Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre-Section C
ARRET DU 22 MAI 2008
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 21049
RECOURS EN ANNULATION d'une sentence arbitrale
rendue le 9 octobre 2006 par M. Maxime X...,
arbitre unique.
DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :
La SOCIETE S. A. S. KORPORATE,
ayant son siège : 34 rue Camille Pelletan
92300 LEVALLOIS PERRET
agissant poursuites et diligences de son Président.
représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN,
avoués à la Cour
assistée de Maître Anne SALZER,
avocat Toque C 2196
DEFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :
La SOCIETE S. A. R. L. LUPUS SECURITE PRIVEE,
ayant son siège : 8 Rue des Eaux
75016 PARIS
prise en la personne de son gérant.
représentée par la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES,
avoués à la Cour
assistée de Maître Alexandre SUAY,
avocat au barreau de Paris Toque C 542
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 avril 2008, en audience publique
le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur PÉRIÉ, président
Monsieur MATET, conseiller
Monsieur HASCHER, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme FALIGAND
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au Ministère Public
ARRÊT :
- Contradictoire
-prononcé en audience publique par Monsieur PÉRIÉ, Président,
- signé par Monsieur PÉRIÉ, Président, et par Mme FALIGAND,
greffier présent lors du prononcé.
****
La société KORPORATE a formé un recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 9 octobre 2006 par M. X... arbitre unique, statuant comme amiable compositeur, dans un litige qui l'opposait à la société LUPUS SECURITE PRIVEE (ci-après LUPUS), aux termes de laquelle le tribunal arbitral a
-constaté la résiliation à bon droit du contrat de sous-traitance par la société KORPORATE au titre des fautes commises par son cocontractant et en application des dispositions contractuelles,
- dit que la société LUPUS doit verser à la société KORPORATE la somme de 19200 € au titre des pénalités contractuelles pour non fourniture dans les délais des documents administratifs convenus,
- dit que la société KORPORATE doit verser à la société LUPUS la somme de 50 283, 30 € au titre des factures de prestation de service demeurées impayées,
- dit que les créances réciproques seront compensées, à charge pour la société KORPORATE de procéder au paiement du solde soit 31 083, 30 € avec intérêts légaux à compter de la notification de la sentence,
- ordonné la restitution par la société LUPUS à la société KORPORATE du matériel lui appartenant constitué par 3 parkas, 6 cravates et 6 barrettes dans un délai maximun de huit jours de la notification de la sentence et ce, sous astreinte à compter de cette date de 50 € par jour de retard,
- partagé pour moitié entre les parties les frais et honoraires d'arbitrage fixés contractuellement à 1000 € HT.
La société KORPORATE prie la Cour d'annuler la sentence et de condamner la société LUPUS à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en faisant valoir deux moyens d'annulation, l'arbitre a statué sur convention d'arbitrage expirée (article 1484 1o du code de procédure civile) et a violé la mission qui lui a été conférée (article 1484 3o du code de procédure civile).
La société LUPUS conclut au rejet du recours et sollicite la condamnation de la société KORPORATE au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que le délai d'arbitrage a été prorogé tacitement par les parties, que la société KORPORATE a renoncé à invoquer l'expiration du délai d'arbitrage, et que l'arbitre s'est conformé à sa mission.
Sur ce, la Cour
Sur le premier moyen d'annulation pris de l'expiration de la convention d'arbitrage (article 1484 1o du code de procédure civile)
La société KORPORATE expose que la " convention compromissoire " signée par les parties stipulait en son article 4 que " l'arbitre rendra sa sentence dans le délai de six semaines de sa saisine " et que, par lettre du 1er juin 2006, l'arbitre leur a indiqué qu'il rendrait sa décision dans les six semaines. Elle fait valoir que le délai d'arbitrage expirait le 16 juillet mais que la sentence n'a été rendue que le 9 octobre 2006, sans prolongation du délai de mission. Elle ajoute que les lettres et actes de procédure supposés matérialiser la volonté des parties de proroger le délai sont antérieurs au 1er juin 2006, et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir soulevé ce moyen devant l'arbitre puisqu'après la clôture des débats elle était dans l'impossibilité de l'invoquer devant l'arbitre, en application des dispositions de l'article 1468 du code de procédure civile.
Considérant que dans une lettre du 1er juin 2006, l'arbitre unique a indiqué aux parties " je vous confirme que je considère la procédure comme clôturée et que je rendrai donc ma décision dans un délai maximun de six semaines, sauf difficulté imprévue " ; que les parties ayant participé aux opérations mises en oeuvre par l'arbitre au delà du délai de six mois stipulé dans la convention d'arbitrage, la société KORPORATE a clairement accepté la prorogation de la mission de l'arbitre ; qu'après le 1er juin 2006 la société KORPORATE qui n'a pas émis de réserve à la réception du courrier de l'arbitre unique a marqué tacitement son accord à la prorogation du délai d'arbitrage et, bien que les dispositions de l'article 1468 du code de procédure civile ne lui interdisent pas de faire des protestations, elle n'a jamais invoqué l'expiration du délai avant de former son recours en annulation ; que, par suite, la société KORPORATE ayant renoncé à se prévaloir de cette irrégularité au cours de la procédure arbitrale, son premier moyen d'annulation est irrecevable ;
Sur le second moyen d'annulation, l'arbitre unique a statué sans se conformer à la mission qui lui a été conférée (article 1484 3o du code de procédure civile)
La société KORPORATE soutient que l'arbitre a modifié l'économie du contrat en reportant le point de départ de l'astreinte pour la remise de son matériel à la date de la sentence arbitrale et n'a pas fait usage de son pouvoir d'amiable compositeur sur les autres chefs de demandes. Elle lui reproche de ne pas avoir retenu comme point de départ de l'astreinte le huitième jour après la date de l'envoi de la lettre recommandée avec AR mettant fin au contrat, comme prévu contractuellement, soit le 29 septembre 2005. Elle précise que cette clause avait pour objet de prévenir toute utilisation abusive par le sous-traitant de son matériel, reproduisant son logo, en continuant des prestations auprès des clients ou en se prévalant de sa prétendue image ou notoriété de la société KORPORATE. Elle considère que l'arbitre en reportant le point de départ de l'astreinte a privé la clause de son effet coercitif et comminatoire destiné à prévenir toute utilisation abusive.
La société KORPORATE dit encore que l'arbitre unique a méconnu sa mission en statuant au regard des dispositions légales et contractuelles sans s'expliquer sur la conformité de la solution au regard de l'équité.
Considérant que l'arbitre unique en retardant le point de départ de l'astreinte s'est limité à modérer les conséquence de l'application stricte de la clause, ce qui relève précisément de la faculté dont dispose l'amiable compositeur en considération des circonstances tenant à l'équité ;
Que l'arbitre unique en condamnant la société KORPORATE au paiement des pénalités pour défaut d'exécution a entendu faire référence à l'équité puisqu'il a considéré que " les obligations contractuelles qui imposent la fourniture tous les trois mois par la société sous-traitante de la preuve de la régularité de sa situation au regard de ses dettes fiscales et sociales apparaissent indiscutablement justifiées "... " l'obligation contractuelle de justifier de l'aptitude du personnel est également légitime "... " eu égard à l'importance des risques encourus, le montant contractuel de pénalité, fixé à la somme de 400 € par faute lourde constatée apparaît donc en rapport avec la gravité des manquements " ;
Que contrairement à ce qu'allègue la recourante en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages et intérêts de la société LUPUS, l'arbitre n'écrit pas que sa solution est exclusivement fondée sur des dispositions légales, puisqu'il a jugé que ces demandes " formulées en application des dispositions de l'article L442-6 du Code de commerce ne sont pas justifiées " ; que le rejet d'une telle demande au motif qu'elle est injustifiée comme le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par la société KORPORATE, en l'absence de pièce au soutien de ses prétentions, ne caractérisent pas une méconnaissance de sa mission par l'arbitre ; qu'enfin, l'arbitre a effectivement usé de son pouvoir pour modérer en équité le montant de la clause pénale, sanctionnée contractuellement par une astreinte de 150 € par jour de retard, en la limitant à 50 € en expliquant que l'astreinte prévue est " hors de proportion avec la valeur du matériel concerné " ; qu'en conséquence, l'arbitre unique n'a pas méconnu sa mission ; que le second moyen et partant le recours en annulation sont donc rejetés ;
Considérant qu'il convient de condamner la société KORPORATE à payer à la société LUPUS la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par ces motifs
Rejette le recours en annulation de la sentence rendue le 9 octobre 2006 par M. X...
Condamne la société KORPORATE à payer à la société LUPUS SECURITE PRIVEE la somme de 4 000 € au tire de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société KORPORATE aux dépens et admet la SCP BAUFUME-GALLAND-VIGNES, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT
R. FALIGAND J. F. PERIE