 65 ans.
En pareille hypothèse, vous bénéficierez de plein droit d'une indemnité d'un montant équivalent à 24 mois de salaire si votre départ de l'entreprise intervient dans les deux ans à compter du transfert du contrôle de la société. Au delà de cette période, vous conservez le bénéfice d'une indemnité égale à 12 mois de salaire....
Cette indemnité sera due en supplément de toutes indemnités à verser en vertu de la loi et des conventions collectives. "
Considérant que la rupture du contrat est imputable à l'employeur, ce qui ouvre droit au paiement de l'indemnité.
Considérant que l'indemnité de licenciement lorsqu'elle est prévue par le contrat de travail a le caractère d'une clause pénale et peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif
Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, eu égard à l'ancienneté de Madame X... dans la société (14 ans), à son âge, aux responsabilités qui étaient les siennes dans son poste de secrétaire générale et au fait qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'une clause identique a été stipulée pour 22 autres cadres de l'entreprise.
Considérant qu'il sera donc alloué à l'appelante la somme de 193 139, 52 euros. (24 mois de salaire)
- indemnité complémentaire progressive du plan social
Considérant que la rupture du contrat de la salariée n'est pas intervenue dans le cadre d'un départ volontaire mais d'un licenciement.
Que l'indemnité n'est donc pas due.
- indemnité pour non respect de la procédure spécifique des licenciements économiques
Considérant que la demande doit être rejetée faute de justification du préjudice invoqué à ce titre.
Sur les autres demandes
Considérant que les sommes sus mentionnées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation en justice par la défenderesse pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur date d'exigibilité pour le surplus.
Considérant que la société BIO RAD devra remettre à l'appelante une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Considérant que la société intimée qui succombe supportera les dépens et indemnisera l'appelante des frais exposés dans la cause à concurrence de la somme de 5000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau,
Condamne la société BIO RAD LABORATOIRES à payer à Madame Nicole X... les sommes suivantes :
-24 142, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.
-2414, 24 euros à titre de congés payés sur préavis.
-55 849, 50 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.
-193 139, 49 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture.
-48 284, 87 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
-5000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
les dites sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation en justice par la défenderesse pour les sommes exigibles à cette date et à compter de leur date d'exigibilité pour le surplus.
Ordonne la remise d'une attestation ASSEDIC et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société BIO RAD aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,