RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B
ARRET DU 03 Juin 2008
(no, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06 / 01179
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG no 03 / 16536
APPELANTE
S. A. LE DOME
108 boulevard Montparnasse
75014 PARIS
représentée par Me Ernest SFEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2042
INTIMÉ
Monsieur Yves X...
...
91120 PALAISEAU
comparant en personne, assisté de Me Bruno Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1371
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière : Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Ingrid JOHANSSON, greffière présente lors du prononcé.
Exposé des faits et de la procédure
M. Yves X..., engagé par la société LE DOME à compter du 21 mars 1995, en qualité de Maître d'Hôtel, au dernier salaire mensuel brut de 3 158 euros, a été licencié par lettre du 28 janvier 2004 énonçant le motif suivant :
"... le 8 décembre 2003, et sans que cela ne constitue un cas isolé, nous avons reçu la réclamation d'une cliente relevant que vous aviez opéré un prélèvement carte bleue d'un montant supérieur à la note y afférent.
Nous avons alors opéré un contrôle attentif des additions du 22 novembre 2003, objet de la dite réclamation, et avons constaté le bien fondé de cette réclamation.
Nous vous avions déjà adressé un avertissement en mai dernier pour des faits similaires, et devons constaté que vous n'avez pas pris en compte nos remarques et directives.
Cette grave anomalie dans la gestion de votre rang ne peut être acceptée au sein de notre établissement, et ce d'autant plus que vous ne nous avez nullement informé de cette anomalie de caisse, espérant sans doute que votre erreur passe inaperçue et profitant personnellement de cette " sur-recette ".
Votre manquement, associé à votre silence et à la plus grande désinvolture que vous avez crû devoir adopter, constitue un grave manquement à vos obligations professionnelles.
De même, cette erreur, que vous avez admise lors de notre entretien est d'une extrême gravité et a considérablement nui à l'image de marque de notre entreprise, ce que nous ne pouvons admettre.
Nous ne pouvons en effet, compte tenu de la conjoncture actuelle, prendre le risque de perdre des clients à cause de tels comportements qui causent un préjudice direct aux intérêts de la Société et créent un climat de suspicion chez notre clientèle sur la fiabilité de notre personnel de salle, ce qui n'est pas tolérable.
Votre attitude fautive et inacceptable ne nous permet plus de vous accorder toute notre confiance et de continuer sereinement nos relations contractuelles.
L'ensemble de ces éléments justifierait votre licenciement pour fautes graves.
Toutefois, et compte tenu du fait que vous avez admis votre erreur lors de notre entretien et que vous nous avez présenté vos excuses, nous ne retiendrons pas la qualification de faute grave.
La gravité des faits et leur caractère répétitif, nous contraignent néanmoins à vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse... "
Par jugement du 8 juillet 2005, le Conseil de prud'hommes de PARIS, statuant en formation de départage, a condamné la société LE DOME au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire.
La société LE DOME en a relevé appel.
Il est expressément fait référence au jugement pour l'exposé des faits et de la procédure ainsi que, pour les prétentions et moyens des parties, aux conclusions visées et soutenues oralement et contradictoirement le 15 avril 2008.
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Discussion
Sur la demande à titre de rappel de salaire sur service " toutes taxes comprises "
Argumentation
La société LE DOME soutient que l'obligation de soumettre les pourboires à la TVA ne s'impose aux employeurs français que depuis une instruction fiscale du 15 juin 2001, consécutive à un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 29 mars 2001 (C 404 / 99) qui a condamné la France en manquement en jugeant non conforme à la sixième directive TVA l'exclusion de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des sommes perçues au titre du " service ". L'employeur fait valoir que le changement d'assiette de la rémunération passant du TTC au HT ne peut être qualifiée de modification du contrat de travail.
Il explique qu'il appliquait un système de rémunération au pourcentage, pour les salariés en contact avec la clientèle, assis sur une assiette de 15 % TTC et qu'à la suite de l'arrêt et de l'instruction fiscale susvisés, il a souhaité régulariser la situation. Il expose que, par courrier remis en main propre à chaque salarié concerné, il a expliqué la situation et le passage à une assiette Hors Taxes sans modifier le pourcentage de la rémunération.
Subsidiairement, la société LE DOME conteste les sommes réclamées.
Position de la Cour
Il résulte de l'article 1er de l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 31 décembre 2001 relatif à la rémunération qu'en ce qui concerne le personnel au service, ce qui est le cas de M. X..., l'assiette de répartition est établie sur 15 % sur le T. T C. (Toutes taxes comprises). Il n'est pas contesté que, par courrier du 26 mars 2003 signé par les parties, l'employeur a notifié au salarié sa décision " d'harmoniser avec la concurrence le calcul du montant en pourcentage service sur le Chiffre d'affaires H. T. " (Hors taxes) en indiquant qu'à partir du 1er avril 2003, les prestations servies à la clientèle seront calculées en intégrant15 % de service sur le prix H. T. des prestations et non sur le prix T. T. C. et ce, pour une période transitoire de six mois, au terme laquelle il devait être procédé à une analyse de la situation. Cette situation s'est prolongée au delà de la période convenue sans que l'employeur ait sollicité et obtenu l'accord de M. X...qui a contesté la mesure qui lui a été appliquée et a saisi le Conseil de prud'hommes.
En l'espèce, ainsi que cela résulte expressément de la lettre de l'employeur expliquant la mesure transitoire qui était prise, la modification de l'assiette de la rémunération, qui entraînait une baisse de salaire, était motivée par la volonté d'harmoniser avec la concurrence le calcul du montant du pourcentage service. A cet égard, l'employeur ne fait pas état de l'instruction fiscale du 15 juin 2001 expliquant les conséquences d'un arrêt du 29 juin 2001 de la Cour de Justice des Communautés européennes, et qui est antérieure de plus de six mois à la date de signature de l'avenant qui a précisé les modalités de la rémunération du salarié. En toute hypothèse, l'employeur ne pouvait modifier d'office à la baisse l'assiette de rémunération du salarié de façon définitive au delà des six mois sans même informer le salarié. L'instruction fiscale n'obligeait d'ailleurs pas l'employeur à baisser la rémunération des salariés, celui-ci pouvant maintenir une équivalence de rémunération sur la base d'un pourcentage de service hors taxes. En l'espèce, c'est donc à tort que l'employeurs invoque l'instruction du 15 juin 2001 qui ne constitue pas le motif réel de la modification à la baisse du mode de rémunération, le motif réel étant de se positionner de façon plus favorable par rapport à la concurrence.
Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le Conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié du fait de la modification non acceptée de son contrat de travail en fixant à 2471 euros le montant du rappel de salaire dû au salarié.
En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.
Sur la rupture
Argumentation
La société LE DOME fait valoir que M. X...a commis une erreur de caisse le 22 novembre 2003, que ceci ne constitue pas un cas isolé et qu'il n'a pas informé son employeur de cette erreur. Elle expose que l'intéressé était responsable de ses encaissements et qu'il a émis un ticket de caisse de 269, 70 € mais a encaissé un montant carte bleue de 296, 70 €. L'employeur fait état du mécontentement du client et indique qu'il a entrepris un contrôle des additions du 22 novembre 2003 pour constater que la plainte du client était fondée. La SA LE DOME souligne que M. X...avait déjà été sanctionné pour des faits similaires le 15 mai 2003.
Position de la Cour
Il résulte de l'ensemble des éléments versés aux débats que pendant huit années de travail au service de la société LE DOME, M. X...n'a fait l'objet d'aucune sanction tant en ce qui concerne son comportement que la qualité de son travail hormis au cours de l'année 2003. M. X...s'est vu notifier un avertissement, notamment au sujet d'une erreur en ce qui concerne l'addition d'un client qui s'est vu remettre, une addition de 248, 20 euros au lien et place d'une addition pour des mets différents d'un montant de 229 euros. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. X...a commis une erreur à l'occasion du service du 22 novembre 2003 consistant à encaisser un montant de carte bleue de 296, 70 € pour une addition de 269, 70 € mais il s'agissait là d'une erreur de manipulation par inversion de chiffre, qui entraînait une différence d'un montant de 27 euros et aucun élément ne permet d'établir une quelconque intention malveillante de la part du salarié.
Cette erreur ne traduit cependant ni un comportement fautif, ni une insuffisance professionnelle justifiant en l'espèce la rupture du lien contractuel de ce salarié qui avait plus de huit ans d'ancienneté et qui était apprécié, ayant été successivement chef de rang puis promu maître d'hôtel en décembre 2001. De plus, la dénonciation des faits et le licenciement qui a suivi sont intervenus quelques semaines après le refus par le salarié d'accepter la décision de l'employeur modifiant le mode de calcul du salaire, ce qui entraînait une baisse de la rémunération. Dans ce contexte, il apparaît que l'erreur de caisse a été mise en avant pour motiver la rupture du contrat de travail mais ne constitue pas un motif suffisamment sérieux pour justifier le licenciement. A cet égard, l'employeur ne produit d'ailleurs pas d'éléments de comparaison sur le nombre des transactions effectuées et les anomalies décelées, en particulier en ce qui concerne les autres salariés de l'entreprise. Il s'ensuit que le licenciement est dépourvu d'une cause sérieuse.
Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que M. X...a plus de deux ans d'ancienneté et que la société LE DOME occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, le Conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l'article L. 1235-3 (anciennement L. 122-14-4) du code du travail.
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 Code de Procédure Civile au profit de M. X....
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société LE DOME à payer à M. X...la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de la société LE DOME.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE