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16/04/2008 | FRANCE | N°06/19677

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0248, 16 avril 2008, 06/19677


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre-Section A

ARRÊT DU 16 AVRIL 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 19677

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2006- Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU-RG no 04 / 00896

APPELANTS

Monsieur Paul X...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
94160 SAINT MANDE

Madame Simone Z...veuve A..., ès-qualité de légatai

re universelle de Monsieur Pierre Y...
...
45300 PHITIVIERS

Monsieur Raymond A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

2ème Chambre-Section A

ARRÊT DU 16 AVRIL 2008

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 19677

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2006- Tribunal de Grande Instance de FONTAINEBLEAU-RG no 04 / 00896

APPELANTS

Monsieur Paul X...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
94160 SAINT MANDE

Madame Simone Z...veuve A..., ès-qualité de légataire universelle de Monsieur Pierre Y...
...
45300 PHITIVIERS

Monsieur Raymond A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
45300 PHITIVIERS

Monsieur André A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
77171 LECHELLE

Mademoiselle Françoise A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
75014 PARIS

B...Marie Madeleine A...épouse C...ès-qualité de légataire universelle de Monsieur Pierre Y...
...
75015 PARIS

Monsieur Jean Philippe A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
Ferme de Brantilly
77560 VILLIERS SAINT GEORGES

Monsieur Jean-Claude A...ès-qualité de légataire universel de Monsieur Pierre Y...
...
91540 MENNECY

représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Maître Martine D..., avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP LEFEVRE-PELLETIER, toque : P 238,

INTIMES

Monsieur Jacques E...
...
77160 POLIGNY

Madame Dominique F...épouse G...
...
41000 BLOIS

Mademoiselle Martine F...
...
77160 POLIGNY

Monsieur François F...
...
51260 ANGLURE

Monsieur Rémy F...
...
77160 POLIGNY

représentés par la SCP LAMARCHE-BEQUET-REGNIER-AUBERT-REGNIER-MOISAN, avoués à la Cour
assistés de Maître Jean-Luc H..., avocat au barreau de PARIS, toque : C 1934,

Monsieur Gérard E...représenté par l'Association TUTELIA
Chamlys
...
77194 DAMMARIE LES LYS
défaillant

ASSOCIATION TUTELIA ès-qualité de tutrice de Monsieur Gérard E...
Chamlys
...
77194 DAMMARIE LES LYS
défaillante

Monsieur Philippe E...
...
4ème étage
77140 ST PIERRE LES NEMOURS
défaillant

Monsieur René E...
...
...
77140 SAINT PIERRE LES NEMOURS
défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Présidente
Madame Isabelle LACABARATS, Conseillère
Madame Dominique REYGNER, Conseillère

qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Mélanie I...

ARRET :

- par défaut
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, présidente et par Madame Valérie BERTINO, greffier.

*****

Marie Ange E...épouse Y...est décédée le 20 avril 1993 sans héritier réservataire, laissant pour lui succéder son époux, Pierre Y..., donataire de l'universalité des biens meubles et immeubles composant la succession aux termes d'un acte authentique du 23 janvier 1991.

Par testament authentique du 17 décembre 1993, Pierre Y...a institué pour légataires universels Raymond A..., Simone Z...veuve A..., André A..., Françoise A..., Marie-Madeleine A...épouse C..., Jean-Philippe A..., Paul X...et Jean Claude A...à charge pour eux de délivrer le legs particulier fait à René E..., René J..., Jeanne F...née E...et André E..., conjointement pour le tout ou divisément chacun pour un quart, des biens immobiliers qui appartenaient en propre à sa femme et qu'il a recueillis dans sa succession, la moitié des biens immobiliers qui dépendaient de la communauté de biens réduite aux acquêts ayant existé entre lui et sa femme et la moitié de tous les biens mobiliers sans exception qui dépendaient également de ladite communauté, c'est à dire les meubles meublants et objets mobiliers, espèces, titres, valeurs, etc... tel que le tout existerait au jour de son décès, étant précisé qu'en cas de prédécès de l'un de ses légataires particuliers, la part léguée irait à ses enfants.

André E...est décédé le 5 décembre 2000, laissant pour lui succéder son épouse, Marcelle K..., et pour héritiers leurs enfants Gérard E..., majeur sous tutelle, Philippe E...et Jacques E....

Pierre Y...est lui-même décédé le 17 mai 2002 sans laisser d'héritier réservataire.

Selon actes de Maître L..., notaire, les légataires universels ont délivré les legs particuliers au profit de René E...le 19 juillet 2003, Gérard E...les 26 septembre et 14 octobre 2003 et Philippe E...les 11, 20, 21 et 28 février 2004, Marcel M...ayant quant à lui renoncé par acte du 6 juin 2003 au legs particulier à lui consenti par Pierre Y....

Jacques E...et Jeanne E...divorcée F...ayant pour leur part excipé de ce que postérieurement au décès de Marie Ange E..., un remembrement était intervenu sur la commune de Bougligny (Seine et Marne) et que les apports et attributions avaient été faits sur un seul compte au nom de Pierre Y...entraînant de ce fait le mélange des terres de communauté et des terres propres de chacun des époux, ont obtenu par ordonnance de référé du 13 mai 2003 une expertise confiée à Monsieur N..., lequel a déposé son rapport le 9 septembre 2003.

Jacques E...et Jeanne E...divorcée F...ont alors refusé de signer l'acte de délivrance de legs particulier à leur profit et la déclaration de succession établis par Maître L..., qui a dressé un procès-verbal de difficultés le 7 novembre 2003.

C'est en ces circonstances que par actes d'huissier des 29 juin, 1er juillet 2004, 3 et 14 novembre 2005, Jacques E...et Jeanne F...née E..., décédée en cours de procédure, laquelle a été reprise par ses ayants droit Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Rémi F..., ont assigné Raymond A..., Simone Z...veuve A..., André A..., Françoise A..., Marie-Madeleine A...épouse C..., Jean-Philippe A..., Paul X..., Jean-Claude A..., René E..., Gérard E..., majeur protégé représenté par l'association TUTELIA, cette association es-qualités de tuteur de Gérard E...et Philippe E...devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau.

La cour est saisie de l'appel du jugement réputé contradictoire rendu par ce tribunal le 27 septembre 2006 qui a :
- dit que pour procéder aux délivrances des legs, il convient de liquider fictivement et préalablement la communauté ayant existé entre Marie-Ange E...et Pierre Y...,
- dit que les reprises et récompenses résultant de la liquidation de ladite communauté doivent être réintégrées dans les legs faits à titre particulier et non encore délivrés,
- ordonné que les actes de délivrance de legs soient modifiés en prenant en compte le rapport d'expertise de Monsieur N...déposé le 9 septembre 2003, intitulé " note de synthèse " (pages 12 à 15), pour que soit attribuée à Jacques E...et aux consorts F..., parmi les parcelles non remembrées et les parcelles issues du remembrement, la part qui leur est due des biens immobiliers qui appartenaient en propre à Marie-Ange E...et de la moitié des biens immobiliers qui dépendaient de la communauté,
- dit que ces frais d'expertise seront employés en frais privilégiés de liquidation,
- rejeté les modifications demandées, relatives à l'ajout d'un cinquième sous paragraphe rappelant les termes de l'ordonnance du 13 mai 1993, et aux parcelles, à partir de la page 17 des actes de délivrance de legs, précisées page 12 et 13 des conclusions de Jacques E...et des consorts F...,
- dit que les liquidités issues des économies de la communauté ayant existé entre Marie-Ange E...et Pierre Y..., figurant sur des comptes bancaires, des comptes titres ou des contrats d'assurance-vie, seront partagées par moitié entre la branche A...et la branche E...,
- dit que la moitié du prix de vente de l'exploitation agricole (la moitié de 2 542 009, 21 francs) doit être prise en compte et réintégrée dans les legs faits à titre particulier et non encore délivrés et que la moitié de ce prix de cession doit être affectée à la branche E...,
- désigné Monsieur le président de la chambre départementale des notaires de Seine et Marne, avec faculté de délégation, pour procéder à l'établissement des actes de délivrance des legs particuliers non encore délivrés, conformément à la présente décision,
- dit que le présent jugement vaut délivrance de legs pour les dits biens, et que le notaire commis pourra procéder à la publicité des actes de délivrance des legs opérant mutation de propriété au bureau des hypothèques compétent,
- débouté Jacques E...et les consorts F...de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné in solidum les consorts MORISSEAU et Paul X...à payer la somme totale de 2 000 euros à Jacques E...et aux consorts F...en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les consorts MORISSEAU et Paul X...aux dépens, qui ne comprennent pas les frais d'expertise de Monsieur N....

Dans leurs uniques conclusions du 8 mars 2007 Raymond A..., Simone Z...veuve A..., André A..., Françoise A..., Marie Madeleine A...épouse C..., Jean Philippe A..., Paul X...et Jean Claude A..., ci-après consorts O..., appelants, demandent à la cour de :
- déclarer Jacques E...et les consorts F...irrecevables en leurs demandes pour défaut de publication des assignations délivrées en date des 29 juin, 1et juillet 2004 et assignation en intervention forcée des 3 et 14 novembre 2005,
- infirmer le jugement entrepris,
- débouter Jacques E...et les consorts F...de l'ensemble de leurs demandes,
- dire et juger que les délivrances de legs particuliers encore à réaliser interviendront suivant les mêmes formes et conditions que celles effectuées par Maître L..., notaire, suivant actes en dates des 19 juillet 2003, 26 septembre et 14 octobre 2003 et 11, 20, 21 et 28 février 2004,
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de désigner le président de la Chambre des notaires de Seine et Marne aux lieu et place de Maître GUITTON, notaire,
- dire et juger que les frais d'expertise exposés en suite de l'ordonnance intervenue le 20 mai 2003 resteront à la charge exclusive et définitive des légataires particuliers en qualité de demandeurs,
- condamner Jacques E...et les consorts F...à leur payer chacun la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils invoquent à titre principal une fin de non recevoir tirée du défaut de publication des assignations, exigée selon eux par l'article 28-4 du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière.

A titre subsidiaire, sur le fond, visant les articles 895, 1014 et 1038 du code civil, ils exposent que le tribunal a procédé à une interprétation erronée du testament querellé en estimant à tort que Pierre Y...se serait engagé à restituer aux légataires particuliers, à la date de son décès, les biens mobiliers et immobiliers qui auraient appartenu ou auraient été attribués à Marie-Ange E...si la communauté E.../ Y...avait été liquidée et partagée à la date du décès de cette dernière alors que le de cujus a entendu expressément exclure des biens légués à titre particulier ceux qui n'existeraient plus au jour de son décès, c'est à dire ceux dont il aurait disposé à titre gratuit ou onéreux.

Ils font valoir que cette interprétation du testament est contraire au principe selon lequel le légataire particulier n'a vocation à recueillir les biens et droits légués que dans la mesure où ceux-ci se trouvent toujours dans le patrimoine du testateur au jour de son décès, de sorte que les légataires particuliers ne peuvent prétendre qu'aux biens et droits légués tels qu'existant au jour du décès de Pierre Y..., ce qui exclut toute prétention sur le prix de vente de l'exploitation agricole ayant appartenu à la communauté E.../ Y..., cédée le 23 décembre 1997 par Pierre Y..., qui l'a investi dans la souscription d'un contrat d'assurance vie, sur les sommes figurant au crédit de l'ensemble des contrats d'assurance vie souscrits par le de cujus, dont le bénéfice a été attribué aux bénéficiaires désignés, et sur le montant des reprises et récompenses résultant de la liquidation " fictive " de la communauté, en particulier en ce qui concerne l'exploitation agricole.

Ils ajoutent que le remembrement intervenu sur la commune de Bougligny ayant été ordonné suivant arrêté préfectoral du 9 septembre 1991 publié le 25 octobre 1994, l'acte de délivrance établi par Maître L...a normalement tenu compte des transformations de parcelles résultant du procès-verbal de remembrement emportant transfert de propriété et qu'il ne peut y avoir révision de la délivrance des legs de ce chef, d'autant que les prétentions des légataires particuliers contribueraient à accroître les situations d'indivision entre eux et les légataires universels, préjudiciables à tous.

Ils soutiennent encore que la mesure d'expertise sollicitée par certains des légataires particuliers était inutile et que son coût ne saurait donc être imputé, même en partie, aux légataires universels, et que par ailleurs rien ne justifie l'éviction de Maître L..., qui n'a nullement démérité.

Dans leurs uniques conclusions du 14 juin 2007 Jacques E..., Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Remy F..., intimés, ci-après consorts E..., demandent à la cour de :
- déclarer les consorts A...irrecevables et subsidiairement mal fondés en leur appel,
- rejeter la fin de non recevoir soulevée par les consorts A...,
- confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant
-dire que les frais d'expertise de Monsieur N...seront employés en frais privilégiés de partage,
- déclarer leurs demandes recevables,
- dire et juger qu'en application du testament de feu Pierre Y...du 17 décembre 1993, il y aura lieu de procéder fictivement à la liquidation des conventions matrimoniales ayant existé entre feu Marie-Ange E...et Pierre Y...afin de déterminer les biens propres de Pierre Y..., les biens propres de Marie-Ange E..., les biens communs et d'en effectuer un partage afin de permettre la délivrance des legs particuliers,
- dire et juger que l'ensemble des liquidités issues des économies de la communauté Y.../ E...tant celles se trouvant sur des comptes bancaires que des comptes titre ou des contrats d'assurances vie seront partagées par moitié entre la branche A...et la branche E...,
- ordonner que les actes de délivrance de legs à leur profit soient modifiés de la façon suivante
a. ajouter un cinquième sous-paragraphe rappelant les termes de l'ordonnance rendue par Monsieur le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau en date du 13 mai 1993 en recopiant la mission confiée à Monsieur N..., expert-judiciaire, et indiquant qu'un rapport interprétant le remembrement de Bougligny a été déposé le 30 septembre 2003
b. modifier à partir de la page 17 les parcelles dont une quote-part indivise est attribuée aux légataires particuliers, les lots no 31 parcelle ZR 15, no 32 parcelle ZY 33, no 33 parcelle YD 33 et no 34 parcelle YD 34 étant à supprimer et à remplacer par le lot no 32 parcelle ZY 7 d'une contenance de 35 ha 49 ca
c. renuméroter les lots 36, 37, 38 et 39 qui deviennent 33, 34 et 35
d. supprimer les lots 39, 40 et 41
e. créer un lot 36 correspondant à " une quantité de 14 ha 80 c 74 ca de terre à prendre dans plusieurs parcelles dont la description suit, le supplément appartenant soit en propre à Pierre Y..., soit en propre à Marie-Ange E...conformément au rapport de Monsieur N........ cette superficie étant à prendre dans les parcelles YD 33, YD 34, YH 2, YI 17, YK 60, ZR 15, ZR 52, ZY 32 d'une superficie totale de 77 ha 12 a 20 ca "
f. renuméroter les lots suivants à partir de 42 par 37, 38,...
g. en page 23, supprimer le lot 49 portant sur la parcelle YH 2 et remplacer par " la quantité de 6 ha 03 a 09 ca de terre à prendre dans les parcelles dont la désignation suit, le surplus appartenant soit en propre à Pierre Y..., soit dépendant de la communauté ayant existé entre Pierre Y...et Marie-Ange E....... surface à prendre dans les parcelles YD 34, YH 2, YI 17, YK 60, ZR 15, ZR 52 et ZY 32 d'une superficie totale de 77 ha 12 a 20 ca "
h. intégrer à la masse patrimoniale le résultat de la liquidation des reprises et récompenses pour permettre la délivrance des legs et notamment le prix de cession de la ferme commune,
- dire et juger que les liquidités et notamment les montants résultant des contrats d'assurances-vie souscrits par feu Pierre Y...seront partagés par moitié entre la branche A...et la branche E...,
- débouter les consorts A...de toutes leurs demandes,
- désigner Monsieur le président de la Chambre départementale des notaires de Seine et Marne avec faculté de délégation pour procéder à l'établissement des actes de délivrance des legs particuliers en fonction de la décision qui sera rendue,
- dire et juger que l'arrêt à intervenir vaudra délivrance de legs pour lesdits biens et que le notaire commis pourra procéder à la publicité des actes de délivrance de legs opérant mutation de propriétés au bureau des hypothèques compétent,
- dire que les frais d'expertise de Monsieur N...seront employés en frais privilégiés de liquidation,
- condamner les consorts A...conjointement et solidairement entre eux à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Ils contestent la fin de non-recevoir soulevée par les appelants au motif que seul l'acte constatant la délivrance du legs devra être publié aux hypothèques et que les demandes dont la cour est saisie ne correspondent à aucun des cas envisagés par l'article 28-4 du décret du 4 janvier 1955.

Sur le fond, affirmant que la désignation d'un notaire neutre s'impose compte tenu d'un grave conflit d'intérêt, Maître L...ayant pris fait et cause pour les consorts A..., ils prétendent que manquent dans le projet de délivrance de legs préparé par ce notaire divers biens et valeurs qui doivent être réintégrés, à savoir les reprises et récompenses résultant de la liquidation de la communauté E.../ Y...et notamment le prix de vente d'une grange située à Poligny, 12 ha de terre situés à Bougligny, bien propre de Marie-Ange E..., et le prix de cession de l'exploitation agricole qui constituait un bien de communauté.

Ils développent à cet égard que dans son testament le de cujus a clairement voulu voir respecter l'égalité entre les deux familles et que tous les biens propres de Marie-Ange E...et les droits de cette dernière dans la communauté reviennent à la branche E..., les siens revenant à la branche A..., de sorte que pour procéder aux délivrances de legs il faut préalablement liquider la communauté E.../ Y....

Ils soutiennent encore que des rectifications sont à apporter au projet d'acte de délivrance de legs concernant les legs particuliers de parcelles de terre et que pour respecter les termes du testament, les liquidités communes et / ou provenant de la cession de biens communs de même que celles objets de contrats d'assurance vie doivent être partagées par moitié entre les deux branches.

Ils font enfin valoir que l'expertise confiée à Monsieur N...était indispensable pour interpréter le remembrement afin de pouvoir délivrer les legs et rétablir les droits de chacun et que son coût doit être traité en frais privilégiés de partage, et excipent du préjudice que le refus opposé par les consorts A...à leurs justes demandes, procédant selon eux d'une intention de nuire, leur a causé.

Gérard E..., l'association TUTELIA es-qualités de tutrice de Gérard E..., Philippe E...et Gérard E..., régulièrement assignés et réassignés avec dénonciation de conclusions, puis dénonciation du calendrier de procédure, n'ont pas constitué avoué, de sorte qu'il sera statué par arrêt de défaut, certains d'entre eux n'ayant pas été cités à personne.

SUR CE, LA COUR,

Sur la recevabilité de l'appel

Considérant que les consorts E...ne développent aucun moyen au soutien de l'irrecevabilité de l'appel qu'ils soulèvent ; que l'examen des pièces du dossier ne révèle aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office ; que l'appel doit donc être déclaré recevable ;

Sur l'irrecevabilité des demandes des consorts E...

Considérant que selon l'article 28 4o du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière invoqué, sont obligatoirement publiés au bureau des hypothèques de la situation des immeubles, les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu'ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1o :
a) Les actes confirmatifs de conventions entachées de nullité ou rescision
b) Les actes constatant l'accomplissement d'une condition suspensive
c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort
d) Les décisions rejetant les demandes visées à l'alinéa précédent et les désistements d'action et d'instance
e) Les actes et décisions déclaratifs ;

Considérant qu'aux termes de leurs assignations introductives d'instance et en intervention forcée, les consorts E...ne sollicitent pas la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision des dispositions testamentaires prises par Pierre Y...mais leur interprétation et l'application des dispositions légales selon eux applicables à leur exécution, avec les conséquences s'y attachant ;

Que leurs demandes ne relèvent ainsi d'aucun des cas énumérés à l'article 28 4o et n'étaient dés lors pas soumises à la publication obligatoire, de sorte que l'inopposabilité prévue par l'article 30 1o ne peut être utilement invoquée par les consorts A...;

Sur le fond

Considérant qu'aux termes de l'article 895 du code civil, le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu'il peut révoquer ; que l'article 1014 premier alinéa dispose encore que tout legs pur et simple donnera au légataire, du jour du décès du testateur, un droit à la chose léguée ; que l'article 1038 précise que toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné ;

Considérant qu'il ressort de ces dispositions légales que le testament constitue une libéralité de biens à venir, le gratifié n'acquérant aucun droit sur l'un quelconque des biens du testateur mais se trouvant simplement pourvu d'un droit dans la succession de ce dernier, portant sur les biens que celui-ci laissera à son décès, s'il en existe ;

Considérant que Pierre Y...n'a pas dit autre chose dans son testament du 17 décembre 1993 puisque s'il a manifestement voulu, en l'absence d'enfants issus du mariage, respecter une certaine égalité entre la famille de son épouse défunte et la sienne, il déclare expressément que les legs particuliers consentis porteront sur l'ensemble des biens décrits " tel que le tout existera le jour de mon décès ", excluant ainsi des biens légués ceux dont il aurait disposé à titre onéreux ou gratuit, quelle qu'en soit l'origine ;

Qu'enfin, si la présomption légale simple édictée par l'article 1038 peut céder devant l'intention contraire formellement exprimée par le testateur, force est de constater que Pierre Y...n'a pas manifesté la volonté de subroger aux biens légués à titre particulier le prix de vente de ceux qu'il a aliénés, en particulier le prix de la cession le 23 décembre 1997 de l'exploitation agricole sise à Bougligny ayant constitué un actif de la communauté E.../ Y..., ni dans les actes d'aliénation ni dans des dispositions testamentaires postérieures ;

Considérant qu'il s'ensuit que les consorts E...ne sont pas fondés à demander qu'il soit procédé à la liquidation fictive de la communauté ayant existé entre les époux E.../ Y...afin de réintégrer dans le legs particulier le montant des reprises et récompenses qui en résulteraient, et notamment du prix de vente d'une grange située à Poligny de 18 293, 88 euros (sans précision des références cadastrales de ce bien et de la date de la vente), de 12 ha de terre située à Bougligny en face du cimetière, bien propre de Marie-Ange E...(sans précision des références cadastrales de ces terres) et du prix de cession de l'exploitation agricole susvisée, soit 321 360, 27 euros HT, la délivrance devant intervenir en tenant compte exclusivement des biens se trouvant dans le patrimoine de Pierre Y...au jour de son décès, en fonction de leur origine propre à l'un ou l'autre des époux ou communautaire, ainsi que l'a fait Maître L...;

Considérant que les consorts E...ne sont pas davantage fondés à prétendre que les capitaux des contrats d'assurances vie souscrits par Pierre Y..., notamment, durant la communauté, cinq contrats VIE BRED d'un montant de 1 524, 49 euros chacun le 13 avril 1989 et un contrat VIE BRED d'un montant de 76 224, 51 euros le 12 septembre 1990, et après le décès de son épouse, un contrat BRED OCTYS SECURITE de 15 244, 90 euros le 15 février 1995, un contrat BRED OCTYS de 15 244, 90 euros le 17 novembre 1995 et un contrat EPARVIE CROISSANCE de 304 898, 03 euros le 17 janvier 1998, ce dernier contrat correspondant au prix de vente de l'exploitation agricole de Bougligny cédée le 23 décembre 1997, doivent être partagés par moitié entre les deux branches, dés lors que le bénéficiaire désigné en cas de décès de l'assuré en cours d'adhésion est, à défaut de conjoint non séparé de corps, de descendants et de frères et soeurs, comme c'est le cas, ses héritiers et non ceux de Marie-Ange E...comme le prétendent à tort les intimés, et qu'en application de l'article L 132-12 du code des assurances, les capitaux de ces contrats ne font pas partie de la succession de l'assuré, le bénéficiaire étant réputé y avoir seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ;

Considérant, sur les incidences du remembrement sur la commune de Bougligny, que l'expert judiciaire, Monsieur N..., dans son rapport du 9 septembre 2003, a proposé une reconstitution des biens propres de chacun des époux et des biens de communauté ; qu'il conclut en substance que :
- pour les parcelles non remembrées, deux parcelles d'une superficie totale de 0 ha 20 a 82 ca étaient des propres de Marie-Ange E..., vingt parcelles d'une superficie totale de 5 ha 48 a 25 ca appartenaient à la communauté,
- pour les parcelles issues du remembrement permettant une attribution directe des apports distincts, une parcelle de 2 ha 38 a 70 ca était un propre de Marie-Ange E..., sept parcelles d'une superficie totale de 48 ha 31 a 40 ca appartenaient à la communauté,
- pour les parcelles issues du remembrement regroupant indivisément les apports distincts non attribuables directement, soit partie des parcelles YD 2 (devenue YD 33-34), YH 2, YI 17, YK 60, ZR 15, ZR 52 et ZY 32 représentant une surface totale de 77 ha 12 a 20 ca, il est retenu en pourcentage un apport de propres de Marie-Ange E...de 6 ha 03 a 09 ca et de biens de communauté de 14 ha 80 a et 74 ca ;

Considérant qu'il ressort des actes de délivrance de legs particulier d'ores et déjà reçus par Maître L...que s'agissant des parcelles de Bougligny, seules en litige, il y a concordance exacte pour les parcelles non remembrées entre celles retenues par le notaire et celles retenues par l'expert comme étant des propres de Marie-Ange E...ou dépendant de la communauté ayant existé entre les époux Y.../ E...;

Que pour les parcelles issues du remembrement, les seules divergences entre Maître L...et Monsieur N...sont les suivantes :
- le notaire retient comme un propre de Marie-Ange E...6 ha 31 a 30 ca cadastrés section YH 2, alors que l'expert considère que l'apport de l'intéressée ne peut être distingué mais correspond en prorata à 6 ha 03 a 09 ca, soit une superficie moindre,
- le notaire retient comme biens de communauté 11 a 40 ca cadastrés ZR no 52, 1 ha 80 a 00 ca à prendre dans une parcelle cadastrée Z no 15 d'une contenance totale de 14 ha 81 a 50 ca et 62 ha 00 a 60 ca de terre comprise dans les opérations de remembrement, représentant une superficie totale de 63 ha 92 a 00 ca, alors que l'expert retient comme biens de communauté les parcelles ZR 14, ZY 7, ZY 29, ZY 30 et ZY 33 pour 47 ha 55 a 90 ca et considère pour le surplus que l'apport de la communauté ne peut être distingué mais correspond en prorata à 14 ha 80 a 74 ca, soit un total de 62 ha 36 a 64 ca là encore inférieur à la superficie établie par Maître L...;

Considérant que les consorts E...ne démontrent pas en quoi les projets d'actes de délivrance de legs les concernant établis par Maître L...sur ces bases, plus favorables à leur égard que les conclusions de l'expert judiciaire, sont erronés, alors que s'agissant des parcelles issues du remembrement regroupant indivisément des apports distincts, aucune attribution directe desdits apports n'est possible ; que les diverses modifications demandées ne sont ni justifiées, ni même explicitées ;

Considérant en conséquence qu'il y a lieu d'ordonner les délivrances du legs particulier à Jacques E..., Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Remy F...dans les mêmes termes et conditions que celles déjà intervenues au profit des autres légataires particuliers, par Maître L..., dont aucun motif sérieux ne justifie le remplacement alors que l'essentiel des opérations est achevé ;

Considérant que l'expertise de Monsieur N...n'étant d'aucune utilité avérée, son coût doit rester à la charge des légataires particuliers qui l'ont demandée ;

Considérant que la solution du litige conduit à rejeter la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée formée par les consorts E...;

Considérant que les consorts E..., qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel mais qu'en équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication foncière soulevée par les consorts A...,

Infirme le jugement entrepris,

Déboute Jacques E..., Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Remy F...de l'ensemble de leurs demandes,

Dit que les délivrances de legs particulier encore à réaliser à leur profit interviendront dans les mêmes termes et conditions que celles effectuées par Maître L..., notaire, suivant actes des 19 juillet 2003, 26 septembre et 14 octobre 2003, 11, 20, 21 et 28 février 2004,

Dit que les frais d'expertise judiciaire de Monsieur N...resteront à la charge de Jacques E..., Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Remy F...,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne Jacques E..., Dominique F...épouse G..., Martine F..., François F...et Remy F...aux dépens de première instance et d'appel que la SCP d'avoué FISSELIER CHILOUX BOULAY pourra recouvrer, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0248
Numéro d'arrêt : 06/19677
Date de la décision : 16/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Fontainebleau, 27 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2008-04-16;06.19677 ?
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