La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/05/2008 | FRANCE | N°06/11205

France | France, Cour d'appel de Paris, 29 mai 2008, 06/11205


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B



ARRÊT DU 29 MAI 2008

(no , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/11205



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG no 05/04992







APPELANTE



Mademoiselle Laurence X...


...


77400 LAGNY SUR MARNE

comparant en personne, assistée de Me Ronald Y..., av

ocat au barreau de PARIS, toque : E.1222 substitué par Me Sandrine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1222







INTIMÉE



S.A.R.L. COMPAGNIE EUROPEENNE DE REVISION ET D'AUDIT (CERA)

120, r...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre B

ARRÊT DU 29 MAI 2008

(no , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/11205

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juillet 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG no 05/04992

APPELANTE

Mademoiselle Laurence X...

...

77400 LAGNY SUR MARNE

comparant en personne, assistée de Me Ronald Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : E.1222 substitué par Me Sandrine Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1222

INTIMÉE

S.A.R.L. COMPAGNIE EUROPEENNE DE REVISION ET D'AUDIT (CERA)

120, rue de Javel

75015 PARIS

représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1264

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Melle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Michèle BRONGNIART, président et par Mme Nadine LAVILLE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Le 2 janvier 1995, Mme X... a été engagée par le Cabinet CERA en qualité d'expert comptable stagiaire, par contrat à durée indéterminée aux conditions de la convention collective des Cabinets d'Experts comptables et Commissaires aux comptes.

Par courrier du 9 mars 2005, Mme X... a mis son employeur en demeure de lui "attribuer immédiatement avec effet rétroactif au 1er mars 2000, la qualification de directeur de mission sur les bulletins de salaire, le statut cadre, un coefficient 450 niveau 2 ou à tout le moins les mêmes coefficient et niveau que les autres directeurs de mission du cabinet qui ont une expérience et des diplômes équivalents aux (s)iens, une rémunération équivalente à celle des autres directeurs de mission du cabinet ayant une expérience et des diplômes comparables aux (s)iens".

Par courrier du 4 avril 2005, Mme X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur "compte tenu des violations répétées" tant du contrat de travail que de la convention collective et du code du travail. Dans cette lettre Mme X... invoque "une carrière bloquée après la naissance de (son) premier enfant", "une mise à l'écart orchestrée depuis (son) retour de troisième congé maternité", un "refus de régulariser (sa) qualification et (sa) rémunération au regard des fonctions" occupées "depuis de nombreuses années".

Par lettre du 11 avril 2005, le Cabinet CERA analysant la lettre du 4 avril en une démission, en a tiré les conséquences quant à la rupture du contrat de travail.

Par courrier du 13 avril 2005, Mme X... a rappelé qu'elle n'avait pas démissionné mais pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur avec effet au 6 avril 2005.

Le 19 avril 2005, le Cabinet CERA prenait acte de son "refus d'exécuter son préavis suite à (sa) démission".

La cour statue sur l'appel interjeté le 27 juillet 2006 par Mme X... du jugement rendu par le Conseil des Prud'hommes de Paris le 12 juillet 2006 notifié le 20 juillet suivant qui a :

- déclaré que la rupture du contrat de travail constitue une démission,

- l'a condamnée à payer au Cabinet CERA 2.732,22 € à titre de préavis,

en rejetant le surplus des demandes des parties et en la condamnant aux dépens.

Vu les conclusions du 13 mars 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles Mme X... demande à la cour de

- réformer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau

- dire que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu des manquements de son employeur,

- dire que compte tenu des fonctions qu'elle exerçait, de son ancienneté et de ses diplômes, elle aurait dû bénéficier depuis au moins 5 ans de la qualification de "cadre principal", du statut cadre, du coefficient 450 niveau 2, d'un salaire mensuel brut de 5.040 € par mois (4/5ème) sur 13 mois, du titre de " directeur de mission",

en conséquence

- condamner la société CERA à lui régler

•rappels de salaire de base (01.05.00 au 04.04.05)111.588,44 €

•congés payés y afférents : 11.158,84 €

•rappels de prime de bilan (du 30.04.00 au 04.04.05) 9.035,71 €

•congés payés y afférents 903,57 €

•indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

•à titre principal :120.000,00 €

•à titre subsidiaire : 66.000,00 €

•indemnité compensatrice de préavis (3 mois) :

•à titre principal :15.120,00 €

•à titre subsidiaire : 8.214,66 €

•à titre éminemment subsidiaire : 5.476,44 €

•congés payés sur préavis :

•à titre principal : 1.512,00 €

•à titre subsidiaire 821,46 €

•à titre éminemment subsidiaire 547,64 €

•indemnité de licenciement :

•à titre principal : 5.316,16 €

•à titre subsidiaire 2.900,75 €

•article 700 du nouveau code de procédure civile 1.500,00 €

- condamner la société CERA à lui remettre ses bulletins de salaire, une attestation ASSEDIC et un certificat de travail rectifiés et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard,

- prononcer les condamnations avec intérêt au taux légal.

Vu les conclusions du 13 mars 2008 au soutien de ses observations orales par lesquelles la SARL CERA demande à la cour de

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Mme X... à lui verser la somme de 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail

Considérant que Mme X... soutient qu'à partir de 1999, elle a assuré des fonctions de directrice de mission directement rattachée à M. A..., associé ; qu'en 10 ans de carrière elle n'a eu aucune évolution et qu'elle a subi une rétrogradation injustifiée lors de son premier arrêt de maternité ; que compte tenu des tâches qu'elle exécutait, de son niveau de formation, de son expérience professionnelle, elle estime être fondée à revendiquer la qualification de cadre principal, coefficient 450, niveau 2 de 1999 à 2005 ; qu'exerçant les fonctions de directeur de mission depuis 1999, elle invoque le principe "à travail égal, salaire égal" pour obtenir un salaire comparable à celui des autres directeurs de missions pour les années 2000 à 2005 ;

Que la société CERA réplique que la mission de directeur de missions n'est pas un emploi de la convention collective, que Mme X... faisait essentiellement des fonctions d'exécution et non pas d'encadrement, qu'elle était effectivement directeur de mission du client Prifinance mais travaillait également en qualité d'exécutant sur d'autres clients ; qu'elle n'a jamais encadré de collaborateurs d'un niveau hiérarchique inférieur, sauf un, ni de salariés des clients ; que depuis 2000, elle travaillait essentiellement pour un seul client et intervenait occasionnellement sur quelques clients dans des fonctions d'exécution ; que les collaborateurs avec lesquels elle se compare, encadraient des dossiers plus importants, et accomplissaient principalement un véritable travail de surveillance et d'encadrement technique et hiérarchique, qu'ils n'effectuaient pas de travail d'exécution mais de supervision, effectuaient de nombreux déplacements en province ; que la rémunération de Mme X... a évolué de 38% de 1999 à 2004, qu'elle a été absente en raison de congés de maternités ou de congés parentaux 25 mois sur les 5 années concernées ;

Considérant que Mme X... verse ses diplômes à savoir une maîtrise de sciences et techniques comptables et financières obtenue à la session de juin 1994, un diplôme d'études supérieures comptables et financières obtenu à la session de 1995 et un diplôme d'expert-comptable obtenu la session de mai 2004 ; que la formation initiale de Mme X... était donc du niveau BAC +4 ;

Qu'il ressort des bulletins de salaire versés que du 2 janvier 1995 au 28 février 1997, Mme X... a eu un emploi d'Assistante confirmée niveau 4 au coefficient 260, que du1er mars 1997 au 31 août 1999, elle a occupé un emploi d'expert comptable stagiaire niveau 19 ou niveau 3 coefficient 280, qu'à partir du 1er septembre 1999, elle avait un emploi d'assistante confirmée niveau 4 au coefficient 260 et à partir du 1er mai 2000 au coefficient 280 ; que selon la convention collective, l'assistant principal niveau 4 coefficient 280 a une formation initiale BTS, IUT, une expérience en tant qu'assistant confirmé (coeff 260) de 3 ans avec Bac et au moins 200h de formation, il effectue des travaux d'analyse et de résolution de situations complexes faisant appel à des connaissances pratiques et théoriques approfondies, rédige des notes de synthèse et rapports et son activité est soumise à la validation par un cadre de niveau supérieur ou un membre de l'ordre ;

Que Mme X... ne démontre pas qu'elle assurait soit l'animation et la coordination d'une équipe exigées pour être cadre confirmé N3 au coefficient 385, soit le monitorat technique des membres d'une équipe et au plan administratif, des responsabilités non professionnelles de haut niveau dans les domaines de gestion d'une unité, tâches et responsabilité exigées pour la qualification de cadre principal N2 au coefficient 450 ; qu'en effet si l'intervention d'autres collaborateurs auprès des mêmes clients est établie, Mme X... ne verse aucun élément venant contredire les affirmations de la société CERA selon laquelle ces interventions étaient liées à ses absences ;

Mais considérant que, contrairement aux affirmations de la société CERA, le statut de cadre n'implique pas nécessairement l'animation ou la coordination d'une équipe retreinte ou la supervision de l'activité de salariés des entreprises clientes ; qu'en effet selon la convention collective (N3 poste de référence "cadre coefficient 330" ) occupe une fonction de cadre non seulement le salarié apte à définir un programme de travail dans le respect des orientations qui sont données par un membre de l'Ordre mais aussi celui "dont la formation technique spécifique lui permet d'exercer des missions requérant la mise en oeuvre de ses connaissances de façon autonome et responsable" qui a une formation initiale bac +3 et une expérience professionnelle minimale d'un an en qualité de N4 pour tout salarié titulaire d'un diplôme sanctionnant 4 années d'études après le bac (bac +4)" ;

Que Mme X... avait une carte de visite professionnelle qui mentionnait sa qualité de "chef de mission" ; que dans des lettres adressées aux clients, M. A... désignait Mme X... comme la "directrice de mission" en charge du dossier (lettres du 12 mars 2003 pour COFIMMOBILIER, du 31 mars 2003 pour CECILE Holding France, PRI-TER Holding France et PRIFINANCE et du 20 avril 2004 pour PRI-TER Holding France, pour Almari, CECILE Holding France, COFIMMOBILIER toutes domiciliées à la même adresse) ; que selon courrier du 8 mars 2005 de la COFIMMOBILER, cette société gérait pour le compte des MMA et du Groupe Michelin 55 entités et dès 1999, Mme X... a été désignée Directrice de mission pour l'audit des comptes de ces sociétés ; que la société CERA reconnaît que pour ces clients, elle intervenait seule sous l'autorité directe de M. A..., membre de l'Ordre ;

Que les fonctions exercées par Mme X... en sa qualité de directrice de mission, fonctions qui sont indépendantes du budget confié, au contraire de ce que prétend l'employeur, étaient celles de responsable de l'entier dossier de commissaire aux comptes ou d'audit des comptes de différents sociétés qui, certes, constituent un groupe mais dont il apparaît qu'elle avait la responsabilité sous le contrôle direct de l'un des associés depuis 1999 ainsi qu'elle en justifie par la lettre du 8 mars 2005 de la COFIMMOBILER ;

Que si la convention collective ne consacre pas le titre de "directeur de mission", ce titre est utilisé par la société CERA soit sur les bulletins de salaire soit sur le registre unique du personnel (Mlle B... bulletin de paie de juillet 2003, M. C... recruté le 14 octobre 1996) et dans les lettres adressées aux clients chez lesquels Mme X... intervenait ;

Qu'en conséquence, elle est bien fondée à revendiquer le statut de cadre coefficient 330 à tout le moins à compter du mois de mai 2000, avec le titre de directeur de mission ;

Considérant qu'en invoquant le principe "à travail égal, salaire égal" Mme X... compare sa situation à celle de M. C... et de M. D... ; qu'il ressort des pièces versées par la société CERA (attestation de M. D..., livre de paie) que ces deux cadres avaient un coefficient 550 niveau N2 et qu'ils encadraient toute l'année une équipe de 3 à 5 personnes ; qu'ils avaient une expérience professionnelle plus importante que celle de Mme X... étant souligné que la convention collective retient "la nature et du volume des missions" pour apprécier l'expérience professionnelle (cf cadre confirmé niveau 3 coefficient 385) ;

Que, sans être contredite par Mme X..., la société CERA a aussi comparé la situation de Mme X... avec celui de cadres bénéficiant du coefficient 385 (Mlle E..., M. F...) ; qu'en conséquence, Mme X... sera déboutée de sa demande de rappel de salaires fondé sur ce principe mais qu'il convient de prononcer la réouverture des débats pour permettre aux parties de tirer les conséquences sur sa rémunération de sa classification comme cadre niveau 3 au coefficient 330 ;

Sur la rupture

Considérant qu'en refusant de reconnaître la qualité de cadre de Mme X..., l'employeur n'a pas loyalement rempli ses obligations ; qu'en conséquence, la prise d'acte de Mme X... s'analyse en une rupture aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'il convient de surseoir à statuer sur la liquidation des indemnités revenant à Mme X... dans l'attente de la détermination du montant de sa rémunération en tant que cadre ;

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement entrepris,

et statuant à nouveau

DIT que depuis le 1er janvier 2000, Mme X... relevait de la classification cadre niveau 3 coefficient 330, avec le titre de directeur de mission,

DEBOUTE Mme X... de sa demande de rappel de salaire fondé sur le principe "à travail égal, salaire égal",

DIT que la prise d'acte de la rupture par Mme X... s'analyse en une rupture aux torts exclusifs de l'employeur,

PRONONCE la réouverture des débats sur le surplus des demandes pour permettre à Mme X... de tirer les conséquences sur sa rémunération de la classification retenue ci dessus et à la société CERA de faire ses observations sur les comptes qui lui seront communiqués,

ATTIRE l'attention de la société CERA sur les dispositions L 122-14-4 pris en son deuxième alinéa,

RENVOIE, sans autre convocation, à l'audience collégiale du jeudi 11 juin 2009 à 13h30 et à défaut pour radiation ;

RESERVE les dépens ;

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 06/11205
Date de la décision : 29/05/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-05-29;06.11205 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award