RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre A
ARRET DU 01 Avril 2008
(no 19 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/00476 - A.C.
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section Commerce RG no 06/00104
APPELANTE
Madame Florence X...
...
78830 BONNELLES
représentée par Me Isabelle JUVIN-MARLEIX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1526
INTIMEE
SARL CENTR'HALLES
...
94565 RUNGIS CEDEX
représentée par Me Sylvain LEBRETON, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Février 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain CHAUVET, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Alain CHAUVET, Président
Madame Françoise FROMENT, Présidente désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 28/01/2008,
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
Greffier : Madame Chaadia GUICHARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Alain CHAUVET, Président
- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Madame Evelyne MUDRY, greffier présent lors du prononcé.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 6 novembre 2006 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions intiales des parties, le conseil de prud'hommes de CRETEIL a :
-confirmé que la rupture du contrat de travail liant Madame Florence X... à la SARL CENTR'HALLES s'analyse en une démission.
-débouté purement et simplement Madame Florence X... de l'ensemble de ses demandes.
-débouté la parties défenderesse de sa demande reconventionnelle.
Madame X... a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 4 janvier 2007.
Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 26 février 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles Madame demande à la cour de :
-infirmer le jugement.
-condamner la société CENTR'HALLES au paiement des sommes suivantes :
-9070 euros à titre d'heures nsupplémentaires.
-907,08 euros au titre des congés payés afférents.
-2796,34 euros au titre du repos compensateur.
-832,61 euros au titre d'heures de nuit.
-83,26 euros au titre des congés payés afférents.
-10 780,08 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
-1786,68 euros au titre de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement. (demande subsidiaire)
-15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
-1786,68 au titre d'un mois de préavis.
-178,86 euros au titre des congés payés afférents.
-7000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite.
-3000 euros au titre de l'article 700 en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
-assortir les condamnations prononcées de l'intérêt au taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 26 février 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles la SARL CENTR'HALLES conclut :
-à la confirmation du jugement.
-au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
Considérant que le 19 octobre 2005 Madame X..., employée comme caissière secrétaire par la SARL CENTR'HALLES à RUNGIS depuis le 1er juin 2002, a remis à son employeur une lettre de démission ainsi libellée : « Suite à vos propos sur mon incompétence et sur mon retard du aux fermetures d'autoroute je vous adresse ce jour ma démission.
Celle ci prendra fin le 19 novembre 2005 après un mois de préavis pour satisfaire vos sous entendus. »
Considérant que par courrier du 16 novembre 2005 Madame X..., répondant à un courrier de son employeur du 2 novembre précédent, indiquait que sa démission était due à divers manquements de la part de ce dernier dont elle exigeait la régularisation, à savoir :
-une déduction de 2,75 heures au lieu de 2 heures pour un retard le 18 octobre 2005.
-le non paiement des majorations pour heures de nuit effectuées de 4 à 6 heures du matin, soit 8 heures par semaine pendant 3 ans.
-le non paiement des 39 heures 30 travaillées au lieu des 35 heures.
-une modification des horaires à compter de juin 2005 avec une fermeture plus tôt et l'ajout d'une pause de 30 minutes.
Considérant que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail .
Que lorsque le salarié sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle ci en raison de faits ou de manquements imputables à l'employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.
Considérant que doivent être pris en compte l'ensemble des faits dont fait état la salariée et non uniquement ceux énoncés dans la lettre de démission.
Considérant que la démission de Madame X..., qui à l'évidence, est motivée par les conditions d'exécution de son contrat de travail, doit s'analyser comme une prise d'acte de la rupture dont il convient d'examiner le bien fondé.
-sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs
Considérant que s'il résulte de l'article L.212-1 du Code du Travail que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande.
Considérant toutefois que le juge ne peut rejeter cette demande au motif que les éléments fournis par le salarié n'en prouvent pas le bien fondé.
Considérant que Madame X... soutient que jusqu'au mois de juin 2005, date à laquelle suite à ses récriminations le temps de travail a été limité à 35 heures, ses horaires de travail étaient les suivants :
-le lundi : 7 heures-12 heures 30 minimum.
-du mardi au vendredi : 4 heures-12 heures 30 minimum, soit un horaire hebdomadaire de 39,5 heures.
Qu'elle produit un relevé hebdomadaire très précis des heures effectuées de janvier 2002 à novembre 2005, établi selon elle sur la base de son agenda.
Considérant que les dires de Madame X... relatifs aux horaires de travail sont confirmés par :
-le seul planning horaire signé par la direction (Monsieur Y... directeur technique) qui fait état des horaires suivants :
-lundi : 7 H à 12 H.
-mardi au vendredi : 4 H à 12 H 30, l'autre planning produit par la société ne répertoriant pas tous les salariés présents en 2002 et 2003 et n'étant pas signé.
-les mentions figurant sur plusieurs factures de la société remontant à septembre, octobre et novembre 2003 : « Ouvert le lundi de 7H à 12H. Du mardi au vendredi de 4H à 12H30. »
-les attestations régulières de trois anciens salariés de la société, Monsieur Z..., magasinier chauffeur du 4 novembre 1999 au 7 décembre 2005, Monsieur A..., présent de 2001 à 2005 et Madame B..., secrétaire facturière de 1995 à juillet 2002 qui a travaillé pendant deux mois avec Madame X... pour la mettre au courant des méthodes de travail.
-les témoignages de deux salariés d'entreprises voisines de la SARL CENTR'HALLES sur le marché de RUNGIS. (Madame C... et Madame D...)
Considérant par ailleurs que les témoignages produits par la société intimée ne contredisent pas formellement les éléments fournis par Madame X..., étant observé que :
-les déclarations de Messieurs E... et F... et de Madame G... outre qu'elles ne sont pas datées, ne précisent pas la période concernée par leur témoignage.
-la société SARL CENTR'HALLES ne justifie pas des dates ou conditions de récupération dont font état plusieurs témoins en cas de dépassement d'horaires (cf attestations BEAUGENDRE et PROTIN).
-les témoignages de Monsieur Samir et Khalid Y..., respectivement responsable de dépôt et directeur technique, selon lesquels les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin variaient mais que seul le directeur technique en subissait les conséquences, sont en contradiction avec le seul planning horaire signé par la direction de l'entreprise.
-la réclamation de la demanderesse ne concerne pas les dépassements horaires du fait d'événements ponctuels (apéritifs ou autres).
Considérant que la preuve des heures supplémentaires revendiquées par Madame X... et non payées, se trouve suffisamment rapportée.
-Sur les heures de nuit
Considérant qu'aux termes de l'article 47 de la convention collective du commerce de gros applicable en l'espèce, les heures de nuit, soit les heures effectuées de 22 heures à 6 heures, ouvrent droit à une majoration de 10 % ;
Considérant que le contrat de travail signé par les parties le 3 juin 2002 ne fait état que d'une rémunération de mensuelle nette de 1372 euros et d'un engagement le 3 juin 2002 à 7 heures.
Qu'il ne peut s'en déduire, ni d'ailleurs du fait que la lettre d'embauche du 19 mars 2002 mentionne une heure d'embauche à 4 heures précises du mardi au vendredi, que la salariée a renoncé à la majoration prévue par la convention collective, ainsi que le soutient l'intimée.
Considérant que ces majorations n'ont jamais été payées à Madame X....
Considérant qu'eu égard à ce qui précède, il est constant que la démission de la salariée tient aux manquements de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.
Considérant que la rupture du contrat de travail doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Que le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur les demandes en paiement de la salariée
-demandes consécutives à la rupture du contrat
Considérant qu'il convient de faire droit aux prétentions de la demanderesse relatives au paiement des sommes de 1786,68 et 178,66 euros au titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.
Considérant qu'il y a lieu à application de l'article L.122-14-5 du Code du Travail.
Qu'eu égard aux circonstances de la rupture, à l'ancienneté de l'appelante et aux justificatifs produits, le préjudice subi du fait de la rupture sera justement indemnisé par la somme de 8500 euros.
-demande au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et des heures de nuit
Considérant que les calculs effectués par la demanderesse sur la base de ses relevés d'heures supplémentaires entre 2002 et 2005 ne sont pas contestés en leur montant et sont justifiés par les pièces produites.
Qu'il sera fait droit à sa demande à concurrence des sommes de :
-9070,81 et de 907,08 euros euros au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents.
-2796,34 euros au titre des repos compensateurs.
-832,61 et 83,26 euros euros au titre des majorations des heures de nuit et des congés payés afférents.
-demande d'indemnité pour travail dissimulé
Considérant que la mention par l‘employeur sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué est constitutive d'une dissimulation d'emploi salarié.
Considérant qu'il convient donc d'accorder à l'appelante l'indemnité prévue par l'article L.324-11-1 du Code du Travail, soit la somme de 10 719,36 euros.
-demande au titre de la clause de non concurrence
Considérant que le contrat de travail de Madame X... comporte en son article 11 une clause de non concurrence d'une durée de deux ans.
Considérant que cette clause est illicite car dépourvue de contrepartie financière.
Considérant que la SARL CENTR'HALLES qui a repris le contrat de travail de Madame X... fait valoir sans être sérieusement contredite qu'elle n'a appris l'existence de la dite clause qu'à l'occasion de la présente instance.
Que bien qu'elle n'ait pas relevé officiellement la salariée de cette clause, il est acquis aux débats qu'elle n'a jamais entendu entendu s'en prévaloir.
Considérant que Madame X... a retrouvé du travail à compter du mois de décembre 2005 au sein de la SA BOCCA-SACS installée à proximité de la SARL CENTR'HALLES et dont il n'apparaît pas contesté qu'une au moins de ses activités commerciales est identique à celle de l'intimée.
Considérant que compte tenu de ces éléments et des circonstances de la rupture (prise d'acte), il doit être considéré que la demanderesse a été déliée de la clause litigieuse et que la préjudice dont elle demande réparation est inexistant.
Que le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Considérant que l'intimée qui succombe au principal supportra les dépens et indemnisera l'appelante des frais exposés dans la cause à concurrence de la somme de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame X... de sa demande en paiement au titre de la clause de non concurrence.
L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SARL CENTR'HALLES à payer à Madame Florence X... les sommes suivantes :
-9070 euros à titre d'heures supplémentaires.
-907,08 euros au titre des congés payés afférents.
-2796,34 euros au titre du repos compensateur.
-832,61 euros au titre d'heures de nuit.
-83,26 euros au titre des congés payés afférents.
-10 780,08 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
-8500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.
-1786,68 à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis.
-178,86 euros au titre des congés payés afférents.
-1500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Condamne la SARL CENTR'HALLES aux dépens de l'instance.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,