RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre B
ARRÊT DU 15 Mai 2008
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/01113/MCL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Novembre 2006 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG no 20500619
APPELANTE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
TSA 80028
93517 MONTREUIL CEDEX
représentée par Mme GAY en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE
SA SFR SERVICE CLIENT venant aux droits de la SA CEGETEL SERVICE
Tour SEQUOIA
1 place Carpeaux
F92915 PARIS LA DEFENSE CEDEX
représentée par la SCP FROMONT BRIENS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substitué par Me JACOTOT, avocat au Barreau de PARIS, Toque : P107
Monsieur le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales - Région d'Ile-de-France (DRASSIF)
58-62, rue de Mouzaia
75935 PARIS CEDEX 19
régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2008, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bertrand FAURE, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller
Madame Marie-Christine LAGRANGE, Conseiller,
Greffier : Madame Claire AUBIN-PANDELLÉ, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Bertrand FAURE, Président et par Madame Claire AUBIN- PANDELLÉ, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A la suite d'un contrôle effectué au sein de l'établissement de la S.A. CEGETEL SERVICE, à BAGNOLET, l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS-REGION PARISIENNE a procédé à un redressement au titre de la période de janvier 2001 à décembre 2003 et a fait délivrer le 6 octobre 2004 une mise en demeure de payer la somme de principale de 152 027 € correspondant à la réintégration dans l'assiette des cotisations des avantages en nature concédés aux salariés bénéficiant de tarifs préférentiels sur les abonnements téléphoniques.
Dans sa séance du 24 février 2005, la Commission de recours amiable a rejeté le recours formé par la S.A. CEGETEL SERVICE qui a alors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de BOBIGNY..
Par jugement en date du 7 novembre 2006, le tribunal a :
- déclaré recevable le recours de la S.A. CEGETEL SERVICE
- dit bien fondée la contestation de la S.A. CEGETEL SERVICE à l'encontre de la décision de la Commission de recours amiable du 24 février 2005,
- annulé le redressement opéré par l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS-REGION PARISIENNE,
- rejeté la demande reconventionnelle en paiement formée par celle-ci,
- débouté la S.A. CEGETEL SERVICE de sa demande en dommages et intérêts,
- condamné L'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE à payer à la S.A. CEGETEL SERVICE la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu qu'il n'existait pas de lien de subordination entre les salariés de la S.A. CEGETEL SERVICE et la société SFR.
Par déclaration reçue au Greffe de la Cour le 14 décembre 2006, l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS-REGION PARISIENNE a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 19 mars 2008 et soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS-REGION PARISIENNE demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de dire le redressement opéré à bon droit, de confirmer la décision de la commission de recours amiable du 24 février 2005, de condamner la S.A. CEGETEL SERVICE au paiement de la somme de 38 407 € au titre des majorations de retard provisoires dues en application de l'article R 243-18 du code de la sécurité sociale et d'infirmer la condamnation à 1 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Après avoir précisé qu'elle abandonne le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande formée par la S.A. CEGETEL SERVICE, l'U.R.S.S.A.F. DE PARIS-REGION PARISIENNE soutient que la société CEGETEL ne peut être considérée comme "étrangère" à la société SFR qui fournit les forfaits téléphoniques de sorte que ces forfaits, produits du groupe CEGETEL SFR, peuvent être assimilés à des produits de l'établissement contrôlé pour l'application de la législation de la sécurité sociale.. Concernant le chiffrage opéré, l'organisme social fait valoir que le seul point qui compte est de comptabiliser l'économie réalisée par le salarié et non le coût supporté par l'entreprise, qu'en matière de téléphonie mobile le service proposé aux clients correspond à des durées de communications agrémentées de différentes options. L'appelante précise que, pour chiffrer le coût mensuel de l'économie réalisée par le salarié, son inspecteur a calculé la différence entre les plus bas tarifs collaborateurs et le tarif public équivalent à partir des éléments fournis par la société cotisante lors des opérations de contrôle sans qu'il y ait lieu de tenir compte des offres promotionnelles offertes à certaines catégories. Enfin, l'appelante conteste la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile au motif de la fragilité de son équilibre financier et de la gratuité de la procédure.
Dans ses dernières conclusions déposées au Greffe le 3 janvier 2008 et soutenues oralement à l'audience par son Conseil, la S.A. SFR SERVICE CLIENT, venant aux droits de la S.A. CEGETEL SERVICE, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions y ajoutant la condamnation de l'U.R.S.S.A.F. au paiement d'une indemnité de procédure de 4 600 €.
Après avoir fait valoir qu'il n'est pas établi que les réductions tarifaires avaient été accordées en contrepartie ou à l'occasion d'un travail effectué dans un lien de subordination avec la société SFR, la société intimée soutient que l'U.R.S.S.A.F. a procédé à une détermination erronée du prix de vente public et du seuil de 30% en retenant des forfaits commercialisés pour l'année 2003 soit postérieurement aux années 2001 et 2002 objets du redressement et une offre dont le contenu ne correspond pas à celui de l'offre collaborateurs. Elle ajoute que, pour les années 2002 et 2003, soit il n'existe aucune réduction tarifaire, soit si elle existe, le seuil de 30% est respecté et qu'en tout état de cause, il existe une inégalité devant les charges publiques dès lors que les mêmes vérifications pour les mêmes années dans d'autres établissements ont conduit à des bases de redressement différentes. Enfin, l'intimée précise que la gratuité de la procédure n'interdit pas la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
1/. Sur l'application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale.
Considérant qu'en application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale sont considérées comme rémunérations soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail ; qu'il est constant que ces travailleurs doivent être dans un lien de subordination avec leur employeur ; que la subordination est caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité de ce dernier qui a le pouvoir de donner des ordres, des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements du subordonné ;
Considérant que l'U.R.S.S.A.F. a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales pour les années 2001 à 2003 les avantages tarifaires accordés par la société SFR aux salariés de la société CEGETEL SERVICE sous la forme d'abonnements de téléphonie mobile par forfaits mensuels de 7 € correspondant à "2h + 2h soir et week-end" de communications ou de 22 € correspondant à un forfait "4h + 4h soir et week-end";
Considérant que la société CEGETEL SERVICE est une filiale du groupe CEGETEL dont la société SFR est elle-même également une filiale ; qu'il n'est pas contesté que ses salariés bénéficiaient d'abonnements spéciaux que leur offrait la société SFR ; que la société intimée ne conteste pas l'affirmation de l'U.R.S.S.A.F. selon laquelle elle est le service client commun à CEGETEL et à SFR ;
Considérant que si ces abonnements préférentiels portaient sur des prestations d'une société tiers, pour autant la prise en charge partielle du coût différentiel était effectuée par l'employeur direct, cette prise en charge étant alors facilitée par l'appartenance des deux sociétés- employeur et prestataire de services- à un même groupe ; qu'il en résulte que les avantages d'abonnements préférentiels étaient ainsi accordés par la société CEGETEL SERVICE à l'occasion d'un travail effectué dans un lien de subordination à ses salariés qui bénéficiaient dès lors d'avantages soumis à cotisations peu important que le service fût fourni par une société tiers ;
Considérant que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu l'absence d'un avantage soumis à cotisations sociales du fait du défaut de lien de subordination ;
2/. Sur la méthode de chiffrage de ces avantages.
Considérant qu'il résulte tant de l'arrêté du 9 janvier 1975 que de la circulaire du 29 mars 1991 que les réductions tarifaires ne constituent pas un avantage en nature dès lors qu'elles n'excèdent pas des "limites raisonnable" et que tout remise inférieure à 30% du prix de vente normal doit être négligée ; qu'il est constant que l'évaluation de l'avantage s'apprécie en fonction non pas du coût supporté par l'employeur mais de l'économie réalisée par le salarié du fait de la réduction ;
Considérant que l'inspecteur de l'U.R.S.S.A.F. a comparé les offres préférentielles avec l'offre de 4h de communications + 50% de communications offertes au public dans l'offre SFR Perso pour 48 €/mois TTC ; que la société intimée conteste d'une part ce tarif qui n'a été mis en place qu'en mai 2003 et d'autre part le principe même de cette comparaison dès lors qu'il s'agit de prestations différentes eu égard à la segmentation de la clientèle ;
Considérant que l'U.R.S.S.A.F. ne conteste pas que le tarif applicable retenu par son inspecteur ait été celui de mai 2003 ; qu'en conséquence, il ne peut être fait application de ce tarif pour procéder à la comparaison des avantages accordés aux salariés de la société CEGETEL SERVICE pour les années 2001 et 2002 ; que l'U.R.S.S.A.F. n'a pas répondu, pas plus que la Commission de recours, aux observations formées à ce titre par la société cotisante ;
Considérant, en conséquence, que les bases de calcul retenues ne peuvent être appliquées aux années 2001 et 2002 ; que le redressement au titre des avantages en nature du fait des tarifs préférentiels accordés aux collaborateurs sera annulé pour ces années 2001 et 2002 ;
Considérant, pour l'année 2003, que le marché de la téléphonie mobile est un marché segmenté en fonction des caractéristiques de la clientèle en particulier le type de communications (personnelles ou professionnelles), l'âge, le sexe, la périodicité, la plage horaire et hebdomadaire etc ... ; que procéder à une simple différence entre les forfaits de clientèles qui ne se ressemblent pas et qui ne bénéficient pas des mêmes prestations n'a aucun sens, ni économique ni juridique ; que, la méthode retenue par l'inspecteur de l'U.R.S.S.A.F. consistant à déterminer la valeur de l'avantage mensuel par différence entre les plus bas tarifs collaborateurs et public (7 € TTC et 48 € TTC) est sans fondement ; que l'absence d'autres précisions ne peut la justifier dès lors qu'il était impossible pour la société CEGETEL SERVICE de donner d'autres informations utiles eu égard aux multiples catégories de forfaits ;
Considérant que la seule méthode comparative acceptable, pour évaluer avec une rigueur scientifique très relative l'économie réalisée par chaque collaborateur de la société CEGETEL SERVICE, consiste à calculer le coût unitaire de la minute de communication pour la clientèle collaborateur et de le comparer avec celui offert au plus bas prix à la clientèle publique en excluant la prise en compte de tout avantage promotionnel dont celle-ci peut bénéficier ;
Considérant que l'U.R.S.S.A.F. ne conteste pas que le tarif proposé aux collaborateurs est de 0,029 €/minute pour le forfait " 2h + 2h" ; que le tarif public le plus bas proposé en 2003, soit celui offert aux étudiants de 28 €/mois pour les trois premiers mois puis 48 €/mois pour les mois suivants pour 12 heures de communication, correspond à un prix unitaire de 0,059 €/minute; qu'il s'en déduit que l'avantage accordé aux salariés est inférieur de 30% au prix public ; que, pour les forfaits de "4h + 4h", les prix à la minute sont identiques ;
Considérant, en conséquence, que le redressement litigieux sera annulé comme étant sans fondement ; que, par substitution de motifs, le jugement entrepris sera confirmé ;
3/. Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Considérant que la gratuité de la procédure n'a d'autre incidence que sur l'impossibilité en principe d'une condamnation aux dépens ; qu'en revanche, la réglementation particulière du contentieux de la sécurité sociale ne comportant aucune dérogation à l'article 700 du code de procédure civile, celui-ci s'applique aux sommes engagées par la partie pour la défense de ses intérêts ; qu'il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait application dudit article au profit de la société CEGETEL SERVICE ;
Considérant, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions par substitution de motifs,
DEBOUTE, en conséquence, L'U.R.S.S.A.F. DE PARIS REGION PARISIENNE de toutes ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
Le Greffier, Le Président,