Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 15 MAI 2008
(no08/ , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 06/15022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2006 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/16858
APPELANT
Monsieur Nacer X... MENAI
demeurant ...
ANNABA - ALGERIE
représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assisté de Me Nasser Y..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société ODDO et CIE prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège ...
75009 PARIS
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Dominique Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : R 75, du cabinet LECLERE et associés
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président et Madame Claire DAVID, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Claire DAVID, Conseiller
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Sandrine KERVAREC
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président, et par Melle Sandrine KERVAREC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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M. A... Menai a ouvert successivement deux comptes, l'un le 17 décembre 1993, l'autre le 23 octobre 1996 auprès de la société Delahaye Ripault, devenue Delahaye Finance, désormais Oddo et Cie. A cette fin, il a communiqué différentes adresses : des adresses françaises correspondant, dans un premier temps, à celle de son oncle demeurant dans le 13e arrondissement à Paris puis celle de sa soeur demeurant à Vitry sur Seine, et une adresse algérienne.
Les déclarations fiscales IFU de M. B..., transmises par la société Oddo et Cie, ont fait apparaître ses adresses françaises l'assimilant ainsi à un résident fiscal et le rendant de la sorte redevable de l'impôt sur le revenu.
L'administration fiscale a alors entamé une procédure de redressement à son encontre et a fait saisir et vendre les titres figurant sur ses comptes au profit du Trésor Public.
Estimant que la société Oddo et Cie avait commis des fautes en indiquant ses adresses françaises, alors qu'il réside en Algérie, M. B... a saisi le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 12 juillet 2006, a condamné la société Oddo et Cie à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La déclaration d'appel de M. B... a été remise au greffe de la Cour le 10 août 2006.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 31 janvier 2008, M. B... demande à la cour :
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société Oddo et Cie,
- de l'infirmer en ce qu'elle a limité le préjudice à la somme de 50 000 € au titre de la perte de chance,
- de condamner la société Oddo et Cie à lui payer les dommages et intérêts suivants :
- 174 755 € au titre de la perte de valeur du portefeuille,
- 1 507,60 € au titre des dividendes arrêtés au 31 mai 2002,
- 285 569,23 € au titre du manque à gagner entre la date de restitution des sommes saisies et la date du jugement de 1ère instance,
- 3 500 € au titre des frais engagés,
- 8 000 € au titre du préjudice moral,
- 2 742 € au titre des prélèvements indus,
le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- de condamner la société Oddo et Cie à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 27 février 2008, la société Oddo et Cie demande à la cour :
-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-débouter M. B... de l'intégralité de ses demandes,
-de le condamner à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
LA COUR,
Considérant que M. B... a été contrôlé au titre de l'impôt sur le revenu au titre des années 1996, 1997 et 1998 et a fait l'objet d'un redressement fiscal, pour le paiement duquel le Trésor Public a procédé à la vente des titres figurant sur ses comptes à hauteur de la somme de 114 572,22 € ;
Considérant qu'à la suite des réclamations formées par M. B..., le Trésor Public a reconnu sa qualité de non-résident et a prononcé un dégrèvement total pour les sommes de 114 572,23 € et de 2 291,25 € au titre des intérêts moratoires ;
Considérant que M. B... reproche à la société Oddo et Cie d'être à l'origine de l'erreur commise par le Trésor Public, de ne pas l'avoir informé ultérieurement des saisies engagées par celui-ci et enfin de ne pas l'avoir assisté pour se défendre auprès des services fiscaux ;
Considérant que la 1ère convention de compte du 17 décembre 1993 précise que l'adresse de M. B... est située à Paris 13ème, 10 Villa d'Este et indique, à la rubrique "Adresse fiscale", la mention : "Non-résident" ;
Considérant que si l'adresse fiscale de M. B... n'était pas indiquée sur ce document, il est établi que la société Delahaye Finance en avait connaissance, puisqu'au 31 décembre 1994, elle a adressé à son client le relevé de son portefeuille ... ;
Considérant que la seconde convention du 23 octobre 1996 indique à la rubrique "Adresse fiscale" : "..." et à la rubrique "Adresse courrier, si différente de l'adresse fiscale" : "10 Villa d'Este Paris 13ème"
Considérant que le statut de non-résident figurait donc bien sur les deux conventions de compte et a été confirmé sur une déclaration spécifique remplie le 24 février 1997 et intitulée : "Déclaration de non-résidence par une personne physique" dans laquelle M. B... atteste avoir son domicile à Annaba en Algérie ;
Considérant que M. B... a ainsi respecté les termes des conventions de compte qui précisent que le client est tenu de satisfaire aux obligations légales en matière fiscale ;
Considérant qu'il résulte de toutes les pièces produites aux débats qu'à l'exception du relevé de compte du 31 décembre 1994, tous les avis d'opéré, comptes de liquidation et relevés de portefeuille ont été adressés à M. B... à son adresse parisienne, 10, Villa d'Este ;
Que de même, ont été adressées à ce même domicile parisien les déclarations de plus ou moins-values mobilières réalisées remplies par la société Delahaye Finance et destinées au Trésor Public ;
Considérant que si la société d'investissement a commis une faute en faisant une déclaration auprès des services fiscaux français, alors qu'elle était informée que son client ne résidait pas en France, M. B... a également commis une faute en ne réagissant pas à réception de ces déclarations pendant plusieurs années consécutives ;
Considérant qu'il n'a pas plus contesté le procès-verbal de saisie qui lui a été signifié par l'huissier du Trésor Public le 29 novembre 2000, la société de gestion n'étant pas tenue de le lui notifier en sa qualité de tiers-saisi ;
Considérant que si tous les actes de procédure ayant conduit à la vente des titres ont été adressés par le Trésor Public à l'adresse française communiquée par la société Delahaye Finance, cette dernière n'a commis aucune faute, puisque les conventions d'ouverture de comptes précisent que tout le courrier doit être adressé en France ;
Considérant enfin que la société Delahaye Finance n'a pas plus commis de faute en n'informant pas son client de la procédure de redressement fiscal, dès lors qu'elle a pu légitimement estimer qu'il avait été régulièrement destinataire des avis du Trésor Public et qu'elle ne disposait pas de mandat de gestion ;
Considérant que la Direction Générale des Impôts lui fait d'ailleurs le reproche, dans son courrier du 12 mars 2002, de n'avoir formé aucune contestation de l'acte de saisie et de ne s'être manifesté en aucune manière auprès de ses services ;
Considérant que le préjudice de M. B... tient exclusivement à la perte d'une chance d'avoir pu conserver les titres composant son portefeuille, sans que la cour n'ait à examiner tous les chefs de demande ; que les chefs de demande portant sur les divers manques à gagner ne peuvent pas prospérer, dès lors qu'il ne peut pas être établi que M. B... aurait affecté les sommes provenant de son portefeuille en de meilleurs placements ;
Et considérant surtout que les fautes de négligence commises par M. B... qui n'a jamais réagi, ni à la réception des déclarations fiscales, ni à la réception des avis du Trésor Public, ont concouru à son dommage ;
Que la cour estime en conséquence que la somme de 50 000 € allouée par les premiers juges correspond au montant du préjudice qui doit être réparé par la société Oddo et Cie ;
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé ;
Considérant qu'il n'est donc pas inéquitable de laisser à la charge de M. B... les frais qu'il a pu engager ; que les dépens doivent être mis à la charge de la société Oddo et Cie condamnée au paiement de dommages et intérêts ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Rejette les autres demandes,
Condamne la société Oddo et Cie aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,