Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 28 MAI 2008
No du répertoire général : 07/3871
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Martine PROVOST-LOPIN, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 13 mars 2007 par Maître Philippe SEDBON, avocat de Madame Sofia X..., demeurant ... ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 9 avril 2008 à 9 heures 30 ;
Vu l'absence de Madame Sofia X... ;
Ouï, Maître Philippe SEDBON, avocat représentant Madame Sofia X..., Maître Fabienne Y..., avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 9 avril 2008, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Madame Sofia X... a été mise en examen le 25 juin 2005 du chef de vols en bande organisée et recels de vols en bande organisée et placée sous mandat de dépôt le même jour ; que le 18 novembre 2005, elle a été mise en liberté sous contrôle judiciaire ; que renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de recels de vols en bande organisée, elle a fait l'objet d'un jugement définitif de relaxe le 23 octobre 2006 ;
Qu'elle a ainsi été incarcérée pendant quatre mois et vingt deux jours ;
Attendu qu'aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 avril 2008, Madame Sofia X... sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice les sommes suivantes :
- 2.466,50 € en réparation du préjudice matériel
- 20.000 € en réparation du préjudice moral
- 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor conclut à l'allocation des sommes de 1.422 € en réparation du préjudice matériel et de 5.500 € au titre du préjudice moral et demande que l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile soit ramenée à de plus justes proportions ;
Que Madame l'avocat général conclut à l'admission de la requête en son principe, à réparation du préjudice économique, du préjudice moral et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la demande de Madame Sofia X..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;
Que seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que la requérante était, lors de son incarcération, serveuse à temps partiel au sein de la société KSV ... ; qu'au vu des bulletins de salaire de janvier à juin 2005, elle percevait une rémunération mensuelle nette de l'ordre de 300 € ; qu'il s'ensuit que du fait de son incarcération, le préjudice matériel subi du fait de la perte de revenus doit être fixé à la somme de 1.500 € ; qu'en revanche, la demande en payement d'une indemnité de congés payés et d'une indemnité prenant en compte la perte des cotisations nécessaires à la constitution des points de retraite doit être rejetée, faute de justificatifs ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Attendu que Madame Sofia X... était âgée de 51 ans lors de sa mise en détention et mère d'un enfant de 12 ans ; qu'elle vivait en concubinage ;
Qu'il résulte de son casier judiciaire qu'elle avait été précédemment incarcérée du 19 novembre 1997 au 4 mars 1999 en exécution d'une peine de 2 ans d'emprisonnement pour recels, faux ... prononcée par le tribunal correctionnel de Mâcon le 13 mai 1998 ;
Attendu que la détention qu'elle a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée, à ses conditions difficiles et en considération des éléments susvisés, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 12.000 € ;
Attendu que l'article 700 du code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnisation due au titre des frais irrépétibles à la somme de 500 € ;
PAR CES MOTIFS,
ALLOUONS à Madame Sofia X... une indemnité de 1.500 € en réparation de son préjudice matériel et une indemnité de 12.000 € en réparation du préjudice moral ;
REJETONS le surplus de la demande de Madame Sofia X... au titre du préjudice matériel ;
CONDAMNONS l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Madame Sofia X... la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que les dépens seront à la charge du Trésor public.
Décision rendue le 28 mai 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE