Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 22 MAI 2008
(no08/ , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/14094
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 04/03218
APPELANTS
Monsieur Régis Gilles Jacques X...
demeurant ...
78840 FRENEUSE
représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assisté de Me Laurent MEILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : G847
Madame Françoise Z... Claudine A... épouse X...
demeurant ...
78840 FRENEUSE
représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour
assistée de Me Laurent MEILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : G847
INTIMEE
S.A. UCB - UNION DE CREDIT POUR LE BATIMENT prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
75116 PARIS
représentée par la SCP VERDUN - SEVENO, avoués à la Cour
assistée de Me LEOPOLD COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R 29
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte authentique du 23 octobre 1984, l'Union de Crédit Pour Le Bâtiment -ci-après UCB- a consenti aux époux X... un prêt d'un montant total de 325 000 F -décomposé en deux concours, l'un de 162 000F et l'autre de 163 000F- destiné à financer l'acquisition d'un appartement sis aux MUREAUX et des travaux à y effectuer.
Par acte authentique du 14 août 1991, l'UCB a consenti un second prêt de 467 000 F destiné à financer l'acquisition d'une maison sise à FRENEUSE.
Le 21 décembre 1991, la banque a prononcé la déchéance du terme du premier de ces prêts et a poursuivi la vente forcée de l'immeuble des MUREAUX, lequel a été adjugé 220 000 F en septembre 1993.
Puis, elle a engagé une procédure de saisie immobilière pour obtenir la vente aux enchères de la maison de FRENEUSE, sur laquelle elle bénéficiait d'une hypothèque, afin de recouvrir un solde de 93 777,30 € au titre du premier prêt.
Par acte du 30 octobre 2003, les époux X... ont assigné l'UCB devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS afin de voir juger qu'ils ne sont plus débiteurs des sommes qui leur sont réclamées au titre de ce premier concours.
Par jugement du 12 juin 2006 le tribunal a dit les époux X... bien fondés en ce qu'ils soutiennent que les intérêts courus du 6 juin 1996 au 7 août 1996 s'élèvent à la somme de 1005,54 € au lieu de 1022,30 €, et les a déboutés pour le surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 27 juillet 2006, les époux X... ont interjeté appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées le:
-12 février 2008 pour les époux X....
-13 mars 2008 l'UCB.
Les époux X... demandent à la Cour de :
-infirmer le jugement excepté en ce qu'il a réduit les intérêts pour la période du 6 juin 1996 au 7 août 1996,
Statuant à nouveau,
-dire que l'UCB ne peut justifier du montant de sa créance, et en conséquence que les époux X... ne sont plus débiteurs en vertu du contrat de prêt du 23 octobre 1984,
Subsidiairement prononcer la déchéance des intérêts à compter du 21 décembre 1991,
-et, à défaut, constater la prescription des intérêts échus au 31 décembre 1998,
-ordonner le remboursement des sommes versées par les époux X... au-delà du capital emprunté, soit 34 993,73 €,
-ordonner la mainlevée de l'inscription hypothécaire provisoire sur le bien de FRENEUSE,
-condamner l'UCB à payer la somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause réduire les pénalités à néant,
-ordonner la compensation judiciaire des sommes dues de part et d'autre,
-subsidiairement, ordonner une mesure d'expertise afin de vérifier le taux réellement appliqué par l'UCB,
-Très subsidiairement, accorder aux époux X... les plus larges délais de paiement,
-condamner l'UCB à payer la somme de 4000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'UCB demande à la Cour de :
-confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit les époux X... partiellement recevables en leurs demandes,
-subsidiairement les débouter de leurs prétentions, et confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a réduit partiellement la créance de l'UCB,
-constater que les époux X... sont débiteurs de la somme de 93 760,64 € arrêtée au 14 octobre 2003, avec intérêts au taux de 13, 91% à compter du 15 octobre 2003,
-condamner solidairement ou in solidum les époux X... à payer la somme de 3000€ au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Considérant que les époux X... soutiennent qu'il est exact qu'ils n'ont pu faire face aux échéances cumulées des deux emprunts, ayant rencontré des difficultés financières à partir de 1991 ; que cependant ils ont rempli leurs obligations pour la période antérieure pendant laquelle ils ont remboursé, au titre du premier prêt, une somme de 334 543,80 F à laquelle s'est ajouté le montant de l'adjudication soit 220 000 F et que, néanmoins, lors même qu'ils pensaient légitimement leur dette ainsi éteinte, l'UCB leur a réclamé en octobre 2003 une somme de 93 760,64 € soit 615 138,76 F s'ajoutant aux précédentes, soit un total de 243 000 € ce pour leur avoir originellement prêté un montant de 24 696,74 €, et avec des intérêts se montant à 13 000 € annuellement ;
Considérant qu'ils contestent à l'intimée le droit d'invoquer le bénéfice de la prescription de l'article 110-4 du Code de Commerce, laquelle s'applique à des obligations, telle une action en paiement, non à une action en contestation, ou en responsabilité ;
Considérant qu'ils font valoir que si cette prescription était acquise, l'action à fin de saisie immobilière engagée par l'UCB devrait également l'être, faute pour le créancier de l'avoir valablement interrompue, et subsidiairement, que cette action devrait être dite non fondée, faute de preuve ; que, de même, la banque devrait être condamnée à payer la somme de 180 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir agi plus de dix ans après la déchéance du terme ;
Mais considérant que l'action intentée par les époux X... vise à voir juger que l'UCB n'a pas rempli ses obligations contractuelles en ce qu'elle n'a pas libéré les fonds qui étaient l'objet du contrat de prêt, lequel n'est en conséquence pas, contrairement à ce qu'a dit le premier juge, remis en cause dans son existence même, les appelants en contestant précisément le défaut d'exécution ;
Considérant que cette contestation était prescrite le 30 octobre 2003, date à laquelle les époux X... ont assigné l'UCB devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS, au regard des dispositions de l'article 110-4 du Code de Commerce qui a commencé à courir à partir de la signature de l'acte de prêt le 23 octobre 1984 ;
Considérant qu'il n'est argué sur ce point d'aucun acte d'interruptif de prescriptionce dont les appelants ne sauraient rejeter la faute sur la banque, laquelle n'était débitrice d'aucune obligation de cette nature envers eux et ne peut en conséquence être redevable de dommages et intérêts pour n'avoir pas, en réalité, assumé les intérêts de ses adversaires; que ce fait vaut également pour la procédure de saisie immobilière, rappel fait que, ainsi que l'avait déjà mentionné le tribunal, cette action est pendante devant la juridiction compétente pour statuer sur tous incidents y afférents ;
Considérant en tout état de cause que, dans le cadre de cette instance, la Cour ne peut que constater que la banque est titulaire d'un titre notarié lui permettant d'exercer une telle action ;
Considérant que les époux X... arguent, en deuxième lieu, de ce que l'offre de crédit n'est pas conforme aux dispositions de l'article L 312.8 et L 312.10 du Code de la Consommation, en ce qu'elle ne mentionne pas le coût de l'assurance et des perceptions forfaitaires pour la période du 10 septembre 1984 au 10 septembre 1985, ce qui entraîne la déchéance du droit aux intérêts ; que l'UCB a reconnu ce fait en première instance, ce qui constitue un aveu judiciaire ;
Considérant que les appelants soutiennent que la prescription décennale n'est pas applicable à cette demande, en ce qu'elle ne peut courir avant la reconnaissance de l'obligation de payer les intérêts conventionnels ;
Mais considérant que la prescription de cette action court à dater du jour où les emprunteurs ont eu en main les documents discutés, afférents à l'offre de crédit, qu'ils ont reçue le 21 août 1984, acceptée le 1er septembre suivant, et dont ils ont à nouveau eu connaissance des dispositions lors de la signature de l'acte de vente notarié du 23 octobre de la même année ;
Considérant que les époux X... ne contestent pas avoir reçu cette information ; que vainement invoquent-ils, au titre de cette demande, que des plans d'apurement conclus en 1994 et 1995, dont l'existence est reconnue par l'UCB, auraient interrompu la prescription, antérieurement à la date du 30 octobre 2003 ;
Considérant en effet que si la reconnaissance même partielle que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait fait courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription et n'a pas pour effet de frapper le débiteur d'une déchéance du droit d'invoquer la nouvelle prescription, cet effet ne peut s'appliquer à des actions en responsabilité qui n'étaient pas invoquées, et ne pouvaient avoir un effet interruptif que sur la créance de l'UCB, ce que cette dernière ne conteste du reste pas ;
Considérant, de plus, que l'aveu judiciaire ne se présume pas, que les époux X... ne donnent aucune précision sur les éléments contenus dans les conclusions antérieures de l'UCB par lesquels cette dernière aurait reconnu le bien fondé de leurs prétentions, ce en contradiction avec les termes du jugement rendu le 12 juin 2006 qui attestent d'une opposition constante de l'UCB à ces demandes ;
Considérant que les époux X... soulèvent, en troisième lieu, la prescription de l'action en application de l'article 2277 du Code civil ;
Mais considérant que la prescription de l'article 2277 du Code civil n'est pas applicable aux intérêts dus sur une somme, dès lors que le créancier qui agit en recouvrement de cette somme ne met pas en oeuvre une action en paiement des intérêts, mais agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution, en l'espèce une saisie immobilière ;
Considérant que, subsidiairement, les époux X... font état de ce que, à la date de la déchéance du terme, ils devaient un principal de 325 000 F outre les intérêts, lesquels comportent une pénalité de 7% qui est excessive et qu'ils souhaitent voir ramenée à néant en application de l'article 1152 du Code Civil ; qu'ils contestent les calculs des intérêts, de même que le principe même du taux conventionnel de 13,91% ; qu'ils soutiennent que l'UCB n'a pas pris en compte tous les versements, tels les 18 de 1 500 F reconnus par elle le 4 novembre 1996 et cependant non inclus dans les décomptes ; que, entre le 3 octobre 2001, le 21 octobre 2002, et l'année 2003 la créance de l'UCB est passée de 40 094,09 € à 34 559,62 € puis 93 760,64 €, sans que les explications correspondantes soient produites ; que l'UCB réclamant 178 316,96 € pour avoir prêté 24 696,74 € doit s'expliquer sur un taux de 722,02 %, lequel est usuraire et devra être annulé ;
Considérant que l'UCB oppose à l'ensemble des prétentions des les époux X... la prescription décennale de l'article L 110-4 du Code de Commerce ;
Considérant que les demandes afférentes au taux d'intérêt et à la pénalité de 7% sont prescrites, les époux X... mentionnant que cette somme a été incluse dans le décompte établi le 21 décembre 1991;
Considérant en revanche que la prescription n'est pas acquise à la date du 30 octobre 2003 pour les autres demandes mentionnées, ce d'autant que la créance de L'UCB a été arrêtée, après réactualisation, le 4 novembre 1996 ;
Considérant cependant que ces demandes ne sont pas justifiées ; que les époux X... ne peuvent en effet se contenter d'indiquer que "les calculs de l'UCB sont contestés", en se limitant à un seul exemple concernant une année bissextile, pour laquelle l'erreur est reconnue par le prêteur, et a été rectifiée par le premier juge ; que, pour sa part, l'UCB n'est pas fondée à demander à la fois la confirmation du jugement sur ce point, et, dans le cadre du dispositif de ses conclusions, son infirmation "en ce qu'il a réduit partiellement (sa) créance" ;
Considérant que l'UCB produit un décompte intégrant les acomptes versés par les époux X..., et mentionnant leur imputation sur les intérêts puis sur le capital ;
Considérant que l'application de ce taux contractuel a des incidences sur le montant de la créance sur une durée importante, sans qu'il soit pour autant justifié que le taux initial de 13,91%, tenu pour acquis en raison de la prescription, et du reste clairement mentionné au contrat, puisse être qualifié d'usuraire, la circonstance que l'accumulation de ces intérêts ait, au fil des années, conduit à des sommes importantes n'étant que la seule résultante des clauses contractuelles et ne permettant pas, rétroactivement, de remettre en cause la validité du prêt ;
Et considérant que le fait que l'UCB ait régularisé une procédure d'inscription hypothécaire provisoire pour un montant de 263 000 F ne la prive pas du droit de présenter ultérieurement une créance d'un montant sensiblement supérieur, résultante de ce qui précède ;
Considérant que les époux X... arguent de ce que, pour le second prêt, le taux de 13,91% n'est pas établi, l'UCB ne produisant à ce titre que la demande de prêt ;
Mais considérant qu'il n'est réclamé aucune somme au titre de ce concours, pour lequel les époux X..., qui ne tirent aucune conséquence de leur remarque, ne mentionnent ni ne demandent eux-mêmes l'application d'aucun taux, rendant ainsi le débat sans objet ;
Considérant que les époux X... mettent également en cause la responsabilité de la banque pour avoir consenti deux crédits sans s'assurer de leurs capacités de remboursement ; qu'ils soutiennent que cette action ne peut être prescrite qu'à dater de la remise des fonds, ou de la date à laquelle a été connue cette irrégularité, et a été interrompue par les plans d'apurement de 1994 et 1995 ;
Considérant qu'ils soutiennent que leurs revenus de 1984 et 1991 ne permettaient pas de supporter les échéances de deux prêts ; que la banque était tenue à un devoir de mise en garde à leur égard ; que faute d'en justifier, la banque encourt la déchéance des intérêts conventionnels et le paiement de dommages et intérêts ;
Mais considérant que l'UCB est, à nouveau, fondée à se prévaloir de la prescription décennale née à dater de la souscription du second prêt du 14 août 1991, date à laquelle les époux X... avaient en leur possession toutes les données financières afférentes au cumul des deux emprunts, et en conséquence acquise lors de la délivrance de l'assignation du 30 octobre 2003 ;qu'en effet les plans d'apurement conclus avec la banque ne peuvent avoir d'incidence que sur la seule créance objet de ces plans, et non sur une action en responsabilité qui en est totalement distincte par son fondement ;
Considérant qu'est en dernier lieu invoquée une faute de l'UCB pour avoir tardé à agir en laissant sa créance s'accroître au détriment des époux X..., sans engager d'action en recouvrement de 1993 à 2003, démontrant ainsi sa mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;
Mais considérant que les appelants ne sont pas fondés en ce moyen dès lors qu'ils ont bénéficié, à la suite de la procédure d'adjudication de septembre 1993, de plans d'apurement conclus avec l'UCB et qui ont été respectés par eux jusqu'en novembre 1998 ; et, qu'ensuite de cette carence l'UCB a engagé en 2001 et 2003 une procédure de saisie immobilière qui est encore en cours ;
Considérant que les époux X... demandent l'application des dispositions de l'article 1244-1 du Code Civil ;
Mais considérant que cette demande n'est pas recevable devant la présente juridiction qui n'est pas saisie d'une demande en paiement ;
Considérant en conséquence que le jugement est confirmé, mention faite que la Cour ne peut être saisie d'une demande de "constatation" telle que celle présentée par l'UCB quant au montant de sa créance, laquelle ne constitue pas une demande de condamnation ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'UCB les frais qu'elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT