Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
8ème Chambre-Section B
ARRÊT DU 19 JUIN 2008
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 20389
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2007 rendu par le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07 / 83039
(M. X...)
APPELANTE
Madame Corice Y...
... 6
NEW YORK-NY 10013
10013 ETATS-UNIS
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la cour
assistée de Maître Georges Z..., avocat au barreau de PARIS, plaidant pour le cabinet KGA AVOCATS, toque : K 110,
INTIMES
S. A. CAMARD ET ASSOCIES
prise en la personne de ses représentants légaux
...
75009 PARIS
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoué à la cour
assistée de Maître Laurence A..., avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP FONTAINE-MITRANI, toque : G 38,
Monsieur Alain B... né le 13 septembre 1956 à Ortez (64), de nationalité française,
...
98000 MONACO
représenté par la SCP HARDOUIN, avoué à la cour
assisté de Maître Anny C..., avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SELARL MEDUS-DEVAUX-BLUM, substituant Maître Jean-Louis D..., toque :
L 197,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 mai 2008, rapport ayant été fait, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Annie BALAND, présidente
Madame Alberte ROINÉ, conseillère
Madame Martine FOREST-HORNECKER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière : lors des débats : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT :- contradictoire
-prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Annie BALAND, présidente, et par Madame Mélanie PATÉ, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Corice Y... a interjeté appel d'un jugement, en date du 26 novembre 2007, par lequel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris :
- reçoit la société CAMARD et Associés en intervention volontaire,
- déboute Alain B... de sa demande d'annulation de la dénonciation de la saisie revendication du 8 juin 2007 et de ses demandes subséquentes,
- rétracte l'ordonnance sur requête du 7 juin 2007,
- ordonne à Corice Y... de procéder à la main levée immédiate de la saisie-revendication pratiquée le 8 juin 2007 entre les mains de la société CAMARD et Associés,
- condamne Corice Y... à payer à Alain B... la somme de 5. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamne Corice Y... à payer à Alain B... et à la société CAMARD et Associés la somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 13 mai 2008, Corice Y... demande d'infirmer le jugement et de :
- redonner plein effet à l'ordonnance du 7 juin 2007 autorisant la saisie revendication de 7 oeuvres d'ARMAN,
- condamner Alain B... et la société CAMARD et Associés à lui payer la somme de 7. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'ARMAN a cédé tous ses biens et ses droits sur ses oeuvres à une Fondation, que par testament, elle est exécuteur testamentaire de son mari, qu'Alain B... n'avait ces ouvres qu'en dépôt en contrepartie de dîners.
Par dernières conclusions du 15 mai 2008, Alain B... demande de :
- infirmer le jugement qui l'a débouté de sa demande d'annulation de la dénonciation de la saisie-revendication du 8 juin 2007,
- juger que le domicile mentionné dans l'acte est erroné et que cette irrégularité lui cause grief, qu'il est en conséquence nul,
Cour d'Appel de ParisARRET DU 19 JUIN 2008
8ème Chambre, sectionBRG no 07 / 20389- ème page
-confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner Corice Y... à procéder à la mainlevée de la saisie sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
- dire que Corice Y... est dépourvue de tout droit de créance sur les sept oeuvres picturales visées par la revendication, dire qu'il en est le légitime propriétaire,
- condamner Corice Y... à lui payer la somme de 50. 000 euros à titre de dommages-intérêts et à une amende civile ainsi que au paiement de la somme de
10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que Corice Y... l'a domicilié arbitrairement chez la société CAMARD et Associés au lieu de rechercher son domicile, que l'acte ne retrace aucune diligence particulière de l'huissier de justice, qu'il n'a ainsi été averti de la saisie revendication que postérieurement à la date de la vente aux enchères prévue, que cela lui a causé un préjudice moral considérable, que Corice Y... revendique des objets qui sont sa propriété par don manuel de l'artiste, que l'action en revendication est prescrite, qu'elle n'a pas qualité pour agir, qu'il avait la possession utile de ces oeuvres ;
Par dernières conclusions du 15 mai 2008, la société CAMARD et Associés demande de :
- condamner Corice Y... à lui payer les sommes de 32. 515, 70 euros au titre du préjudice financier, de 10. 000 euros pour le préjudice d'image et de notoriété, de 15. 000 euros pour procédure abusive, de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rejeté la demande de nullité de la dénonciation de la saisie-revendication du 8 juin 2007 ; qu'en effet, d'une part, Alain B... ne rapporte pas la preuve d'un grief, puisqu'il a lui-même assigné Corice Y... devant le juge de l'exécution le 26 juillet 2007 en nullité de la saisie-revendication, d'autre part, aux termes des articles 159 et suivants du décret du 31 juillet 1992, l'irrégularité de la dénonciation de la saisie-revendication faite entre les mains d'un tiers détenteur n'est pas sanctionnée ;
Considérant qu'il est constant que la validité d'une mesure conservatoire pratiquée en France est régie par les textes du droit français applicables ;
Considérant que l'article 155 du décret du 31 juillet 1992 dispose que toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d'un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d'une saisie-revendication ;
Considérant que Corice Y... soutient avoir qualité, en tant qu'exécuteur testamentaire de son époux décédé et fidéicommissaire de la fiducie qu'il a créée, pour agir aux fins de préservation de la consistance des biens de la fiducie et du droit d'ARMAN sur ses oeuvres ; qu'Alain B... et la société CAMARD et Associés lui opposent des décisions françaises, qui ne tranchent pas la question de la qualité de Corice Y... à agir, mais relèvent seulement que cette qualité est en litige aux Etats-Unis ; que le juge de l'exécution et la cour statuant avec les mêmes pouvoirs, saisis de la validité d'une mesure conservatoire, ne sauraient trancher ce point litigieux ; qu'au vu des documents produits par Corice Y..., testament enregistré en France par notaire le 8 décembre 2006,
certificat de la Surrogate Court de New-York du 25 janvier 2008, la désignant comme exécuteur testamentaire à titre préliminaire, fiducie, acte de cession attribution des oeuvres d'ARMAN à cette fiducie, en date du 18 avril 2005, dûment traduits, et enregistrés en France, Corice Y... a qualité pour agir ;
Considérant que Corice Y... soutient que les 7 oeuvres d'ARMAN revendiquées n'ont été que déposées chez Alain B... pour décorer son restaurant, qu'elle a qualité, en tant qu'exécutrice testamentaire de son époux décédé et fidéicommissaire du " trust " institué par celui-ci, auquel il a cédé ses biens et droits mobiliers et immobiliers, pour les revendiquer au nom du " trust " ; qu'Alain B... soutient que les oeuvres lui ont été données par l'artiste lui-même, par don manuel ;
Considérant que l'apparence montre que les oeuvres d'ARMAN étaient dans le restaurant d'Alain B... à New-York depuis l'année 2000 ; qu'il les a rapportées en France en janvier 2007, après qu'il a fermé cet établissement ; que Corice Y... depuis qu'elle se dit investie des qualités lui permettant d'agir pour la sauvegarde des oeuvres d'ARMAN, après son décès en 2005, n'a pas réclamé la restitution de ces oeuvres dont elle connaissait la présence dans l'établissement d'Alain B... ; qu'en application de la présomption de l'article 2279 du code civil, Corice Y... n'apparaît pas fondée à revendiquer la propriété de ces oeuvres pour la succession ou la fiducie ;
Considérant que, pour combattre cette présomption, Corice Y..., qui doit rapporter la preuve de l'absence de don manuel, soutient qu'un homme avisé comme Alain B... n'aurait jamais pu recevoir ces oeuvres sans s'assurer par un écrit qu'elles lui appartenaient désormais ; mais qu'à l'inverse, un artiste comme ARMAN, que son épouse dit soucieux de la diffusion de son oeuvre et de sa valeur économique, ne pouvait déposer chez un ami des oeuvres sans garder la preuve écrite de ce dépôt, preuve que Corice Y... ne rapporte pas ; qu'elle produit un document, non daté, qu'elle qualifie de lettre, qui serait de la main d'ARMAN, adressée à Alain B..., selon lequel celui-ci lui " doit " la somme de " 350. 000 US " dollars pour
les sept panneaux litigieux ; mais que ce document, dont l'origine n'est pas expliquée, ne peut être considéré comme une facture, et le serait-il, il n'a jamais été présenté à Alain B... pour paiement ou simple reprise par l'artiste de son vivant ; que les mentions qu'il porte ne suffisent pas à caractériser le simple dépôt chez Alain B... ; qu'enfin, un seul témoignage, celui de Monsieur F..., ne peut suffire à contredire la présomption de titre d'Alain B..., d'autant que celui-ci produit lui-même un témoignage qui rapporte l'intention libérale d'ARMAN dans la réalisation des oeuvres pour le restaurant ;
Considérant que Corice Y... qui ne justifie pas avoir donné mainlevée de la saisie-revendication en exécution du jugement entrepris, se verra condamnée à le faire sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard dans les termes du dispositif ; que cette saisie mal fondée, faite à quelques jours de la vente publique organisée, a causé à Alain B... un préjudice par la suspicion sur l'origine de sa possession des oeuvres et ses conséquences sur la possibilité d'une vente future, qui justifie l'allocation à titre de dommages-intérêts de la somme retenue par le premier juge ;
Considérant que, sur le préjudice invoqué par la société CAMARD et Associés, que le premier juge a justement relevé que la vente avait été remise mais que le préjudice matériel, le manque à gagner n'était que provisoire ; que cependant, la société CAMARD et Associés a exposé des frais pour préparer cette vente et ce genre d'incident peut nuire à l'image d'une société de vente et justifie l'allocation d'une somme de
10. 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que le jugement entrepris doit être confirmé sauf en ce qu'il a rejeté l'indemnisation du préjudice de la société CAMARD et Associés ;
Considérant que le droit de défendre ses intérêts en justice ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages-intérêts qu'en cas d'une attitude fautive génératrice d'un dommage ; qu'une telle preuve n'est pas rapportée à l'encontre de Corice Y... ; que les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées, ainsi que la demande d'amende civile ;
Considérant que l'équité commande de rembourser Alain B... et la société CAMARD et Associés des frais exposés pour cette procédure non compris dans les dépens par l'allocation d'une indemnité de 4. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté l'indemnisation du préjudice de la société CAMARD et Associés,
Et statuant à nouveau,
Condamne Corice Y... à payer à la société CAMARD et Associés la somme de 10. 000 euros toutes causes de préjudice confondues,
Y ajoutant,
Ordonne à Corice Y... de donner mainlevée de la saisie-revendication dans les 15 jours de la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte provisoire de 1. 000 euros par jour de retard pendant deux mois,
Condamne Corice Y... à payer à Alain B... et la société CAMARD et Associés la somme de 4. 000 euros chacun en remboursement de frais, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Corice Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE