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18/06/2008 | FRANCE | N°06/9780

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0203, 18 juin 2008, 06/9780


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

25ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 18 JUIN 2008

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/09780

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/13378

APPELANTE

Société LANCASTER FACTORING COMPANY LIMITED

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Commerce House - 1 bowring Road

Ramsay à

L'ile du Man - IM8 2LQ

67450 - MUNDOLSHEIM

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Maître SAFA X..., avocat, to...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

25ème Chambre - Section A

ARRÊT DU 18 JUIN 2008

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06/09780

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/13378

APPELANTE

Société LANCASTER FACTORING COMPANY LIMITED

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Commerce House - 1 bowring Road

Ramsay à L'ile du Man - IM8 2LQ

67450 - MUNDOLSHEIM

représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Maître SAFA X..., avocat, toque A0608

INTIMES

Monsieur Eric Y...

...

75007 PARIS

représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assisté de Me Eric MISTRAL BERNARD avocat au barreau de Paris

Madame Monique Y... épouse A...

...

75007 - PARIS

représentés par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour

assistés de Maître OTTAWAY Catherine (HOCHE Ste avocats) barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente

Mme Odile BLUM, Conseiller

Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffier.

***

Vu le jugement rendu le 5 avril 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté la société Lancaster Factory Company Limited de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer à Eric Y... et à Monique Y... épouse A..., à chacun, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en sus des dépens ;

Vu l'appel relevé par la société de droit anglais Lancaster Factory Company Limited et ses dernières conclusions du 30 janvier 2008 par lesquelles elle demande à la cour, vu le jugement rendu le 7 octobre 1987 par la chambre criminelle du tribunal de Milan, l'arrêt de la cour d'appel de Milan du 6 novembre 1990, l'arrêt de la Cour de cassation italienne du 7 décembre 1992 et l'acte de cession du 13 octobre 1995, de :

- dire que la responsabilité de David Y... a été effectivement établie en ce qui concerne le détournement à son profit de sommes dues à la société Laborvetro aux droits de laquelle elle vient ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- condamner solidairement M. Eric Y... et Mme Monique Y... épouse A..., héritiers légaux de David Y..., leur père, à lui payer la somme de 4.116.278 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 juin 1997 ;

- condamner M. Y... et Mme A... à lui payer la somme de 15.000 euros chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions du 22 janvier 2008 par lesquelles M. Eric Y... demande à la cour, vu les articles 6, 12, 13, 15, 122, 960 et 961 du nouveau code de procédure civile, 3 du code civil ainsi que le droit italien applicable, de :

- à titre principal, sommer Lancaster Factory Company Ltd de produire aux débats ses bilans et comptes de résultats depuis les trois dernières années ; juger irrecevables les conclusions signifiées par Lancaster pour défaut d'indication d'adresse réelle et exacte ;

- subsidiairement sur le fond, lui donner acte de ce qu'il fait siennes les conclusions de Mme A... ; constater l'absence de fondement des demandes de Lancaster Factory Company Ltd ; la débouter de toutes ses demandes ; confirmer le jugement entrepris ;

- reconventionnellement, condamner Lancaster Factory Company Ltd à lui payer, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral et 50.000 euros en réparation de son préjudice pécuniaire résultant de la présente procédure abusive, ces deux sommes avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- condamner Lancaster Factory Company Ltd à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

Vu les dernières conclusions du 22 janvier 2008 par lesquelles Mme Monique Y... épouse A... demande à la cour, vu les articles 32, 32-1, 122, 960 et 961 du nouveau code de procédure civile, 4 de la convention de Rome du 19 juin 1980 ainsi que le droit italien applicable, de :

- à titre principal, sommer Lancaster Factory Company Ltd d'avoir à communiquer son adresse actuelle et ses comptes ; à défaut, juger les conclusions de Lancaster irrecevables au visa des articles 960 et 961 du nouveau code de procédure civile ; dire irrecevable et/ou prescrite Lancaster Factory Company Ltd en ses demandes;

- à titre subsidiaire, débouter Lancaster Factory Company Ltd de ses demandes et confirmer le jugement ;

- à titre reconventionnel, condamner Lancaster Factory Company Ltd à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et pour procédure abusive ;

- condamner Lancaster Factory Company Ltd à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- dire que les circonstances de la demande justifient la condamnation de Lancaster Factory Company Ltd à une amende civile.

SUR CE LA COUR

Considérant que Lancaster Factoring Company Ltd soutient qu'en vertu d'un acte qu'elle a conclu le 13 octobre 1993 avec M. C..., liquidateur de la société de droit italien Laborvetro S.p.a. autorisé à cette fin par décision du tribunal de Milan en date des 28 et 29 septembre 1995, elle est cessionnaire d'une créance de la société Laborvetro sur David Y... d'un montant de "7.970.225.971 lires italiennes soit l'équivalent de 4.116.278 euros" correspondant, selon elle, aux sommes d'argent détournées par David Y... qui s'est approprié les "disponibilités de change constituées illégalement sur les comptes étrangers" ouverts auprès de la Midlantic National Bank of Newark et de la First National State Bank of New Jersey au nom de la société Laborvetro et que celle-ci n'a jamais pu récupérer ;

Considérant qu'aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ;

Considérant que si Lancaster Factoring Company Ltd justifie par la production de ses statuts et de certains de ses comptes sociaux, de son existence juridique et dès lors d'une personnalité qui ne saurait être confondue avec celle de M. Rino Y... et si elle a satisfait, en cours de procédure, à la sommation d'avoir à communiquer son adresse actuelle qu'elle indique dans ses dernières conclusions, il demeure que son action en paiement est prescrite ;

Considérant en effet que par l'acte du 13 octobre 1993, Lancaster Factoring Company Ltd n'a pu acquérir plus de droits que n'en avait la société Laborvetro ce que d'ailleurs elle ne prétend pas ; que la créance invoquée n'est pas née des procédures, pénale ou administrative, italiennes dont Lancaster Factoring Company Ltd fait état;

Que les faits considérés par l'instance pénale, dans laquelle ni la société Laborvetro ni Lancaster Factoring Company Ltd n'ont été parties civiles, puis après la dépénalisation de ces faits, par la procédure administrative relevaient d'infractions à la législation sur les changes ; qu'ils ont impliqué notamment non seulement David Y... mais encore M. D..., administrateur unique de la société Laborvetro ;

Que selon les propres explications de Lancaster Factoring Company Ltd, la créance dont elle serait cessionnaire a pour objet "les sommes qui appartenaient à la société Laborvetro S.r.l. et qui ont été détournées à son profit par Monsieur David Y... comme il résulte de la procédure pénale italienne" (ses conclusions page 5) ; que la créance invoquée procède en conséquence d'agissements fautifs, distincts des faits pénalement puis administrativement poursuivis à la suite desquels ils auraient été commis ;

Qu'il sera relevé à cet endroit que Lancaster Factoring Company Ltd indique dans ses écritures "qu'il est évident que les comptes de Laborvetro ne pouvaient mentionner officiellement aucune créance à l'encontre de Monsieur David Y... dès lors que la société était engagée dans une dissimulation fiscale par le biais d'une double facturation qui entraînait aussi une double comptabilité. La comptabilité officielle destinée aux autorités et organismes publics ne faisait assurément aucune mention des sommes occultes qui se sont retrouvées dans les comptes ouverts auprès des banques américaines" (ses conclusions page 8) ;

Considérant que les faits qui auraient donné naissance à la créance invoquée n'ont pu être commis qu'avant la clôture des comptes américains de la société Laborvetro, se révélant à elle au plus tard à cette occasion et en tout cas avant le 21 juillet 1983, date de l'ouverture de sa liquidation judiciaire, étant précisé que Lancaster Factoring Company Ltd affirme que son action se substitue à celle que le liquidateur n'a pu, faute de moyens, introduire lui-même ;

Considérant qu'il est acquis entre les parties que le droit italien est applicable en l'espèce ; qu'en application de l'article 2947 du code civil italien, le délai de prescription du droit à réparation d'un préjudice résultant d'un acte illicite est de cinq ans ; que la créance invoquée étant née de faits prétendument illicites commis avant 1983 au plus tard, l'action en paiement était d'ores et déjà prescrite à la date de la mise en demeure de payer adressée en juin 1997 par le conseil de Lancaster Factoring Company Ltd à David Y... ; que c'est vainement que Lancaster Factoring Company Ltd invoque l'alinéa 3 de l'article 2947 du code civil italien dès lors que les poursuites pénales ont porté sur d'autres faits que ceux qui auraient donné naissance à la créance alléguée ;

Considérant, le surplus de son argumentation devenant inopérant, que Lancaster Factoring Company Ltd sera déclarée irrecevable en sa demande, le jugement entrepris étant infirmé en ce que la recevant en ses demandes, il l'a déboutée sur le fond;

Considérant que Lancaster Factoring Company Ltd n'a pu se méprendre de bonne foi sur l'étendue de ses droits à agir en justice à l'encontre des héritiers de David Y..., décédé en 1998, en raison de prétendus détournements, commis par celui-ci avant le début des années 1980, des fonds occultes de la société Laborvetro ; que son action procède, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, d'une légèreté blâmable qui caractérise un abus de droit ;

Considérant que la réparation du préjudice moral qui en est résulté pour M. Eric Y... et Mme A... a été exactement évaluée par les premiers juges ; que le préjudice matériel invoqué par M. Eric Y... n'est pas démontré ou se confond avec l'objet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à chacun des intimés la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté ; qu'il n'y a pas lieu, en outre, à amende civile ;

Considérant que vu l'article 700 du code de procédure civile, il y convient de confirmer les dispositions du jugement sur ce chef et d'allouer à chacun des intimés la somme supplémentaire de 5.000 euros chacun sur ce fondement, la demande de Lancaster Factoring Company Ltd à ce titre étant rejetée ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté, au fond, Lancaster Factoring Company Ltd de l'ensemble de ses prétentions ;

Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé,

Déclare Lancaster Factoring Company Ltd irrecevable en ses demandes ;

Confirme le jugement en ses autres dispositions ;

Déboute M. Eric Y... et Mme Monique A... du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à amende civile ;

Déboute Lancaster Factoring Company Ltd de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Lancaster Factoring Company Ltd à payer à chacun des intimés la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d'appel ;

La condamne en outre aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0203
Numéro d'arrêt : 06/9780
Date de la décision : 18/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-06-18;06.9780 ?
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