Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
23ème Chambre - Section B
ARRET DU 12 JUIN 2008
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/14880.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2007 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 8ème Chambre 2ème Section - RG no 03/12739.
APPELANT :
Syndicat des copropriétaires du 58 AVENUE DE SAINT MANDE 75012 PARIS
représenté par son syndic, le Cabinet G.T.F., ayant son siège 50 rue de Châteaudun 75009 PARIS,
représenté par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoués à la Cour,
assisté de Maître Nicolas GUERRIER de la SCP GUERRIER de LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 208.
INTIMÉS :
- Monsieur Lyle Jay Y...
demeurant ...,
- Madame Anastassia Z...
ayant son siège ...,
représentés par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistés de Maître François BLANGY de la SCP CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P.399.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 - 1er alinéa du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2008, en audience publique, devant Monsieur LE FEVRE, président, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur LE FEVRE, président,
Madame RAVANEL, conseiller,
Madame BOULANGER, conseiller.
Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur LE FEVRE, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Vu le jugement du 5 juillet 2007 du Tribunal de grande instance de Paris qui a, sur demande de Monsieur Lyle Jay Y..., annulé les résolutions nos 9-4, 9-5 et 9-6 de l'assemblée générale du 5 mai 2003 des copropriétaires du 58 avenue de St Mandé à Paris 12ème, rejeté les demandes d'annulation des autres résolutions attaquées, déclaré irrecevables les demandes d'autorisation de travaux faute de caractère définitif des refus abusifs allégués, rejeté les autres demandes, condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens, ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'appel du syndicat des copropriétaires du 58 avenue de St Mandé à Paris 12ème et ses conclusions du 5 mai 2008 par lesquelles il demande à la Cour d'infirmer partiellement le jugement, notamment en ce qu'il a annulé les résolutions nos 9-4, 9-5 et 9-6 de l'assemblée générale du 5 mai 2003, débouter Monsieur et Madame Y... de toutes leurs demandes, les condamner solidairement à lui payer 5.000 € de dommages et intérêts et 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 14 mai 2008 de Monsieur Lyle Jay Y... et de Madame Anastassia Z... par lesquelles ils demandent notamment à la Cour de débouter le syndicat, confirmer le jugement quant à l'annulation des résolutions 9-4, 9-5 et 9-6 de l'assemblée générale du 5 mai 2003, l'infirmer pour le surplus en ses dispositions contraires à leurs demandes, prononcer l'annulation des résolutions nos 9-1, 9-2, 9-7 et 9-9, autoriser les époux Y... à procéder aux travaux objet des refus d'autorisation, condamner le syndicat à leur payer 15.000 € de dommages et intérêts pour préjudice oral et 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les dispenser, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 de toute participation aux frais de procédure ;
Considérant que le Tribunal a rappelé les faits ; qu'il est manifeste que le contexte du litige est une relation très conflictuelle entre les époux Y... et une dame B..., autre copropriétaire ;
Considérant que ce qui est contesté est en fait, non par les résolutions, proposées par les époux Y..., mais le refus de vote des résolutions, ou leur rejet ;
Considérant que le syndicat soutient et que le Tribunal a retenu que les demandes d'autorisation de travaux seraient irrecevables faute de caractère définitif des refus allégués, l'absence de caractère définitif du refus résultant de sa contestation ;
Mais qu'outre que la condition de caractère définitif ne se trouve pas dans le texte de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965, le caractère définitif ne peut que signifier que le vote de refus doit avoir été adopté à titre définitif, c'est-à-dire non provisoire et non conditionné par un événement futur ; qu'un refus provisoire dans l'attente de précisions complémentaires, du résultat de mesures d'instruction techniques, judiciaires ou privées ou d'autres événements ne s'analyse pas en un refus au sens de l'article 30 de la loi précitée mais en une position d'attente et de réserve ; qu'on ne saurait ajouter à cette condition de vote à titre définitif qui se déduit de l'esprit du texte, celle d'un refus irrévocable ; que la position du syndicat et du Tribunal résulte d'une confusion entre ces deux notions ; qu'exiger pour que l'autorisation judiciaire puisse être donnée que le refus soit irrévocable aboutirait à une impasse ; que cela empêcherait la juridiction qui annule un refus abusif d'autorisation d'en tirer les conséquences logiques en se substituant à l'assemblée comme la loi le prévoit et obligerait les bénéficiaires de l'annulation à revenir devant l'assemblée, encourant le risque de nouveaux refus, et ainsi de suite indéfiniment, sans que les conséquences du caractère abusif du refus puissent jamais être tirées, ce que le législateur n'a pu vouloir et ce qui serait directement contraire à la loi ; que l'"acquiescement" aux refus comme le font à titre subsidiaire et paradoxal les époux Y..., ne saurait être considéré comme une condition de l'autorisation d'effectuer les travaux puisque cet acquiescement à une décision priverait son auteur de tout intérêt à contester celle-ci ; qu'il serait à l'évidence absurde de subordonner l'efficacité de la constatation du caractère abusif d'un refus opposé à titre définitif, c'est-à-dire non provisoire, par l'assemblée générale à l'absence de contestation de celui-ci ; qu'en l'espèce, les refus ont été opposés à titre définitif ; que dans l'hypothèse de refus abusif, la Cour doit autoriser les travaux correspondants ;
Considérant qu'il résulte tant des dispositions de l'article 544 du Code civil que des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 que les copropriétaires titulaires de plusieurs lots doivent pouvoir effectuer les travaux susceptibles d'améliorer la jouissance de leurs lots et ne portant pas atteinte aux droits des autres copropriétaires ; que ces derniers ne peuvent les refuser, arbitrairement et sans raison valable au prétexte de "souveraineté" ;
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal a annulé "les résolutions" (en fait le vote de refus d'adoption des proposition de résolutions) 9-4, 9-5 et 9-6 ; que les travaux demandés sont susceptibles d'améliorer les conditions de jouissance des lots des intimés et ne sont pas de nature à porter atteinte à la destination, à la solidité de l'immeuble, à la sécurité ou aux droits des autres copropriétaires de quelque manière que ce soit ; que le Tribunal a parfaitement démontré le caractère abusif des refus, en constatant notamment le caractère "systématique" des refus résultant essentiellement de l'attitude de Madame B... qui ne s'explique aucunement par une volonté de défense de l'intérêt général et est exclusive de toute bonne foi ; que le jugement sera confirmé sur ce point et complété par l'autorisation donnée par la Cour aux époux Y... d'effectuer les travaux correspondants aux propositions de résolutions abusivement rejetées ;
Considérant que c'est aussi de manière pertinente que le Tribunal a statué sur les autres résolutions ; qu'il y a lieu d'ajouter en ce qui concerne la résolution no 9-1 (et les résolutions dépendantes) que la Cour n'a aucun pouvoir d'expropriation et ne peut donc ordonner au syndicat d'aliéner une partie commune en la cédant à un copropriétaire ; que l'abus en la matière ne pourrait se résoudre qu'en dommages et intérêts ; qu'en ce qui concerne les travaux prévus par le projet de résolution no 9-7, il s'agit de travaux lourds susceptibles de modifier la configuration de l'immeuble et comme le dit le Tribunal, de porter atteinte à sa solidité et son étanchéité ; que la Cour ne dispose pas en l'état d'éléments techniques lui permettant de constater le caractère abusif du refus, qui implique que les travaux demandés ne puissent porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, et d'autoriser lesdits travaux, conséquence logique et nécessaire comme dit ci-dessus, de la constatation d'un refus abusif ;
Considérant que l'attitude abusive et donc fautive du syndicat a causé aux époux Y... un préjudice moral que la Cour évalue à 2.000 € ; que les époux Y... n'ayant triomphé que partiellement devant le tribunal, il n'y a pas lieu de les dispenser de participation aux frais de procédure de première instance ; qu'en revanche, le syndicat ayant pris l'initiative de l'appel et succombant pour l'essentiel en son appel, les intimés seront dispensés, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, de toute participation aux frais de la procédure d'appel ; que pour les mêmes raisons il est équitable de leur accorder 3.000 € au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Monsieur Lyle Jay Y... et Madame Anastassia Z... irrecevables en leurs demandes d'autorisation de travaux et en ce qu'il les a entièrement déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
Confirme le jugement pour le surplus.
Autorise Monsieur Lyle Jay Y... et Madame Anastassia Z... à faire effectuer les travaux indiqués dans les propositions de résolution nos 9-4, 9-5 et 9-6 présentées à l'assemblée générale du 5 mai 2003 dans les conditions prévues par celles-ci.
Condamne le syndicat des copropriétaires du 58 avenue de St Mandé à Paris 12ème à payer à Monsieur Lyle Jay Y... et Madame Anastassia Z... ensemble 2.000 € de dommages et intérêts et 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Dit ces derniers dispensés de toute participation aux frais de la procédure d'appel.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Met à la charge du syndicat précité les dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le greffier, Le Président,