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03/06/2008 | FRANCE | N°11

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0138, 03 juin 2008, 11


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 03 Juin 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01180

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 03/16537

APPELANTS

S.A. LE DOME

108 boulevard Montparnasse

75014 PARIS

représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042

Monsieur Patrick X...

...

94200 IVRY SUR SEINE



comparant en personne, assisté de Me Bruno DELEDALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1371

INTIMÉS

Monsieur Patrick X...

...

94200 IVRY SUR S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

22ème Chambre B

ARRET DU 03 Juin 2008

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01180

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 03/16537

APPELANTS

S.A. LE DOME

108 boulevard Montparnasse

75014 PARIS

représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042

Monsieur Patrick X...

...

94200 IVRY SUR SEINE

comparant en personne, assisté de Me Bruno DELEDALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1371

INTIMÉS

Monsieur Patrick X...

...

94200 IVRY SUR SEINE

comparant en personne, assisté de Me Bruno DELEDALLE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1371

S.A. LE DOME

...

75014 PARIS

représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2042

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller

Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.

Exposé des faits et de la procédure

M. Patrick X..., engagé par la société LE DOME à compter du 7 novembre 1989, en qualité de Maître d'hôtel, au dernier salaire mensuel brut de 3080 euros, a été licencié pour faute grave par lettre du 27 juillet 2004 énonçant le motif suivant :

"...nous avons reçu à votre encontre de nombreuses plaintes de vos collègues nous relatant le comportement inacceptable que vous vous êtes cru autorisé à adopter principalement le 1er juillet 2004, tout juste à votre retour de congés.

Ainsi, vous avez tout d'abord employé des propos racistes et grossiers à l'encontre de Mademoiselle Z..., la traitant, selon vos termes de "sale noire".

Celle-ci ne supportant plus, à juste titre, de faire l'objet de propos racistes, a déposé une main courante à votre encontre. (...)

A la suite du dépôt de sa main courante, nous avons reçu la visite d'agents de Police qui, par votre faute, remettaient en cause la bonne tenue de notre établissement et le respect de nos obligations en matière de sécurité et de conditions de travail (...)

Par ailleurs, nous avons été contraints de constater que ce grave comportement ne constituait nullement un cas isolé puisque vous vous en êtes également pris à notre caissière.

En effet, en vous approchant de la caisse, vous vous êtes adressé à votre collègue de la sorte : Fais moi l'addition, salope !"

(...)

De surcroît, lorsqu'au cours de l'entretien nous vous demandons des explications sur cet odieux et inacceptab le comportement, vous persistez et nous répondez froidement concernant Madame Yolanda A..., selon vos termes que Htout le monde pourrait lui mettre une main au cul".

(...)

Votre comportement inconvenant et agressif a créé un grave sentiment de malaise et d'insécurité au sein de notre établissement, ce que nous ne pouvons tolérer.

Cette conduite s'inscrit d'ailleurs dans le cadre d'une violation plus générale de vos obligations professionnelles puisque vos supérieurs ont dû, à de nombreuses reprises, se plaindre des difficultés rencontrées avec vous (bavardages intempestifs, agressivité, manque de concentration...). (...)

Nous regrettons vivement l'ensemble de votre comportement qui ne correspond nullement à celui que l'on est en droit d'attendre de l'un de nos Maître d'B... et qui, de part son extrême gravité, rend impossible le maintien de nos relations contractuelles, ne fut-ce que durant la période limitée du préavis ..."

Par jugement du 8 juillet 2005, le Conseil de prud'hommes de PARIS, statuant en formation de départage, a dit que le licenciement pour faute grave était justifié et a notamment débouté M. X... de sa demande à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société LE DOME au paiement d'une somme à titre de rappel de salaire.

La société LE DOME et M. X... en ont relevé appel.

Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 15 avril 2008.

* *

*

Discussion

Sur la demande à titre de rappel de salaire sur service "toutes taxes comprises"

Argumentation

La société LE DOME soutient que l'obligation de soumettre les pourboires à la TVA ne s'impose aux employeurs français que depuis une instruction fiscale du 15 juin 2001, consécutive à un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 29 mars 2001 (C 404/99) qui a condamné la France en manquement en jugeant non conforme à la sixième directive TVA l'exclusion de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes perçues au titre du "service". L'employeur fait valoir que le changement d'assiette de la rémunération passant du TTC au HT ne peut être qualifiée de modification du contrat de travail.

Il explique qu'il appliquait un système de rémunération au pourcentage, pour les salariés en contact avec la clientèle, assis sur une assiette de 15 % TTC et qu'à la suite de l'arrêt et de l'instruction fiscale susvisés, il a souhaité régulariser la situation. Il expose que, par courrier remis en main propre à chaque salarié concerné, il a expliqué la situation et le passage à une assiette Hors Taxes sans modifier le pourcentage de la rémunération.

Subsidiairement, la société LE DOME conteste les sommes réclamées.

Position de la Cour

Il n'est pas contesté que, par avenant au contrat de travail relatif à la rémunération applicable à compter du 1er janvier 2002, les parties ont convenu qu'en ce qui concerne le personnel au service, ce qui est le cas de M. X..., l'assiette de répartition est établie à 15 % sur le T.T C. (Toutes taxes comprises). Il n'est pas contesté que, par courrier du 26 mars 2003 signé par les parties, l'employeur a notifié au salarié sa décision "d'harmoniser avec la concurrence le calcul du montant en pourcentage service sur le Chiffre d'affaires H.T." (Hors taxes) en indiquant qu'à partir du 1er avril 2003, les prestations servies à la clientèle seront calculées en intégrant15 % de service sur le prix H.T. des prestations et non sur le prix T.T.C. et ce, pour une période transitoire de six mois, au terme laquelle il devait être procédé à une analyse de la situation. Cette situation s'est prolongée au delà de la période convenue sans que l'employeur ait sollicité et obtenu l'accord de M. X... qui a contesté la mesure qui lui a été appliquée par courrier du 9 novembre 2003.

Ainsi que cela résulte expressément de la lettre de l'employeur expliquant la mesure transitoire qui était prise, la modification de l'assiette de la rémunération, qui entraînait une baisse de salaire, était motivée par la volonté d'harmoniser avec la concurrence le calcul du montant du pourcentage service. A cet égard, l'employeur ne fait pas état de l'instruction fiscale du 15 juin 2001 expliquant les conséquences d'un arrêt du 29 juin 2001 de la Cour de Justice des Communautés européennes, et qui est antérieure de plus de six mois à la date de signature de l'avenant qui a précisé les modalités de la rémunération du salarié. En toute hypothèse, l'employeur ne pouvait modifier d'office à la baisse l'assiette de rémunération du salarié de façon définitive au delà des six mois sans même informer le salarié. L'instruction fiscale n'obligeait d'ailleurs pas l'employeur à baisser la rémunération des salariés, celui-ci pouvant maintenir une équivalence de rémunération sur la base d'un pourcentage de service hors taxes. C'est donc à tort que l'employeur invoque l'instruction du 15 juin 2001 qui ne constitue pas le motif réel de la modification à la baisse du mode de rémunération, le motif réel étant de se positionner de façon plus favorable par rapport à la concurrence.

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le Conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié du fait de la modification non acceptée de son contrat de travail en fixant à 2462 euros le montant du rappel de salaire dû au salarié.

En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes est confirmé sur ce point.

Sur la rupture

Argumentation

M. X... fait observer que la procédure disciplinaire dont il fait l'objet intervient alors qu'il était à l'origine d'une revendication salariale préalable, à savoir le refus de la modification de son mode de rémunération par courrier du 9 novembre 2003 et d'une demande de mise en place d'une représentation du personnel par courrier du 14 juin 2004. Il expose que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas datés, ni circonstanciés et que les attestations produites ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile. Par ailleurs, il fait valoir qu'il produit de nombreux témoignages attestant de l'absence de propos raciste de sa part, des bons rapports qu'il entretenait avec ses collègues et du lien entre la procédure de licenciement et ses revendications salariales.

Application du droit à l'espèce

En l'espèce, les faits reprochés à Monsieur X... sont établis et suffisamment circonstanciés. Il résulte en effet de l'ensemble des éléments versés aux débats que M. X... montrait un comportement déplacé à l'égard de certains membres du personnel, notamment de sexe féminin. Ce comportement s'est manifesté en particulier dès le retour de congé de M. X... le 1er juillet 2004 et a fait l'objet de plaintes respectivement adressées à la direction par Mme A... le 1er juillet 2004 et par Mme C... le 3 juillet 2004 aux termes desquelles M. X... a traité la première de "sale noire" et la seconde de "salope". En outre, Mme C... a déposé une main courante le 3 juillet 2004 auprès du Commissariat de police de Paris (XIVème arrondissement) en confirmant ses accusations contre M. X... et en expliquant que l'intéressé montrait ce comportement depuis quelques mois envers les femmes. Cette attitude est, de plus, corroborée par une lettre de M. D... qui indique avoir surpris M. X... "en poussant des cris de singe en plein service en cuisine". Plusieurs autres attestations de salariés font état du comportement agressif de l'intéressé, en particulier celle de M. E..., premier Maître d'hôtel, celle de M. F..., agent d'entretien, qui se plaint de harcèlement de la part de M. X..., et celle de M. G..., premier Maître d'hôtel, qui se plaint d'avoir été menacé par M. X....

M. H..., employé à la société LE DOME tente de mettre hors de cause M. X... en indiquant notamment que les injures et propos racistes n'ont jamais été "entendus en sa présence au mois de juillet 2004" mais aucun élément ne permet d'infirmer la réalité des propos tenus à l'encontre de Mme I... et de Mme J... début juillet 2004 dont le caractère injurieux et raciste justifiait en l'espèce un licenciement pour faute grave.

En outre, nonobstant les allégations de M. X..., aucun élément ne permet d'établir que le licenciement est en réalité lié à des revendications salariales ou autre de M. X... à l'égard de son employeur.

Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé et M. X... sera débouté de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 Code de Procédure Civile au profit de M. X....

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société LE DOME à payer à M. X... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la société LE DOME.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0138
Numéro d'arrêt : 11
Date de la décision : 03/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 08 juillet 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-06-03;11 ?
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