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12/06/2008 | FRANCE | N°06/08192

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0135, 12 juin 2008, 06/08192


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 12 Juin 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 08192

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section commerce RG no 04 / 02452

APPELANTE

1o- S. A. MORY GROUP
22 / 28 avenue Jean Lolive
93507 PANTIN
représentée par Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : G. 51, substitué par Me Aurélie Y..., avocat au bar

reau de PARIS,

INTIMEE

2o- Madame Rejane Z...
...
93450 L ILE ST DENIS
comparant en personne, assistée de Me Mar...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C

ARRET DU 12 Juin 2008
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 08192

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Janvier 2006 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section commerce RG no 04 / 02452

APPELANTE

1o- S. A. MORY GROUP
22 / 28 avenue Jean Lolive
93507 PANTIN
représentée par Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : G. 51, substitué par Me Aurélie Y..., avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

2o- Madame Rejane Z...
...
93450 L ILE ST DENIS
comparant en personne, assistée de Me Marie- Marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 67,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie- Pierre DE LIEGE, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie- Pierre DE LIEGE, président
Mme Irène LEBE, conseiller
Mme Hélène IMERGLIK, conseiller

Greffier : Mme Anne- Marie CHEVTZOFF, lors des débats,

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Mme Marie- Pierre DE LIEGE, présidente et par Mme Anne- Marie CHEVTZOFF, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES FAITS :
Mme Réjane Z...a été engagée le 15 décembre 1976 en qualité de comptable par la société MORY TEAM.
Par lettre recommandée du 23 août 1999, reçue le 24, elle était convoquée, à son retour de congé, le 25 août 1999 par son employeur pour un entretien préalable à licenciement, convocation assortie d'une mise à pied conservatoire.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée de du 27 août 1999, reçue par la salariée le 30 août 1999, la société MORY TEAM notifiait à Mme Réjane Z...son licenciement pour faute grave, invoquant un « abandon de poste ».
Le premier septembre 1999, les parties signaient un protocole de transaction, aux termes duquel la société devait verser à la salariée une somme de 5. 655 F bruts à titre de congés payés ainsi qu'une somme de 120. 000 F, « tout en maintenant que le licenciement est justifié par une faute grave », en réparation de tous les préjudices, professionnel, personnel et moral lié à la rupture de son contrat de travail. En échange, la salariée, qui, aux termes du protocole protestait contre son licenciement, renonçait « irrévocablement à toute action passée présente et à venir relative à l'exécution et / ou à la rupture de son contrat de travail ». Un chèque lui était alors remis d'un montant de 119. 893, 25 F par son employeur, daté du 31 août 1999.
Le 11 juin 2004, Mme Réjane Z...saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny, d'une procédure dirigée à l'encontre de la Société Mory group, venant aux droits de la SA Mory, devenue Mory Team, puis Mory Pantin. Elle sollicitait la nullité de la transaction et contestait le licenciement pour faute grave, demandant en conséquence divers rappels de salaire et indemnités.
Par décision du 16 janvier 2006, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section commerce, considérant que c'est à bon droit que la salarié avait attrait dans la cause la société Mory Group, constatait que le protocole transactionnel était vicié et, disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse condamnait la SA Mory Group à payer à la salariée les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du 16 avril 2004, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation :
-2. 908, 52 euros au titre de paiement de la mise à pied ;
-3. 302, 34 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 330, 23 euros à titre de congés payés afférents ;
-11. 048 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-1. 601 euros au titre du 13e mois,
-40. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ainsi que 800 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Le jugement ordonnait à Mme Réjane Z...de rembourser à son employeur l'indemnité transactionnelle perçue d'un montant de 119. 993, 25 F, soit 18. 277, 61 euros.

La SA Mory Group, a régulièrement formé le présent appel contre cette décision. Elle soutient tout d'abord, comme elle l'avait fait en première instance, que la société MORY TEAM et la SA MORY GROUP sont deux sociétés distinctes, d'où elle conclut que les demandes de Mme Réjane Z...à l'encontre de la SA MORY GROUP seraient irrecevables, la procédure de licenciement ayant été diligentée par la société MORY TEAM.
Subsidiairement, la SA MORY GROUP, rappelant que la transaction est intervenue postérieurement au licenciement et à la lettre recommandée de notification de celui- ci, et qu'elle fait état de concessions réciproques, rappelant en outre que la salariée a attendu cinq ans pour contester cette transaction, dit que celle- ci ne saurait être annulée. À défaut d'une telle annulation, la SA MORY GROUP soutient que le motif du licenciement était fondé et justifiait de retenir une faute grave.
Très subsidiairement, elle plaide que Mme Réjane Z...ne justifie pas de son préjudice et demande que les dommages et intérêts alloués soient limités aux six mois prévus par l'article L. 122-14-4 (ancien) du code du travail. Disant que la salarié bénéficiait d'un préavis de deux mois et que son bulletin de salaire s'élevait à 1. 601, 17 euros, elle demande que l'indemnité compensatrice de préavis soit limitée à 3. 202, 34 euros relevant une erreur de 100 euros commise par le conseil de prud'hommes et reportée dans l'évaluation des congés payés afférents. Elle soutient enfin que la mise à pied ayant duré cinq jours du 24 au 27 août, son montant est de 258, 26 euros et sollicite 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme Réjane Z...a formé appel incident.
Elle soutient que c'est à juste titre que la SA MORY GROUP a été attraite en la cause, l ‘ intégralité du patrimoine de la société MORY TEAM ayant été transmis à la SA MORY GROUP.
Mme Réjane Z...soutient la nullité de la transaction, tout d'abord, pour vice du consentement, indiquant que cette transaction est concomitante au licenciement, les documents relatifs à celui- ci ainsi que le chèque correspondant à la transaction ayant tous été émis le même jour, le 31 août 1999, avant même qu'elle ait signé la transaction. Indiquant n'avoir eu ni les délais, ni les moyens de se renseigner avant de souscrire au projet d'accord, elle soutient que son consentement a été surpris et vicié du fait de la précipitation avec laquelle l'employeur a agi pour la licencier. Elle soulève, par ailleurs, la nullité de la transaction pour absence de discussions préalables et de concessions réciproques, faites en toute connaissance de cause pour chacune des parties. Plaidant que le licenciement pour faute grave était manifestement excessif, elle souligne qu'en réalité la somme concédée par l'employeur correspond aux sommes qui lui auraient été dues dans le cadre d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
La salarié considère, en outre, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le motif étant erroné dans la mesure où elle affirme avoir demandé à plusieurs reprises à bénéficier de l'après- midi du vendredi avant ses congés, avoir formulé sa demande par écrit et rappelé qu'elle disposait d'un quota de récupération au titre des heures supplémentaires et avait mis ses dossiers à jour avant son départ pour ne pas pénaliser la société. Elle indique que son employeur ne lui a pas notifié de refus mais a attendu son retour de congé pour la convoquer et la licencier dans des délais extrêmement brefs. Elle rappelle qu'elle avait plus de 20 ans d'ancienneté dans l'entreprise, sans jamais aucune sanction, et que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs de faute grave au sens de l'article 35 du règlement intérieur de l'entreprise. Elle demande donc à la cour de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne le rappel de mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement et le rappel au titre du 13e mois mais demande reconventionnellement que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit portée à 50. 000 euros, indiquant qu'elle n'a pasdepuis lors retrouvé d'activité salariée stable et a été gravement affectée par ce licenciement.
Elle sollicite 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'entreprise compte plus de 11 salariés.
Il est constant que le salaire brut moyen mensuel de référence de Mme Réjane Z...est de 1. 601, 17 euros

LES MOTIFS DE LA COUR,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la recevabilité de l'action et des demandes à l'encontre de la SA MORY GROUP :
S'il est incontestable que, comme l'indiquent les deux parties, Mme Réjane Z...a été et restait au moment de son licenciement, salariée de la société MORY TEAM, il ressort des pièces versées au débat et notamment des différents Kbis produits par les parties qu'au moment de son licenciement Mme Réjane Z...faisait partie de la SA MORY dont le nom commercial était à l'époque MORY TEAM et dont le numéro d'enregistrement RCS Bobigny était : B 552 106 320.
Or, l'extrait du registre du commerce et des sociétés délivré par le tribunal de commerce de Saint- Quentin en date du sept juin 2004, que la salariée avait relevé avant la saisine du conseil de prud'hommes, indique que ce numéro correspondait à la société dénommée MORY Pantin SAS, dont le nom commercial était MORY TEAM.
Cet extrait fait mention d'une " dissolution, à compter du 31 décembre 2003, suite à la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique, la SA MORY GROUP, immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro B 552 008 773 " et dont le président est M. Alain D....
En revanche, force est de constater que le Kbis, daté du 20 juin 2005 produit par la SA MORY GROUP concernant une société répondant à la dénomination sociale " MORY TEAM " correspondant au numéro RCS Bobigny 443 806 906, concerne une société dont l'acte constitutif a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 22 octobre 2002, soit après le licenciement contesté, société par conséquent distincte de celle qui était l'employeur de Mme Réjane Z..., dont le nom commercial était également MORY TEAM et dont le président s'appellait, également, M. Alain D....

Par conséquent, en dépit des imbrications et des modifications successives intervenues concernant ces différentes sociétés, c'est à bon droit, que la SA MORY GROUP, est mise en cause par Mme Réjane Z..., du fait de la transmission universelle du patrimoine de son employeur Mory Pantin / Mory Team à la SA MORY GROUP.
La cour confirmera donc la décision entreprise en que ce qu'elle dit l'action recevable à l'encontre de la SA MORY GROUP.

Sur la validité de la transaction :
Mme Réjane Z...conteste la nullité de la transaction pour vice du consentement, soutenant qu'elle n'a eu ni les délais, ni les moyens de se renseigner avant de souscrire au projet d'accord établi par son employeur.
Il convient pour apprécier les conditions dans lesquelles ce licenciement, puis la transaction sont intervenus, de rappeler la chronologie des faits :
- le 23 juillet 1999 Mme Réjane Z..., comptable, qui travaillait depuis 23 ans chez le même employeur, sans avoir jamais encore la moindre sanction, quitte son bureau à 14 heures au lieu de 17 h 15 pour partir en congé.
- le 24 août à son retour de congé elle se voit notifier une lettre de convocation à entretien préalable, avec mise à pied, datée du 23 août.
- le 25 août l'entretien préalable a lieu, étant rappelé qu'à cette date le délai de cinq jours, entre la convocation et l'entretien préalable lui- même, désormais exigé par la loi n'était pas encore applicable.
- le 27 août l'employeur rédige une lettre de licenciement pour faute grave
- le 30 août cette lettre est notifiée à l'intéressée, l'avis de réception en faisant foi.
- le 31 août l'employeur rédige l'attestation ASSEDIC, un bulletin de salaire intégrant des dommages et intérêts relatifs à la transaction ainsi qu'un chèque d'un montant correspondant à cette transaction
- le 1er septembre la transaction est signée entre les deux parties prévoyant que, en échange d'une somme de 120   000 F bruts, Mme Réjane Z...renonce à contester son licenciement devant les tribunaux.
C'est à juste titre que la salariée souligne que toutes les étapes de cette procédure, de la notification de la convocation à entretien préalable, jusqu'à la signature de la transaction, se sont déroulées en l'espace d'une semaine calendaire et que, notamment, 48 heures seulement séparent le moment de la notification de la lettre de licenciement et la signature de la transaction.
Il convient en outre de relever que la salariée soutient, sans être utilement contestée par son employeur, que celui- ci n'ignorait pas sa fragilité psychologique existant, à l'époque des faits depuis plusieurs année ; fragilité qui est attestée par un certificat médical délivré par son médecin traitant, et que l'intéressée explique notamment par des difficultés liées à sa situation familiale.

Ce licenciement et cette transaction, mis en oeuvre dans de telles circonstances, de manière extrêmement rapide, au retour de vacances de la salariée, pour des faits qui, bien que datant d'un mois, n'avaient fait l'objet d'aucun reproche exprimé par l'employeur entre- temps, et s'agissant d'une salariée présente depuis 23 ans dans l'entreprise, ayant toujours, ce qui n'est nullement contesté par l'employeur, donné satisfaction, donc non accoutumée aux difficultés de ce type, ne peuvent que surprendre par leur rapidité et n'ont pu que surprendre le consentement de Mme Réjane Z....
Celle ci n'a manifestement pas eu le délai minimum raisonnable pour prendre conseil et bien évaluer la situation qui était la sienne et le bien fondé de son licenciement.
Par ailleurs, le fait que l'attestation ASSEDIC, le bulletin de paie incluant les dommages et intérêts et le chèque correspondant à la transaction remis par l'employeur soient datés du 31 août, indique que le principe et le montant de la transaction avaient été arrêtés, de manière unilatérale, par l'employeur, dès le 31 août 1999, soit le lendemain même de la notification du licenciement à la salariée et antérieurement à la signature de la transaction.
Enfin, le fait même que l'employeur ait pris l'initiative d'une telle transaction de manière quasiment simultanée avec le licenciement pour faute grave lui- même et sans que celle- ci soit sollicitée par la salariée elle- même, ce qui n'est soutenu par quiconque dans la procédure, est révélateur d'une intention de celui- ci de priver la salariée de tout recours contre une décision qu'il savait nécessairement discutable.
Dans de telles circonstances, le consentement de Mme Réjane Z..., comptable, n'ayant de surcroît jamais eu à se confronter personnellement à des problèmes relevant du droit du travail, donc peu au fait des règles applicables, a nécessairement été surpris et vicié.
En outre, les circonstances dans lesquelles a été élaborée et signée cette transaction, telles que relatées ci- dessus, excluent qu'aient pu avoir lieu les discussions préalables et le dialogue indispensables pour fonder une transaction valide, l'une des parties, en l'espèce la salariée, ayant manifestement été placée dans l'impossibilité d'apprécier la réalité de la concession faite par l'employeur.
De surcroît, il convient de relever que le seul fait que l'employeur ait indiqué sur l'attestation ASSEDIC datée du 31 août 1999 et signée par son représentant, qu'il était accordé à titre « d'indemnités inhérentes à la rupture » une somme de 120. 000 F à la salariée, démontre en réalité l'inexistence d'une quelconque concession faite le lendemain par l'employeur lors de la signature du protocole transaction.
Pour ces différentes raisons, cette transaction est nulle.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme Réjane Z...:
La lettre de licenciement adressée à Mme Réjane Z...est rédigée comme suit : "... Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant : abandon de poste.
Vous deviez partir en congé le 23 juillet 99 aux heures normales de fin de service, soit 17 h 15... À plusieurs reprises dans la semaine, vous avez demandé un départ anticipé le 23 à midi à votre supérieur hiérarchique qui vous l'a expressément refusé. Le matin du 23 juillet 99 vous lui avez de nouveau réclamé l'autorisation de partir à midi. Devant son refus réitéré, vous vous êtes présentée à la direction des ressources humaines. Vous m'avez interrogé ainsi que Mme E...sur la possibilité pour vous de partir à midi. Nous vous avions répondu qu'en l'absence d'autorisation expresse de la part de votre supérieur hiérarchique, vous vous mettiez en situation irrégulière, et que votre départ constituerait un manquement grave à vos obligations. Vous êtes retournée voir votre supérieur hiérarchique, qui était avec deux collaborateurs, afin de réitérer votre demande. Il vous a de nouveau fait savoir, devant témoins, qu'un départ à midi était impossible. Malgré les multiples refus et mises en garde, vous avez abandonné votre poste de travail et avez quitté, comme vous l'aviez décidé, l'entreprise à midi. De plus, par la précipitation de votre départ, contraire aux instructions expresses de l'entreprise, vous n'avez pas organisé de transmission de vos dossiers auprès de votre supérieur hiérarchique qui ignorait alors le suivi qu'il devait leur donner. Ainsi, vous ne lui avez pas fait savoir qu'il restait impérativement à faire avant la fin du mois de juillet... Ces faits rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail et constitue une faute grave privative des indemnités de rupture, du préavis et du 13e mois... Compte tenu de la faute grave que vous avez commise, la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas réglée.. ".
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits constituant une violation des obligations du contrat de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis. La preuve doit en être rapportée par l'employeur ; la lettre de licenciement circonscrit les limites du litige.
Pour sa défense, la salariée, qui ne conteste pas avoir quitté son travail 3 h 15 plus tôt que prévu, expose qu'elle avait sollicité depuis plusieurs jours l'accord de son employeur pour quitter son travail à la mi- journée, devant se rendre en province pour assister, le lendemain matin, à un mariage au sein de sa famille en province ; qu'elle avait fait valoir qu'elle avait un crédit d'heures supplémentaires à récupérer ; qu'elle n'avait finalement quitté son bureau qu'à 14 heures après avoir terminé son travail et qu'elle n'avait reçu notification d'aucun refus de son supérieur hiérarchique qui lui aurait souhaité de « bonnes vacances ».
La salariée conteste en conséquence avoir " abandonné son poste ", ce qui constitue le motif de son licenciement. Elle fait valoir, à ce sujet, que l'article 20 du règlement intérieur sous le titre absence prévoit : « toute absence doit, sauf force majeure, faire l'objet d'une autorisation préalable du représentant de la direction, habilitée par note de service. L'absence non autorisée constitue une absence irrégulière. L'absence irrégulière constatée après trois jours entraîne après un premier avertissement préalable de la direction, le licenciement ». Elle relève à juste titre qu'aucun avertissement ne lui a été donné et qu'un abandon de poste n'est pas cité par l'article 35 du même règlement intérieur comme constitutif d'une faute grave.
Par ailleurs, si Mme Réjane Z...ne rapporte pas la preuve d'avoir formulé une demande de départ anticipé de son entreprise par écrit, l'employeur ne rapporte pas davantage la preuve d'avoir répondu négativement et expressément, à une telle demande, qui selon les termes mêmes de la lettre de licenciement, avait été exprimée à plusieurs reprises, à tout le moins oralement, par la salariée.
Mais au- delà des écrits éventuels, l'employeur ne produit pas, non plus, de témoignages, alors qu'il prétend dans la lettre de licenciement que ce refus aurait été exprimé par le supérieur hiérarchique de Mme Réjane Z...et en présence de témoins.
Il n'est donc pas établi de manière certaine qu'il y ait eu ou non un refus clairement exprimé par la hiérarchie de la salariée quant à son départ anticipé ce jour là.

La réalité du grief n'est donc pas établie.
Mais au- delà, et quand bien même ce grief aurait été établi comme étant réel, la cour, rappelant que la salariée était présente dans l'entreprise depuis 23 ans, n'y avait jamais rencontré de difficultés, que le départ n'a, en tout état de cause, été anticipé que de 3 h 15, compte tenu du temps de déjeuner auquel elle avait droit, dit que ces faits ne pouvaient constituer, dans de telles circonstances, une cause sérieuse de licenciement.
La cour en conséquence confirmera également la décision du conseil des prud'hommes en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, de la grande ancienneté dans son emploi de la salariée, de son âge (50ans) lors du licenciement et du préjudice qu'elle établit avoir subi à la suite de celui- ci, sur le plan de sa santé, au regard de son impossibilité de retrouver un travail fixe et des conséquences financières que cela aura nécessairement sur sa retraite, la cour fixe à 50   000euros, toutes causes confondues, la somme due en application de l'article L. 122-14-4 (ancien) du code du travail.

Sur les autres demandes de Mme Réjane Z...:
La cour rectifie l'erreur commise par le conseil de prud'hommes et fixe à 3202, 34 euros l'indemnité compensatrice de préavis et 320, 23 euros les congés payés afférent.
En outre, le licenciement n'ayant été acquis que le 30 août 1999, la cour, au vu du bulletin de salaire délivré initialement par l'employeur en date du 30 août 1999, condamne l'employeur à rembourser à la salariée la somme de 2908, 52 F (et non pas euro) retenus au titre de la mise à pied
La salariée devra, de son coté, rembourser le somme reçue en exécution de la transaction annulée.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît inéquitable de faire supporter Mme Réjane Z...la totalité des frais de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer. Il sera donc alloué une somme de 1. 800 euros, à ce titre pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,
En conséquence, la Cour,
Confirme la décision du Conseil de prud'hommes sauf en ce qui concerne le montant des sommes dues à titre de mise à pied, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement abusif,
Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SA MORY GROUP à verser à Mme Réjane Z...les sommes suivantes :
-50. 000 euros (CINQUANTE MILLE EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement abusif en application de l'article L 122-14-4 (ancien) du code du travail, avec intérêts de droit à compter de ce jour.
-3. 202, 34 euros (TROIS MILLE DEUX CENT DEUX EUROS et TRENTE QUATRE CENTIMES) à titre de préavis et 320, 23 euros pour congés payés afférents ;
-443, 40 euros (QUATRE CENT QUARANTE TROIS EUROS et QUARANTE CENTIMES) correspondant à 2. 908, 52 F à titre de paiement de la mise à pied
avec intérêts de droit à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes.
-1. 800 euros (MILLE HUIT CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute la SA MORY GROUP de ses autres demandes,
Déboute Mme Réjane Z...du surplus de ses demandes ;
Condamne la SA MORY GROUP à régler à Mme Réjane Z...la somme de 1. 800 euros (MILLE HUIT CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0135
Numéro d'arrêt : 06/08192
Date de la décision : 12/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 16 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-06-12;06.08192 ?
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