Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère CHAMBRE - Section N
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES
DECISION DU 28 MAI 2008
No du répertoire général : 07/04955
Décision contradictoire en premier ressort
Nous, Martine PROVOST-LOPIN, Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles DUPONT, Greffier lors des débats, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 27 mars 2007 par Maître Anne FREYSSINIER, avocat substituant Maître David-Olivier KAMINSKI, avocat de Monsieur Jean Y..., demeurant ... SUR LOING ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 9 avril 2008 à 9 heures 30 ;
Vu l'absence de Monsieur Jean Y... ;
Ouï, Maître Léa FIORENTINO, avocat collaborateur de Maître David Olivier KAMINSKI, avocat représentant Monsieur Jean Y..., Maître Sandrine BOURDAIS, avocat représentant Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor, ainsi que Madame Lydia GORGEN, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 9 avril 2008, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ;
Attendu que Monsieur Jean Y... a été mis en examen le 12 juillet 2001 du chef d'homicide volontaire et placé sous mandat de dépôt le même jour ; que le 15 janvier 2002, il a été mis en liberté sous contrôle judiciaire et a bénéficié, le 30 novembre 2006, d'une décision définitive d'acquittement par la Cour d'assises de Melun ;
Qu'il a ainsi été incarcéré pendant six mois et cinq jours ;
Attendu que Monsieur Jean Y... sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice les sommes suivantes :
- 4.500 € en réparation du préjudice matériel
- 20.000 € en réparation du préjudice moral
- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que l'Agent judiciaire du Trésor conclut au débouté de la demande en réparation du préjudice matériel et demande que l'indemnité au titre du préjudice moral soit ramenée à la somme de 8.000 € ;
Que Madame l'avocat général conclut à l'admission de la requête en son principe, à réparation du seul préjudice moral proportionné à la durée de la détention subie et en prenant en compte les circonstances particulières soulignées et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la demande de Monsieur Jean Y..., déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;
Attendu qu'en vertu des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que Monsieur Y... fait valoir qu'il exerçait la profession de récupérateur de métaux et que du fait de son incarcération, il n'a perçu aucun revenu ; qu'il évalue son préjudice de ce chef à la somme de 4.500 € sur la base de 750 € par mois pendant six mois;
Mais attendu que le requérant ne produit aucune pièce de nature à justifier des revenus qu'il tirait de son activité professionnelle ;
Que par ailleurs, les documents produits pour justifier des dépens courantes de sa famille (factures de 2006) sont tous postérieurs à son placement en détention et ce, de plusieurs années ;
Que, en conséquence, Monsieur Y... ne justifie d'aucun préjudice matériel, au sens de l'article 149 du code de procédure pénale ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Que par ailleurs, seuls les préjudices personnels, liés à la détention, peuvent donner lieu à réparation au titre de l'article 149 du code de procédure pénale ;
Attendu que Monsieur Y... était âgé de 24 ans lors de sa mise en détention, vivait en concubinage et avait deux enfants ;
Qu'il résulte de son casier judiciaire que le requérant avait déjà été préalablement incarcéré le 1er septembre au 18 octobre 1999 ;
Que ne peut être indemnisé le préjudice subi par les proches du requérant au titre de l'atteinte à la réputation ;
Attendu que la détention qu'il a subie lui a causé un préjudice moral incontestable que, eu égard à sa durée et en considération des éléments susvisés, il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 14. 000 € ;
Attendu que l'article 700 du code procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; que l'équité commande de fixer l'indemnisation due au titre des frais irrépétibles à la somme de 500 € ;
PAR CES MOTIFS
ALLOUONS à Monsieur Jean Y... une indemnité de 14.000 € en réparation de son préjudice moral ;
REJETONS la demande au titre du préjudice matériel ;
CONDAMNONS l'Agent Judiciaire du Trésor à payer à Monsieur Jean Y... la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISONS que les dépens seront à la charge du Trésor public.
Décision rendue le 28 mai 2008 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE